Oldies But Goodies: Limited Collectors’ Edition C41 (Dec. 1975)
24 mai 2008[FRENCH] Ca y est! Wendy et Marvin ont tous les deux (tous les trois, si l’on compte leur Wonder Dog) été convoqués auprès de la Justice League au grand complet et on les intronise comme membres. Excusez-du peu! Surtout quand l’histoire en question est dessinée par Alex Toth et que ces personnages (à redécouvrir) sont les protégés de Batman & Wonder Woman.
Les lecteurs actuels connaissent sans doute Wendy et Marvin principalement parce qu’ils sont, de nos jours, les intendants de la Tour des Titans dans la bd actuelle des Teen Titans. Deux « civils » assez forts en technologie pour entretenir les différents gadgets des Titans mais aussi pour réparer, le cas échéant, le corps artificiel de Cyborg. Mais Wendy et Marvin, à la base, auraient pu être tellement plus que ça… Ils firent leurs débuts en 1973 dans le dessin animé des Super Friends, la version naïve, « pour enfants », de la Justice League. Autant le dire de suite: Wendy, Marvin et leur chien Wonder Dog lorgnaient assurément du côté de Scooby-Doo (la ressemblance Marvin/Wonder Dog et Samy/Scooby-Doo est assez marquée). Et puis en 1975 DC se décida de les utiliser dans quelques comics, en adaptant les Super Friends en BD.
C’est dans ce « Limited Collectors’ Edition », sous une couverture d’Alex Toth depuis devenue classique que les deux jeunes héros se voient enrolés comme apprentis de la Justice League. Pour l’occasion, on avait demandé à Toth de dessiner l’histoire de la rencontre: comment Wendy et Marvin furent escortés jusqu’au Hall of Justice par Robin et comment on leur présenta les principaux membres de la JLA (Red Tornado y compris). C’est l’éditeur E. Nelson Bridwell qui se charge pour le coup d’écrire l’épisode tandis que dans les pages suivantes diverses vignettes et pages d’introductions elles aussi dessinées par Toth servent de cadre à des réimpressions où la JLA raconte certains vieux cas aux deux novices…
Le cartoon et son adaptation en BD avaient des liens assez différents avec la continuité. Dans le dessin animé, où l’on avait inventé non seulement Wendy, Marvin mais aussi le Hall of Justice, il était évident qu’on ne s’emcombrait pas de détail. Les « Super Friends » étaient mentionnés comme une équipe intégrant divers piliers de la Justice League ainsi que Robin. Il était rare (mais pas interdit) de mentionner la Ligue. On pouvait partir du principe que tout ça était hors-continuité. Dans la BD Super-Friends (devenue régulière après Limited Collectors’ Edition C41), par contre, le rapport était beaucoup plus flou. D’accord, la JLA faisait usage d’un QG jamais vu dans la continuité (le Hall of Justice, actuel QG de la JLA dans la série relancée l’an dernier). Mais dans Super Friends #8, par exemple, Black Canary fait clairement référence à une mission de la JLA qui s’est déroulé dans Justice League of America v.1 #147-148, mention éditoriale à l’appui. Il y avait donc un lien. Tout ça ne se passait pas en dehors du monde normal des super-héros…
Seulement voilà, si tout ça se passait en marge des aventures habituelles de la JLA mais dans le même contexte, alors qui étaient Wendy et Marvin ? Pourquoi avaient-ils le droit de partager la vie des plus grands héros de la planète ? Dans le cartoon, personne ne s’était occupé de leur donner une identité précise ou une raison particulière de suivre des cours auprès de la Ligue. Pourquoi la JLA aurait-elle accepté de former ces deux ados plus que n’importe qui d’autre sur la planète ? Aucune raison n’était donnée dans le dessin animé… Encore que… Dans Super Friends #1 E. Nelson Bridwell rapporte que la première proposition du show était de faire de Wendy la nièce de Batman, qui aurait alors balancé du « Oncle Bruce » par-ci ou par-là…
L’idée fut vite abandonnée mais donna une piste à Bridwell au moment de lancer la BD adaptée du cartoon. Wendy ne pouvait être la nièce de Batman. Cela aurait été une faute de goût. Même si avant Crisis Bruce Wayne avait bien un frère, Thomas, ce dernier était un fou furieux ayant passé le plus clair de sa vie en institution. Il était impossible de voir en lui le père d’une jeune héroïne s’adressant aux enfants. Et il semblait difficile de croire que Thomas ait pu procréer alors qu’il était interné. Mais Bridwell trancha en faisant de Wendy non pas la nièce de Batman mais sa filleule. D’abord, il y avait déjà une Wendy dans l’univers DC: l’épouse d’Hourman (membre de la Justice Society), dont le nom de jeune fille était Harris. Il se trouvait que dans le mythe de Batman, il y avait un personnage à la Sherlock Holmes, le detective Harvey Harris. C’est lui qui, avant Crisis, était supposé avoir enseigné toutes les ficelles au jeune Bruce Wayne. C’était, en d’autres termes, le mentor aujourd’hui décédé de Batman mais aussi une des rares personnes à connaître son identité. Comme Wendy Harris, épouse de Hourman, se trouvait sur Terre 2 (la dimension des vieux héros de DC) et que le monde de référence de DC restait Terre 1 (réalité où vivaient les héros apparus dans les années 60), Bridwell décida que la Wendy vue dans Super Friends était Wendy Harris, filleule de Batman et sans doute équivalent sur Terre 1 de l’autre Wendy Harris.
