Oldies But Goodies: Jackpot Comics #6 (1942)
23 juin 2012[FRENCH] Héros de MLJ Comics, le Black Hood était un justicier masqué qui avait été créé dans un seul but : Arrêter le malfaisant Skull, un criminel en apparence immortel. Les premiers mois d’existence du héros avaient été voués à stopper une bonne fois pour toute son ennemi juré. Un peu comme un Batman qui se serait contenté d’affronter le seul Joker épisode après épisode. Au risque de verser dans la routine. A un moment, les auteurs durent se rendre à l’évidence. Le Skull était comme une blague qui avait trop duré. On s’en débarrassa donc. Mais dans ces conditions comment justifier l’existence d’un Black Hood, désormais privé d’adversaire ? Facile : Il suffisait d’expliquer que le Skull avait… un fils !
Sur la couverture de Jackpot Comics #6, on ne voyait pas le Black Hood. La place était occupée par un autre héros. Mais au dessus du logo de la série l’éditeur avait pris la peine d’annoncer le match qui se jouait à l’intérieur : « Sensationnel ! Le Fils du Skull contre le Black Hood ! ». Cette accroche digne d’un combat de catch devait forcément piquer l’intérêt de ceux qui, jusque-là, avaient suivi les aventures du Black Hood (et par conséquent les méfaits du Skull, génie criminel qui avait tourmenté le héros depuis ses débuts). Le Skull (le vrai) était supposé être mort. Et bon débarras ! Mais cet énergumène avait donc un rejeton ? C’est un peu comme si, de nos jours, on faisait la connaissance d’un fils du Joker… Au premier abord on pourrait se demander pourquoi se donner tant de mal.
Après tout, pendant le Golden Age les auteurs n’étaient pas avares de résurrections en tous genres. Même quand un personnage semblait avoir plongé vers une mort certaine, il y avait toujours moyen d’expliquer après coup qu’il avait tout préparé, qu’il avait absorbé un sérum donnant l’illusion de la mort ou qu’un imposteur avait pris sa place au dernier moment. Si c’était pour repartir sur la piste d’un nouveau Skull (ou plus exactement d’un Son of the Skull, comme le personnage se ferait appeler), pourquoi ne pas avoir gardé l’ancien ? Parce que le but de la manœuvre était sans doute de procéder à une mise à jour. Black Hood était un personnage athlétique, un combattant né. Tandis que le premier Skull avait été présenté comme un personnage plutôt squelettique (et pour cause) dont les méthodes avaient fait long feu. Dès la page de garde de l’histoire qui nous intéresse aujourd’hui (The Black Hood Battles The Son of The Skull), les lecteurs purent constater que ce Skull là était au contraire un gaillard bien costaud…
Le Fils du Skull s’annonçait d’emblée comme un Skull en plus dangereux. Finalement le seul point commun avec son père était qu’il portait également un masque représentant un crâne vert (à moins que ce ne soit pas un masque ?). Pour le reste il semblait nettement plus offensif, avec un costume plus formidable. Une dague dans la main, il regardait un document en jurant de se venger : « Oui Black Hood ! Je suis venu pour te coincer, après que tu ai envoyé mon père à la mort. Et cette lettre que je t’envoie prouve que je connais ta véritable identité ! Compte tes précieuses minutes, Black Hood ! Il ne te reste plus longtemps à vivre ! ». Arrivé à ce stade, la filiation entre les deux Skulls fait déjà un peu penser au mécanisme qui provoquera des décennies plus tard la métamorphose d’Harry Osborn en deuxième Green Goblin pour venger son père. Même l’idée de l’identité secrète mise à jour vient promettre une situation similaire. Le Son of The Skull n’hésite que depuis une seule page et il est déjà arrivé à démasquer le Black Hood ! Quel début !
