Alors que le film Captain Marvel est sorti depuis quelques semaines déjà, un certain nombre de spectateurs mais pour autant fans de comics restent étonnés (étonnement ?) de l’utilisation qui est faite des Skrulls au cinéma, considérée comme contraire à la représentation canonique des personnages dans les BD d’origine. Pourtant, les lectrices et lecteurs de longue date devraient reconnaître les « précédents » existants chez Marvel. Attention, pour discuter des détails des différentes versions des Skrulls, MAIS Il y a forcément des *spoilers* à partir de là si vous n’avez pas vu le film.
Une partie du public du film Captain Marvel est sortie des salles obscures passablement surprise : « Quoi ? Comment ? Marvel Studios a transformé les Skrulls en gentils ? ». De deux choses l’une. Soit il s’agit de spectateurs non sensibilisés aux comics (et alors ils n’ont aucune idée de ce que sont les Skrulls dans la version papier mais leur mise en place dans la première partie du film, avant le rebondissement, justifie leur surprise). Soit il s’agit effectivement de lecteurs de comics et là… disons leur étonnement surprend un peu. Il est vrai que les Skrulls, apparus dès Fantastic Four #2 (Janvier 1962), comptent parmi les plus anciens adversaires des Fantastiques (et par extension de l’univers Marvel moderne, tel quel relancé en 1961 à l’aube du Marvel Age). En pleine guerre froide, ces créations de Stan Lee et Jack Kirby, capables de changer de forme et de visage sont une parabole plus ou moins conscientes de l’angoisse d’une infiltration et d’une invasion éventuelle par les Soviétiques.
Passé le vernis de la science-fiction, les Skrulls symbolisent en 1961 la peur des méchants espions communistes. Les Fantastiques s’en tirent en capturant les quatre imposteurs Skrulls qui se font passer pour eux. En utilisant l’un d’entre eux, trois des héros infiltrent l’armée Skrull et font croire, en utilisant des BD de monstres, que notre planète est peuplée par des créatures cauchemardesques. Le prisonnier skrull reste avec l’armée tandis que les trois terriens retournent sur Terre, prétextant se sacrifier pour s’assurer que les monstres ne représenteront jamais une menace. Revenus dans notre monde, alors que l’un des éclaireurs est reparti avec son peuple (l’information est formellement expliquée par Reed Richards et on verra pourtant que cet élément joue un rôle important pour la suite), il ne reste donc plus qu’à savoir quoi faire des trois prisonniers Skrulls restants. Mais là, surprise, singeant le comportement des agents transfuges de l’URSS, les trois Skrulls implorent Reed de les épargner. Ils lui expliquent qu’ils détestent, en fait, être des Skrulls et qu’ils n’aspirent à rien de plus que vivre une existence pacifique. Ils promettent que rien ne les rendrait plus heureux. Reed décide alors qu’ils vont adopter la forme de trois vaches. Ils seront hypnotisés de manière à se prendre véritablement pour des ruminants.
Donc, oui, c’est vrai, lors de leur première apparition et dans le contexte de l’époque, les Skrulls en tant que race ne semblent pas être des enfants de cœur, même si la réaction des trois guerriers restés sur Terre laisse entendre qu’une fois éloigné de leur régime, ils sont assez paisibles. Le caractère hostile sera renforcé par la suite, avec l’invention de personnages supplémentaires tels que le Super-Skrull (qui cumule les pouvoirs de TOUS les Fantastiques) dans Fantastic Four #18 (Sep. 1963). D’ailleurs il est amusant de remarquer qu’une lecture attentive de cet épisode nous apprend qu’à l’origine les Skrulls n’ont pas tous le pouvoir de changer de forme. Tel que l’explique un conseiller à l’Empereur Skrull (selon les épisodes c’est un empereur ou un roi, pour simplifier nous n’utiliserons qu’un seul de ces titres). Seuls les Skrulls envoyés pour infiltrer la Terre (c’est à dire les quatre extraterrestres croisés dans Fantastic Four #2 mais aussi, à partir de ce numéro, le Super-Skrull) sont capables de changer de forme, à la suite d’un « entraînement » spécial. De fait, tous les autres Skrulls entrevus sur le monde-mère ne semblent pas faire mine de changer d’apparence. Le Super-Skrull est donc envoyé sur Terre, ce qui semble confirmer la nature guerrière de cette race, pour peu que quelqu’un en doutait à ce stade. MAIS… il y a un gros « MAIS »…
Lee et Kirby vont eux-mêmes infléchir cette représentation à partir de Fantastic Four #37 (Avril 1965) pour sacrifier à l’un de leurs gimmicks scénaristiques. De même que le Super-Skrull est la matérialisation d’une autre de leurs « marottes » (le méchant cumulard, directement inspiré du Amazo de DC Comics, qui possède les pouvoirs de tout le groupe qu’il affronte, ce qui donnera chez les Avengers le Space Phantom, le Super-Adaptoid et chez les X-Men le Mimic), les auteurs sont toujours prompts à montrer une princesse jolie et romantique quand il s’agit d’explorer d’autres mondes ou d’autres races. Par exemple quand Johnny Storm s’aventure dans la 5ème Dimension (Strange Tales #103, Déc. 1962) il embrasse la jolie Valeria, fille du roi local. Et le cas plus tardif de Crystal, membre de la famille royale des Inhumains, est bien connu des lecteurs des comics.
