Oldies But Goodies: Master Comics #1 (Mars 1940)
24 août 2013[FRENCH] Début 1940, l’éditeur Fawcett Comics décida de courir après le succès de DC Comics. De cette logique émergèrent plusieurs titres et plusieurs héros : le célèbre Captain Marvel de l’âge d’or mais aussi un autre cousin de Superman, Master Man, qui a disparu ensuite dans les limbes malgré un potentiel certain…
En 1940 Fawcett Comics décida de se tourner massivement vers les lecteurs de super-héros en lançant, en l’espace de quelques mois, plusieurs anthologies nouvelles qui lorgnaient énormément sur les recettes de DC Comics. Slam-Bang Comics, Whiz Comics, Wow Comics ou Master Comics allaient faire preuve d’un énorme air de famille. A la décharge de Fawcett, l’éditeur n’était pas le seul à se livrer à ce mimétisme (nous avons déjà discuté de comment Red Raven Comics #1, publié par Marvel, lorgnait également beaucoup sur Flash Comics #1 dans son casting de personnages). Whiz Comics allait lancer Captain Marvel (version Shazam) et Spy-Smasher (qu’on pourrait considérer comme le Batman de l’univers Fawcett. Encore qu’à l’évidence Fawcett aimait multiplier les pistes. Ne sachant pas trop quel personnage marcherait, l’éditeur empilait des clones. Un seul pseudo-Batman ne suffisait pas, par exemple, et quelques temps plus tard Fawcett allait lancer Mister Scarlet, qui jouait lui aussi sur la corde du justicier urbain masqué. Pour Superman, c’était pareil. Avoir Captain Marvel ne suffisait pas, à ce qu’il semble. Et de toute manière il y avait encore une anthologie à remplir… Master Comics !
Pour un Master Comics, il fallait forcément… un Master Man. Dès les premières pages les auteurs lancent donc leur héros en ne faisant pas dans la demi-dentelle. Ce personnage blond, Master Man donc, portant une chemise bleue et un pantalon rouge est introduit comme suit… « Nous présentons aux lecteurs du plus grand comic-book du monde le meilleur héros du monde ». Dans les cases suivantes, l’expression de ses pouvoirs va cependant nous faire penser de manière diffuse à certains modèles. On nous explique que Master Man est « plus fort que les chevaux sauvage, plus rapide que les vents enragés, plus brave que les lions puissants, plus sage que la sagesse et aussi galant que Galaad… ». En fait deux logiques se croisent. La première tient à l’énumération des qualités du héros (« plus sage que la sagesse et aussi galant que Galaad… ») qui fait fortement penser à Captain Marvel. Les pouvoirs de Captain Marvel sont basés sur un comparatif avec des personnages classiques, religieux ou mythiques. Ainsi il a la sagesse de Salomon, la force d’Hercule et ainsi de suite…
L’autre modèle principal de Master Man est… Superman. D’abord il y a le nom (on remplace « l’homme supérieur » par « l’homme maître ») et puis il y a ce descriptif qui le veut plus fort que des chevaux sauvages, plus rapides que les vents… Superman, lui, était décrit comme étant « plus rapide qu’une balle, plus puissant qu’une locomotive… ». Dans son cas les exemples étaient plutôt mécaniques (et sans doute plus spectaculaires qu’un cheval et du vent) mais l’intention du scénariste inconnu de Marvel Man ne trompe pas…
On lorgne effrontément sur le héros majeur de DC Comics. A plus forte raison parce que d’autres ressemblances apparaissent. Master Man ne vole pas (d’ailleurs Superman non plus ne vole pas en 1940, ce pouvoir étant encore appelé à apparaître) mais bondit de manière super véloce. Dans la case qui nous montre « Masty » se déplaçant plus vite que le vent, il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec la manière dont les Kryptoniens se déplacent dès 1938.
Mais un personnage comme Master Man se doit d’avoir une origine extraordinaire pour justifier de tels pouvoirs. Et il serait difficile d’impliquer la destruction d’une lointaine planète (comme Superman) ou l’intervention d’un sorcier (comme Captain Marvel). L’auteur se lance donc pour le coup dans une histoire très différente : « Quand il n’était qu’un garçon, le jeune Master Man n’était qu’un avorton ». Et on voit effectivement l’enfant, plus petit et plus malingre que les gosses de son âge, qui refusent du coup de jouer avec lui. Bien qu’on ne nous explique pas vraiment d’où vient l’état du jeune homme, il doit y avoir quelque chose de maladif dans l’affaire puisqu’un docteur fini par lui conseiller de « prendre beaucoup de repos, une bonne alimentation et, à chaque fois que tu te sentiras faible, prend ça… ». Et le docteur lui tend alors une « capsule magique pleine de vitamines, contenant toutes les sources d’énergies connues par l’homme : la Vitacap ! ».
