Oldies But Goodies: Mystic Comics #1 (1940) (2)

[FRENCH] Il y a encore quelques années, la mention de Dynamic Man n’aurait sans doute attiré l’attention que de rares lecteurs initiés du Golden Age de Marvel : le personnage, dans sa première incarnation, était tout bonnement porté disparu depuis 1940. Sans que son retour lui donne pour autant la popularité d’un Wolverine, la mini-série incomplète The Twelve a cependant fait le nécessaire en 2008 pour lui redonner une (petite) place dans l’univers Marvel contemporain, complétée par des mentions dans Avengers/Invaders ou encore The Marvel Project. Ce n’est pas pour autant que tous ses secrets ont été explorés…

En 1940, Marvel/Timely Comics était encore une société naissante, avec essentiellement deux anthologies à son actif. Marvel Comics (rapidement rebaptisé Marvel Mystery Comics) et Daring Comics (ou alternativement Daring Mystery Comics, Martin Goodman, le propriétaire de la firme, aimant jouer la carte de l’identification de sa gamme à travers des titres voisins). A l’époque Goodman n’employait aucun créateur en interne. Il avait recours à un packageur, Funnies Incorporated, pour produire le contenu de ces deux revues. Funnies Incorporated était ce qu’on appelle un « packageur » et utilisait les services d’artistes comme Bill Everett ou Carl Burgos, respectivement créateurs de Sub-Mariner et d’Human Torch.

Mais Martin Goodman n’était pas le seul client de Funnies Incorporated, studio qui, avec l’augmentation de la demande, se retrouva vite bien occupé. Et Goodman ne voulait sans doute pas mettre tous ses œufs dans le même panier. C’est pourquoi au moment de lancer une troisième anthologie il se tourna vers un autre studio externe, animé par Harry A. Chesler. Ce qui explique donc que Mystic Comics ne contenait aucun des premiers auteurs à succès associés à Marvel (Burgos et Everett étant alors rattachés à Funnies Inc.) mais aussi aucun de leurs personnages. Utiliser Human Torch ou Namor, à cette phase du fonctionnement de Marvel, aurait été un « Casus Belli » avec Funnies Inc. D’autant que Goodman ne voulait sans doute pas totalement utiliser à nouveau Namor et les autres. Il ne voulait pas d’une continuation mais bien qu’on lui invente de nouveaux hits du même tonneau qu’Human Torch.

La chose est assez tangible quand on parcourt Mystic Comics #1 (mars 1940) et qu’on s’aperçoit que les deux personnages les plus marquants du numéro évoquent, à des degrés divers, une certaine filiation avec Human Torch.

Il y a d’abord le Blue Blaze (qui, clairement, n’est pas un androïde contrôlant le feu mais qui doit ses pouvoirs à une flamme bleue) et puis il y a le héros qui nous intéresse présentement, Dynamic Man. Parce que ce personnage est longtemps resté dans l’oubli (les comics originaux étaient introuvables), on a gardé de lui l’image d’un autre androïde, semblable à Jim Hammond (Human Torch) à ceci près qu’au lieu d’une puissance incendiaire Dynamic Man avait des pouvoirs électriques. Si cette description n’est pas totalement fausse, elle est aussi un raccourci grossier qui ne représente pas véritablement la complexité du personnage.

Il est certain (et nous allons voir comment d’ici quelques lignes) que Dynamic Man a été inspiré par Human Torch. Là-dessus, pas l’ombre d’un doute. Mais les mots « robot », androïde » ou même « automate » sont totalement absents de son origine. Dès le paragraphe d’introduction, Dynamic Man est présenté comme « L’homme du futur et l’homme parfait dès aujourd’hui… consacrant ses superpouvoirs au progrès de la civilisation et à l’extermination de tous ses ennemis. Il travaille constamment pour nous rapprocher du monde de demain ».