Aussi, quand Lee et Kirby décident d’aller plus loin dans l’exploration du monde des Skrulls, il n’est pas très étonnant qu’on y découvre une jolie princesse Skrull, Anelle, qui fait preuve de bien meilleurs sentiments. Fille de l’Empereur Skrull, elle est bienveillante, sensible et follement amoureuse du seigneur de la guerre Morrat. Lui, en revanche, c’est le contraire. Il est malfaisant et cruel. Si bien qu’à la fin de l’épisode, une fois Morrat mort en combattant les Quatre Fantastiques, l’Empereur Skrull leur révèle que c’est Morrat, particulièrement belliqueux, qui le poussait à tenter de conquérir la Terre. Morrat mort, l’Empereur ne semble plus spécialement vouloir s’en prendre à la Terre. C’est une sorte de révisionnisme puisque dans des épisodes a vu et entendu l’Empereur donner ses ordres (par exemple pour la création du Super-Skrull) mais avec le Comics Code alors en vigueur (qui ne permet pas qu’un méchant s’en tire sans conséquence) et le manque apparent de remise en question des dires de l’Empereur, il ne fait pas de doute que Lee et Kirby s’en tiennent à ce constat : le Skrull vraiment méchant c’était Morrat. Lui mort, les autres sont au bas mot moins conquérants.
D’ailleurs, la conclusion laisse peu de doute sur les intentions des auteurs. Alors qu’ils s’en retournent chez eux, étonnés d’avoir découvert qu’il y a des Skrulls de tout tempérament, les Fantastiques discutent : « C’est une galaxie différente, avec une race différente d’êtres vivants… et cependant… Il semble que l’ambition, la haine et l’amour sont les mêmes dans tout l’univers. Peut-être que nous ne sommes pas différents des autres, que ce soit sur Terre ou dans le vide de l’espace. Et le jour où toute l’humanité comprendra cette leçon, nous feront un pas de plus vers la Fraternité et la Paix Universelle !« . Autrement dit Fantastic Four #37 se lit comme une fable luttant contre le déterminisme. Les Skrulls (ou d’autres groupes de personnes) ne doivent pas être jugés dans leur globalité mais sur les actes de chaque individu. Il n’est d’ailleurs pas très étonnant que cette morale provienne de deux auteurs qui sont aussi les co-créateurs des X-Men.
Ce qui laisse quand même aux abords de la Terre le Super-Skrull, qui veut se venger des Terriens, mais semble calmer les perspectives de revoir les Skrulls en tant que race dans un rôle si belliqueux. Au passage Fantastic Four #37 semble confirmer ce qui avait été énoncé plus tôt par Lee et Kirby : quand les Fantastiques s’aventurent sur le monde des Skrulls et qu’ils affrontent les forces de l’Empereur ou celles de Morrat, personne parmi les Skrulls ne change de forme. Ils ne le peuvent pas. Quoi qu’il en soit les Skrulls (hors Super-Skrull, donc) semblent perdre tout intérêt envers la Terre.
Ce qui change la donne pour les Skrulls, c’est, à partir de Fantastic Four #65 (1967) la création plus tardive (toujours par Stan Lee et Jack Kirby) des Krees, une autre race extra-terrestre qui rêve de conquérir la Terre et qui se mesure également, dans un premier temps, aux Fantastiques. L’éditeur Marvel cherche à la même époque à sécuriser la marque Captain Marvel, de peur que différents concurrents s’en emparent. Et il a connaissance d’une vague demande de producteurs de télévision qui seraient à la recherche d’un sujet de dessin animé qui lorgnerait sur la Science-Fiction. Il est donc promptement décidé de créer un nouveau super-héros nommé Captain Marvel, mâle et extra-terrestre. Et comme les Krees ont l’air humain (par opposition à bien des races menaçant la Terre), il est plus simple d’expliquer que le héros Mar-Vell (son vrai nom Kree) est donc un Kree. L’histoire étant que Mar-Vell est d’abord envoyé sur Terre pour infiltrer la planète avant de la conquérir mais qu’il se prend de sympathie pour ce monde et en devient le protecteur, devenant alors l’ennemi de son ancienne hiérarchie.
Ce processus de rébellion prend cependant quelques mois, pendant lesquels Mar-Vell est un peu sur le fil du rasoir, se comportant comme un super-héros sur Terre mais continuant encore, de manière de plus en plus ténue, à rendre des comptes aux Krees et à l’entité qui les dirige, l’Intelligence Suprême. On comprendra que les Krees sont à nouveau un avatar de l’URSS, avec cette fois une logique de collectif militaire et une allusion à peine voilée au « Soviet suprême » qui siégeait alors au Kremlin. Roy Thomas, qui reprend rapidement l’écriture de Captain Marvel, est conscient des similitudes conceptuelles entre les deux races (d’autant que, soulignons-le encore, les Skrulls ne sont pas supposés changer de forme à cette époque). Qui plus est, il a besoin d’entretenir Mar-Vell dans une zone grise, où il sauve des humains sans encore totalement trahir les Krees.