En un sens, encore heureux que nous ne sommes qu’en mars 1940 sinon la tentation serait grande de faire le rapprochement entre Captain America (lancé par Marvel/Timely seulement en 1940, le docteur s’occupant d’un adolescent malingre se retrouvant dans les deux cas) ou le Hourman de DC Comics (un personnage faible qui doit prendre une pilule spéciale pour être fort pendant une heure). Mais Hourman est apparu dans Adventure Comics #48 en… mars 1940. Impossible que Master Man ait copié sur ces deux-là. Il semble plus que probable que le créateur de Master Man se soit tourné vers certains héros des pulps, à l’instar de Doc Savage et de quelques autres qui voulaient qu’un régime sain dès l’enfance aboutisse à un homme parfait. Captain America et d’autres super-héros des comics ayant eux aussi emprunté à Doc Savage, la ressemblance s’explique plus facilement ainsi. A l’évidence le scénariste n’a pas la moindre idée de qui est le mystérieux docteur et de ce que contient sa pilule (qui impliquerait donc de l’électricité, de la radioactivité… allez savoir). Et si une telle pilule existe et est manufacturable à volonté, alors pourquoi le vieil homme n’en fait-il cadeau qu’au futur Master Man et pas à d’autres ? Au moins, dans Captain America Comics, l’inventeur du traitement qui transforme Steve Rogers périt dans la minute, ce qui empêche de dupliquer le processus. Là ? L’auteur n’a pas pensé à cet aspect des choses.
Quoi qu’il en soit, grâce à ce traitement particulier, le jeune garçon grandit et, arrivé à l’âge adulte, est devenu l’homme le plus fort sur Terre (l’image le prouve, en le montrant capable de soulever un énorme rocher). Et pour aller avec son standing, une maison ordinaire ne pouvait convenir à Master Man. Il s’est donc construit lui-même un énorme château sur « la plus haute pointe de montagne ». Là aussi l’auteur ne s’encombre pas de détails et on ne saura donc pas vraiment s’il parle de la plus haute montagne du monde… Mais si Master Man est réellement supposé habité en haut de l’Everest, dans l’Himalaya, cela ralentirait d’autant sa capacité à intervenir en Occident (encore que, bien sûr, quand on est « plus rapide que le vent » on peut sans doute se permettre de parcourir le globe en quelques secondes). L’idée (complètement farfelue) est que de si haut, il peut voir toutes les choses mauvaises à la surface du monde et peut se précipiter pour intervenir. Vu que jusqu’à preuve du contraire le monde est rond et qu’il ne s’agit pas d’une surface plane, même en se tenant sur le plus haut sommet du globe et même en ayant une vue perçante qui porterait sur des centaines de kilomètres (ce qui serait déjà un exploit), on imagine mal comment Master Man pourrait voir à l’œil nu (c’est comme ça qu’on nous le représente) tout ce qui se passe à la surface de la planète.
D’ailleurs cette idée est minorée dès la scène suivante, quand un inconnu (ressemblant d’ailleurs un peu au médecin qui avait offert les pilules à Master Man) se présente au château pour réclamer l’aide du héros (ce qui implique que l’existence de Master Man est connue de tous). L’homme explique qu’il vient d’une cité nommée Ecaldon, où une armée de gangsters fait régner la terreur. Aussitôt Master Man dirige son télescope géant… dont il n’avait pourtant pas besoin dans la scène précédente, mais sans doute qu’Ecaldon est beaucoup plus loin que sa zone de surveillance habituelle. Encore que là on dispose d’un repère puisqu’on nous explique qu’Ecaldon se situe à 200 miles de là (soit 321 kilomètres). Comme les habitants de la ville ont l’air d’être occidentaux, l’idée que le château de Master Man puisse être situé dans l’Himalaya s’estompe. Décidant d’intervenir Master Man s’élance alors à nouveau à la manière du Superman de l’époque, courant très vite et bondissant par dessus les rivières ou les montagnes. Deux heures plus tard il arrive à Ecaldon (ce qui là aussi nous donne une idée de sa rapidité… Il fait donc du 160hm/h).
