[FRENCH] Richard Benson était déjà un « Avenger » bien avant Iron Man ou Captain America. En fait il existait même avant ces héros puisqu’il fit ses débuts littéraires en 1939. The Avenger (le Vengeur) fut l’un des derniers grands héros des pulps, suivant la mouvance du Shadow ou de Doc Savage. Mais, peut-être parce qu’il suivait des recettes un peu trop convenues et déjà utilisées dans ce genre, cet Avenger ne connu qu’un succès moindre que ses deux collègues. En tout état de cause il ne pouvait prétendre détrôner le ténébreux Shadow et vivait même d’une certaine manière dans son ombre (ce qui est normal me direz-vous, vu le nom de l’autre). Pourtant la connexion avec les Avengers de Marvel tient sans doute plutôt de l’homonymie accidentelle. Si Stan Lee et Jack Kirby avaient délibérément décidé de lorgner sur le folklore du personnage ils s’y seraient pris autrement. Ce n’est pour cette raison-là qu’il faut voir en Richard Benson un précurseur de choses à venir. Mais rassurez-vous, il y a de (nombreuses) autres pièces à verser au dossier…
Dans les années 30 les « pulps » avaient la vie belle et fournissaient une liste longue comme le bras de personnages hauts en couleurs qui décidaient de devenir de venir au secours de la justice. Nous avons déjà parlé dans le cadre de Oldies But Goodies de certains de ces héros (comme le Shadow ou Captain Satan). Bon nombre d’entre eux (Doc Savage, Black Bat, The Spider…) ont alimenté l’imaginaire des comics et ont ainsi fourni la matière première de certains des premiers héros masqués. La plupart d’entre eux sortaient d’un même moule d’homme parfait, issu de familles assez fortunées pour justifier l’existence d’un arsenal d’avant-garde, de payer des déplacements à travers le monde à chaque fois que c’était nécessaire et de faire vivre une meute d’assistants et d’hommes de main. Autant de ressources mises au service de la défense de la veuve et de l’orphelin par un homme emblématique, à la fois athlète parfait, scientifique de pointe, détective rusé et adepte de diverses disciplines mentales… Disons que ces héros de pulps un peu la génération qui sépare certains personnages littéraires du dix-neuvième siècle (Sherlock Holmes, Robur…) de l’apparition des super-héros. On soulignera au passage qu’en parallèle de sa production de comics, la maison d’édition de Martin Goodman (appelée à être connue sous le nom de Marvel) publiait des « pulps » aux noms tellement évocateurs (The Angel Detective, X-Man ou Ka-Zar…). C’est dire si la filiation fut parfois directe. Mais vers la fin des années 30, ces héros de pulps commençaient à battre de l’aile et à peiner à se renouveler. Le Shadow, Doc Savage et d’autres continueraient encore pendant de nombreuses années, en vivant sur leur réputation mais le genre n’arriverait plus à imposer de nouvelles figures de ce type. D’ailleurs une partie de la carrière du Shadow se ferait ensuite dans les comics… En septembre 1939, après l’arrêt de quelques titres, Street & Smith, l’éditeur des pulps de Doc Savage et de Shadow chercha donc à renouer avec une recette qui avait fait ses preuves et mélangea certains aspects de ces deux héros pour en faire un troisième, à savoir The Avenger.