L’idée de Thomas, c’est donc que Mar-Vell va affronter des concurrents, d’autres extra-terrestres menaçant la Terre mais aussi les intérêts des Krees. Et là, bingo, dès Captain Marvel #2 (juin 1968), il ramène la race Skrull (et plus seulement le Super-Skrull). L’avantage de cette race c’est qu’il y a déjà plusieurs personnages établis (« Super », Anelle, l’Empereur… qui apparaissent tous dans cet épisode), par opposition à d’autres races qui ne sont guère que des armées sans persos principaux. D’ailleurs Thomas fera ensuite une autre tentative de race ennemie jurée des Kree, les Aakons, mais avec beaucoup moins de succès. Du coup les Skrulls resteront les principaux adversaires des Krees.
Mais aux dernières nouvelles les Skrulls ne s’intéressaient plus à la Terre. Alors comment faire ? Réponse : trouver une explication extrêmement logique. Etablissant que les Skrulls et les Krees sont deux empires extra-terrestres concurrents qui se détestent depuis des lustres, Thomas montre que l’Empereur, réalisant qu’il y a un espion Kree (Mar-Vell) sur Terre, décide de reprendre contact avec le Super-Skrull pour lui ordonner de neutraliser cet agent ennemi. Dans Captain Marvel #3 (juillet 1968), étant arrivé à capturer Mar-Vell, « Super » le soumet alors à une machine, la Psycho-Probe, qui explore la mémoire (c’est sans doute d’ailleurs l’inspiration majeure de la scène du film où Carol Danvers est interrogée par les Skrulls).
C’est alors qu’intervient une sorte de déviation. En 1969, Jack Kirby, alors aux commandes de Fantastic Four (Stan Lee n’intervenant plus guère que sur les dialogues) décide de revisiter les Skrulls mais avec une approche très différente. Dans Fantastic Four #89-93, un esclavagiste Skrull débarque sur Terre et capture la Chose pour l’emmener dans une autre galaxie. Notant que l’Empereur Skrull a déclaré la Terre « hors limite », l’esclavagiste en question est lié à une planète Skrull, Kral, qui semble échapper à son influence. En gros il s’agit de la planète de la mafia Skrull, d’autant plus que des décennies plus tôt les habitants de ce monde ont capturé un gangster humain et entretiennent depuis une sorte d’admiration pour l’époque d’Al Capone. Du coup tout le monde s’y comporte comme à l’époque de la prohibition. D’emblée l’esclavagiste débarque sur Terre en changeant d’apparence et en expliquant que c’est un pouvoir naturel pour lui. Mais inversement, si les Kraliens ressemblent à des humains et qu’on en déduit qu’ils ont changé d’apparence, ils ne font pas mine de modifier leur forme quand les Fantastiques débarquent et provoquent une révolte parmi les esclaves. Ce qui est si facile et naturel pour l’esclavagiste ne semble pas l’être pour le reste des Kraliens. Mais voilà de quoi nous laisser perplexe. Alors, ils changent de forme ou pas les Skrulls ? L’esclavagiste semble être une autre exception. Peut-être parce que, comme les quatre Skrulls de FF #2 ou le Super-Skrull il s’est préparé à sa venue sur Terre ? Oui, mais il explique bien dans le texte qu’il s’agit d’un pouvoir naturel pour lui.
Pour compliquer la chose, la question échappe à Jack Kirby, pour repasser du côté de Captain Marvel et des Avengers. Roy Thomas expliquera plus tard qu’alors qu’il met en place la rivalité entre les Krees et les Skrulls il est fasciné par la situation d’une planète Terre prise en tenaille dans une guerre entre deux vastes empires extraterrestres, comparant la situation à celle d’un îlot du Pacifique que les Japonais et les Américains se disputeraient en pleine guerre mondiale. On verra que l’idée va faire des petits. Mais elle va faire, d’abord, un détour et un rapide retour en arrière. A la jonction des années 60 et 70, le dessinateur star Neal Adams travaille pour Marvel et collabore plusieurs fois avec Roy Thomas sur des séries telles que X-Men ou Amazing Adventures (Inhumans).
Alors que les deux compères discutent de travailler à nouveau ensemble, cette fois sur les Avengers, il semble que pendant un repas entre les deux hommes, le sujet des « vaches Skrulls » laissées à elles-mêmes sur Terre revienne sur la table. Il y a deux versions de l’histoire, Adams et Thomas étant tous les deux convaincus d’avoir mentionné le sujet. Mais on est tenté d’accorder le point plutôt à Neal Adams car la discussion part d’une erreur de continuité (alors que Thomas est un expert de ce genre de raccord) : l’idée de base est de dire qu’à la fin de Fantastic Four #2 on ne voit que trois Skrulls transformés en vaches et qu’on ne saurait pas ce qu’il est advenu du quatrième. Or, comme on l’a dit plus tôt, Reed Richards expliquent simplement que le quatrième est reparti à bord du vaisseau-mère de l’armada.
