Oldies But Goodies: Doom Patrol Vol.2 #57 (Juil. 1992)

[FRENCH] Si Charles Xavier, le mentor des X-Men, a eu des moments assez noirs (Onslaught, Deadly Genesis) ce n’est rien à côté du Chef, autre leader en chaise roulante. Grant Morrison démasqua en 1992 cette tête pensante de la Doom Patrol comme l’une des pires raclures de DC, prêt à manipuler son équipe pour assouvir sa soif de puissance ou ses phantasmes.

Oh la jolie couverture que voilà. Normal, c’est du Simon Bisley (qui était à l’époque le cover-artist régulier de Doom Patrol). Mais qui est donc ce gnome grimaçant qui occupe l’image? Nul autre que le Chef, le leader charismatique et humaniste qui a fondé la Doom Patrol. Depuis des années, il recueille les phénomènes, les gens que leurs pouvoirs et leur apparence mettent en dehors de la société. Les X-Men et la Doom Patrol ayant commencé leur publication à quelques semaines (pour ne pas dire quelques jours) d’écart, le rapprochement est logique. D’autant que le Chef, comme le Professeur Xavier, est coincé dans une chaise roulante. Et comme le Prof X, le Chef a sa philosophie, basée sur un amour de la science et une acceptation des différences, mises au service du plus grand nombre. Il suffit de remplacer la notion de « mutants » chère aux X-Men par celle de « freaks », de monstres de foire que sont les membres de la Doom Patrol (fut un temps publiée en France sous le nom de « Patrouille Z », ce qui renforçait d’autant la ressemblance avec les mutants « X »). Et le Chef, surplombant tout ça, c’est un saint qui a sauvé tous ces handicapés (comme Robotman, réduit à l’état de cerveau désincarné) et leur a donné un but.

Oui, enfin ça, c’était jusqu’à la fin du numéro précédént (le #56). Le puissant Robotman rentrait au QG pour trouver un de ses co-équipiers mort sur le sol. Robotman découvrait alors la chaise roulante du Chef, renversée à terre. Et Robotman, bien sûr, s’inquiétait pour son bienfaiteur. Avant de le découvrir sur le seuil de la porte, marchant sur ses deux jambes et portant en main le pistolet qui, selon toute vraisemblance, venait de tuer la victime. Cut. Tout ça nous amène à Doom Patrol #57, scénarisé par Grant Morrison et dessiné par Richard Case.

Robotman est toujours là, incrédule. Son ami Josh est mort et le Chef, contre toute attente, marche. Le vieil homme, lui, ne s’en étonne pas et explique que ça fait un moment qu’il n’avait plus besoin de cette chaise. Robotman est sous le coup et, comme par automatisme, suit son leader dans un labo ou le Chef, peu préoccupé par le sort de Josh, présente alors à l’autre héros sa plus grande réussite: une piscine qu’il nomme le Think Tank. Cette eau est en fait remplie de nano-machines capables de tout créer ou tout détruire. C’est, je crois, l’une des premières références aux nano-machines/nannites dans les comics alors qu’elles sont par la suite devenues beaucoup plus répandues. Avec ça, le Chef a pour ainsi dire un pouvoir total sur la réalité telle que nous la connaissons. D’ailleurs il s’en sert… pour se fabriquer une barre de chocolat. Mais, si ces machines peuvent vraiment tout faire, Robotman théorise qu’ils pourraient s’en servir pour ramener à la vie son ami décédé. Le Chef lui dit que oui mais poursuit en expliquant que ce ne serait pas une bonne idée. C’est en effet bien lui qui a tué Josh, comme le lecteur commençait à s’en douter fortement tandis que Robotman, lui, était incapable d’arriver à cette conclusion. Le Chef explique alors que Josh était sur le point de découvrir ce qu’il tramait..

Mais non, Josh était venu simplement demander de l’aide au sujet d’une co-équipière, Dorothy, victime d’une sorte de possession démoniaque. Personne ne soupçonnait que le Chef avait un plan caché. L’assassin a alors comme un haussement d’épaule « Oh, et bien j’ai fait une erreur. Ce n’est pas grâve, ces choses arrivent… ». Cette fois s’en est trop pour Robotman qui saute sur son ex-mentor… mais reste figé en l’air. Le Chef avait tout prévu, il a une télécommande qui lui permet de « bloquer » le héros. Et maintenant c’est l’heure des explications…

En fait le Chef n’a jamais été le héros qu’il prétendait. Pire, même, depuis le début il était intéressé par la possibilité de créer des accidentés de la nature. C’est lui même qui a provoqué en toute connaissance de cause les accidents qui ont fait de Robotman, Negative Man et Elasti-Girl des monstres. Il avoue qu’il a simplement lu des interviews d’eux dans la presse et les a détesté pour leur réussite et leur côté arrogant. Il a fait exprès de les casser et détaille même avec une pointe de sadisme comment il a pris plaisir à humilier Elasti-Girl parce qu’il voulait simplement avoir la sensation d’avoir une belle femme à ses pieds. En quelques pages, ce sont des années d’histoire de l’équipe qui s’écroule. Leur modèle était en fait leur pire ennemi, leur tourmenteur. C’est un peu comme si le Prof X avouait qu’il a toujours été pire que Magneto… Et si le Chef explique tout ceci à un Robotman paralysé, c’est que tout ça n’a plus d’importance. Pendant sa démonstration il a commençé à démonter le couvercle du corps robotique.

Mais arrive alors un imprévu de taille: le Chef est attaqué par une entité démoniaque, le « Faiseur de Cierges » tandis que Robotman, figé, est bien incapable de venir à son secours (en admettant qu’il le veuille). Le « Faiseur de Cierges » tue alors le Chef et le décapite. Puis il s’empare du cerveau sans défense de Robotman, le jette à terre et l’écrabouille. Le Faiseur de Cierges reste seul avec la piscine « Think Tank » qui lui permettra de refaire le monde à son image (ce qui ne présage rien de bon). En un épisode, Grant Morrison vient de démolir tout en ce que croyait l’équipe et ses deux membres emblématiques, le Chef et Robotman, viennent de perdre la vie. Un véritable coup de pied dans la fourmilière. Bien sûr, la Doom Patrol trouvera dans les épisodes suivants le moyen de se sortir de ce très mauvais pas (même le Chef reviendra, réduit à l’état de tête flottant dans un bocal et rebaptisé fort logiquement The Head) mais cet épisode restera marquant. La pertinence de ce passé reste incertaine dans l’univers DC moderne (post-Infinite Crisis) puisque le Chef est à nouveau dans son fauteuil. Mais les traits de caractère introduits dans ce numéro, la nature calculatrice, immorale, du personnage sont encore présents dans son incarnation moderne. Depuis ce jour, décapité ou pas, le Chef n’a plus rien d’un enfant de choeur…

[Xavier Fournier]
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