 

La genèse de Dynamic Man débute quelque part au sommet d’une montagne, où un château abrite un laboratoire secret. Un savant, le professeur Goettler s’active, dirigeant des rafales d’électricité vers une silhouette inanimée, couchée sur une table d’opération. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec cette fameuse image du docteur Frankenstein captant la foudre pour mieux pouvoir animer sa création. Mais ici, pas de monstre. L’homme couché sur la table, habillé d’une tenue verte qui le fait ressembler à Peter Pan, a l’air parfait en tous points. Goettler s’en réjouit : « Le monde, qui s’est moqué de moi depuis vingt ans, verra bientôt… Ce bouton va envoyer un million de volts à travers cette forme sans vie et puis… ».

Mais quand il active son expérience, l’émotion est trop forte pour Goettler qui porte la main à sa poitrine : « Mon cœur ! Mon cœur ! ». Victime d’une attaque, le savant s’écroule. Il est mort. Le processus de l’expérience suit son cours mais plus personne n’est là pour l’observer. Bientôt la création de Goettler s’éveille, pleine de questions : « Que… Qui… Où suis-je ? ». Dynamic Man (puisque c’est lui), s’agenouille devant la dépouille de Goettler : « Ceci devait être mon créateur… Je crois savoir dans quel but j’ai été amené en ce monde. Je ne faillirais pas ! ». Puis Dynamic Man quitte le château en s’envolant, décrivant à voie haute l’étendue de ses pouvoirs : « Je peux voir à travers les murs, je peux changer mon apparence à volonté et même créer un champ magnétique qui me permet de voler ! ». Marquons une première pause pour souligner l’opacité totale (pour nous autres lecteurs) du procédé de Goettler. Dans les décennies qui suivront, de nombreux chroniqueurs ont classé Dynamic Man dans une catégorie similaire à celle de l’androïde Human Torch.

Mais rien ne dit précisément, dans cette origine, que Dynamic Man soit un automate. Peut-être est-il plus proche d’une sorte d’homoncule, c’est-à-dire d’une forme de vie biologique crée artificiellement (sans qu’aucun de ses organes soit mécanique). La ressemblance avec l’expérience du docteur Frankenstein laisse même la porte ouverte pour pouvoir penser que Dynamic Man est peut-être un cadavre réanimé, pas très différent (à part le fait qu’il n’a pas une apparence horrible) du Monstre imaginé par Mary Shelley, avec des pouvoirs électromagnétiques en plus. Une troisième hypothèse serait de souligner que la mort de Goettler coïncide exactement avec l’éveil de Dynamic Man. De là à penser que le but d’expérience est en fait de transférer la conscience de Goettler dans un nouveau corps et qu’il s’éveille finalement amnésique, suite au traumatisme de l’événement (ce qui expliquerait que sans rien savoir des détails de sa création Dynamic Man soit capable de reconnaître son créateur ou deviner dans quel but il a été « amené dans ce monde »)…

Mais surtout ce début d’origine évoque à un certain niveau un autre super-héros, paru une quinzaine d’années plus tard. Si on reprend certains éléments, on se rend compte en effet que l’origine de Dynamic Man ressemble étrangement à celle du Martian Manhunter de DC, avec dans les deux cas un savant qui décède d’une crise cardiaque au moment opportun pour empêcher qu’on reproduise l’expérience et l’apparition d’un personnage vert ou vêtu de vert qui se retrouve seul au monde. Même les pouvoirs des deux héros se ressemblent (capacité de voler, de voir à travers les murs et surtout de changer d’apparence à volonté). La différence majeure est que le Martian Manhunter est un extra-terrestre venu de Mars là où Dynamic Man semble être un homme fabriqué. Encore que… Si on relit précisément ce que Dynamic Man dit devant la dépouille de Goettler, Dynamic Man parle bien d’avoir été « amené en ce monde ». Ce qui peut vouloir dire, bien sûr, qu’on vient de le faire « naître » mais aussi, au sens littéral qu’on vient plutôt de l’importer d’un autre monde. Dans ce cas le corps humanoïde de Dynamic Man serait peut-être l’habitacle d’une forme vivante d’énergie non terrestre. Goettler n’aurait créé que l’interface qui lui permet d’opérer sur Terre.