Sur ce point de départ, les deux auteurs se lancent et Thomas imagine que le « Skrull manquant » a pu infiltrer les milieux politiques, devenant un sénateur qui retournerait la Terre contre ses super-héros, la laissant désarmée face à une double invasion extra-terrestre (Adams s’amusant d’avance à l’idée de dessiner un combat entre les « vaches Skrulls » et les Avengers, ce qui se produira d’ailleurs). Rajoutons à ça l’idée d’un Terre toujours prise en tenaille entre les empires Kree et Skrull et le concept se transforme pour devenir ce qui reste l’un des plus célèbres cycles narratifs des Avengers, la guerre Kree/Skrull (Avengers #89–97, de juin 1971 à mars 1972).
On aura compris, avec la comparaison de Thomas sur la guerre dans le Pacifique, qu’il y a une sorte de glissement sémantique. Dans la logique du récit, les Skrulls et les Krees ne sont plus deux avatars du communisme. Les Krees – tels que vus par Roy Thomas – caricaturent plutôt le côté militariste des USA, ce qui donne un autre aspect de parabole à la guerre Kree/Skrull. A l’aube des années 70, elle peut aussi bien être interprétée comme une allusion voilée au Viêt-Nam où à la Guerre Froide en général, les Skrulls (l’URSS) et les Krees (les USA) menaçant de détruire la planère dans leur folie.
Là aussi il y a un rapprochement à faire avec le film Captain Marvel récent. Car si certains en sont restés au fait que Carol Danvers est une pilote de l’armée de l’air US et que donc le film serait « pro armée US », il semble intéressant de préciser deux points. D’abord l’US Air Force n’a pas précisément le beau rôle dans le film, elle s’est contentée de faire disparaître toute trace des morts supposées de Lawson et Danvers et d’étouffer l’affaire. Mais surtout si on en revient à cette notion que les Krees sont un avatar de l’armée américaine, alors les actions de la Starforce au début sont une caricature plutôt critique du comportement de certaines forces armées américaines au Moyen-Orient, en particulier en Irak (comme par hasard la planète où la Starforce traque les Skrulls est de nature désertique). Et les bombardements voulus par Ronan vers la fin tiendraient plus des « frappes chirurgicales » quand il s’agit de pilonner un pays. Les films de Marvel Studios étant plutôt Démocrates (au sens américain de la chose, voir Captain America: le Soldat de l’Hiver pour un exemple éclatant), cette grille de lecture semble se confirmer.
Pour en revenir à « nos amis les Skrulls », une lecture minutieuse montre que pendant toute la guerre Kree/Skrull les Skrulls dans leur globalité (en tant qu’armée et que race) continuent à ne pas savoir changer de forme et d’apparence. Les Avengers ont beau affronter des hordes de Skrulls à travers différents vaisseaux et différents mondes, ceux-ci ne se comportent que comme de simples trouffions, au mieux comme des astronautes à la peau verte et écaillée. Pareil pour l’Empereur Skrull ou sa fille Annelle. Pendant tout le cycle, les seuls à changer de forme restent les cinq Skrulls remarqués jusqu’ici et identifiés précédemment comme des personnages traités spécialement pour le faire.
Il y a le Super-Skrull puis les trois Skrulls restés un temps et enfin l’autre « skrull originel » de Fantastic Four #2, qui s’est fait passer pour un politicien. Mettons que ce fameux « quatrième Skrull » était reparti avec le vaisseau-mère des Skrulls à la fin de FF #2 puis qu’il était revenu sur Terre ni-vu ni connu entre FF #2 et la guerre Kree-Skrull. Mais cela n’explique pas pour autant certains problèmes de continuité. Par exemple les quatre Skrulls observés dans FF#2 avaient besoin d’appareillages supplémentaires pour pouvoir imiter certains des Fantastiques. Si leur aptitude à changer de forme suffisait à singer les pouvoirs de Mister Fantastic et ceux d’Invisible Girl (le Skrull concerné se contentant de devenir aussi petit qu’une mouche), ceux qui imitaient la Chose et la Torche avaient besoin de gadgets en plus pour générer une force similaire à celle de Ben Grimm ou les flammes de Johnny Storm.
Là, simplement « réveillés » par un rayon envoyé depuis le vaisseau-mère des Skrulls, les trois ex-vaches font preuve des pouvoirs de Ben et Johnny sans qu’aucun accessoire soit nécessaire. Et surtout, sur la fin de la saga, Neal Adams est déjà partir, passé à autre chose. Il est donc remplacé par John Buscema (avec Tom Palmer qui demeure à l’encrage pour une forme de continuité visuelle). Adams parti, la fameuse idée du quatrième Skrull « oublié par les Fantastiques » (alors qu’en fait non, comme on l’a vu) passe un peu à la trappe en termes de narration. Quand le sénateur Craddock est démasqué et privé de ses pouvoirs par Rick Jones dans l’ultime épisode de la saga, personne ne fait mention du fait qu’il s’agisse du dernier Skrull « laissé pour compte » de Fantastic Four #2 (celui qui n’est pas passé par l’étape « vache » dirons-nous). La populace humaine se rue sur lui en hurlant « un Skrull !!! » comme s’il n’était qu’un personnage ordinaire et représentatif de sa race. Il semble que c’est la force de la scène qui impose l’idée qu’un Skrull peut changer d’apparence à volonté, imposant une rupture dans la perception de cette race. A cause de cette scène en particulier et en rajoutant les questions soulevées par Kirby lors du cycle de Kral dans Fantastic Four, c’est à partir de l’après-guerre Kree-Skrull que s’installe le malentendu sur les pouvoirs des Skrulls. Les scénaristes suivants oublient/confondent les cinq Skrulls, l’esclavagiste (et peut-être un ou deux personnages mineurs disséminés ailleurs) avec « le tout venant des Skrulls ».