Les gangsters d’Ecaldon sont visiblement des êtres violents qui tirent sur tout ce qui bouge. Quand ils voient Master Man dans la rue ils décident de l’abattre bien qu’ils ne semblent pas pour autant le connaître. Armés de mitrailleuses ils lui tirent dessus. Heureusement pour lui, le héros a une autre caractéristique de Superman et Captain Marvel : il ne craint pas les balles. Mieux : il écarte les pans de sa chemise pour mieux montrer à ses adversaires qu’elles rebondissent sur sa peau. Et il se moque d’eux « Vous tirez avec quoi ? Du chewing-gum ? ». Un des gangsters visiblement plus éveillé que les autres en arrive à cette conclusion : « Ce type n’est pas humain ! ». Et bien sûr, comme il est supérieurement fort le détachement de gangsters n’est pas de taille à lui résister dans un combat au corps-à-corps. Mais une nouvelle fois on a l’occasion de s’interroger sur les motivations et les moyens de cette horde criminelle… Les méchants ont en effet prévu d’utiliser un avion pour bombarder l’orphelinat de la ville avec la TNT. On peut se demander ce qu’ils auraient à y gagner. En fait quand on y regarde bien, les évènements décrits sont ceux d’une vraie guerre avec une armée d’envahisseurs, pas vraiment les actions d’un crime organisé.
Bien sur Master Man ne peut pas laisser les enfants exploser. Il se précipite donc pour intercepter la bombe en plein vol et la poser sans dommage sur le toit de l’orphelinat. Du coup les gangsters décident de brûler l’immeuble pour se débarrasser du héros. Ce n’est pas pour ca qu’ils y arriveraient (Master Man n’aurait qu’à bondir au loin). Les criminels lancent alors des torches sur le bâtiment… mais comme il reste du monde à l’intérieur, Master Man tente d’intercepter les torches avant qu’elles puissent déclencher un incendie. Il manque cependant son coup et l’orphelinat est bientôt cerné par les flammes. Une infirmière qui était encore là tente alors de sauter par une des fenêtres. Master Man saute alors de manière à pouvoir la prendre dans ses bras et la poser au sol sans problème. Mais il reste aussi des enfants dans l’orphelinat et l’indestructible Master Man fait alors demi-tour et s’enfonce dans les flammes, pour en ressortir avec deux gosses sur les bras. Comme on a pu le voir, les gangsters de cette histoire ne sont pas vraiment des lumières. Ce n’est qu’à ce moment-là qu’ils réalisent que Master Man est… un héros (incroyable !). Ils décident donc de l’écraser avec une voiture blindée qui fonce sur lui. Master Man s’en empare, la soulève comme un jouet et la secoue pour que les gangsters en tombent. Et au passage, même si la scène est clairement dessinée de manière différente, on a donc droit à un autre archétype lié à Superman. En soulevant la voiture, Master Man fait forcément référence à la fameuse couverture d’Action Comics #1, en 1938, sur laquelle l’autre surhomme soulevait déjà une automobile !
A un moment l’avion de la pègre fait un plongeon vers Master Man pour l’effrayer ou le faire fuir. Pas impressionné, le héros saute sur une des ailes et… la tord. L’avion s’écrase donc mais Master Man a le temps de sauter au loin… Et comme le pilote de l’avion était le chef du gang, le super-héros a donc bon espoir d’en avoir terminé. Il le sort de la carcasse en lui promettant qu’il va passer au moins 50 ans derrière les barreaux… Mais quand il arrive à l’Hôtel de Ville, Master Man découvre qu’il n’en a pas terminé avec le reste de la bande. Le maire lui apprend qu’ils viennent de kidnapper sa fille (celle du maire, pas celle de Master Man). Profitant de sa super-vitesse, Master Man s’élance sur la route et rattrape la voiture des kidnappeurs, l’arrêtant d’un simple coup de la main. Et comme à l’intérieur il ne trouve que deux brigands, Master Man a tôt fait d’en venir à bout. Il les jette ensuite dans une proche rivière puis inspecte la banquette arrière, sur laquelle il trouve la fille du maire. Après l’avoir libérée, Master Man prend alors le soin de retourner la voiture sur le toit. Une autre occasion de souligner que, comme Superman, Master Man peut soulever des véhicules, mais qui permet au héros de s’assurer que les kidnappeurs ne fuiront pas avant l’arrivée des forces de l’ordre.
