L’action commence dans le bureau du Président de la planète Terre, quelque part dans la capitale du monde (qui se trouve être New York City). Son assistant l’informe l’élu qu’un croiseur de l’espace vient de se poser et le Président s’en réjouit. Le vaisseau amène l’agent secret Sperling, dont on attend le rapport avec impatience. Mais soudainement une créature inhumaine, simiesque, s’introduit dans la pièce. L’assistant manque de tirer sur ce monstre singulier mais le président l’en empêche. Il pense que le monstre n’est autre que l’agent Sperling. Trop tard. La créature s’écroule à leurs pieds, confirmant dans son dernier râle qu’elle est bien Sperling… « Le Space Emperor, sur Jupiter… Il a fait ça !« . Le président se retourne vers son assistant et explique « Je l’ai reconnu… Il a quitté la Terre comme un homme et le voici qui y revient comme une bête !« . Or, la mission de Sperling était justement d’aller voir de plus près si, comme la rumeur le prétendait, quelque chose était sur le point d’exterminer les colonies sur Jupiter. Avec un espion transformé en monstre méconnaissable, le doute n’est plus de mise…
Le Président leur fait alors lire le dernier rapport de l’agent Sperling : « J‘essaie de revenir sur Terre pour faire mon rapport mais je suis en train de me transformer en bête. Tous les hommes de la Terre présents sur Jupiter sont frappés par une étrange épidémie. Mon esprit se dissipe… Je pense comme une bête… Maintenant… Je…« . Puis la phrase s’arrête net. Immédiatement le Major Mars et Crag redécollent. Cette fois ils prennent la direction de Jupiter où ils comptent bien découvrir ce qui change les hommes en monstres. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu. Très vite ils sont rattrapés par un autre véhicule. Un vaisseau de combat noir qui commence à leur tirer dessus à coup de lasers. Mars ordonne alors à Crag d’utiliser les rayons au Proton pour les défendre. Le robot étant visiblement un tireur hors pair, il a vite fait de riposter et de toucher le vaisseau noir. Leur adversaire s’écrase sur le sol de Jupiter (oui, je sais, vous et moi savons bien que Jupiter est une planète gazeuse mais personne n’avait prévenu l’auteur) et les deux héros se lancent à sa poursuite. Ils se posent près de lui, dans un paysage dévasté qui n’a absolument rien de « gazeux ». Mieux : le Major Mars ne se contente pas de marcher à la surface de la planète : il en respire l’atmosphère sans le moindre problème ! Mais comment pénétrer dans le vaisseau ennemi ? Facile : les doigts de Crag sont amovibles et peuvent être remplacés par divers accessoires. Dans le cas présent, il installe au bout de ses mains avec des mini-perçeuses qui s’attaquent au blindage du vaisseau.
Rapidement le robot répond à l’appel à l’aide de son créateur. Il remplace les perceuses qu’il avait au bout des doigts par des chalumeau. Avec des flammes incandescentes qui lui sortent des mains, une fois arrivé devant le mur de la prison Crag a tôt fait de pratiquer une ouverture par laquelle Mars et Joan ont tôt fait de s’évader. Les monstres, tenus en respect par l’imposant Crag, ne peuvent les suivre. Mais très vite il apparaît que Joan ne compte pas participer au reste de l’aventure : « Je suis responsable de l’hôpital dans les mines de radium et doit y reprendre mon service » explique la fille du gouverneur. On en déduira que le bikini et la cape sont la tenue habituelle d’une infirmière du quatrième millénaire…
Immédiatement le Major Mars se rend aux mines de radium, où les Joviens travaillent sous la supervision de terriens. L’histoire montre clairement qu’elle a été écrite quand la colonisation « classique » était encore à l’œuvre et qu’elle était jugée naturelle par les occidentaux. Aucune explication de la révolte des Joviens n’est réellement donnée. Le Major Mars ne s’intéresse pas à leur point de vue. Alors que si on s’en tient à cette présentation des mines de radium il apparaît bien que les Joviens sont pour ainsi dire réduits en esclavage et on comprendra donc mieux qu’ils n’apprécient pas vraiment la situation. Arrivé aux mines, le Major Mars se comporte bizarrement et commence à « zapper » les sentinelles humaines pour mieux pouvoir s’introduire dans les cavernes. Peut-être ces sentinelles sont-elles des complices des Joviens mais rien dans l’histoire ne nous le dit à ce point et l’agressivité de Mars envers elles reste sans justification à ce point. En progressant dans les mines, Mars ne tarde pas à tomber sur un rassemblement massif de Joviens, armés de fusils lasers : « une violation de toutes les lois planétaires ! ». Caché derrière un rocher, le Major Mars n’est pas franchement réjouit par la scène « Avec ces armes ils vont se rebeller et repousser la colonie terrestre dans l’espace ! ».
