Oldies But Goodies: Daring Mystery Comics #7 (1941) (2)

[FRENCH] Le Blue Diamond fait partie de ces héros de Timely/Marvel du Golden Age qui furent ramenés dans la continuité de l’éditeur dès les années 70 (et la création de la Liberty Legion, émanation secondaire des Invaders). En fait le personnage n’eut effectivement que deux apparitions en 1941, l’essentiel de sa carrière reposant sur des rajouts plus tardifs. Mais la plupart du temps les scénaristes s’intéressent peu aux origines de ce personnage très résistant, qui n’est sans rapport avec… Louis XIV ?

Comme nous avons pu le voir dans d’autres « Oldies But Goodies », une bonne partie de la stratégie de Marvel Comics dans les années 40 (à l’époque où l’éditeur adoptait plus volontiers le nom de Timely Comics) consistait à introduire des super-héros masqués sans lendemain. Bien sûr, les auteurs employés par Martin Goodman produirent un certain nombre de personnages durables comme Sub-Mariner, Human Torch, Captain America, The Angel, The Whizzer et d’autres. Mais certaines anthologies semblaient destinées à brasser des créations nouvelles sans se donner la peine de les installer dans la durée. Un personnage lancé dans Daring Mystery Comics, par exemple, avait déjà de la chance s’il pouvait atteindre deux ou trois apparitions de suite. L’idée était sans doute d’attirer le lecteur en lui promettant toujours des héros « neufs » plutôt que le dixième exploit d’un justicier déjà en place. Parfois cette existence éphémère était un bien : elle permettait d’oublier rapidement certains essais qui, il faut bien le dire, nageaient dans le ridicule (même pour les critères de l’époque). En d’autres occasions, ce renouvellement constant était exaspérant puisqu’il donnait l’impression que des personnages beaucoup plus viables s’en allaient sans que leurs créateurs aient pu avoir l’occasion d’entrer dans les détails. C’est le cas de Blue Diamond, héros lancé en avril 1941 dans Daring Mystery Comics #7, dont la genèse rapide cache plus de questions et de potentiel qu’on pourrait le croire.

Ce Blue Diamond est à la base la création du scénariste/dessinateur Ben Thompson. Sans être aussi emblématique qu’un Jack Kirby ou qu’un Bill Everett, Thompson eut une production intéressante chez Timely puisqu’il fut l’artiste initial de la version BD du Ka-Zar du Golden Age. Un mois après le Blue Diamond, il lancerait (toujours dans Daring Mystery Comics) le premier Citizen V qui aurait, à quelques décennies de distance, un impact déterminant sur la série Thunderbolts. Dans Daring Mystery Comics #7, Thompson nous présente donc le professeur Elton Morrow qui, participant à une expédition en Antarctique, découvre « une grande masse qui ressemble à un grand diamant… Il est bien plus grand que tout autre diamant découvert à ce jour et émet une grande brillance, un éclat bleu ! ». Une des première case de l’histoire nous montre ainsi Morrow en train de s’émerveiller de ce qui est la plus grande découverte de l’expédition tandis qu’un de ses partenaires sort le diamant qui n’en est pas vraiment un de la glace. Que fait un diamant de cette taille à quelque centimètres sous le sol ? Rien ne l’explique réellement. On notera cependant que si l’Antarctique n’est pas vraiment connu pour ses diamants de grande taille on a commencé à y remarquer, dans le courant du XX° siècle des météorites… Quand à savoir si Ben Thompson veut déjà insinuer que ce « diamant » est en fait une pierre tombée du ciel, c’est difficile à dire. La vision d’un diamant plus gros qu’une tête soulevé d’un simple coup de pelle semble cependant assez peu naturelle…

Quelques jours plus tard l’expédition prépare son retour, à bord du bateau qui va la ramener vers les états-unis. Le capitaine du navire, curieux, questionne Morrow : « Que pensez-vous que soit ce gros rocher, professeur ? ». L’autre rétorque que c’est bien un diamant (contredisant l’approche du narrateur, qui disait que la pierre ne faisait que ressembler à un diamant) mais d’une taille jamais rencontrée à ce jour. Et Morrow d’expliquer un fait étrange : « Même la nuit, enfermé dans un coffre en bois, la pierre émet une lumière bleue qui traverse les planches ! ». Chez de nombreux scientifiques cet fait éveillerait des craintes de radiations ou tout au moins d’exposition à une énergie inconnue, voire dangereuse, mais Morrow n’a pas l’air de prendre cette éventualité en compte. D’autant que le fait qu’il ait pu faire cette observation de nuit laisse entendre qu’il dort peut-être dans la pièce où est entreposé le coffre en question. Et qu’il est donc peut-être en train de s’exposer à quelque chose qu’il ne maîtrise pas. Pourtant le retour vers l’Amérique se poursuit pendant quelques semaines sans problème notable. Jusqu’au jour où les marins remarquent un sous-marin qui approche. Et dans les comics des années 40, ce type de rencontre est rarement amical…