Autre point commun avec le Martian Manhunter : Là où le héros martien ne perdra pas de temps pour devenir un policier, Dynamic Man s’arrange rapidement pour être embauché au F.B.I. sous l’identité de Curt Cowan. Forcément c’est une sorte de surdoué et il réussit haut la main des examens qui semblent pourtant très compliqués pour ses autres collègues. Il est rapidement accepté comme agent et cette activité lui permet de glaner des renseignements plus facilement pour résoudre des enquêtes comme Dynamic Man. Car il semble évident que son « créateur », Goettler, voulait qu’il se consacre à la paix dans le monde. Encore que ce nom de Goettler sonne de façon assez atypique en 1940, période à laquelle les comics donnaient déjà le rôle du méchant à tout personnage ayant un nom à consonance germanique. Un jour le FBI reçoit des lettres de plaintes affirmant que quelqu’un a trouvé le moyen d’empêcher de pleuvoir et créé artificiellement une sécheresse. L’agent Curt Cowan est chargé de l’affaire et donc, quelques instants plus tard, Dynamic Man vole en direction du secteur concerné, la ferme de Tohnson. C’est à partir de là qu’on a signalé d’étranges éclairs dans la nuit. D’ailleurs Dynamic Man ne tarde pas à les apercevoir lui-même et flaire que quelque chose est en train de se passer.

Ses « yeux à rayons x » (le terme « X-Rays Eyes » est utilisé en toutes lettres dans la case, soulignant un degré de parenté avec Superman) permettent à Dynamic Man de voir sous la proche montagne. Il découvre alors un laboratoire souterrain dans lequel se déroulent d’étranges expériences électriques. Dynamic Man se décide à intervenir et fait au passage étalage d’un pouvoir qu’il n’avait pas cité dans son inventaire, quelques pages plus tôt, quand il déplace des rochers avec une force herculéenne (là aussi l’ombre de Superman n’est pas loin). Quand les malfaiteurs qui occupent la montagne le voient arriver dans le labo, ils tirent sur l’intrus sans poser de question. Malheureusement pour eux, les balles rebondissent sur la peau ultra-dure de Dynamic Man. Le héros se sert de ses pouvoirs magnétiques pour priver les gangsters de leurs revolvers puis fait pour la première fois la preuve de sa capacité à lancer des éclairs électriques en détruisant les installations néfastes pour l’environnement. Il ne reste plus qu’à menacer les hommes capturés pour les faire parler. Terrifiés, ceux-ci ne tardent pas à tout raconter : ils créent artificiellement une sécheresse pour faire chuter le prix des terrains, terrains que leur patron veut récupérer pour « contrôler la production agricole des Etats-Unis ».

L’implication est que le gang est en fait un réseau étranger tentant de saboter l’économie des USA. En fait, comme le fait remarquer Dynamic Man, il n’y a pas de loi qui permette d’arrêter le chef de gang. Est-ce que le fait d’empêcher de pleuvoir serait retenu par la Justice ? Dynamic Man se décide donc à prendre les choses en main lui-même et se dirige vers le repère de King Bascom, le chef du gang. Mais Bascom est un homme très bien équipé. Non seulement il possède des centrales qui neutralisent la pluie mais il a aussi tout un système de « télévision avancée » qui lui permet d’être averti de l’approche de Dynamic Man. Quand le héros fait irruption dans la pièce, les hommes de Bascom ont eu le temps de s’équiper d’étranges fusils lanceurs de liquides. Le narrateur nous explique alors que « Dynamic Man est aspergé avec du Lantholum liquide, un élément rare sur Terre qui est à la fois isolant et corrosif. Dynamic Man est temporairement paralysé ». King Bascom ordonne alors qu’on emmène le captif dans « la salle à nitrogène, où son corps électriquement chargé sera inoffensif »…