Richard Benson est présenté comme un intrépide aventurier qui s’intéresse en plus aux sciences. Mais après que sa famille ait trouvé la mort lors d’un voyage en avion, Benson est victime d’un terrible traumatisme : sa chevelure et son visage deviennent pâle tandis qu’il perd sa capacité d’expression. Bien qu’il puisse parler, il est incapable d’exprimer joie, colère ou dépit… Son visage s’est figé, lui donnant l’allure d’un véritable cadavre ambulant (ce qui ne manquera pas de glacer d’effroi bon nombre de ses adversaires). Et pourtant si son visage est inanimé, sa chair figée est devenue malléable, lui permettant de le remodeler à volonté. N’ayant plus rien à attendre de la vie, il devient alors le Vengeur, un héros qui protège ceux qui sont dans le besoin. Il a pour cela une sorte de fondation, « Justice Inc. », qui réunit de nombreux auxiliaires qui peuvent l’aider dans ses aventures. The Avenger est armé en permanence d’un couteau et d’un révolver à qui il a donné des prénoms (« Ike » et « Mike ») mais le plus souvent n’est pas très porté sur la violence gratuite. Les romans où il tue sont rares, Benson étant plutôt adepte du fait de piéger le criminel à son propre jeu (autrement dit, le coupable provoquera le plus souvent sa propre mort sans que le héros doive se salir les mains). On sent que l’éditeur a privilégié l’effet de gamme puisque là où Doc Savage était surnommé « l’Homme de Bronze », The Avenger sera assez rapidement surnommé « Man of Steel » (l’Homme d’Acier). D’ailleurs je vois régulièrement certains historiens de la littérature qui font l’erreur de penser que The Avenger ou un super-héros d’Archie Comics, Steel Sterling, furent les premiers à utiliser le surnom « Man of Steel » AVANT Superman. Ce qui est faux puisque The Avenger est apparu en 1939 et Steel Sterling en 1940 alors que dès 1938 on voit le terme « Man of Steel » utilisé de façon mineure dans des épisodes de Superman (par exemple dans Action Comics #6). Tout au plus The Avenger et Steel Sterling l’utilisèrent de façon un peu plus marquée et parfois sur les couvertures, dès leur apparition. Et sans doute que les trois personnages (Superman, Avenger et Sterling) s’inspiraient chacun leur tour du terme « Man of Bronze » de Doc Savage…
Richard Benson n’aura pas le succès de Doc Savage ou du Shadow, nous l’avons dit. Encore moins celui de Superman. Au mieux, il vivota dans la première moitié des années 40. Néanmoins comme Street & Smith publiaient les aventures du Shadow en BD dans Shadow Comics, on fit au Avenger une petite place dans ce magazine (dès Shadow Comics vol.1 #2) où il connu quelques premières aventures illustrées (mais moins inspirées que les romans d’origine). Au passage, en ce qui concerne la mention « Man of Steel » que nous venons d’évoquer, sur la couverture du numéro, The Avenger est surnommé « Steel Man » et non pas « Man of Steel ». Mais quoi qu’il en soit, là non plus on ne le remarqua guère. A plus forte raison parce que dans les romans il ne souffrait pas de la concurrence directe des autres. Là, par contre, dans la même revue, on trouvait aussi bien Shadow que Doc Savage et le pauvre Benson ne faisait pas le poids. En 1944, les nouvelles du Avenger cessèrent de paraître et il semblait bien désormais qu’il resterait dans les limbes de la mémoire collective. Encore que. Si Richard Benson n’est pas le modèle des Avengers de Marvel et s’il n’est pas non plus le Man of Steel originel, il n’en reste pas moins qu’il reste un précurseur de divers personnages littéraires ou du monde de l’entertainment. A partir des années 60 on verra surgir plusieurs héros de romans feuilletonesques qui, comme Benson, se consacreront à venger les innocents après la mort de leur famille et qui utiliseront un « alias » qui sonnera comme le « Vengeur ». On aura ainsi droit à Mack Bolan The Executioner (l’Exécuteur) ou Remo Williams The Destroyer, ce dernier étant souvent reconnu comme l’inspiration majeure du Punisher. Bref, il y a un degré de parenté (et c’est manifeste en regardant leurs surnoms et le principe de famille assassinée) entre le « Vengeur » et le « Punisseur », bien que Richard Benson soit sans doute moins porté sur la gâchette que Frank Castle. Non pas qu’on puisse penser réellement que les éditeurs respectifs de l’Exécuteur, du Destroyer et du Punisseur aient décidé d’un coup d’imiter un personnage qui n’avait fait que vivoter deux décennies plus tôt. Plus probablement, en essayant d’imiter eux aussi certains aspects du Shadow les héros plus récents sont retombés sur certaines recettes proches du Avenger. On évoquera aussi un peu plus loin une autre ressemblance de Richard Benson avec un programme TV bien connu. J’y reviendrais en temps utile mais vous verrez aussi que finalement le Vengeur a quand même légué quelques petites choses à l’histoire des comics, bien que ce ne fût pas évident à la base…