C’est, comme de bien entendu, un nazi. Et, comme de bien entendu, le nazi tire avant de poser des questions. Les américains décident d’abandonner le navire mais Morrow saute à la mer en portant la caisse qui contient le diamant géant. Il n’est pas décidé à laisser derrière lui sa découverte. Heureusement le coffret, scellé hermétiquement, flotte à la surface. Morrow peut alors tenter de trouver refuge en s’accrochant à un bout de canot de sauvetage. A l’époque, qu’un bâtiment allemand puisse s’en prendre à un navire américain n’était pas si impossible que ça puisque les USA, sans avoir pris parti officiellement dans la seconde guerre mondiale, faisaient commerce avec les adversaires du Reich. On peut penser qu’un aurait tenté d’intercepter un bateau américain soupçonné de faire commerce avec l’Europe. Mais dans le cas qui nous intéresse ça n’a guère de sens car le bateau de l’expédition rentre de l’Antarctique et se dirige vers les USA. Il ne va pas dans la direction qui irriterait les nazis. Pourquoi, également, les nazis s’attaqueraient en 1941 à ce navire américain plutôt qu’à un autre. La réponse tient sans doute au fait que les nazis sont méchants. En mars 1941, Timely était entré de plain-pied dans la lutte contre les nazis en osant montrer Captain America en train de casser la figure à Hitler. Les auteurs pouvaient donc utiliser les allemands comme croque-mitaines sans se donner la peine de chercher un sens à leurs actions. Ceci dit, Ben Thompson prend une option réaliste dans son récit. Les nazis ont frappés, certes, mais ne tiennent pas à ce que leur attaque soit révélée. Du haut de la tourelle du ils tirent donc sur les survivants américains, bien décidés à ne laisser aucun témoin. Ils ne manquent pas de prendre pour cible Morrow. Le bout de canot explose, la caisse qui contenait le diamant aussi… La pierre elle-même vole en éclats. Le corps de Morrow est traversé par des fragments. Blessé, il disparaît sous l’eau.

La malchance apparente qui fait que l’expédition est attaquée est sans doute à relier avec ce gros diamant bleu, dont le nom (et par conséquent celui du héros) ne doit rien au hasard. Les diamants bleus ne sont pas rares mais quand on parle du Diamant Bleu au singulier, on évoque le plus souvent une pierre en particulier, découverte en Inde au 17° siècle puis vendue à Louis XIV. Retaillé, le diamant devint connu sous le nom du Diamant Bleu de France ou, à l’occasion, comme simple « Bleu de France ». La pierre resta dans la famille royale pendant quelques générations. Elle y était encore au moment de la Révolution Française, où elle faisait partie d’un pendant. Au dix-neuvième siècle il semble que la pierre refit surface en Angleterre et devint la possession de la famille Hope, d’où le nom de « diamant Hope ». Passant de main en main, le diamant allait arriver aux USA au début du vingtième siècle. La presse allait alors faire naître une sorte de légende urbaine qui voulait que toute personne ayant été propriétaire du diamant Hope avait trouvé la mort de façon horrible. Posséder le « diamant bleu » était s’exposer à une malédiction mystérieuse. En tout cas c’est ainsi que le diamant Hope ou le « Blue Diamond » devint connu médiatiquement. Elton Morrow, ayant découvert un diamant bleu géant, ne pouvait donc que connaître un sort funeste. D’ailleurs les BD ou le cinéma s’engouffrèrent dans la brèche pour utiliser le Hope ou des diamants manifestement dérivés lors de circonstances catastrophiques. Il est intéressant (et ironique) de noter qu’en 1943 (deux ans après la parution de Daring Mystery Comics #7) un film allemand ( réalisé par Werner Klingler et Herbert Selpin) relata le naufrage du Titanic en y mêlant une histoire de joyau bleu. Herbert Selpin, le réalisateur original, fut dénoncé par Werner Klingler à la Gestapo et se suicida quelques heures plus tard. Une autre victime de la malédiction du diamant bleu, aurait presque pu clamer la presse américaine. Dans le film Titanic de 1997 (la version de James Cameron) un autre diamant bleu, le « Coeur de l’Océan », occupe une place de choix (et on ne manque pas nous dire la pierre fit partie des joyaux de la couronne française, ce qui fait le lien avec le Hope). De là à croire que la présence d’un diamant bleu est le gage de malchance qui provoque le naufrage… Bien sûr en 1941 Ben Thompson n’a aucune idée (comme pourrait-il ?) de ce que Selpin ou Cameron vont mettre dans leurs films respectifs. Mais il y a clairement un cheminement commun, le même rebondissement sur la réputation sulfureuse du ou des diamant(s) bleu(s). La situation d’Elton Morrow a donc diverses raisons d’être similaire à celle de Jack Dawson dans le film de Cameron. Et d’abord, les origines du « Bleu de France » étant tellement floues, ne pouvait-il pas être un fragment du diamant de Morrow ?