Comment passer d’une étape où seuls quelques Skrulls semblent pouvoir changer de forme facilement à un stade où c’est l’ensemble de la race qui hérite, sans explication, du même pouvoir de transformation. Dans la vraie réalité, cela tient plus d’un malentendu ou d’un problème de synchronisation. Mais « heureusement », l’univers Marvel peut aussi compter sur la continuité rétroactive pour résoudre ses contradictions apparentes, même si le sens de l’explication n’est pas toujours perçu par les fans. En 2007, les scénaristes Brian Michael Bendis et Brian Reed, collaborant avec le dessinateur Jim Cheung, signent la mini-série New Avengers: Illuminati. Elle repose sur l’idée que plusieurs leaders naturels parmi les super-héros de la Terre (Iron Man, Doctor Strange, Mister Fantastic, le Professeur Xavier, Sub-Mariner et Black Bolt) ont entrepris de régler secrètement, par eux-mêmes, un certain nombre de menaces globales et qu’ils le font depuis de nombreuses années. New Avengers: Illuminati #1 (février 2007) est un épisode flashback se déroulant immédiatement après la guerre Kree/Skrull, alors que les Skrulls rentrent chez eux, humiliés d’avoir été mis en échec par les Terriens. Se doutant de cette réaction, les Illuminati (Iron Man & Cie, donc…) se rendent sur le monde-mère de cette civilisation et les mettent en garde de toute nouvelle action contre la Terre.
Mais leur intervention se déroule mal, les six héros sont faits prisonniers et deviennent les sujets de toute une série d’examens avant de parvenir à s’enfuir. Lu dans le contexte de 2007, New Avengers: Illuminati #1 est un préambule à Secret Invasion, un crossover écrit par Bendis en 2008 et qui montre une attaque sans précédent des Skrulls contre la Terre, ceux-ci se faisant passer pour plusieurs héros terriens dont ils absorbent l’ADN (de manière à copier pouvoirs et mémoires) dans quelque chose qui tient à la fois de la messe noire et du passage à la Psycho-Sonde. Sous cet angle, Bendis semble se contenter pourquoi ses Skrulls seront « plus grands et plus forts » dans Secret Invasion. Mais quand on regarde l’épisode des Illuminati et le moment où il s’insère, on remarque qu’en début du numéro, avant de capturer les héros, l’armée des Skrulls ne donne pas le moindre signe de savoir changer de forme. Les premières vues de groupe de Skrulls polymorphes (déguisés en Avengers), n’interviennent qu’une fois que les examens pratiqués sur les Terriens. En gros, New Avengers: Illuminati #1 explique le moment où l’Empire Skrull fait la bascule, quand il développe une technologie qui permet de populariser le changement de forme parmi les Skrulls. Si Bendis est souvent vu comme un iconoclaste, il vient ici donner une explication qui manquait jusqu’ici dans la continuité des Skrulls.
Bon, et les Skrulls « gentils » là-dedans ? Pour ce qui est de à la moralité des Skrulls, dans la période guerre Kree/Skrull et immédiatement après, Annelle semble être dans cet arc la seule Skrull « gentille », au grand désespoir de son père. Elle fait d’ailleurs un peu les yeux doux à Mar-Vell… Ce qui permettra bien plus tard d’expliquer que ces deux-là n’ont pas fait que se faire des « yeux doux », vivant hors champ, entre deux scènes, une union qui permet plus tard l’apparition du jeune héros Hulkling, fils de Mar-Vell et Anelle et membre fondateur des Young Avengers. Encore que, si on s’en tient à la représentation des persos dans la guerre Kree/Skrull, Anelle est une Skrull sans pouvoir particulier sur sa forme qui arrive cependant à avoir un fils qui change naturellement de forme, sans aucune intervention autre. Cette fois, en termes de moralité, Morrat n’est plus là pour prendre le blâme ou le Super-Skrull n’est pas le seul à porter le chapeau. La race Skrull dans son ensemble semble bien belliqueuse et Anelle ne serait donc qu’une sorte d’exception qui confirme la règle. Et là vous nous dîtes « Ah, ben donc c’est la preuve que les Skrulls ce sont des méchants ». Oui mais ce n’est pas si simple.