« Mais comment allons-nous retourner en ville » s’inquiète la fille du maire ? Master Man lui explique alors qu’il connait une façon plus rapide de faire. Il la soulève dans ses bras et… court à super-vitesse jusqu’à Ecaldon. Là, on le remercie en organisant une cérémonie. Reconnaissant, le maire implore : « Pourquoi ne restez vous pas ici ? On a besoin d’hommes comme vous ! ». Sa fille est à l’évidence très motivée par l’idée que Master Man reste… Mais ce dernier n’est pas l’homme d’une seule ville. Il explique qu’il doit retourner chez lui. Et avec un bond gigantesque, il se met en route pour son château. En épilogue, le narrateur tease le lecteur « Quelle étonnante aventure fera à nouveau sortir Master Man de son château pour une nouvelle attaque contre le crime ? Découvrez-le en lisant le mois prochain un nouvel épisode de Master Comics, le meilleur comic-book du monde, avec en vedette Master Man, le plus grand héros du monde ! ».
En fait Master Man se distingue de ses éminents collègues par le fait qu’il ne semble pas avoir de double identité. Vu le peu de détails qu’on nous donne sur lui, il n’est pas évident que le public sache qui était Master Man quand il était enfant. Mais le héros semble être Master Man à temps complet et ne pas ressentir le besoin de se fondre dans la masse (d’où son désintérêt quand on lui propose de s’installer à Ecaldon et que la fille du maire lui tend la perche). Ici, pas de faible journaliste à la Clark Kent, pas de transformation en un enfant comme Billy Batson… Il n’y pas de dualité dans la vie de Master Man. Il y a un « avant » et un « après » le passage de l’enfance à l’âge adulte mais ça s’arrête là.
Master Man se distingue aussi par quelques éléments qui précèdent d’une certaine manière ce qui va se faire quelque temps plus tard chez Marvel. Nous avons vu qu’il a un degré de ressemblance avec Steve Rogers (Captain America) mais les aventures de Master Man sont aussi teintées d’un sous-entendu régulier au sujet de la seconde guerre mondiale. Dans Master Man #1, le propos est masqué. Les gangsters remplacent les nazis de façon opaque et ce n’est que lorsqu’on s’intéresse à la structure du récit qu’on comprend de quoi veut parler l’auteur. Mais dès Master Man #2, les choses vont se faire plus explicites quand Master Man est appelé à la rescousse pour lutter contre le roi Adolfuss, leader d’un pays nommé l’Adolfustan dont les militaires portent une version inversée de la croix gammée. A bien des égards Master Man aurait donc plus sa place dans les comics Marvel de l’époque (où Sub-Mariner affrontait également des simili-nazis implicites). Si on regarde bien, pourtant, on comprend que l’ambition de Fawcett était de singer Action Comics dans son ensemble. Si Master Man à un cousinage plus que poussé avec Superman, on trouve également dans cette anthologie les aventures du magicien El Carim (soit le mot « Miracle » à l’envers) qui cultive lui la ressemblance avec Zatara, un personnage également publié dans Action Comics, dont le propre était de réciter ses sorts magiques à l’envers…
L’autre évolution marquante de Master Man, c’est que là où le héros ne portait qu’une chemise bleue et un pantalon rouge dans le premier épisode, dès le deuxième il porte une boucle de ceinture massive, avec un énorme M qui lui recouvre une partie de la poitrine (à se demander, d’ailleurs, si Master Man n’est pas un des modèles de Marvel Man, imitation britannique de Captain Marvel lancée dans les années 50 et réinventée par la suite par Alan Moore). Ce relookage lui donne un air plus marquant, plus dynamique… Néanmoins Master Man n’était pas destiné à une longue carrière. D’une part il était sans doute moins marquant que Captain Marvel, publié par le même éditeur, mais surtout DC Comics n’allait pas tarder à se manifester. L’éditeur de Superman avait déjà gagné contre Fox Publications, qui avait tenté de lancer un éphémère Wonder Man (variation blonde du surhomme de DC). Master Man étant un autre Superman blond, il était une cible de choix pour DC, qui entama là aussi une procédure. Il faut dire que quand on y regarde bien les auteurs n’avaient pas été d’une grande subtilité. Même si Master Man, visuellement, ne ressemblait pas tant que ça à Superman, les scènes où il se déplace par bonds super-rapides sont pratiquement décalquées sur des épisodes d’Action Comics. Et les voitures soulevées ajoutent encore au rapprochement. Captain Marvel, qui ressemblait également (et sans doute plus) à Superman, le faisait avec plus d’élégance, cultivait la magie, le fantastique… Fawcett n’insista donc pas et Master Man vécu sa dernière aventure dans Master Comics #6, en septembre 1940. L’anthologie continua mais le héros fut remplacé par Bulletman puis, plus tard, par Captain Marvel Jr.