A ce moment, le Major Mars surprend une sentinelle humaine en train d’informer (sans doute par radio) le Space Emperor que toutes les troupes sont armées. Bon, ça va. Le Major Mars avait donc raison de tirer sur les gardes humains en arrivant près de la mine (bien qu’on ne saura jamais pourquoi et comment il a pu le deviner). Mars saute sur l’homme et le force à parler. Mais les raisons des humains pour se plier aux ordres du Space Emperor deviennent plus compréhensible : « Nous sommes forcés d’obéir au Space Emperor ou il nous changera en singes ! Il possède la ceinture magique des Anciens, une super-race qui vivait sur Jupiter il y a des lustres de cela. Cette ceinture lui donne des pouvoirs surhumains ! ». Avant d’attacher l’homme dans un coin, le Major Mars lui arrache un dernier renseignement : personne ne sait qui est le Space Emperor mais il tiendra un « meeting » devant les Joviens ce soir, dans la Vallée Sacrée !
Le héros se glisse à côté de l’humaine pour la libérer de ses chaînes et la rassure en lui expliquant que, même si elle ne peut le voir, il est bien là pour la protéger. Mais l’invisibilité du Major Mars est de courte durée. Il redevient déjà visible alors qu’il est là, à côté de Joan, encerclé par des Joviens qui se précipitent aussitôt sur cet « espion terrestre » qui vient d’apparaître devant eux. Le Space Emperor est triomphant : « Et maintenant, Major, une fois que tu seras mort je ne pourrais échouer ! ». Brave même dans ces conditions, Mars le toise : « Je ne suis pas encore mort ! ».
Qu’à cela ne tienne. C’est quelque chose qui peut être réglé très vite. Les joviens emmènent Mars et Joan jusqu’au château du Space Emperor (celui qu’on a vu plus tôt dans l’épisode). Là, les deux humains sont enfermés dans une pièce dont l’entrée est rapidement scellée. Mars se lamente « Si seulement je pouvais appeler Crag ! Mais ils m’ont pris ma télévision portable ! ». Le pire reste pourtant à venir. S’ils ont scellés Joan et le Major dans la pièce, ce n’est pas simplement pour qu’ils manquent d’air au bout d’un moment. Un panneau s’ouvre, laissant entre un des monstres simiesques. Cette fois ils sont coincés et Joan panique : « Tu ne peux le combattre, il est trop fort ! ». Un combat perdu d’avance ? Oui mais cela ne suffit pas à faire reculer le Major Mars. Un corps à corps s’instaure (entre Mars et le monstre, pas entre Mars et Joan !) et il semble bien que le héros ait le dessous. Heureusement Mars avait gardé un tour en réserve : il avait sur lui la seringue hypodermique qui contient le remède à cette étrange mutation (ne me demandez pas pourquoi les Joviens, qui ont pensé à lui retirer son bracelet-télévision, ne l’ont pas fouillé entièrement de manière à lui retirer également la seringue). Il arrive à piquer le monstre qui, en quelques instants, redevient humain. C’est l’homme qui avait aidé Mars à pénétrer dans le château un peu plus tôt : « Je me souviens de m’être lentement transformé en bête. C’était horrible ! L’Emperor a découvert les secrets des Anciens. Ils le rendent tout-puissant ! ». Mais de sa période « monstrueuse » l’homme garde quelques souvenirs : « Son Q.G. est dans une caverne en dessous de la Montagne du Feu. Il m’a trouvé là et transformé en singe ! ».