Heureusement pour Morrow un autre membre de l’expédition qui nageait non loin de là, l’aperçoit, plonge le récupérer et le maintient la tête hors de l’eau, tout en réalisant que les nazis peuvent les achever d’un instant à l’autre. Coup de chance : à ce moment là un hydravion anglais aperçoit le anglais et le bombarde. Bientôt le nazi explose et les pilotes anglais remarquent deux hommes dans l’eau : Morrow et son sauveur. Les aviateurs recueillent les deux survivants et les déposent sur un bateau américain. C’est à bord que Morrow reprend conscience. En convalescence, le docteur lui explique ce qui lui est arrivé : « Vous avez été frappé par un projectile ! La chose étrange c’est qu’il n’y avait aucun fragment de munition dans votre corps… Mais nous avons retiré plusieurs éclats de pierre ! ». Des pierres ? Morrow comprend que le diamant géant, en explosant, a du être réduit en morceaux qui se sont incrustés dans son corps. Mais le docteur lui explique qu’une partie de ces morceaux n’ont pu être retirés : « Un grand éclat s’est incrusté à la base de votre crâne… J’ai peur qu’une tentative de le retirer vous serait fatale ! ». Philosophe, Morrow réponds à son médecin : « Et bien, j’imagine que ça n’arrive pas à tout le monde de se faire torpiller et de finir comme une monture pour diamant ! ».

Revenu aux USA, Elton Morrow reprend rapidement son activité à l’université qui l’emploie. On a ainsi l’occasion de le voir en vêtements de ville et il ne fait pas de doute que Morrow (personnage brun qui porte des lunettes et un costume bleu) est directement inspiré de Clark Kent (alter ego de Superman) tant les deux héros se ressemblent. Morrow est très déçu d’avoir perdu son gros diamant mais il lui reste les fragments qu’on lui a retiré du corps… sans parler de ceux qui sont encore incrustés dans sa carcasse. Néanmoins Morrow note quelques effets secondaires de son accident. Il a l’impression d’avoir perdu la capacité de ressentir la douleur. En guise de test, il se donne même de violents coups de règle sur les mains… sans aucune douleur ! Par précaution Morrow va voir son médecin généraliste qui lui révèle une évidence : « Ma théorie est que, d’une façon étrange, ces fragments de diamant dans votre corps provoquent une certaine dureté ». A nouveau philosophe, comme les médecins lui confirment qu’on ne peut retirer les pierres de son corps, Morrow s’en va en se disant « J’imagine que je devrais me faire à l’idée d’être un mec dur ! ». Rien ne dit par contre si les pierres bleues disséminées dans le corps du héros ont gardé l’étrange rayonnement nocturne que le diamant géant émettait à travers le coffre quelques semaines plus tôt…