Avec le temps Master Man – dont les droits n’ont jamais été renouvelés – est donc tombé dans le domaine public américain. D’autres Marvel Man ont fait leur apparition. On trouve un éphémère Master Man, ennemi de Kid Eternity publié chez Quality Comics en 1949 mais il s’agit d’une simple homonymie, les deux personnages étant clairement différents. La frontière est moins marquée pour le Master Man inventé par Roy Thomas chez Marvel dans les pages des Invaders. Dans le courant des années 70 Thomas avait en effet besoin d’un surhomme nazi, une sorte de Superman créé à partir d’une tentative d’imiter la formule du super-soldat de Captain America. Et, sans être identique, les deux Master Man ont un degré de ressemblance (et on aurait du mal à croire qu’un expert du Golden Age comme Thomas ne savait pas ce qu’il faisait). Pour être précis, notons que le Master Man de Roy Thomas ressemble également beaucoup à Captain Nazi, un adversaire de Captain Marvel…
Mais alors quid du vrai Master Man, celui de 1940 ? Ses droits n’appartiennent plus à Fawcett et, en théorie, il pourrait revenir… Avec cette difficulté particulière qu’en théorie quiconque voudrait le ramener risquerait le courroux de DC Comics, fort d’avoir déjà mis en déroute une fois ce personnage (encore que devant l’invasion des clones de Superman, DC a renoncé à poursuivre de nombreux imitateurs tels qu’Hyperion, Supreme ou Sentry). Le paradoxe de la situation c’est que dans les années 70 DC Comics a racheté la plupart des héros marquants de Fawcett (Captain Marvel et la Marvel Family) et a récupéré une partie des autres qui étaient tombés dans le domaine public (Bulletman, Mister Scarlet…). Celui qui serait le mieux placé pour ramener le vrai Master Man, ce serait donc celui qui l’a interdit dans le passé. Le peu de détails donnés dans ses origines laissent la porte ouverte à un certain nombre de possibilités. DC pourrait se contenter de l’utiliser comme un Superman produit par la science de ces mystérieuses pilules. Mais des portes sont ouvertes, en particulier en ce qui concerne l’univers propre à Shazam.
La chose aurait particulièrement fonctionné avant la relance de DC en 2011. D’abord il y a une ressemblance plus que frappante entre la montagne habitée par Master Man en 1940 et le Roc d’Éternité utilisé par le sorcier Shazam à partir de Marvel Family #7 (1946). Vu le flou artistique qui entoure la position de la montagne de Master Man (d’un épisode à l’autre on a vraiment du mal à comprendre si elle se situe en Amérique, en Europe ou en Orient), la continuité pré-Flashpoint pouvait tout à fait se satisfaire du fait que les deux montagnes n’en sont qu’une. Le Roc d’Éternité étant une montagne mouvante, ceci aurait expliqué comment et pourquoi l’endroit en semble pas avoir de sens dans les aventures de Master Man. Ensuite, vu le côté totalement incongru de ce docteur qui surgit pour donner une « pilule magique » au jeune garçon, on pouvait tout à fait imaginer qu’il s’agissait simplement du sorcier Shazam sous un déguisement, qui se serait donc simplement créé un nouveau champion avant de lui laisser utiliser le Roc à ses propres fins. Post-Flashpoint, avec le droit d’inventaire de DC qui lui permet de faire un peu tout et n’importe quoi à partir des concepts d’origines, l’éditeur aurait les coudées encore plus franches pour en faire une sorte de Superman transgénique ou un rival du héros Shazam (Captain Marvel rebaptisé, pas le sorcier du même nom) avec une orientation plus scientifique. En dehors d’une éventuelle envie d’enquiquiner Marvel en jouant sur la ressemblance avec Marvel Man, Master Man a cependant de bonnes chances de rester dans les limbes tant les gros éditeurs, aujourd’hui, préfèrent entretenir des personnages dont ils sont certains d’avoir les droits…
[Xavier Fournier]