D’autant que le personnage d’origine, le Vengeur, restera dans un relatif oubli un bon moment. Jusque dans les années 70, en fait, où les personnages de pulps connurent un certain regain d’intérêt (avec à nouveau Doc Savage et Shadow ouvrant la voie). En 1972, la Warner Paperback Library réimprima les romans d’origine du Avenger et cette fois les ventes furent suffisantes pour justifier d’écrire en plus une douzaine de nouveaux livres originaux. Et côté comics, après un passage par Gold Key, Doc Savage était adapté chez Marvel à partir de la même année. Et à partir de 1973 le Shadow, après être passé par d’autres éditeurs, fut publié par DC. Ce n’était plus qu’une question de temps avant que le Avenger ne suive la tendance. Et DC commença à plancher sur le sujet. Sauf que dans le cas du Avenger, avant de lui donner un comic-book, il y avait un petit problème technique. Pendant ses années d’éclipse, le terme Avengers, au pluriel, avait pris une signification totalement différente dans l’univers des comics. C’était désormais le nom de l’équipe regroupant Iron Man, Thor, Captain America et de nombreux autres super-héros. Et ces Avengers étaient la propriété de Marvel. Pas possible pour DC de lancer un comic sous ce nom. La solution trouvée fut de titre non pas sur le personnage mais sur la fondation qu’il animait. Au lieu de The Avenger, la série serait intitulée « Justice Inc. »
Dès le #2 de la série (celui dont nous parlons dans cette chronique, patience, nous y arrivons) une page éditoriale explique un peu cette fébrilité soudaine autour des anciens héros des pulps. En 1975 Doc Savage avait fait l’objet d’un film. Les droits cinématographiques du Shadow étaient, eux, optionnés. Bien qu’en réalité on ne pourrait voir un film Shadow que bien plus tard, la page éditoriale en question décrit comment on assiste à un « revival » des héros des pulps et comment, finalement, les ayant-droits des personnages pouvaient s’imaginer que le tour du Avenger viendrait bientôt, surtout après la relance des romans. Publier aussi des comics, c’était un autre moyen d’entretenir le « buzz »…
Mais en fait dès le début de cette série il y a quelques indices que le bébé était mal né et que chez DC on le produisait presque à contrecœur, sans doute pour honorer des obligations liées au Shadow ou, au bas mot, pour éviter que le Avenger n’atterrisse chez la concurrence. Ainsi le numéro #1 de la série, scénarisé par Denny O’Neil, est dessiné par le pionnier Alden McWilliams. Ce dernier avait commencé à travailler dans les comics en 1935, chez DC on avait du penser que placer un vétéran sur ce vieux héros était logique. Mais, patatras, dès le numéro #2 on change radicalement d’ambiance : DC confie les dessins du titre à Jack Kirby. Et si j’imagine déjà que certains d’entre vous démarrent un « ah, Jack Kirby… ». Mais il faut remettre les choses dans le contexte. A l’époque tout le monde ne pensait pas forcément que Kirby était le « maître ». Il était sur la fin de son passage chez DC. Ses séries liées aux New Gods s’étaient arrêtées, faute de ventes. Quelques mois plus tard, il retournerait chez Marvel. Et disons le tout de suite : Justice Inc. ne s’arrêterait que trois numéros après l’arrivée de l’artiste. Du côté de Kirby, il semble que le désamour avec DC se faisait également sentir, qu’il s’investissait moins. Pour preuve ces épisodes de Justice Inc. où, chose rare pour lui à l’époque, Kirby ne serait même pas co-scénariste. Les aventures du Avenger façon Kirby sont donc avant tout un boulot de commande en attendant que les choses se passent… Mais quel boulot… car si certains contemporains étaient passés à côté de la pertinence du King ou le considérait comme passé de mode, la puissance de son style amena beaucoup à la série, à commencer par le visage du Vengeur. McWilliams en avait fait une sorte d’albinos. Les traits de Kirby, eux, transmettaient une expression forte, éternellement ombrageuse… Et à défaut de se faire plaisir autant que sur ses créations propres, Kirby allait au moins pouvoir s’amuser à dessiner quelques inventions folles utilisées par les adversaires du Avenger.