Morrow reprend donc son travail dans son laboratoire. Et quelques jours plus tard, il montre à son assistant qu’il est enfin arrivé à ses fins ! Il a fait ce qu’il a toujours voulu ! Il a créé des diamants : « Pendant des années j’ai essayé de produire des diamants synthétiques sans succès… Maintenant je l’ai fait… Et ils sont bleus ! Tout comme le diamant que j’ai trouvé près du Pôle Sud ! ». Et là il faut nous arrêter quelques instants pour étudier cet étrange enchaînement d’événements. Car le fait que Morrow trouve un diamant bleu et arrive, quelques temps plus tard, à créer des diamants bleus est certes un peu gros mais enfin ce n’est pas plus gros, comme coïncidence, que certaines autres choses vues dans les comics ou dans les films de la même période. Non, ce qui intrigue c’est le métier même d’Elton Morrow. Car si vraiment le champ de recherches de ce professeur concerne la création de diamants synthétiques, on peut se demander ce qu’il faisait plus tôt dans l’Antarctique et ce qu’il y cherchait. La découverte du gros diamant bleu étant fortuite, qu’allait donc faire là bas un professeur d’université ? Rien ne l’explique…

De plus, alors que la création de diamants synthétiques est une toute autre affaire et que Morrow devrait donc ne penser qu’à ça, il s’interrompt et dit « Je me demande… est-ce que ces particules de diamant dans mon corps pourraient m’avoir donné d’étranges pouvoirs surhumains ? ». On comprendrait qu’il se soit posé la question au moment du test de la règle mais pourquoi maintenant, alors que les choses n’ont plus rien à voir avec son corps ? Ou bien les événements seraient liés mais le scénario n’arriverait pas à l’exprimer ? Les diamants synthétiques que Morrow vient de créer seraient-ils des « doubles » de ceux qui ont été extraits de son corps ? Rien ne le précise. Mais le même jour un autre événement étrange se produit. Alors qu’il rentre chez lui, Morrow aperçoit un camion fou qui roule vers un enfant, qu’il va sans doute renverser. Morrow agît par réflexe et se précipite au milieu de la rue pour tenter de pousser le bambin hors de la trajectoire de l’engin. Bien qu’il sauve le garçon, il n’est cependant pas assez rapide pour éviter le camion. Mais c’est là que ses étranges capacités jouent pour lui : insensible, il n’a pas senti le choc. Morrow s’en va sans rien demander de plus. Mais le conducteur du véhicule est surpris quand il inspecte l’avant du camion, totalement détruit. Morrow a été plus solide ! On notera que l’événement aussi nous ramène à Clark Kent/Superman puisque son premier exploit, sur la couverture d’Action Comics #1, était de s’attaquer à une voiture. Cette découverte d’indestructibilité, mesurée par un impact sur un camion, semble donc aussi évoquer la filiation entre les personnages.

Continuant son chemin, Morrow s’explique facilement que « ces particules de diamant doivent être responsables pour cet étrange phénomène ! Je vais tester mon poing sur cet arbre ! ». Et évidemment la force d’Elton est herculéenne. Il détruit l’arbre d’un coup (et est donc obligé de dédommager le propriétaire avant de reprendre son chemin). Passe encore que les fragments de diamants aient endommagé ses terminaisons nerveuses (supprimant toute impression de douleur). Qu’ils génèrent une indestructibilité et une force supérieure, c’est autre chose. D’ailleurs on remarquera que le grand diamant lui-même n’était pas indestructible puisqu’il a explosé en morceaux. Il y a donc un facteur inconnu (en tout cas inconnu à l’époque) à l’oeuvre.

Ce soir-là Morrow retourne travailler à son labo et aperçoit, par la fenêtre, qu’une lampe-torche est allumée dans le proche musée. Le professeur se dit qu’à cette heure là il ne devrait plus y avoir personne et, vaguement inquiet, va voir ce qui se passe. Son statut d’universitaire lui vaut d’avoir un double des clefs du dit musée. Il rentre donc sans problème mais surprend deux cambrioleurs en train de piller l’endroit. Sans hésitation, l’un des malfrats lui tire dessus mais Morrow ne se laisse pas démonter : « Tu vas avoir une surprise, l’ami ! ». En fait Elton Morrow est tout simplement à l’épreuve des balles, grâce à sa dureté spectaculaire. Les gangsters sont passablement surpris. Et comme en plus d’être indestructible Elton Morrow est aussi très fort, il assomme rapidement les deux inconnus : « Un petit tour à la prison vous apprendra à ne pas cambrioler les musées ! ».

