« Des profondeurs de l’espace extérieur s’en vient le garçon le plus fort que notre planète ait jamais vu, Wonder Boy, investi de la force de milliers d’hommes ». Dans le ciel on peut voir un météore incandescent, tandis que les scientifiques américains étudient sa trajectoire et préviennent la population de se préparer à l’impact imminent. L’objet céleste va frapper la Terre. La nouvelle se diffuse dans le monde et provoque des réactions même… en Mongolie où on interprète ce signe dans le ciel d’une bien curieuse manière. Le général de l’armée mongole consulte un prêtre pour savoir s’il s’agit d’un présage pour que l’armée du pays se mette en marche. Quel raisonnement particulier que d’interpréter une possible catastrophe de ce type comme d’un signe de conquête… Pourquoi nous montrer précisément la Mongolie ? Nous y reviendrons plus tard… Finalement le météore s’écrase en plein centre de Chicago, dans une terrible explosion. Le narrateur commente « Beaucoup de gens sont tués mais des décombres une petite silhouette émerge » (au passage il est assez rare que l’arrivée d’un nouveau héros provoque des morts par sa simple présence, la plupart des autres auraient sans doute trouvé un moyen de se poser à l’écart, dans un champ par exemple, comme on l’a vu ailleurs). La petite silhouette en question c’est, vous l’aurez compris, le jeune Wonder Boy qui nous intéresse présentement. Wonder Boy arrive d’une autre planète, Viro, et il explique aux passants qu’elle a été détruite après être entrée en collision avec une étoile et qu’il est donc le dernier survivant de son monde. Comme les gens ne croient pas à son histoire, ils pensent que le garçon a sans doute perdu ses parents dans la catastrophe et que, traumatisé, il s’est sans doute inventé une histoire extraordinaire. On le confie donc sans tarder aux bons d’un orphelinat… Là-bas, il ne se fait aucun ami et reste donc à rêver d’aventures car il est simplement trop costaud pour jouer avec les enfants de son âge sans leur faire mal.
Aux USA, Wonder Boy prend connaissance des événements qui se jouent outre-Atlantique, alors que l’Europe mobilise, terrorisée, ses troupes pour faire face à la redoutable invasion. « Comme il est étrange que des gens se tuent ainsi les uns et les autres. Je vais les arrêter… ». Et Wonder Boy informe alors son tuteur qu’il compte partir en Europe par ses propres moyens. Le tuteur en question ainsi que tous les enfants de l’orphelinat se moquent ouvertement du garçon, en pensant qu’il a une nouvelle fois perdu la tête… ou qu’il a trop lu de comic-books ! Wonder Boy s’en va en ne comprenant pas la cause de l’hilarité générale. « Ca n’aurait fait rire personne sur Viro » pense tout haut le jeune garçon. La nuit venue il s’échappe de l’institution et rejoint la côte. Là, il se jette à l’eau en regardant partir un bateau : « J’arriverais une bonne semaine avant lui ! ». Et tout indique qu’il a raison puisqu’il nage dans l’eau aussi vite qu’une torpille (et c’est la première fois qu’on a la preuve de ses pouvoirs, jusqu’ici on pouvait s’imaginer que c’était un garçon plus costaud que la moyenne qui avait effectivement perdu la tête). Arrivé de l’autre côté de l’Atlantique, le garçon va même jusqu’à s’étonner : « Que les océans sont petits sur cette planète ! ».
Car soulignons ce que certains d’entre vous n’auront pas manqué de remarquer. Wonder Boy a ni plus ni moins la même histoire que le héros Kryptonien Superman. Tous les deux sont les derniers survivants de leur monde. Wonder Boy a même une certaine ressemblance physique avec Superman, il pourrait passer pour son petit frère ou même pour Superman plus jeune. La grosse différence par rapport à la première version des origines de Superman, c’est que celui-ci s’était écrasé sur Terre à l’écart de tout (puis avait été trouvé par un motard et déposé à l’orphelinat « Smallville », les parents Kent n’intervenant que plus tard). Les ressemblances ne s’arrêtent pas là. La première mission de Wonder Boy rappelle beaucoup un épisode de Superman dans Action Comics #2 (juillet 1938) dans lequel le héros adulte décidait de stopper une guerre à l’étranger. Par exemple Superman tente dans un premier temps de faire le voyage à bord d’un bateau (à l’époque il ne vole pas encore mais « saute » juste sur certaines distances, sa destination étant sans doute trop éloignée pour y bondir). Poussé à l’eau, Superman finit le voyage à la nage, en narguant le bateau d’un « see you later ! » ironique puisqu’il va bien plus vite que le véhicule. La scène de Wonder Boy se ventant d’arriver une semaine avant un bateau y fait écho. La grosse différence reste philosophique. Superman renvoyait dos à dos les deux armées, en démontrant aux gradés des deux camps que la guerre est une mauvaise chose. Wonder Boy, lui, a une idée précise de qui sont les bons et qui sont les méchants.
Bien qu’il ne soit pas forcément l’un des héros les plus connus de Quality Comics, Wonder Boy n’est pas un de ces héros qui seront apparu deux ou trois fois avant de disparaître dans l’indifférence générale (ce qui était arrivé par exemple au Red Raven que nous avons vu la semaine dernière). Ses apparitions dans National Comics continueront pendant plus de deux ans (26 numéros en tout) et, vendu plus tard au concurrent Ajax, il refera surface dans les années 50 sous son propre titre, cette fois pour combattre non pas des nazis déguisés en mongols mais bien des communistes (guerre froide oblige). Forcément, dans les années 50 tout le monde avait oublié que Wonder Boy était paru avant Captain America ou Wonder Woman et qu’il n’était pas la copie de qui l’on croyait. Aujourd’hui Wonder Boy fait partie de ces personnages orphelins qui n’ont plus vraiment d’éditeur. D’un côté il ne fait pas vraiment partie des héros Quality par la suite racheté par DC Comics puisqu’Ajax était passé par là dans les années 50, mais c’était aussi le cas pour l’héroïne Phantom Lady (elle aussi passée par la case Ajax) et cela n’a pas empêché DC de l’utiliser quand même. Dès lors on pourrait se prendre à rêver que DC Comics utilise un jour Wonder Boy soit comme un « remplaçant » de Superman dans la continuité des années 40 ou bien de manière moderne, aussi bien dans les rangs de la JSA que des Teen Titans. D’ailleurs dans un futur alternatif (Team Titans #19) on voyait bien un Wonder Boy parmi eux mais avec un costume radicalement différent qui se prêtait à toutes les interprétations. Tout reste donc possible…
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