Quand Dynamic Man revient à lui, ses pouvoirs sont relativement neutralisés : il ne peut pas voir à travers les murs de la pièce, laquelle est emplie d’un liquide glacial (sans doute du nitrogène liquide) qui paralyse son corps. Contents d’avoir neutralisé le seul homme qui s’opposait à eux, les gangsters s’apprêtent à quitter l’endroit par avion mais ils décident de ne pas prendre de risque et actionnent un dernier piège mortel : le plafond de la salle à nitrogène commence à s’abaisser, menaçant d’écraser Dynamic Man. Mais le héros arrive à lever les bras et utilise sa force supérieure pour bloquer le piège. Quand Bascom et ses hommes survolent l’endroit, ils ont la surprise de voir Dynamic Man surgir de la maison, volant en portant devant lui les restes du plafond piégé (pour ce qui est de comprendre précisément comment Dynamic Man a su retrouver son autonomie et résister au nitrogène liquide, on repassera par contre). Terrifiés les gangsters s’enfuient dans leur avion et Dynamic Man, volant derrière eux, fait mine d’être semé pour mieux pouvoir les suivre de loin, sans être repéré. Après avoir trouvé leur repère, Dynamic Man se pose non loin de là et utilise enfin sa capacité à changer d’apparence : « L’arrangement électromagnétique de son apparence physique est réarrangées ». De ce fait, Dynamic Man prend l’apparence d’un des hommes qu’il avait capturé dans la montagne et peut intégrer le gang sans se faire remarquer.

Sous le déguisement de l’homme de main, Dynamic Man arrive à assister à une réunion entre le gang de Bascom et son employeur, un représentant d’une « puissance étrangère » qui parle avec un fort accent allemand. Saisissant sa chance, Dynamic Man se précipite sur des documents qui prouvent la conspiration. Mais dans la mêlée il n’arrive pas à s’emparer des précieux papiers. Une fois que le reste du gang est neutralisé, le héros s’aperçoit en effet que King Bascom s’est enfuit en avion, en emportant les documents. Dynamic Man s’envole alors à sa poursuite et n’a plus besoin de discrétion. Il lance des éclairs et touche l’engin, forçant Bascom et son pilote à sauter en parachute. Dynamic Man a alors tout le loisir de les cueillir à l’arrivage, forçant Bascom à se confesser et surtout le forçant à rendre légalement toutes les fermes qu’il a extorqué. Rapidement la police est prévenue par téléphone qu’elle peut venir chercher tout le gang et Curt Cowan, en civil, peut retourner au bureau du FBI en jurant qu’il n’a rien vu. Quand son supérieur lui raconte que le gang Bascom jure ses grands dieux avoir été arrêté par des prouesses électriques, Cowan rétorque que ça ne l’étonne pas, que les criminels sont en général tous un peu tarés… Fin du premier épisode de Dynamic Man…

Néanmoins il faut absolument nous arrêter sur un point discret mais important de cette histoire : Le Lantholum, substance totalement fictive qui semble être pour Dynamic Man l’équivalent de ce qu’est la Kryptonite pour Superman. Ce serait tentant, vu les points de ressemblances déjà constaté avec le surhomme de DC. Mais la vérité est qu’en mars 1940 le concept de kryptonite n’existe pas encore dans les aventures de Superman. Qui plus est il faut bien lire l’épisode pour comprendre que le Lantholum n’est absolument pas quelque chose de propre à Dynamic Man (là où la Kryptonite verte ne menace guère que les kryptoniens). King Bascom et ses hommes n’avaient absolument pas le moyen de savoir que Dynamic Man allait prendre en chasse leur gang. Ils n’avaient pas de raison de se préparer plus particulièrement contre lui. Depuis quelques années les auteurs de sites spécialisés et de handbook listent le Lantholum comme « point faible » spécifique de Dynamic Man mais c’est incorrect. Il n’y a pas de raison de penser que le résultat aurait été différent si Sub-Mariner ou Human Torch avaient été confrontés à la même substance. D’ailleurs cela a été le cas en un sens puisque si on y regarde bien, à partir de Mystic Comics #1 le Lantholum (où une substance totalement similaire) entame une existence rare mais constante à l’intérieur de l’univers Marvel.