Puis l’histoire commence réellement et on découvre une silhouette mystérieuse qui se précipite, en pleine nuit, vers la station de police du quartier. A l’intérieur le Sergent McGinty est en train de jouer aux cartes avec ses hommes. Ils sont interrompus par la silhouette vue plus tôt. Les policiers demandent alors au nouveau venu qui il est. Pour tout réponse ce dernier pose son chapeau, révélant un crâne vert : « Vous avez la mémoire courte, Sergent ! Regardez moi de plus prêt ! ». McGinty s’écrie, terrifié « Le Skull ! ». Il ordonne à ses hommes de l’arrêter mais l’homme au visage de mort lève les mains sans manifester le moindre signe d’énervement : « Gentlemen ! Gentlemen ! Vous n’avez rien contre moi ! Je ne suis pas le Skull. Je suis le Fils du Skull ! Vous avez partiellement été responsable de la mort de mon père sur la chaise électrique, McGinty ! Je suis donc venu pour vous voir… Juste au cas où je déciderais… Heh heh… de vous rendre la faveur ! ». Puis, avant que les policiers aient pu réagir le Son of Skull prend la poudre d’escampette…
McGinty commence par souffler un bon coup et décide de boire un peu d’eau fraîche pour se remettre de ses émotions. Mais un de ses hommes l’en empêche. Le Skull était un type rusé et son fils semble l’être deux fois plus… Et s’il avait empoisonné la boisson du sergent ? McGinty, paniqué, recrache ce qu’il venait d’avaler. Puis un autre homme écoute un tic-tac ! Il lance l’alerte, convaincu qu’il y a une bombe à retardement quelque part. Les policiers sont terrifiés. McGinty en est déjà à se demander comment sa femme s’en tirera sans lui. Jusqu’à ce qu’un autre de ses policiers lui fasse remarquer que le tic-tac provient simplement… de sa montre. C’est tout bêtement le bruit très normal du mécanisme. Pas de bombe au programme ! On voit bien que le Son of the Skull a réussi à semer la panique dans le commissariat…
Quelques instants plus tard Kip Burland (le Black Hood sous sa véritable identité) passe chez son amie Barbara Sutton pour lui apprendre quelques nouvelles. Mais Barbara l’interrompt. Elle vient d’avoir McGinty au téléphone et veut lui apprendre ce qui vient de se passer au poste de police. Mais, à sa manière, Kip est déjà au courant : « Un type s’est présenté comme étant le Fils du Skull. Oui, je sais. Regarde ça ! ». Kip tend alors à Barbara une lettre… Celle dont le Son of the Skull parlait dans la scène d’introduction. Et elle est effectivement adressée à Kip Burland alias le Black Hood. Le Son of the Skull explique qu’il connait la double identité du héros (la preuve) et qu’il compte mettre cette connaissance à profit pour lui empoisonner l’existence. Le Son of the Skull se vente alors de s’attaquer prochainement à tous les proches de Kip. C’est à ce moment là que la porte s’ouvre. Kip reconnaît Jack Harris, un ses amis. Le nouvel arrivant explique avoir reçu une lettre qui lui annonce que, comme il est un ami de Kip Burland, il est destiné à mourir ! Harris pense à une blague mais à peine vient-il d’expliquer sa présence à Kip et Barbara qu’une fléchette noire, lancée à travers une fenêtre ouverte, vient le toucher à la gorge !
Kip s’habille immédiatement en Black Hood avant de se lancer à la poursuite de l’assassin. Notons que ce changement d’habits qui n’a aucun intérêt logique puisque le Son of the Skull est au courant de l’alter-ego de Burland. Le héros perd donc de précieuses secondes dans la poursuite… Quand il arrive sur le toit, Black Hood voit le rejeton du Skull qui s’enfuit au loin… Mais, le temps de traverser la distance, le héros ne trouve qu’une porte ouverte menant à des escaliers. Le criminel a sans doute déjà fichu le camp. Mais tandis que Black Hood se demande où son adversaire a bien pu passer. Mais il est pris totalement par surprise quand il est attaqué par derrière ! Le Son of the Skull est toujours sur le toit ! Il s’était simplement caché et avait laissé la porte ouverte comme un leurre. Attaquant Black Hood avec une matraque, il l’assomme et le laisse au sol sans l’achever. On pourrait s’étonner d’une telle mansuétude mais le Son of the Skull l’explique très bien par lui-même : « Je pourrais te tuer maintenant, Black Hood… Mais je ne le ferais pas ! Avant je veux que tu vois périr encore plus de tes amis, que tu ressentes la perte de quelqu’un que tu aimes ! ».