Devenu scénariste des Avengers, Steve Englehart entreprend en 1975 quelque chose qui pourrait être présenté à la fois comme une préquelle et une suite de la guerre Kree/Skrull. Pour les besoins d’une autre aventure, les Avengers se rendent en Asie, où ils apprennent l’existence d’une autre race extra-terrestre, celle-là végétale, les Cotatis. Dans Avengers #133 (mars 1975), les héros découvrent que l’origine des Cotatis se confonds avec celle des Krees et des Skrulls. On explique que les Cotatis et les Krees (qui à l’époque n’étaient guère que des hommes des cavernes) sont originaires de la même planète. Mais il y a des millions d’années, une soucoupe volante se pose sur leur monde : les Skrulls (représenté par l’Empereur de l’époque), un peuple pacifiste et bienveillant, se présentent alors aux deux races locales et leur racontent qu’ils voyagent à travers l’espace pour aider à faire avancer les civilisations. Afin de savoir laquelle des deux races ils doivent aider, les Skrulls proposent alors un concours pacifique, un peu la version intergalactique du concours de village fleuri. Ils offrent de fournir leur technologie aux deux peuples, en leur donnant un temps limité pour essayer d’en faire quelque chose de bien et de beau. Déposés sur la Lune terrestre, les Krees construisent une ville industrielle (dont les ruines se trouvent dans l’actuelle zone bleue de l’Univers Marvel). Les Cotatis, eux, préfèrent créer une sorte de jardin majestueux.
Les Skrulls accordent donc le point aux Cotatis. Et c’est là que cela bloque. Les Krees, furieux d’avoir perdus, décident de massacrer tous l’équipage Skrull présent (ce qui veut dire aussi l’Empereur) et de s’emparer de leur vaisseau. A partir de là les Krees ont accès au voyage interplanétaire et commencent la construction de leur propre empire, en persécutant les Cotatis comme les Skrulls. Pour faire face à ce nouveau danger, les Skrulls n’ont pas d’autre choix que de devenir à leur tour un peuple guerrier. Autrement dit les Skrulls apportaient la paix partout… avant de rencontrer les Krees. Et comme ils ne savaient pas se transformer, ils se sont fait massacrer. Là, ça commence à ressembler à quelque chose, mais c’est valable pour les « gentils Skrulls » qui existaient des millions d’années auparavant. Pour quelque chose de plus moderne, la petite graine va être déposée involontairement par un maître du cosmique chez Marvel.
En 1982, le scénariste et dessinateur Jim Starlin rédige un album depuis devenu un classique : Death of Captain Marvel raconte les dernières semaines de vie de Mar-Vell, victime d’un cancer généralisé. Alors que toute la communauté super-héroïque de l’époque arrive sur Titan pour voir le héros une dernière fois, avant qu’il décède, un envoyé spécial des Skrulls fait son apparition. C’est le Général Zedrao, venu pour remettre une médaille à Mar-Vell, reconnaissant qu’il a été un adversaire honorable (pour la petite histoire, il y aussi un autre Skrull dans la scène, Starlin ayant dessiné par erreur le Silver Surfer à une époque où celui ne pouvait pas quitter la Terre. Il a donc été décidé après coup que le Surfer vu ici était un imposteur Skrull). Dans la même scène, Rick Jones, ami proche de Mar-Vell, ne peut s’empêcher de remarquer que les Skrulls ont fait le chemin pour décorer le héros, là où les Krees, son peuple d’origine, n’ont pas levé le petit doigt pour lui.
1982, c’est aussi l’année de la mini-série Hercules: Prince of Power dans laquelle Bob Layton introduit un Skrull gentil mais trouillard répondant au nom de Skyppi. Mais Skyppi, un peu comme Anelle (ou comme Lyja, l’ex-épouse Skrull de Johnny Storm), est présentée comme une exception. Ce qui nous intéresse ici c’est plutôt les cas qui peuvent induire une faction bienveillante de Skrulls.
Sur le long terme, c’est bien Zedrao qui va connaître la carrière la plus intéressante. Le Zedrao de Starlin n’est jamais qu’un nom, représentant tous les Skrulls mais le personnage va prendre comme une vie propre par la suite, quand le scénariste Roger Stern a besoin d’un Skrull « honorable », dans les pages de la série Avengers. Ce n’est pas tant que Stern veuille faire une « suite » à la guerre Kree/Skrull. Il vise plutôt l’héritage de Thanos et des histoires de Starlin. A l’époque le « titan fou » est décédé. Aussi Stern imagine une descendante de Thanos (ou en tout cas qui se présente comme telle) et invente Nebula, adversaire farouche des Avengers et de tout l’univers Marvel, partie pour collecter tout l’arsenal dont elle se dit héritière. Le tout se passe alors qu’une nouvelle version de Captain Marvel (Monica Rambeau) dérive dans l’espace. Les Avengers sautent donc dans un de leur vaisseau et entreprennent aussi bien de sauver Monica que de contrer Nebula. Et dans Avengers #259 (Sept 1985) ils rencontrent en cours de route une partie de l’armée Skrull, sous le commandement du Général Zedrao, lui aussi aux prises avec Nebula. Notons que ce cycle intervient juste après la destruction du monde-mère des Skrulls par Galactus (dans un épisode des Fantastiques). Zedrao est donc le général d’une armée sans planète fixe, ce qui le rapproche un peu des Skrulls du cinéma. Réalisant que leurs intérêts convergent, les Avengers et Zedrao tombent d’accord pour une trève et même une alliance (au grand dam des soldats du général). Zedrao accepte même en plusieurs occasions de se contraindre au code moral de Captain America. A la fin du cycle, l’honorable Zedrao s’avoue impressionné par l’altruisme des Avengers, qui ont risqué leur vie pour les SKrulls. Captain America et lui se disent au revoir en espérant se retrouver comme alliés à l’avenir.