Le Major Mars, Joan et l’homme s’enfuient à travers le conduit qui a amené le monstre dans leur cellule. Hors écran, Ils sont rejoints par Crag. Ce dernier et Mars s’envolent bientôt à bord d’un vaisseau qui n’est pas le leur (pour ne pas être reconnu), se dirigeant vers la Montagne du Feu, identifiée comme « un autre accident de la nature sur Jupiter ». Il s’agit effectivement d’une grande montagne plantée au milieu d’un lac de lave. Un lac si chaud qu’il faut même le survoler à pleine vitesse de peur que les parois du vaisseau se mettent à fondre ! A l’intérieur de la montagne les héros ne tardent à tomber sur le véhicule du Space Emperor… Que le Major Mars sabote à coups de lasers « Il ne pourra pas s’échapper cette fois-ci ! ». Mais alors que l’aventurier continue d’explorer le Q.G. de son adversaire, Crag le prévient que quelqu’un s’est emparé de leur propre fusée (visiblement les antivols ou les codes numériques n’existent pas au 4ème millénaire et les gens peuvent s’emparer de n’importe quel vaisseau comme s’il s’agissait d’une vulgaire deux chevaux). Le Space Emperor s’en va donc en laissant Mars et Crag prisonniers de la Montagne du Feu. A leur attention il s’écrie : « J’étais invisible quand je vous suis passé devant. Sans vaisseau vous ne pourrez quitter la caverne ! La fumée de la lave est empoisonnée ! ». On comprendra donc que le Space Emperor peut lui aussi se rendre invisible, comme le Major Mars, et que tous les deux utilisent peut-être une seule et même technologie. Mars et Crag ne sont pas seulement coincés dans la caverne… Ils courent un risque encore plus immédiat : avant de partir le Space Emperor a inversé le courant de la lave, qui s’écoule maintenant à l’intérieur de la caverne.
Une fois le sauvetage effectué, le Major Mars retourne jusqu’à la colonie terrestre. Là, Joan le prévient que le Space Emperor et une armée de Joviens sont en train de marcher vers les Terriens. Le soulèvement tant craint est là ! Utilisant leurs ceintures à gravité, Mars et Crag s’élancent à la rencontre des forces ennemis. « Il va raser la colonie terrestre ! » s’exclame le Major Mars. « Pas si je lui met la main dessus en premier, Maître » rétorque Crag, capable de parler comme une sorte de boxeur revanchard et pas forcément comme une froide machine. Mais en fait l’issue de la bataille ne dépend pas de Crag. Profitant du fait qu’il peut voler, le Major Mars tombe comme s’il était un oiseau de proie sur le Space Emperor et lui arrache sa propre ceinture, celle qui vient des Anciens. Du coup, le Space Emperor est privé de ses superpouvoirs (en particulier l’intangibilité et sans doute l’invisibilité). Qu’à cela ne tienne : Le Space Emperor cachait un pistolet laser dans sa manche et compte bien l’utiliser contre Mars. Peine perdue : Mars arrive à le sonner d’un coup de poing. Mais reste l’armée jovienne, fidèle à son leader : « L’Emperor n’est pas mortel ! Il fait partie des Anciens ! Mort aux hommes de la Terre ! ».
