Et puis, dans la même période, il y avait aussi le Peacemaker (le « faiseur de paix »), personnage qui utilisait des ressources militaires clandestines pour faire la guerre aux dictateurs et aux terroristes. Je vous disais en introduction qu’il a été le modèle du Comedian de Watchmen mais soulignons au passage que plusieurs historiens des comics voient lui aussi une sorte de prédécesseur de certains aspects du Punisher (avec cette faculté surréaliste, lointainement venue de Batman, qui consiste à remplir comme par magie des hangars entiers d’équipements paramilitaire). Seulement… Seulement, ça c’est le souvenir, « l’image d’Épinal », qu’on garde de lui. Le Peacemaker, c’est à la fois tout ça et… autre chose…
Le personnage fait sa première apparition en novembre 1966, en seconde partie d’un épisode de la série Fighting 5 (une unité spéciale et internationale luttant contre le crime organisé et diverses menaces à travers le monde, pour résumer, disons que les Fighting 5 sont un peu les G.I. Joe avant l’heure de Charlton Comics). Le Peacemaker semble être une extension logique du magazine dans lequel il a débuté. Il est en quelque sorte un autre stade d’évolution de ces héros militaires. Si ce n’est qu’au lieu d’être une unité spéciale, il est à lui seul une sorte de super-soldat. Pas forcément au sens où on l’entend généralement dans les comics (c’est à dire que ce n’est pas un guerrier qui a été « génétiquement modifié » comme le Shield ou Captain America), mais j’y reviendrais.
La page d’introduction de cette première histoire nous présente rapidement deux vignettes: dans celle de gauche, le Peacemaker est en train de marcher et la légende nous explique qu’il s’agît « d’un homme qui déteste la guerre, la violence et l’affreux gâchis de vies humaines dans des conflits insensés entre les nations. Un homme qui aime la paix… tellement qu’il est prêt à se battre pour elle ! ». Cette description deviendra son leitmotiv et sera – à un ou deux mots près – régulièrement répétée en début de ses aventures. A droite, dans la seconde vignette, on nous présente l’homme dans son alter-ego civil, un diplomate aux tempes grisonnantes, chargé d’intervenir à Genève lors d’une conférence sur les armements. Déjà, une remarque : Ce choix de Genève est relativement atypique à l’heure où – entre la guerre froide avec l’Est et la guerre effective au Vietnam – les USA se voyaient sans doute encore plus qu’aujourd’hui comme les « gendarmes du monde ». La plupart du temps, dans les comics, tout se passait en Amérique ou, à défaut, visait le pays. C’est à dire que la majorité des éditeurs se seraient sans doute contentés de montrer la même conférence dans l’enceinte de l’ONU, à New York. Le choix de Genève dénote déjà d’un souci d’internationaliser la série plus qu’on en avait l’habitude à l’époque.
Alors qu’il prend son avion pour Genève, Christopher Smith pense aux guerres qui se déroulent en Amérique du Sud. Elles sont provoquées par des facteurs extérieurs mais Smith ne sait pas par qui. Il est par contre certain qu’aucune des grandes puissances (comprenez les USA et l’URSS) n’entretient la tension dans cette région du monde. Pendant le voyage, il réfléchit au fait que les pays concernés (sans doute pauvres) devraient être occupés à acheter des outils au lieu de dépenser leur budget dans des tanks et des bombardiers. Il pense qu’un certain Bork, trafiquant d’armes, a vendu des armes aux deux pays en question. D’ailleurs, dès l’atterrissage sa secrétaire le lui confirme alors qu’ils montent dans la même voiture.
Le lendemain, lors d’une réception chez l’ambassadeur (non, aucun chocolat n’est mentionné) Smith est confronté à Bork qui est intouchable puisque rien ne peut-être prouvé. Pire, Bork est même l’un des conseillers de la conférence pour la paix pour laquelle Smith a fait le déplacement. Visiblement Bork jouit d’une totale impunité et les méthodes habituelles ne peuvent rien contre lui…
Le héros commence alors à se changer derrière un pare-vue. Il décide à contre-cœur d’assumer le rôle du Peacemaker, un personnage reconnaissable à son énorme casque rond (qui lui donne, il faut bien le dire, un faux-air de cuvette des toilettes). Rapidement, on comprend que les « armes » du Peacemaker ne sont pas simplement des fusils révolutionnaires, non. A peine changé, le personnage explique à voix haute qu’il va utiliser son « jetpack » pour rejoindre Bork. Le jetpack, comme nous le dit la voix-off, permet au Peacemaker de voler presque sans limites. On n’est déjà plus tout vraiment dans le registre d’un Comedian ou d’un Punisher… Mais comme nous sommes en 1966 il n’est pas très difficile de voir dans ce « jetpack » l’influence des films de James Bond. Le film Thunderball, dans lequel Sean Connery utilise un appareil similaire, est sorti en décembre 1965. Fighting 5 #40, étant antidaté comme de coutume, il a dû sortir à la fin de l’été 1966 et la conception du Peacemaker a du se faire aux alentours du printemps, à une époque où les films avaient une vie en salles plus longue que de nos jours. Ce gadget nous montre donc que les créateurs du Peacemaker (le scénariste Joe Gill et le dessinateur Pat Boyette) avaient l’agent 007 en tête. Leur héros était en quelque sorte une sorte d’agent secret masqué et freelance, pourvu des mêmes ressources technologiques. D’autant que le jetpack n’est pas le seul gadget spécial utilisé par le Peacemaker. Alors qu’il approche des installations de Bork, le héros se sert de son casque si particulier. Car son apparence « hypertrophiée » s’explique par le fait que l’accessoire a aussi quelques utilités… Comme la capacité de capter les fréquences radios (en 1966, bien avant l’invention du téléphone portable, avouez que c’est pratique).
Grâce à cette « écoute radio », le Peacemaker n’a aucun mal a repérer Bork. Quand il se pose, les malfaiteurs – qui ont reçu l’ordre de faire feu à vue – ne s’encombrent pas des questions sur l’inconnu volant. Ils lui tirent dessus mais pensent d’abord l’avoir manqué. En effet le Peacemaker n’a pas l’air d’avoir été blessé. Mais c’est tout simplement que son costume est en fait une sorte de gilet pare-balles qui le rend imperméable aux armes de petit calibre. Christopher
Dans le numéro suivant le héros arriverait à redémarrer son jetpack à quelques mètres du sol. Et il finirait par coincer Bork qui trouverait la mort dans l’explosion de son propre avion. Ces jours-ci le Peacemaker est un personnage périphérique (une sorte de mentor du Blue Beetle moderne) mais les gadgets tels que le jetpack ou le heaume ont disparus, les auteurs modernes préférant voir en lui le dur-à-cuire typique et porteur de flingues…
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