Ce Général Zedrao est – dans les comics – ce qui ressemble le plus au Talos du film… Si ce n’est qu’il y a bien Talos dans les comics. Apparu pour la première fois dans Incredible Hulk #418 (Juin 1994), Talos est d’abord présenté comme celui qui fut le grand guerrier Skrull, par ailleurs oncle de l’Empereur Skrull et donc grand-oncle d’Anelle (par la même occasion arrière-grand-oncle d’Hulkling, pour ceux qui suivent). Mais pendant la guerre, Talos a été fait prisonnier par les Krees et ce déshonneur lui a couté sa réputation. Se sentant moins que rien, Talos recherche une manière honorable de mourir (qui n’implique pas le suicide). Il défie donc Hulk ou d’autres adversaires à l’occasion, mais pour des questions d’honneur qui le rapprochent un peu, en un sens, de Zedrao. En fait le Talos du cinéma est une sorte de compression/fusion entre les versions comics de Zedrao et Talos. Ce dernier apparaît dans les mini-séries Annihilation dans des épisodes qui utilisent aussi Ronan et Gamora et il est fort probable que c’est ce qui a fait la différence au moment de nommer le personnage composite.
Mais qu’il y ait quelques leaders Skrulls « fréquentables » ou tout au moins honorables ne suffit pas pour établir qu’il existe toute une partie de la race Skrull qui soit pacifique. C’est dans Maximum Security: Dangerous Planet #1 (2000) que cette lacune est comblée, quand on découvre que toute une catégorie de Skrulls « mutants » sont pourchassés par les leurs. Et eux sont autrement plus sympathiques que leurs cousins. Connus collectivement sous le nom de « Cadre K », ces Skrulls gentils vont même finir par repartir dans l’espace… sous la houlette de Charles Xavier, l’ancien mentor des X-Men, qui décide que les Skrulls du Cadre K ont plus besoin de lui que les mutants terrestres. Ironiquement, le Professeur Xavier occupe donc une place similaire à celle de Carol Danvers vers la fin du film Captain Marvel. Mais alors pourquoi ne pas avoir utilisé directement le Cadre K dans le film de Marvel Studios ? La réponse est simple : parce qu’ils ne pouvaient pas, même s’ils pouvaient utiliser les autres Skrulls « normaux ».
Et là, il faut regarder ailleurs que dans les comics pour comprendre la mécanique de l’inventaire. Les Skrulls sont, on l’a vu, des personnages qui sont d’abord apparus dans la BD des Fantastic Four. En théorie, cela voudrait dire que leurs droits cinématographiques étaient (jusqu’à la semaine dernière et le rachat de la Fox par Disney), bloqués ailleurs. Mais ce n’est pas précisément comme cela que ça se passe. Quand Marvel Comics a cédé les droits ciné des Fantastiques et des X-Men a la Fox, il y a une vingtaine d’années, ils ont été obligés d’utiliser deux logiques différentes.
Pour les X-Men, tout personnage relevant des mutants était automatiquement rattaché à la licence ciné, tout comme ceux apparus pour la première fois dans la série. Avec des exceptions dans les quelques cas où un personnage apparu chez les X-Men avait ensuite vécu la plus grosse partie de sa carrière dans des titres extérieurs. C’est le cas pour Scarlet Witch et Quicksilver, nés chez les X-Men mais dont les centaines d’apparitions chez les Avengers font/faisaient que les personnages étaient codétenus par la Fox et Marvel Studios (d’où deux Quicksilver différents au cinéma).
Pour les Fantastiques, il était impossible d’utiliser la même logique et de céder automatiquement tout personnage d’abord apparu dans les pages des Fantastic Four, sachant que la série des FF a servi à introduire une énorme partie de l’univers Marvel dans les années 60. Il a donc fallu passer par un listing détaillant certains personnages et pas d’autres (Black Panther, bien que lancé chez les Fantastic Four, a été considéré comme une licence extérieure). A la différence des mutants, indissociable des X-Men, les races ont été considérées comme « indéposables ». C’est ce qui a permis à James Gunn d’utiliser les Krees dès le premier Guardians of the Galaxy et les Watchers dans le second… Mais pas Uatu, malgré les envies de voir en Stan Lee ce personnage. Uatu le Watcher était associé aux FF et bien que Kevin Feige se soit laissé aller à évoquer l’hypothèse en interview, la répartition des persos empêchait Marvel Studios – jusqu’à cette semaine – de faire mention d’Uatu à l’écran.