Jupiter connaît à nouveau la paix. Bien sûr le Major Mars ne s’est pas intéressé un seul instant au sort des Joviens et aux conditions de travail dans les mines. Et encore moins au fait que les Terriens n’ont rien à faire sur cette planète qui n’est pas la leur et qu’ils exploitent sans l’accord des autochtones. Cela ne fait décidément pas partie des considérations « politiquement correctes » de l’époque. Après une brève étreinte, le Major Mars explique qu’il doit retourner sur la Lune en attendant le prochain signal lumineux (vous vous souvenez ? Celui qui est émis depuis le pôle), promesse de futures aventures… En fait, la carrière du Major Mars n’irait guère plus loin. On ne le reverrait plus… En tout cas pas dans les comic-books et pas sous ce nom. Ailleurs ? Ah! Ailleurs c’est une autre histoire. Ou plutôt non : c’est la même histoire mais avec un héros différent…
Tout ça est bien gentil me direz-vous mais n’explique pas comment dès1940 le Captain Future originel pu apparaître sous le nom de Major Mars dans Exciting Comics #1. Bien sûr, le premier réflexe est de penser qu’il s’agit d’une adaptation clandestine (le changement de nom s’expliquerait alors comme une tentative de cacher l’identité du modèle). Mais non : Le pulp de Captain Future et Exciting Comics appartenaient à un seul éditeur (Better Publications publiait aussi bien des livres que des BD). Pourquoi, dans ces conditions, craindre d’adapter le héros sous son nom d’origine ? D’autant que dans une autre de ses revues Better allait publier les aventures d’un super-héros qui n’avait rien à voir mais qui s’appelait, lui, Captain Future… La seule raison logique est que l’éditeur ait voulu brouiller les cartes envers les auteurs (probablement Hamilton). On l’a vu tout à l’heure, le vrai Captain Future était le fruit d’une idée de Mort Weisinger, perfectionnée par un collègue nommé Leo Margulies et détaillée par la suite par le scénariste Edmond Hamilton. Il est fort possible que l’idée de dissocier le personnage de son nom pour en faire deux concepts sous forme de BD était une manière d’éviter toute réaction de la part du scénariste. En gros Better pouvait profiter du nom de Captain Future avec un personnage qui n’avait rien à voir avec les écrits d’Hamilton (pour lequel il ne pouvait demander de royautés) et par ailleurs de Curt Newton mais sous un nom qui le dissimulait pour les mêmes raisons.
On notera que le nom « Major Mars » ne vient pas totalement de nulle part et qu’il découle d’une certaine logique. Dans le pulp consacré au Captain Future le courrier des lecteurs était animé par un personnage nommé le « Sergeant Saturn »… Toute aussi étrange est le peu de longévité de Major Mars dans les comics. Dès le numéro suivant il avait disparu des pages d’Exciting, remplacé finalement par un strip nommé les Space Rovers (comme par hasard dessiné par le même artiste que Major Mars, Max Plaisted), dans lequel le héros principal a cependant un certain air de famille avec le Major. La carrière de Captain Future dans les romans, elle, durerait des décennies (même s’il y eu quelques interruptions), y compris dans de nombreux pastiches, mais sans jamais repasser véritablement par la case « comics ».
En 2010, cependant, l’éditeur Moonstone a fait part de son intention de publier des BD consacrées à Captain Future et à ses Futuremen. L’état d’esprit régnant dans ses aventures littéraires étant tellement semblable à celui des comic-books, on ne peut que se demander pourquoi il aura fallu attendre 70 ans pour que Curt Newton arrive, sous son vrai nom, sur ce support. Le paradoxe ? Comme le Major Mars est resté tout ce temps sans être utilisé et que Better n’a pas trouvé bon de le protéger, ce personnage là est, lui, tombé dans le domaine public américain (tandis que son robot, Crag, ne l’est sans doute pas). De là à ce qu’un autre éditeur ramène un jour Mars pour concurrencer Captain Future…
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