Dans Young Men #24 (1953), on nous explique ainsi qu’Human Torch et son auxiliaire Toro ont été capturés par la pègre grâce à une substance spéciale, la « solution X-R », qui a eu pour effet de les paralyser. La solution X-R permet d’expliquer l’absence d’Human Torch entre 1949 et 1953 mais elle est étrangement compatible avec le Lantholum. Dans le cas de Dynamic Man, la substance est à l’état liquide tandis que pour Human Torch il s’agit d’une sorte de mousse mais cela ne semble pas si tarabiscoté de penser que la solution X-R est un extrait de Lantholum. Mieux, dans the Twelve #1, quand on explique comment une douzaine de super-héros ont disparu en 1945, lors de la chute de Berlin, on voit les nazis paralyser les « Twelve » grâce à un gaz ayant aussi bien un effet sur les humains (comme le Phantom Reporter) que sur les êtres artificiels (comme Electro ou Dynamic Man). Si le Lantholum, avec son côté « isolant » a pour effet de brouiller les interactions électriques ou bioélectriques, on peut comprendre qu’il paralyse aussi bien les humains que les robots. Si le Lantholum et la solution X-R (déjà capable de paralyser indifféremment l’androïde Human Torch et l’humain Toro) ne sont que deux formes (liquide et mousseuse) d’une seule substance, alors imaginer que le gaz de the Twelve #1 est également une autre forme d’un même élément permet de tracer à travers le Golden Age l’existence d’une sorte de « Kryptonite » utilisable sur tous les super-héros de Marvel dès 1940 (alors que la Kryptonite de Superman n’apparaîtra à la radio que trois ans plus tard et, dans les comics, seulement en 1949). Qui plus est le gaz verdâtre paralysant de The Twelve #1 peut être relié à divers autres scènes de l’histoire de Marvel, comme le « gaz expérimental » qui piège le Red Skull dans un sommeil artificiel en 1945 d’où il ne sortira qu’à l’ère moderne (Tales of Supense #79) où encore le gaz verdâtre utilisé pour paralyser ou plonger en hibernation des personnages comme le Winter Soldier dans divers flashbacks de Captain America ou le personnage de John Steele au début du Marvels Project. Tout est unifiable dans une seule chronologie cohérente, une seule substance, le Lantholum, qui aurait à la fois des propriétés paralysantes (Dynamic Man, Human Torch, The Twelve) mais servirait également à induire une forme d’hibernation (Red Skull, The Twelve, Winter Soldier…).