C’est donc cet environnement qu’on ouvre (ouf, on y arrive) Justice Inc. #2, qui se trouve être l’adaptation en comic-book d’un roman du Avenger remontant à 1939. L’intrigue démarre dans un train, alors que les cheminots viennent de remarquer avec effroi que les rails devant eux viennent de disparaître. Un mot sur ces cheminots et leur train : il s’agit visiblement d’une locomotive à vapeur, l’action étant supposée se passer à la fin des années 30. Mais la manière dont Kirby dessinera plusieurs autres éléments de l’histoire (par exemple certains buildings de la ville vue plus tard) sont anachroniques et donnent à l’ensemble un certain côté intemporel. Pour revenir à l’histoire, sans les rails le train quitte la voie et s’affaisse de manière catastrophique sur le bas-côté. Heureusement il se trouve que le Vengeur survolait la zone à bord de son avion personnel, en compagnie d’un de ses fidèles agents, Smitty. La scène n’a pas manqué d’attirer son attention et il décide de se poser pour porter secours. Mais quand ils arrivent à proximité du train, le Vengeur et Smitty découvrent des pillards qui sont déjà en train de fouiller dans les bagages ou même de dévaliser les cadavres. Smitty, en brute au grand cœur qu’il est, saute sur les malotrus mais certains des malfaiteurs sortent des armes. Heureusement le Vengeur ne se sépare jamais de son pistolet de poche. Il tire et touche un des malfaiteurs à la tête. Mais n’allez pas croire que le Vengeur a tué sa cible. Non, lui ne tue que très rarement. Un de ses gimmicks est de toucher son adversaire à la tête de manière à le plonger dans l’inconscience. Après cet usage d’arme à feu, les pillards sont vite calmés et confessent qu’ils ont été attirés par la possibilité de trouver un peu d’argent… Mais ils n’ont pas provoqué le déraillement, ils n’ont fait qu’en profiter après avoir vu quelque chose d’étrange dans le ciel… Et tandis que le captif parle, l’apparition céleste se manifeste à nouveau… un homme marche dans le ciel. Un « Skywalker » (et là pour le coup n’allez pas voir un rapport avec Star Wars) passe au dessus d’eux. Smitty est convaincu d’avoir des hallucinations… Le Vengeur, lui, ne doute pas de ce qu’il voit. Au contraire il se rue vers son avion pour se rendre à Chicago…
Dans la ville en question, il se passe de drôles de choses. La maison de l’inventeur milliardaire Robert Gant reçoit la visite de quatre individus patibulaires. Au point qu’après les avoir laissé entrer, les deux domestiques noirs de Gant, Rosabel et Josh, sont suffisamment inquiets pour leur employeur pour décider de téléphoner à la police… Dans le laboratoire de Gant, les quatre hommes louches se présentent… et abattent l’inventeur sans attendre. Le serviteur Josh tente bien de les arrêter, faisant preuve d’un courage certain, mais tout ce qu’il gagne, c’est une sévère correction. Et si les gangsters ne le tuent pas, c’est simplement parce qu’ils n’avaient pas d’ordre le concernant. Encore que l’un d’entre eux le vise… mais est arrêtée par Rosabel, qui défend son homme comme une tigresse. La bande va visiblement éliminer le couple quand une main blafarde les arrête. Le Vengeur est arrivé sur place. Et lui n’a aucun mal à arrêter les gangsters à la force de ces points. Rosabel est vaguement effrayée par le nouvel arrivant et son visage de cadavre. Mais ce détail permet à Josh de l’identifier (sans doute que les journaux ont rendu célèbre le Vengeur). Mais pendant cette dernière scène les deux domestiques ont parlé de manière caricaturale (un peu comme le faisait dans les années 30 Lothar, le serviteur de Mandrake) et là, la réaction du Avenger est surprenante. Il leur ordonne d’arrêter de jouer la comédie. Le héros a compris que les deux domestiques ne sont pas les illettrés qu’ils font semblant d’être, comme le prouve l’insigne de Phi Beta Kappa portée par Josh. Elle n’est donnée qu’aux diplômés les plus prestigieux. Les deux domestiques reconnaissent alors jouer les idiots la plupart du temps pour que les gens les sous-estiment.
