Oldies But Goodies: Feature Comics #48 (1941)

[FRENCH] Wonder Woman, Miss America et quelques autres du même genre ? Elles ne sont que de pâles imitatrices, précédées de plusieurs mois par une patriote costumée tout simplement nommée… USA. Habillée dans le drapeau américain, la dame n’avait même pas copié sur Captain America (elle et lui sont parus pour la première fois le même mois, en mars 1941). Cette héroïne lancée chez Quality Comics avait de quoi avoir une belle carrière devant elle. En septembre 1941, elle était presque déjà une vétérante et, en tout état de cause, la seule héroïne masquée récurrente. Hélas en septembre 1941, elle était loin de se douter qu’elle vivait sa dernière aventure…

Une petite présentation s’impose sans doute. Qui est USA et quelles sont ses origines ? Sa première apparition (dans Feature Comics #42, en mars 1941, donc) en fait une sorte de spectre patriotique. A la base il s’agissait d’une enfant qui, des décennies plus tôt, était présente quand le premier drapeau américain fut cousu. Parce qu’elle avait été sage pendant que la couturière travaillait, on lui offrit une broche contenant quelques fibres de ce premier drapeau et elle courut prévenir « Oncle Sam »… L’histoire ne détermine pas avec clarté si l’oncle Sam en question était vraiment un membre de la famille de la jeune fille ou bien la personnification des Etats-Unis (le héros créé par Billy Mays pour la même firme qu’USA et qui fait de nos jours partie des Freedom Fighters de DC). Et notons au passage qu’aucune de ces deux solutions n’est contradictoire avec l’autre. Après avoir assisté à la création du drapeau américain, la petite fille tomba gravement malade et décéda. Les années passèrent et, au vingtième siècle, quelqu’un trouva la broche de l’enfant près d’une  tombe (qui ne pouvait être que celle de la jeune fille). En touchant l’objet, l’homme libéra l’esprit de l’enfant qui – allez savoir comment et pourquoi – semblait maintenant être une femme d’âge adulte, bardée de différents pouvoirs d’essence patriotique (apparemment assister à la séance de couture « historique » et posséder cette broche l’avait élevé au dessus des simples mortels), pouvoirs qu’elle allait bien sûr mettre au service de son pays… Son costume se composait d’une sorte de tunique bleue, surmontée du drapeau américain qui lui servait de cape. Et son arme de prédilection n’est pas un bouclier ou un lasso magique mais une torche mystique (évoquant celle de la statue de la liberté).

Six mois plus tard, quand Feature Comics #48 commence, USA s’est intégrée dans la société humaine des années 40 mais la nature exacte de son « identité secrète » n’est pas très claire. Elle se déplace dans un uniforme qui fait qu’avec le recul il est impossible de la regarder sans penser à ce que sera plus tard la militaire Diana Prince, l’alter-ego de Wonder Woman. Mais la blonde USA ne fait pas vraiment usage d’un nom civil ni d’un masque (à la différence de Wonder Woman ou de Superman elle ne se cache même pas derrière des lunettes) et il n’est pas certain qu’elle n’utilise pas ses pouvoirs magiques pour « obscurcir » l’esprit de ceux qu’elle croise, histoire qu’elle ne soit pas reconnue. La voici donc en « hôtesse », participant à’ l’organisation d’un bal masqué. Pour elle, tout ça fait partie d’une sorte de « couverture ». Elle espère surtout en apprendre plus sur la récente disparition de deux sentinelles. Son attention est cependant attirée par une dispute à l’extérieur. Des hommes sont en train d’en venir aux mains, justement en parlant des sentinelles disparues.

Vous croyez qu’USA va intervenir et se transformer, passant de son apparence « normale » à son costume de super-héros par un simple geste magique ? Et bien non ! Cette demi-déesse patriotique n’a tout simplement pas sa torche mystique sur elle. Que c’est bête ! Mais même sans cet ingrédient  visiblement nécessaire pour se transformer, l’héroïne reste cependant un être remarquable (après tout, bien que l’histoire ne le souligne pas, elle reste un fantôme). Se mêlant à la bagarre avec une arme inattendue : ses talons ! Ses chaussures à la main, elle s’en sert pour combattre ceux qui s’attaquaient à un homme seul. Mais dès que le gang adverse s’enfuit, mis en déroute par la furie, l’homme qu’elle a sauvé prend congé de manière rapide, presque sèche. Elle questionne un sergent qui passait par là et apprend que l’homme qui vient de partir était Allen Marshall, fils du Général Marshall, qui dirige le fort du coin.

