En l’an 4000, la société humaine sera devenue totalement dépendante de robots pour la plupart des tâches usuelles. Des robots-domestiques, des robots-policiers, des robots-constructeurs d’autres robots… Et dans un monde comme ça, quand il y a un bug ou un simple sabotage, tout s’écroule. Les machines peuvent prendre le pouvoir en quelques minutes ou décider d’en finir avec une race humaine qui, à force de déléguer, n’a aucune idée de comment réagir. D’ailleurs, tenez, ça ne manque pas de se produire dans l’introduction de cet épisode de Magnus. Les robots semblent devenus fous et incompréhensibles, comme s’ils étaient pris d’une épidémie (l’histoire est finalement assez visionnaire puisqu’elle prédit l’arrivée de virus informatiques).
Leeja, sa compagne, c’est autre chose. Il est certain qu’elle « castée » dans le même rôle de potiche qu’occupait beaucoup d’héroïnes de l’époque (La Fille Invisible, la Guèpe, Marvel Girl…) avant la libération de la femme. Ce n’est pas elle qui va prendre la moindre intiative, c’est certain. Mais Leeja, sous le crayon de Manning, apporte un côté glamour que ses collègues/concurrentes du moment étaient loin d’égaler. Coupe de cheveux impeccable, toujours habillée dans une sorte de mini-robe de soirée noir au décolleté plus suggestif que les tenues des héroïnes de Marvel. Le dessinateur allait jusqu’à utiliser un effet de reflet à l’extrémité de la mini-robe pour évoquer l’idée qu’elle était semi-transparente. C’était beaucoup plus (et pourtant peu, avec le recule) de sex-appeal que la production environnante. Mais Gold Key, l’éditeur de Magnus, ne faisait pas partie des éditeurs qui s’étaient mis à genoux devant la Comics Code Authority. Ceci explique peut-être cela…
Nos deux tourtereaux ne manquent pas d’être appelés à l’aide et Magnus, n’écoutant que son courage, tient tête à une bonne quinzaine de robots, moment qui permet de montrer sa force. Les machines tombent en pièce et, bizarrement, les humains se demandent si le virus qui a frappé les robots ne risque pas de les contaminer eux aussi. Dans un premier temps les pouvoirs publiques préfèrent faire évacuer tous les robots de la ville. Mais dans les bas-fonds, les Gophs, une communauté mêlant pègre et rebus de la société refuse de se séparer de ses machines. Magnus est obligé d’aller parlementer avec eux pour leur faire comprendre l’urgence de la situation. Un mystérieux manipulateur fait cependant croire aux Gophs qu’il s’agit d’une ruse de Magnus pour les priver de leurs robots. C’est immédiatement la révolte. Encore heureux que, comme leur dit lui-même Magnus « Vous n’avez aucune chance contre quelqu’un assez fort pour briser des robots ». Mais le vrai méchant de l’histoire ne tarde pas à se faire connaître. C’est Xyrkol !
Hum ? Non, j’ai dit Xyrkol, pas Colargol ! Xyrkol, c’est l’ennemi juré de Magnus. C’est un peu, pour cette série, ce que Magnéto est au Professeur X. C’est lui aussi un spécialiste des machines mais qui les utilise à ses fins, tantôt prêchant la révolte des robots, tantôt révélant que quand ils prendront le pouvoir, ce sera pour le mettre, lui, sur le trône. On notera au passage qu’en dehors d’une coupe de cheveux délirante (digne de l’ex-chanteuse Désireless), Xyrkol a aussi une certaine ressemblance physique avec Staline. Si Magnus n’a eu aucun mal à vaincre les Gophs, il tombe cependant facilement sous le rayon tranquillisant de Xyrkol. Le criminel s’enfuit sur une autre planète (à 60.000 années lumières), emportant avec lui son prisonnier.
Chez les humains, privés de leur champion, c’est la consternation. La belle Leeja est en pleurs. Jusqu’au moment où elle est accostée par une vieille femme qui fait partie de gens que Magnus a sauvé. L’inconnue explique que ce collectif de 1000 personnes a découvert qu’en réunissant les ressources collectives de leurs cerveaux, ils pouvaient faire apparaître d’étranges pouvoirs mentaux.
Pendant ce temps Xyrkol présente à Magnus son nouveau lieu de détention : la planète Malev-6, qui est en fait un gigantesque cerveau robotique qui n’est pas sans évoquer, avec un peu d’avance, la planète d’origine des Transformers. Les Malev, race robotique dont c’est ici la première mention, deviendront par la suite des ennemis récurrents de Magnus. Xyrkol a passé un pacte avec Malev-6, de manière à éliminer les robots terriens pour préparer l’arrivée de l’Empire Robot (la civilisation Malev) sur Terre. Xyrkol et Malev-6 ont capturé Magnus car ils veulent savoir comment un simple humain peut-être assez fort pour lutter physiquement contre des robots. Le héros est alors soumis à une terrible bataille contre une machine mais se rebelle bien vite et, le jugeant trop dangereux, Malev-6 décide alors qu’il faudra le tuer.
Sur Terre, investie par le pouvoir des 1000, Leeja arrive à projeter son esprit à travers l’espace, à la recherche de son fiancé. Trouvant Magnus sur le point d’être tué, elle canalise à travers lui le pouvoir des télépathes et le héros trouve alors assez de pouvoir mental pour provoquer un court-circuit de la planète Malev. Et comme le cerveau robot est inerte, il n’a maintenant plus aucune défense contre le virus informatique que lui et Xyrkol ont créé. Ce monde semblant voué à sa perte, Xyrkol ne se fait pas prier pour le quitter. Sous la menace de Magnus, les deux humains retournent sur Terre et le héros retrouve sa fiancée. La morale finale de l’histoire étant que tant qu’il y aura des humains aussi braves que les 1000 ou Leeja, l’humanité n’aura à craindre aucune conquête, qu’elle vienne d’un homme ou d’une machine. Oui enfin bon, ça n’empêchera pas Magnus d’avoir encore de nombreuses aventures après ça…
Magnus, dans sa version sixties, c’était indéniablement quelque chose. Une sorte de non-sens kitsch, à mi-chemin entre la paranoïa de la Guerre Froide (Xyrkol – manipulant les « travailleurs » qu’étaient les robots – évoquant visiblement l’ennemi communiste) et une parabole qui traitait aussi de la fin de la ségrégation aux USA (les « robots » de toutes les coulers formant une autre culture que les humains, tous blancs, ne savent pas totalement intégrer). Si Magnus a connu plusieurs tentatives de relance (notablement dans les années 90, chez Valiant) et si certaines d’entres elles n’étaient pas dénuées de mérites, aucune n’a pu égaler cette version première du héros, tel que racontée par Russ Manning (et n’oublions pas les couvertures peintes par George Wilson). Tout une époque non pas parce que Magnus racontait un hypothétique futur mais bien parce que la série, quand on creusait bien, était le reflet des questions sociales des années 60…
[Xavier Fournier]
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