Le Vengeur leur propose donc de rejoindre son groupe, Justice Inc. pour les aider à venger leur employeur assassiné. Josh et Rosabel acceptent sans hésitation en joignant leurs mains dans une scène très « kirbyesque » qui évoque le serment des Challengers of the Unknow ou des Fantastic Four. Tellement, en fait, qu’à la première lecture je m’étais dit que cette histoire de domestiques faisant semblant d’être stupides était sans doute une réécriture moderne pour jeter un voile de politiquement correct sur un récit qui, sous sa forme de « pulp » remontait aux années 30. Après vérification, il n’en est rien. The Avenger était au contraire très en avance sur son temps et là où la plupart des héros de comics des années 30 ou 40 n’utilisaient les « personnages de couleur » que comme faire-valoirs idiots, le héros de romans avait réellement intégré ces deux auxiliaires dès 1939, qui apparaitraient dans de nombreuses autres aventures. Josh et Rosabel serviraient ainsi à infiltrer diverses bandes. Tout les gangsters les prendraient pour des illettrés et ne se méfieraient d’eux. Quand je vous disais, bien plus tôt, que le Vengeur avait des airs de famille avec une certaine série télévisée… Les méthodes du Vengeur, sa capacité à changer son visage malléable et ses amis noirs bien plus intelligents que les malfrats le pensent… Ca ne vous rappelle pas un peu Mission Impossible ?
On ne saura pas trop comment le Vengeur a su qu’il fallait se trouver chez Gant à ce moment-là mais en tout cas en fouillant dans le laboratoire du défunt scientifique, le héros découvre que les recherches ont été financées par un seul homme, un certain Darcy, qui devient du coup leur principal suspect comme possible commanditaire du meurtre. Mais alors que le quatuor traverse Chicago, ils aperçoivent le mystérieux Skywalker dans le ciel et sont frappés par le spectacle d’immeubles s’écroulant de manière spectaculaire.
Tandis que Smitty, Josh et Rosabel se ruent au secours des victimes prises dans les décombres, le Vengeur se rend au bureau de Darcy. Mais si le visage lugubre du héros terrifie la secrétaire, Darcy est peu impressionné. Tout au plus il explique qu’il avait engagé Gant pour inventer une nouvelle forme de métal pour fabriquer des rails mais qu’hélas le savant est mort avant de mener à bien sa mission (hum ? comment Darcy serait-il au courant alors que les assassins ont été neutralisés et que les membres de Justice Inc. sont les seuls témoins de l’affaire ?). Mais apparemment le Avenger en a entendu assez. Il s’éloigne dans les couloirs… mais met à profit son don de transformation. Il change son apparence de manière à ressembler à Darcy. Quand il passe devant la secrétaire, elle n’y voit d’ailleurs que du feu. Le Avenger a ainsi accès au bureau personnel de Darcy. Sans trop de difficulté il fouille dans le coffre-fort et y trouve de précieuses preuves… Hélas pour lui il est surpris par le vrai Darcy et le reste de sa bande. Darcy connait la réputation et les capacités du Vengeur, il n’est donc pas très surpris de se retrouver face à un double de lui-même. Les hommes de Darcy commencent à rosser l’intrus…
Mais ils sont soudain surpris par l’arrivée d’un balayeur dans la pièce. En fait il s’agit de Josh qui, profitant de l’effet de surprise commence à les taper à coup de balai. Et il explique au Vengeur « Quand tu ne nous as pas rejoint, je me suis dit que je pouvais faire mon imitation de simplet et ainsi arriver à entrer pour voir ce qui été arrivé ». Je vous l’avais dit, ce serait la marque de fabrique de Josh à travers la série (aussi bien les pulps que les comics), à mi-chemin entre le Artemus Gordon de Wild Wild West, le Barney de Mission Impossible et le Bernardo de Zorro… Comme les événements ne tournent pas en sa faveur, le vrai Darcy jette alors une grenade fumigène dans la pièce… Richard Benson et Josh sont neutralisés et quand ils reviennent à eux, ils sont seuls et attachés dans la pièce. Le dictaphone de Darcy commence alors à leur parler. Darcy est visiblement superbement intelligent puisqu’il a enregistré un message et calculé son coup pour qu’il ne se déclenche qu’une fois les deux hommes réveillés. Il les informe qu’ils écouteront bientôt un bruit et que ce sera le Skywalker approchant de l’immeuble où ils se trouvent. L’idée étant que la présence du Skywalker provoquera l’effondrement du building, conformément à ce qu’ils ont vu plus tôt dans la ville. Et d’ailleurs c’est vrai, ils ne tardent pas à écouter le bruit annoncé. C’est le Skywalker qui approche…