Les droits des Kree ou les Watchers étaient codétenus par les deux studios tandis que les personnages individuels étaient chez l’un ou chez l’autre. Pour Ronan, Marvel Studios a profité du même cas de figure que Quicksilver : bien qu’il ait débuté chez les FF, Ronan a par la suite affronté de manière beaucoup plus massive , plus répétées, d’autres groupes tels que les Avengers. Gunn l’expliquait dès 2016 dans un tweet, répondant à quelqu’un qui lui posait la question.
Pour les Skrulls, c’est la même chose, bien que l’utilisation des Chitauris (personnages assez voisins, au point que l’univers Ultimate considérait qu’il s’agissait de deux noms de la même race) dans le premier film Avengers ait un peu semé la confusion dans l’esprit de certains. Fox et Marvel Studios codétenaient les Skrulls mais le sort des personnages individuels dépendait de leur lieu d’apparition et de leur série d’utilisation. Ainsi le Super-Skrull était rattaché à la Fox, tout comme Anelle, Morrat et quelques autres.
Le Cadre K (tout comme les War Skrulls, une autre variante de la race) ayant été utilisé surtout dans les séries X-Men et qui plus est étant établis comme des « Skrulls mutants », ils ne risquaient pas non plus d’être utilisés dans un film Marvel Studios tant que le rachat n’était pas effectif. A l’inverse, Zedrao est apparu d’abord dans un album de Captain Marvel et est ensuite surtout apparu dans les pages des Avengers. Et Talos a été lancé dans la série de Hulk. De ce fait, la Fox n’aurait pas pu les utiliser, eux où des éléments de leur histoire. Il n’est donc pas illogique que Marvel ait décidé d’utiliser des éléments de ces deux-là.
Maintenant qu’on y pense, avec tous les questionnements soulevés autour des pouvoirs des Skrulls, la Fox n’aurait peut-être même pas pu utiliser à un certain niveau des Skrulls « communs » changeant de forme (à l’exception de ceux qui se font passer pour les FF, comme en 1962), ce « portrait » de la race ayant finalement majoritairement été utilisé dans des comics extérieurs aux Fantastic (difficile d’être certain, ce genre de question étant réglée par arbitrage entre avocats). On notera que c’est sans doute ce type de problématique qui nous a privé d’une Intelligence Suprême verte et tentaculaire (comme dans les comics). Parce que les Krees en général étaient donc codétenus mais que le visuel « vert » de l’Intelligence a fait ses débuts dans Fantastic Four (tout comme les Sentry). Les Krees de Marvel Studios avaient donc le droit d’avoir quelqu’un ou quelque chose qui occupe le poste d’Intelligence Supreme… tant que ce n’était pas le personnage découvert dans les pages des FF.
Les Skrulls vu dans le film de Marvel Studios ne sont pas réellement gentils (au début du film ils tentent de supprimer Carol ou des agents du S.H.I.E.L.D) mais motivés par une responsabilité envers leur communauté et leurs familles. D’ailleurs dès lors qu’ils réalisent que Carol n’est pas Kree et qu’elle peut se battre avec eux, le revirement n’est pas très différent de celui de Zedrao. Mais alors pourquoi le mélanger avec Talos ? Il faut aussi se souvenir que le film Captain Marvel se passe un quart de siècle dans le passé de l’univers cinématique de Marvel. Du coup il n’est pas exclu que les producteurs aient voulu se garder Zedrao (sauf erreur, il ne fait pas partie des Skrulls utilisés à l’écran) pour une utilisation plus « contemporaine » dans un film à venir, à plus forte raison parce qu’il est lié à Nebula et à « l’héritage de Thanos » (ce qui, potentiellement, peut avoir un intérêt une fois passé Avengers: Endgame). Enfin, avec le rachat de la Fox par Disney et le retour probable des licences FF et X-Men vers Marvel Studios, l’avenir permet aussi d’envisager des factions plus radicales et militaristes de la race Skrull, utilisant des personnages plus « méchants » mais jusqu’ici interdits, comme l’Empereur, Morrat ou le Super-Skrull. Cela ne veut pas dire qu’on les verra (Morrat n’a pas forcément marqué les esprits) mais un James Gunn s’est débrouillé pour caser à l’écran même les Aakons (qui sont pourtant assez obscurs). Il reste donc une ouverture pour les « autres » Skrulls, nettement moins bienveillants.
Cela ne veut bien entendu pas dire que le public aurait du partir à la projection « la fleur au fusil », en pensant que les Skrulls seraient obligatoirement gentils. Mais pas plus/pas moins qu’il fallait anticiper à l’avance que les Skrulls seraient FORCEMENT des menaces (bien qu’évidemment la promo du film allait en ce sens). Le propre des Skrulls, c’est d’être imprévisible. Mais, non, les « gentils Skrulls », ce n’est pas une invention du ciné. Plus largement, le retournement de situation du film est conforme au rebondissement de Fantastic Four #37, à savoir que les Skrulls ne devraient pas être jugés trop dûrement, parce qu’il y a des bons et des mauvais partout, après tout. Ce n’est pas là que se cache l’entaille à la continuité des Skrulls dans les comics. Si on compare à la version d’origine, il faut se souvenir en effet que Talos, en théorie, est un outsider et l’un des seuls qui ne devrait pas changer d’apparence.
[Xavier Fournier]