Pendant ce temps Barbara a téléphoné à McGinty pour lui annoncer que le nouveau Skull a tué Jack Harris. McGinty explique que ce n’est pas possible : ses hommes suivent le Son of the Skull 24h/24. Ils ne le lâchent pas d’une semelle. Barbara se retourne alors vers la victime : « Impossible ? Alors comment expliquez-vous l’homme mort sur mon canapé ! L’homme dont le visage vient de changer en crâne ! ». Le poison donnant à ses victimes cette apparence macabre était déjà l’arme de prédilection du Skull précédent. On voit que le fils a repris les mêmes méthodes… Devant l’émoi de Barbara, McGinty ne remet pas en doute ses dires. Il se précipite avec ses hommes en dehors du poste de police pour voir ce que donne la filature. Mais là, les deux détectives qui suivent le Son of the Skull affirment ne pas l’avoir lâché une seconde. Pas possible qu’il ait tué quelqu’un dans un autre endroit de la ville… Ils sont formels : le Fils du Skull est resté à sa fenêtre toute la soirée. D’ailleurs on voit sa silhouette d’en bas. McGinty décide d’en avoir le cœur net. Il grimpe les escaliers et force la porte de l’appartement… pour découvrir un stratagème. L’ombre du Son of the Skull qu’on voyait bouger à la fenêtre n’est qu’une astucieuse supercherie : une silhouette en carton fixée sur un tourne-disque, qui faisait croire que la pièce était occupée. Loin de là, dans son véritable appartement, le Son of the Skull est hilare. Il boit en s’imaginant la police encore en train de surveiller sa fenêtre. Au passage on remarquer que bien qu’il soit seul le Son of the Skull apparaît toujours avec sa face de crâne, ce qui fait qu’on peut vraiment se demander si c’est un masque où si, pour une raison ou pour une autre, c’est son apparence réelle…
Pendant ce temps Barbara et Kip s’ennuient. Ils tournent en rond en pensant à cette affaire. Finalement Kip proposent qu’ils aillent au cinéma pour se chanter les idées. Ça ne sert à rien de rester au bureau si c’est pour tourner en rond. Quand ils arrivent devant le cinéma, Barbara félicite son ami de cette idée, qui va leur faire du bien. Mais lorsqu’ils s’assoient dans la salle, Kip est intrigué par le programme qu’on lui a tendu. C’est l’époque où on distribuait encore des programmes de présentation du film, avec la distribution. Mais un prénom d’acteur a été entouré. Quelques lignes plus bas c’est un autre nom qui a été marqué de la même manière. « John » et « Mitchell ». Kip comprend que c’est un message du Son of the Skull : la prochaine victime est son ami John Mitchell ! Kip et Barbara se précipitent hors de la salle. Le Black Hood va devoir intervenir ! Mais Kip prend d’abord la précaution de mettre Barbara dans un taxi en partance pour le QG de la police. La jeune femme reçoit l’ordre de ne pas en bouger tant que le héros ne se sera pas manifesté. Mais au bout de quelques minutes de trajet Barbara remarque que le véhicule ne prend pas la bonne direction. Le QG de la police ne se trouve pas dans ce secteur ! Le chauffeur du taxi se retourne alors. C’est le Son of the Skull ! « Non, ne vous inquiétez pas, Miss Sutton, je vais bien dans la bonne direction ! Ha Ha Ha Ha ! ».
Pendant ce temps le Black Hood est arrivé chez John Mitchell… Ce dernier est un peu surpris qu’un héros masqué s’inquiète de son bien-être. Quand Black Hood rétorque que c’est en raison de la lettre de menace, Mitchell tombe des nues. Il n’a pas reçu de lettre ! Black Hood comprend alors que c’était à nouveau un leurre et qu’il est tombé dans le panneau. Il téléphone à McGinty pour vérifier ses craintes… Barbara n’est jamais arrivé jusqu’à la police ! Black Hood emprunte alors la voiture de Mitchell et s’élance à toute vitesse… on ne sait où au juste vu qu’il n’a pas la moindre piste. Sa précipitation est telle qu’il fonce pour passer une voie ferrée avant l’arrivée d’un train. Black Hood ne veut visiblement pas attendre le passage du train, ce qui lui ferait perdre de précieuses minutes. Mais il est trop juste et la voiture est encore sur la voie ferrée quand la locomotive arrive. Le train fauche le véhicule !
Plus tard, dans le repaire du Skull, le criminel est en train de s’auto-congratuler sur la manière dont il a une nouvelle fois trompé Black Hood. On ne saura pas vraiment quel traitement il a fait subir à Barbara mais celle-ci est ligotée sur une chaise, avec ses vêtements dans le désordre. Le Son of the Skull jubile : « Il préférerait te voir morte plutôt que ce que je vais te faire ! Je vais te donner une petite dose de mon poison ! Juste assez pour changer ton visage en crâne, mais sans te tuer ! ». Rétrospectivement on peut considérer que le Son of the Skull s’est sans doute soumis à un traitement similaire, ce qui explique qu’il ne poser jamais son masque. Finalement ce n’est probablement pas un masque… Mais les plans funestes du ravisseur sont interrompus par un flash d’information à la radio. On annonce que Black Hood a été tué quelques minutes plus tôt, quand sa voiture a été heurté par un train !