Une fois la brèche ouverte, il ne restait plus qu’à appliquer la même recette à Marvin. Mais de qui pouvait-il être le filleul ? Sans doute d’un(e) autre membre de la Justice League qui avait été aidé par un(e) civil(e) a ses débuts. Et comme Marvin avait donné à son chien le nom de Wonder Dog, c’est vers Wonder Woman qu’on se tourna pour la solution. Wonder Woman, dans ses premières pages, achetait l’identité secrète de Diana Prince à une jeune infirmière obligée de partir à l’étranger pour suivre l’homme qu’elle aimait. Bingo, il n’y avait qu’à dire que Marvin était le fils de la vraie Diana Prince, désormais à un monsieur White… Arrivé à ce niveau, les Juniors Super Friends prenaient une allure de Justice League: The Next Generation qui ne fut jamais poussé au bout. On aurait pu penser, par exemple, que pour compléter le club quelqu’un penserait à ajouter aux Super Friends le jeune Pete Ross Jr., un ado qui connaissait l’identité secrète de Superman. Chaque membre de la « trinité » centrale de DC aurait ainsi eut son protégé… Mais non. Pire, Wendy et Marvin furent essentiellement oubliés quand les producteurs du show animé décidèrent de changer la formule, les remplaçant par deux petits extra-terrestres surnommés les Wonder Twins… Dans la BD, on se donna la peine d’expliquer le changement: Wendy et Marvin avaient fini leur formation! Ils étaient les premiers diplomés du programme Super Friends et pouvaient donc désormais se concentrer sur la fin de leurs études avant de devenir, sans doute, des super-héros eux-mêmes. D’autant qu’avec la recomposition post-crisis des Terres de DC, Wendy pouvait passer pour une parente, par alliance, d’Hourman…
Imaginez: deux super-héros qui avaient été formés par la JLA toute entière et étaient patronnés par Wonder Woman et Batman! Si l’idée avait été suivie sérieusement, les Super Friends auraient pû être la version amicale et morale de Avengers The Initiative… Wendy et Marvin auraient pu revenir en se targuant du même niveau d’expérience que Robin ou Wonder Girl. Mais peut-être pas intéressé par l’apparition d’une Batgirl de plus ou d’un Wonder Boy, DC ne les utilisa pas… Aujourd’hui réduits au rang de concierges scientifiques dans Teen Titans, Wendy et Marvin (dont on nous dit maintenant qu’ils sont frère et soeur) sont comme une sorte de rendez-vous manqué. Le comic book Super Friends fut, lui, la plupart du temps assez insipide mais Limited Collectors’ Edition C41, avec la patte de Toth est assez fascinant, surtout que le numéro comporte aussi une courte histoire où l’artiste aujourd’hui disparu explique, en images, comment il conçoit les dessins animés. Bref, voici un « Collector » qui porte bien son nom… Si vous le procurer vous semble compliqué, les deux histoires (celle de Wendy et Marvin rencontrant les Super Friends ainsi que le « How To Do It » d’Alex Toth ») ont été rééditées dans le TPB Super Friends, sous une jolie image d’Alex Ross, inspiré de celle de Toth. Mais si vous faîtes l’effort de chercher Limited Collectors’ Edition C41, vous aurez ainsi la couverture originelle…
[Xavier Fournier]