Pour en revenir à Dynamic Man, sa carrière chez Marvel sera courte mais saccadée. Dès Mystic Comics #2, l’éditeur tente de voir si après tout ce ne serait pas lui le personnage principal de la série plutôt que le Blue Blaze. Dynamic Man a donc droit à la couverture et, pour l’occasion étrenne un costume qui restera son apparence classique (celle utilisée dans The Twelve). Pourtant, dans les pages intérieures il porte un troisième costume (avec de larges épaulettes amples). Sur la couverture il est blond, à l’intérieur il est brun. Normal, me direz-vous, après tout on parle d’un personnage capable de changer d’apparence. Il ne portera son costume classique que dans son troisième épisode (Mystic Comics #3), où il affronte The Hood (la Cagoule), un personnage non pas identique au Hood moderne (l’adversaire des Avengers) mais plutôt inspiré de l’apparence des membres du Ku-Klux-Kan. La dernière aventure du Dynamic Man de Marvel aura lieu dans Mystic Comics #4 (août 1940). S’il faut rappeler qu’en dehors du noyau dur (Captain America, Sub-Mariner, Human Torch, Angel, Whizzer, Patriot…) peu de héros de Marvel s’inscriront dans la durée pendant le Golden Age, se limitant le plus souvent à trois ou quatre apparitions, l’explication semble ici être d’une toute autre nature. Au début de l’été 1940 Martin Goodman décidera finalement de se passer d’intermédiaire, engageant Joe Simon comme éditeur-en-chef « interne » et décidant de se passer de studios externes. Mystic Comics #4 est tout simplement le dernier numéro auquel participe l’atelier d’Harry A. Chesler. Et comme aucun des personnages estampillés par Chesler n’avait connu le même succès qu’un Sub-Mariner, c’est sans regret que Goodman et Simon passeront un grand coup de balai dans Mystic Comics, préférant partir sur de nouveaux héros plutôt que de s’entêter avec ceux de Chesler. Ce dernier n’aurait sans doute pas fait de cadeau à Goodman et aurait réclamé son dû si on avait réutilisé certaines de ses créations. Pour toutes ces raisons, Dynamic Man fut condamné aux oubliettes des comics.

En tout cas chez Marvel. Car Chesler n’avait pas dit son dernier mot. Les éditeurs s’équipant de plus en plus d’ateliers en interne, Chesler suivrait la logique inverse. Disons qu’il leur rendrait la pareille. Puisqu’il avait déjà l’atelier, il n’avait plus qu’à se transformer en authentique éditeur et lancer sa propre gamme de titres. Si je vous dis qu’un des premiers titres lancés se nommerait Dynamic Comics (octobre 1941), vous n’aurez pas de mal à anticiper que la nouvelle anthologie comprendrait elle aussi les aventures d’un Dynamic Man similaire en beaucoup de points à celui initié quelques mois plus tôt pour le compte de Marvel. Le premier épisode comporte une origine assez similaire, avec un Dynamic Man au costume vert émergeant d’un caisson après la mort de son « créateur ». Sauf que cette fois le savant se nommait le Docteur Moore et qu’il mourrait pas d’une crise cardiaque. Moore était assassiné par Yellow Spot, un malfaiteur capable de prendre l’apparence d’une chauve souris, que ce « Dynamic Man version 2.0 » s’emploierait à détruire pendant le premier épisode de cette nouvelle version. Dans Dynamic Comics #2, Dynamic Man (qui utilisait cette fois-ci l’alias civil de Bert McQuade) allait s’entourer des services d’un sidekick, son frère, le jeune Dynamic Boy. Par la suite bon nombre de chroniqueurs s’étonneraient qu’un androïde/robot puisse avoir un frère mais, pour les mêmes raisons que celles citées pour Mystic Comics #1, il n’est pas du tout évident que Dynamic Man soit un être mécanique mais peut-être une créature vivante créée en laboratoire. Dès lors la possibilité d’un frère n’est plus si incohérente. L’étendue des pouvoirs de Dynamic Man allait aussi être revue plutôt à la baisse ce qui scénaristiquement il n’y aurait pas besoin d’aller lui chercher un talon d’Achille pour ménager les rebondissements. Pas de Lantholum pour Bert McQuade, donc…