Black Hood mort ? Bigre… Ca change tous les plans du Fils du Skull : « Il ne peut pas me faire ça ! Il ne peut pas périr au milieu de mon plan ! Je dois aller à la morgue et voir ça de moi même ! ». Du coup le Son of the Skull laisse Barbara sans attendre et se rue à l’endroit où est conservé la dépouille du défunt héros. Le criminel a en effet un gros doute : « Je ne peux pas croire que le Black Hood puisse périr d’une façon si stupide ! ». Et pourtant il doit bien se rendre à l’évidence. Dans le cercueil c’est bien le Black Hood qui gît, exposé… « Qu’il soit maudit ! Me voler ainsi ma revanche ! La mort est une sortie trop facile pour les plans que j’avais pour lui ! ». Furieux, le Son of the Skull décide de retourner à son repaire et d’en finir avec Barbara. Il n’a plus de raison de la garder en vie…
Mais alors qu’il va tuer la fille, le Black Hood surgit en brisant une fenêtre : « Pas si vite, Skull ! ». Un corps à corps s’engage mais le héros a rapidement le dessus. Le malfrat se retrouve vite à terre, inconscient. Puis, enfin, Black Hood peut libérer Barbara : « Je l’ai laissé me guider jusqu’à toi ! » s’exclame le sauveur. Mais ce n’est pas assez d’explication pour Barbara, qui veut savoir comment il a fait croire à sa mort. Black Hood révèle alors qu’il a simplement pu compter sur l’aide de la police et sur un peu de « craie liquide » sur son visage pour lui donner l’apparence d’un cadavre, à la morgue. En fait Black Hood a surtout de la chance que le Son of the Skull n’ait pas été plus malin. Si le héros était réellement décédé, c’est bien Kip Burland, sans son masque et son costume, qu’on aurait exposé à la morgue ! Le vrai « gag » en fait aurait pu être que le Black Hood soit vraiment mort mais vengé par un fils dont on ne nous avait jamais parlé jusqu’ici, ce qui aurait poussé l’ironie à son comble…
Plus tard, le Son of the Skull est incarcéré (et comme il a toujours l’air d’un crâne vert la scène semble confirmer que c’est bien son visage et pas un masque, qu’on n’aurait pas manqué de lui retirer à l’entrée de la prison. Du dehors de la cellule le Sergent McGinty se moque de lui : « Haw haw ! Tu ferais mieux de commencer à rechercher quelqu’un pour te venger, toi, Skull ! ». Le Son of the Skull, furieux, jure alors qu’on peut se moquer mais qu’il n’en a pas fini, lui, avec les héros : « Cette prison ne m’arrêtera pas ! Je sortirais bientôt d’ici pour exercer ma triple revanche ! ». Rien dans l’histoire ne viendra expliquer comment et pourquoi le Son of the Skull connaît l’identité réelle de Black Hood depuis le début de l’histoire. Et le criminel, une fois incarcéré, ne semble pas réaliser qu’il lui suffirait de communiquer ce secret pour saboter la vie de Kip Burland…
Le fait est qu’effectivement le Son of the Skull referait surface par la suite, faisant désormais surtout usage du nom « Skull » (et ne faisant plus aussi souvent référence à son père) quelques mois plus tard, dans Top-Notch Laugh Comics #31 (Décembre 1942). Et ce serait vraiment une triple revanche car le Skull s’unirait avec deux hommes de main (« Bruiser » et « Dude ») pour fonder une équipe criminelle nommée les Deadly Three (les Trois Mortels). Comme vous pouvez l’imaginez, Black Hood leur mettrait à nouveau une raclée et les auteurs décideraient, par la suite, de passer à autre chose, oubliant le Skull (qu’il s’agisse du père ou du fils). Peut-être aussi que la célébrité croissante du Red Skull de Marvel avait fini par décourager les autres éditeurs de s’aventurer sur cette voie… Le Son of the Skull reste un des rares exemples de filiation criminelle pendant le Golden Age où un personnage connu est remplacé par un fils surgit de nulle part. La technique allait par contre revenir bien plus tard, en particulier dans l’univers de Spider-Man où, outre le Green Goblin, on remplacerait également des criminels comme Kraven par un rejeton… Et pour ce qui est du Son of the Skull ? Sans doute est-il en train de préparer, encore, sa revanche. A moins que ce soit désormais un « Petit-fils du Skull » qui s’en charge ?
[Xavier Fournier]
Non… Il est plutôt dans les « limbes des comics » , si bien décrites par John Byrne , à attendre qu’un auteur veuille bien le sortir de là…