Sans perdre son sang-froid, le Avenger demande à Josh de s’emparer de son couteau, Ike, qu’il cache dans sa veste. Avec cette lame, le faux-balayeur les libère… Mais ils savent au bruit que le Skywalker est au dessus d’eux et qu’ils n’auront pas le temps de descendre en bas du building… Qu’à cela ne tienne, le Vengeur a une autre idée. Ils sont plus près du haut de la construction. Ils courent donc jusqu’au toit et, de là, se jettent sur un des immeubles voisins. Derrière eux, le gratte-ciel où ils se trouvaient vient de s’écrouler comme promis. Et là Josh est bien obligé de reconnaître qu’il n’y comprend rien. Le Vengeur lui explique que Gant avait été engagé par Darcy pour créer un rayon qui fait vibrer l’acier au point de le détruire. C’est pour cela que Darcy a fait assassiner Gant, pour garder le secret de son invention mais aussi d’une autre, qui a pour effet de rendre le métal invisible. Le « Skywalker » n’est en fait que Darcy… à bord d’un avion rendu invisible par le procédé. Et pourquoi s’est-il attaqué à des rails en début d’histoire ? Parce qu’ils lui appartenaient et qu’il voulait ainsi tester les deux inventions. Tout cela Richard Benson l’a expliqué à ses ouailles alors qu’il retournait vers son avion. Et le Avenger s’envole…
A Chicago, Darcy le Skywalker a visiblement décidé de détruire une partie de la ville (pourquoi ? qu’est-ce qu’il a y gagner ? l’histoire ne le dit pas). Même si l’avion de Darcy est invisible, le Vengeur, toujours à bord de son propre avion, n’a pas trop de mal à trouver cet homme qui a l’air de flotter dans les airs. Après l’avoir localisé il ouvre le feu. Touché à l’épaule, Darcy perd le contrôle de son avion mais aussi du rayon destructeur de métal qui tire au hasard… y compris dans la cabine. L’avion de Darcy est vite victime de l’invention de Gant et le Skywalker va s’écraser plus bas. Dans les airs, Benson regrette que les secrets scientifiques de Gant aient été perdus mais se console en se disant que la justice est faite, morale qui tient lieu de conclusion de l’épisode…
De l’épisode, sans doute, mais pas à notre chronique. Car voyez-vous il reste une dernière filiation à établir. L’avion invisible du Skywalker ne vous rappellerait pas quelque chose ? « The Skywalker » dans sa forme originelle (c’est-à-dire le roman, pas le comic-book dessiné par Kirby) a été publié en novembre 1939. L’avion invisible de Wonder Woman n’a fait son apparition qu’en janvier 1942 (Sensation Comics #1). Et si au demeurant on se dit qu’un avion invisible c’est bête comme chou, que la fiction doit sans doute nous en proposer beaucoup d’autres, songez aux ressemblances entre les deux engins. Non seulement les deux avions se ressemblent mais les véhicules du Skywalker et de Wonder Woman souffrent du même illogisme : A quoi bon avoir un avion invisible quand le pilote assis à l’avant reste visible, ayant l’apparence de quelqu’un qui flotterait dans les airs ? Invisible, d’accord, mais les deux appareils sont ressemblant dans leur fonctionnement. Au point qu’il ne serait pas totalement incroyable d’apprendre que William Moulton Marston, le créateur de Wonder Woman, lisait les aventures du Avenger quelques années avant de créer sa propre héroïne et son moyen de locomotion peu commun… C’est même le contraire qui serait étonnant…
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Xavier Fournier]