Puis Morrow téléphone à la police sans s’identifier pour leur signaler que deux voleurs les attendent, enfermés dans un placard du musée. Pourquoi ne pas donner son nom ? Parce qu’une idée vient de germer dans l’esprit du professeur : « Avec mes pouvoirs… La grande dureté de mon corps et la possibilité d’absorber n’importe quel choc sans douleur… Je peux livrer à moi tout seul une guerre contre le crime ! ». Quelques jours plus tard le professeur Morrow porte pour la première fois le costume du Blue Diamond : « Habillé comme cela, je deviendrais l’ennemi du crime. Personne ne soupçonnera qui je suis réellement. Pour le public je continuerais d’être le professeur Morrow ! Mais pour les criminels je serais connu et craint sous le nom de BLUE DIAMOND ! ». L’ennui c’est que ce cher Elton n’a pas jugé utile d’équiper son costume d’un masque. Il a bien une cagoule mais elle ne recouvre pas son visage ! Encore que… quand il est le Blue Diamond il ne porte pas ses lunettes et là encore sans doute que le procédé qui est valable pour Superman (personne ne réalise qu’il est Clark Kent sans ses lunettes) est là aussi à l’oeuvre. Encore un point commun avec le super-héros majeur de DC Comics. Il y a aussi un problème qui tient à l’origine même du Blue Diamond. Elton Morrow est un universitaire qui a découvert ce qu’il considère comme le plus gros diamant à ce jour. Il est certain que, même si le diamant a été détruit en mer, il a fait une communication scientifique à ce jour. Et le cas médical d’un homme vivant avec un diamant incrusté à la base du crâne a du lui aussi attirer les médias. Bref, il parait peu probable que le fait qu’Elton Morrow a des diamants bleus plein le corps soit resté un secret. Même son médecin généraliste sait qu’Elton est de plus en plus « dur » et indestructible. Dans ces conditions l’apparition d’un héros (déguisé mais même pas masqué) se faisant appeler le Diamant Bleu devrait normalement attirer des soupçons. D’autant que le commun des mortels ne saurait deviner que le super-héros tient ses pouvoirs d’un diamant bleu s’il ne le disait pas lui-même dans son nom… Il faut dire que la série ne comportait pas réellement d’entourage, pas de « love interest » et qu’il n’y avait donc pas de chipie à la Lois Lane pour enquêter et chercher à prouver que Morrow et le Blue Diamond ne faisaient qu’un.

En dehors de ça, la carrière effective du Blue Diamond pendant les années 40 fut très courte puisqu’on ne le revit qu’une seule autre fois, dans Daring Mystery Comics #8 (1942), où il affronte un savant nazi qui fabrique des zombies. Il faudrait attendre avril 1976 (Marvel Premiere #29) pour le revoir. Roy Thomas l’utilisa effectivement comme l’un des membres de sa Liberty Legion, groupe existant rétroactivement pendant la seconde guerre mondiale, de manière annexe aux Invaders. Le raisonnement de Thomas était que si les Invaders (les « Envahisseurs » formés par Captain America, Bucky, Namor, Human Torch et Toro) s’attaquaient aux forces de l’Axe en Europe il fallait bien qu’un groupe ait défendu « à domicile » les Etats-Unis. La chose se tient encore plus que l’univers Timely/Marvel est plein de saboteurs nazis s’attaquant à des centaines d’usines à cette époque-là.

Dans la page éditoriale de Marvel Premiere #29, Roy Thomas explique d’ailleurs comment Blue Diamond ne fut intégré que de justesse dans la Liberty Legion: Thomas avait choisi les six premiers membres du groupe et cherchait un septième, par simple affection à ce chiffre, quand un de ses amis, Bobby Vann, lui suggéra de sortir le Blue Diamond de l’oubli. Roy Thomas accepta l’idée puisqu’elle apportait à l’équipe un membre qui pourrait jouer les gros bras. Ce ne fut pas sans quelques modifications ou ajouts. D’abord quand il raconte l’origine de Morrow, Thomas l’identifie comme seul survivant du navire (l’assistant qui le sauve a été effacé, sans doute pour simplifier ce passage). Ensuite le scénariste établi que Morrow était un professeur d’anthropologie travaillant pour un musée (sans doute celui qui manque d’être cambriolé dans Daring Mystery Comics #7). Ce qui rajoute un voile d’étrangeté sur les activités professionnelles de Morrow : pourquoi un anthropologue aurait-il cherché à créer des diamants artificiels ? En fait jamais plus une allusion ne sera faite à cette découverte (alors qu’étant fabriquant de diamants Morrow pourrait, par exemple, financer les activités de la Liberty Legion).