Le soir même, le bal masqué a lieu et USA n’a pas fait dans l’originalité pour se déguiser puisqu’elle est venue habillée en… USA. Non pas la USA habillée en auxiliaire des services militaires mais USA la super-héroïne, vous me suivez ? Ce qui fait que normalement son identité secrète, s’il y a lieu, volerait en éclat un peu de la même manière qu’un Clark Kent qui irait à ce genre de bal habillé en Superman et sans ses lunettes… USA cherche Allen Marshall et, ne le trouvant pas, mène l’enquête jusque dans la tente du militaire où son compagnon de chambrée explique que Marshall devrait se trouver au bal. En errant dans le fort, USA voit de loin Marshall qui laisse entrer des civils dans le camp de façon fort suspecte. A voix haute, Marshall explique au leader du gang, Richter, qu’il leur fournit des uniformes militaires mais que c’est bien la dernière fois. Tandis qu’ils se changent les intrus expliquent qu’il est important de stocker des armes et que « l’heure viendra bientôt ». En fait, de manière induite, Richter et ses hommes sont des saboteurs bundistes, des sympathisants du régime nazi qui s’emparent d’armes en prévision d’un soulèvement ou du déclanchement futur des hostilités. Mais à l’époque tous les éditeurs n’ont pas fait le choix de Marvel et de Captain America d’être explicite. Quality fait partie de ceux qui préfèrent encore le non-dit. USA se jette sur eux en les éclairant de sa torche magique, expliquant que ces armes seront plus utiles aux USA. Enfin les Etats-Unis, pas USA l’héroïne. Vous me suivez ? Et apparemment la simple vue de cette torche suffit à terrifier les hommes qui prennent la fuite. USA se tourne vers Allen Marshall et lui explique qu’elle « les a laissé partir seulement parce qu’il est impliqué ». Ce qui est curieux car elle ne le connait pas plus que ça et n’a aucune raison de lui faire une fleur (ou bien USA aurait-elle un faible pour le fils du général ?). Marshall explique qu’il a beaucoup joué et beaucoup perdu… Et que ces hommes ont menacé de le dénoncer s’il ne leur laissait pas prendre des armes. Ce sont eux qui ont tué les deux sentinelles (sans doute afin de mieux pouvoir pénétrer dans le camp, ce qui partirait du principe que quand une sentinelle disparait, aucun gradé n’aurait l’idée de la faire remplacer ou, mieux, de faire encore plus monter la garde). Là, quand même, USA explique à son nouvel ami, d’un ton moralisateur « La sécurité de notre pays devrait valoir plus pour un soldat que sa propre vie… Mais je t’aiderais ».

USA s’envole alors seule dans le ciel et ordonne à sa torche « et maintenant, mon symbole, fait ton travail ». La torche magique s’allume d’elle même, son faisceau pointant vers un camion dans lequel  des hommes sont en train de charger des armes. Cette fois USA ne se contente pas de les mettre en  fuite. Elle fait jouer ses poings et les hommes de Richter ne sont pas à la hauteur, USA ayant visiblement une force supérieure à la normale. Qu’à cela ne tienne. Richter et ses hommes ont à  leur disposition les armes qu’ils étaient en train de charger. Richter lui-même s’empare d’une  mitraillette et commence à tirer. Mais une surprise l’attend. Là aussi on va penser à la future  Wonder Woman puisque… les balles rebondissent. USA ne porte pas des bracelets magiques (Wonder Woman, elle, aura plus tard l’habitude de faire rebondir les balles sur ses bracelets) mais c’est sa cape-drapeau qui lui permet de bloquer les projectiles, tout en commentant « le drapeau est plus fort que vos balles ».