Sous la houlette de Chesler (dont la gamme serait rebaptisée Superior Publishers Ltd. En 1947), la carrière de ce Dynamic Man allait durer bien plus longtemps que celle de son prototype. Là où Curt Cowan n’avait tenu que quatre épisodes de Mystic Comics, Bert McQuade allait apparaître jusque dans Dynamite Comics #24, publié en mars 1948. Soit sept années de publication (il est vrai à un rythme pas très intensif). Sept années auxquelles il convient de rajouter une certaine forme de renaissance. En 1958, un autre éditeur, I.W. Publishing, se fit une spécialité de publier des réimpressions du Golden Age en prenant soin de les doter de nouvelles couvertures où les héros étaient parfois méconnaissables. Les théories s’opposent sur le pourquoi de ce maquillage de la couverture. Certains en tiennent au fait que les cover-artists produisaient à la chaîne et n’avaient aucune idée du contenu. D’autres avancent que I.W. Publishing utilisait du matériel de sociétés défuntes de manière à ne rien avoir à payer à d’éventuels ayants droit. Et dans le cas où ces derniers s’étaient manifestés, la représentation différente du personnage en couverture permettait de brouiller les cartes. Vous l’aurez compris, I.W.Publishing allait à son tour utiliser Dynamic Man/Bert McQuade dans une nouvelle mouture de Dynamic Comics (1958) puis, entre 1963 et 1964, dans une autre anthologie (Daring Adventures). Dynamic Comics et Daring Adventures se contentaient de réimprimer le matériel de Chesler mais les couvertures donnaient à Dynamic Man un costume radicalement différent, blue et rouge (avec une cagoule, ce qui lui donnait l’air d’être un mélange entre Superman et Flash/Barry Allen). Après, Bert McQuade sera lui aussi condamné aux limbes, à part un occasionnel reprint chez AC Comics (Men of Mystery Comics #20, en 2000).

2008 allait être l’année du grand retour des deux incarnations de Dynamic Man. Chez Marvel, soixante-huit ans après sa fin de parution, Curt Cowan fut donc identifié comme l’un des Twelve, à savoir un des douze super-héros du Golden Age plongé dans un sommeil artificiel lors de la chute de Berlin, par un produit similaire au Lantholum. Réveillé dans le présent, Dynamic Man devient un paradoxe puisque tout en se voulant progressiste, il est en fait esclave de préjugés datés. Il est raciste (il ne semble pas se souvenir avoir affronté un pseudo leader du Ku-Klux-Klan) et homophobe. Ce qui en un sens se tient. Qu’on lui prête ou pas le statut d’androïde, il a été « fabriqué » en 1940. L’histoire des Twelve n’étant pas, à ce jour, terminée, difficile de savoir ce que la fin du récit réserve à Curt Cowan. Mais en 2008, l’autre Dynamic Man, Bert McQuade, a également refait surface dans la série Project Superpowers, chez Dynamite Entertainment. Patronné par Alex Ross, ce relaunch massif des héros du Golden Age tombés dans le domaine public explique que la plupart des personnages masqués (Black Terror, Hydro, The Flame, Daredevil) ont été piégés dans une urne mystique pendant des décennies. Enfin presque tous puisque Dynamic Man (costume vert, la version rouge et bleue d’I.W. n’existant pas dans cette série), lui, a continué d’exister et est devenu le leader d’une multinationale futuriste, s’étant construit toute une famille étendue. On découvre dans la foulée que Dynamic Man est bien un robot à forme humaine (alors que c’est très discutable dans les épisodes originaux). Cet androïde a choisi au fil des ans de siéger au sein d’une sorte de cercle secret des maîtres du monde, composé d’anciens super-villains du Golden Age. Au début présenté sous un jour franchement négatif, il apparaît ensuite que Dynamic Man a surtout tenté de tempérer l’organisation de l’intérieur et qu’il n’en partage pas l’idéologie. En plus de leur ressemblance de noms et d’apparence, les deux Dynamic Man ont en commun d’avoir fait leur retour dans un rôle pas très sympathique. Néanmoins Dynamite et Marvel collaborant à l’occasion (en particulier sur des projets liés au Golden Age et à Alex Ross) il n’est pas techniquement impossible d’imaginer qu’un jour les héros du Golden Age de Marvel puissent rencontrer ceux de Dynamite. Auquel cas les deux Dynamic Man (« Dynamic Men » ?) auraient sans doute tout le loisir de réaliser qu’ils sont chacun la version alternative de l’autre (ce qu’ils ont toujours été finalement), un peu comme le Superman de Terre 1 et le Superman de Terre 2…

[Xavier Fournier]
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