Enfin le dernier changement est le plus visible de tous : le costume du Blue Diamond comporte un masque. Il se trouve que la Liberty Legion comportait déjà plusieurs membres avec une cagoule comportant une descente en pointe sur le front (Miss America, le Whizzer, Thin Man et le Red Raven). Ce qui est ironique c’est que pendant le Golden Age, le Red Raven ne portait pas de cagoule et n’avait donc pas le même design. Le nouveau look du Red Raven datait d’une précédente apparition dans les pages de X-Men et voilà comment le Red Raven obligea le Blue Diamond à changer son costume. Dans le même ordre d’idées Roy Thomas n’aurait pas eu besoin de « muscle » pour son équipe puisque, techniquement, il en avait déjà : Dans les années 40 Miss America avait tout d’un Superman en jupon. Elle pouvait non seulement voler mais disposait d’une super-force (pouvoir que Roy Thomas préféra oublier ou tout au moins diminuer grandement). L’action de Marvel Premiere #29 se déroule au début de 1942, ce qui est relativement raccord avec la précédente apparition chronologique de Blue Diamond dans Daring Mystery Comics #8 mais Thomas préfère insister sur le fait que Morrow, occupé par ses activités d’anthropologue, est entré dans une semi-retraite super héroïque. Il n’en sort que suite à une attaque de nazis, la même nuit où il entend via la radio l’appel de Bucky qui va mener à la création de la Liberty Legion.

Aucune de ces apparitions modernes n’éclairera spécialement les bizarreries de son origine. La réponse sur la nature du gros diamant bleu viendra finalement d’une source inattendue puisqu’elle n’a, à la base, aucun rapport avec Blue Diamond ou la Liberty Legion. Dans les pages de la série Thunderbolts, le scénariste Fabian Nicieza révélera l’existence ancienne d’un groupe extra-terrestre nommé les Gardiens de la Galaxie, sorte de fédération constituée pour protéger l’univers. Les membres de ce groupe étaient associés à un certain nombre de joyaux cosmiques mais au fil du temps ces pierres furent disséminées dans l’espace. Un certain nombre d’entre elles échouèrent dans le système solaire. On compte parmi elles la gemme de Moonstone (membre des Thunderbolts), celle de Man-Wolf (John Jameson, le fils de l’irascible J.J. Jameson) et, vous l’aurez compris, le gros diamant qui est à la base des pouvoirs de Blue Diamond.

On peut compter à l’ère moderne un peu moins d’une vingtaine d’apparitions du Blue Diamond, la plupart en compagnie de la Liberty Legion (et donc dans des événements se déroulant pendant les années 40). Dans la série All-Winners Squad: Band of Heroes, on apprend qu’en parallèle de sa présence au sein de la Liberty Legion, il a fait partie d’une unité militaire principalement composée de super-héros. Sauf erreur, sa dernière apparition costumée pendant ce qui correspond au Golden Age est à l’occasion de l’enterrement d’Union Jack II (aux alentours de 1953) dans Citizen V & The V-Battalion: The Everlasting #1. Après, il semble que Morrow se soit retiré. Dans Marvel Two-In-One #79 (sa première apparition dans des exploits contemporains) il aide la Chose à combattre une extraterrestre nommée Shangra. Finalement cette dernière tombe amoureuse de lui et transforme son corps en une substance qui le fait ressembler à un diamant humanoïde. Sa dernière apparition contemporaine semble avoir été New Invaders #9, quand il assiste, aux côtés des Nouveaux Envahisseurs, aux obsèques de l’androïde Human Torch. Dans Avengers: The Initiative Annual #1 (2008) apparaît un groupe de jeunes héros nommés les Liberteens. Il s’agit d’une équipe dont la composition évoque une sorte de deuxième génération de la Liberty Legion, chaque héros du Golden Age ayant un équivalent moderne (sans qu’on sache réellement s’il s’agit d’héritiers directs des « légionnaires »). On y voit donc une jeune femme douée des mêmes pouvoirs que le Blue Diamant. On la voit également dans Avengers: The Initiative #18, sans qu’on puisse vraiment établir s’il s’agit d’une fille ou d’une petite fille d’Elton Morrow. Son nom de code est Hope, allusion au diamant Hope déjà mentionné et en quelque sorte synonyme de « Blue Diamond« .

[Xavier Fournier]
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