Elle réplique en dégainant sa torche, laquelle brise une bouche à incendie avec assez de force pour  que le gang soit projeté dans le camion et qu’elle n’ait plus qu’à les y enfermer. Il lui suffit ensuite de « livrer » le camion devant les bureaux du F.B.I. puis de s’envoler à nouveau en s’écriant « j’espère que le bal n’est pas terminé, j’aimerais bien danser ! ». Là-bas, en effet, elle retrouve le soldat Marshall et accepte de danser avec lui, ne lui tenant visiblement pas rigueur d’être passé à deux doigts de trahir la nation… « Je ne danse qu’avec de vrais américains, mais je pense que tu as retenu la leçon… ».

Et, sans le savoir, USA vient de prononcer ses derniers mots. Ses aventures s’arrêtent ainsi, l’éditeur ayant visiblement décidé de se concentrer sur d’autres créations pour diverses raisons. D’abord nous ne sommes qu’en septembre 1941 et les USA (le pays, pas l’héroïne, vous suivez toujours ?) ne sont pas encore entré en guerre. Il n’y a pas eu Pearl Harbor et l’opinion publique américaine n’a pas encore basculé. Le besoin d’une héroïne patriotique qui casse du saboteur pseudo-nazi n’est pas forcément très évident. Alors qu’un trimestre plus tard il en aurait sans doute été autrement. Par ailleurs, en août 1941, le même éditeur (Quality Comics) avait lancé une autre héroïne nommée Miss America (à ne pas confondre avec le personnage homonyme de Marvel, qui n’est apparu qu’en 1943). La Miss America de Quality, telle qu’apparue en août, avait des superpouvoirs mais n’était pas un personnage costumée. Il s’agissait (en tout cas au départ) d’une super-femme en civil. Alors qu’après avoir arrêté USA, Quality donnera à Miss America un costume basé sur le drapeau américain. Il est donc bien possible que l’éditeur avait décidé de « fusionner » les deux héroïnes pour en faire un personnage plus remarquable. Ou si peu. Car en définitive Miss America n’apparaitrait que dans sept épisodes pendant tout le Golden Age, soit un seul de plus que USA. Moins, d’une certaine manière, puisque Miss America ne serait costumée qu’à partir de son quatrième épisode et que la version hybride de la femme drapeau ne durerait en fait que trois épisodes. Mais bien plus tard on finirait par revoir Miss America (dans All-Star Squadron et plus récemment dans Uncle Sam & The Freedom Fighters) alors qu’USA est restée condamnée dans les limbes des comics… Est-ce que la danse avec Marshall, ce soir-là, a été si intense qu’USA aurait décidé de raccrocher son drapeau et de convoler ? Difficile à croire pour un fantôme. Difficile aussi de penser qu’elle aurait pu rester les bras croisés le jour où les Etats-Unis entrèrent dans la seconde guerre mondiale. Visiblement cependant tout le monde n’avait pas totalement oublié USA puisque quand on regarde Wonder Woman, apparue chez DC quelques mois plus tard, on se rend compte qu’il suffit de « mixer » USA avec une autre héroïne, Amazona The Mighty Woman (héroïne dont je vous ai déjà parlé dans cette rubrique) pour obtenir quelque chose qui ressemble très précisément à la princesse amazone. Aujourd’hui, il serait intéressant de revoir USA montrer le bout de son nez car, quand on gratte en dessous de certains aspects naïfs inhérents aux BD des années 40, l’héroïne à un potentiel qui, à certains égards, pourraient rivaliser avec la Promethea d’Alan Moore et J.H. Williams… Quoiqu’il en soit, USA restera l’héroïne patriotique qui a loupé la guerre à trois mois près. Et si Quality avait fait preuve d’un peu plus de patience, il n’est par ailleurs pas certain que DC aurait pris le risque de lancer une héroïne trop similaire. En clair, c’était sans doute soit USA soit Wonder Woman et c’est l’Histoire qui a choisi…

[Xavier Fournier]

Pour info: cet épisode est, dans sa forme originelle, en couleurs. Les scans qui accompagnent cet article sont en noir et blanc car je ne possède pas l’édition d’origine de 1941, ces images proviennent donc d’une réimpression parue dans Golden-Age Spotlight #2 chez AC Comics, bien plus récente et plus « abordable » sur le plan économique.

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