A la fin des années 50, Out Of This World (« Hors de ce monde ») était un titre de ce type, produit chez Charlton Comics. Dans cette revue, composée de courtes histoires qui vous entraînaient aussi bien au fin de l’univers que dans des voyages temporels, on trouvait en abondance des travaux du dessinateur Steve Ditko (futur co-créateur de Spider-Man pour Marvel), bien qu’il use à l’occasion de pseudonymes/anagrammes tels que « J. Kodti ». Principalement employé par Charlton à l’époque, Ditko faisait aussi quelques extras à l’occasion chez Marvel/Atlas ce qui explique sans doute qu’avec le recul Out of This World ait l’air d’une revue Marvel sur laquelle on se serait trompé de logo. A moins que, réciproquement, ce soit les revues Marvel qui auraient du porter le logo de Charlton.
Dans les semaines qui précèdent le début 1959, Ditko devait être sur une veine créative particulièrement riche puisque deux de ses histoires se « réincarneront » par la suite et fourniront ainsi la base de deux super-héros assez connus. D’un côté nous avons « Prisoner of the Satellites! » (paru dans Tales Of Suspense #1, en janvier 1959) dont nous avons déjà traité dans cette rubrique et qui précède avec une énorme ressemblance la venue de l’Atom du Golden Age. De l’autre coté nous avons Out Of This World #11 paru également en janvier 1959 (mais chez Charlton, donc) et qui porte lui aussi les petites graines de choses à venir.
Un adolescent nommé Thor est poursuivit par deux autres garçons armés de sabres en bois. Ces derniers le trouvent maigrichon et en ont fait leur souffre-douleur. Le jeune Thor implore qu’on arrête de le molester. Au loin les parents du jeune homme ne peuvent que constater que les autres maltraitent encore leur rejeton. Loin de s’interposer, le père de Thor demande à son fils pourquoi il ne se défend pas. Mais le garçon, réfugié dans les bras de sa mère, avoue qu’il n’aime pas se battre. Cette révélation ne suffit pas à amadouer le paternel : « Je ne veux pas d’un faiblard pour fils ! Ce n’est pas un viking au sang vif, mais une méduse sans vertèbre !« . La mère tente de défendre son fils : « Il a été malade ! De plus il a un esprit gentil !« . Finalement le père de Thor s’entête, dit qu’il ne sera pas toujours là pour le protéger et que s’il veut survivre il devra s’endurcir… Malheureusement s’en est trop pour le jeune Thor, qui s’est enfui dans la forêt plutôt que d’en entendre plus. Il préfère en effet la compagnie de la nature à celle des humains…
L’histoire étant courte, elle ne se perd pas dans les détails et on peine à distinguer si Thor part seulement dans un cycle de promenades régulières dans les bois où s’il s’agit d’une véritable fugue de manière à ne plus revoir son père. Toujours est-il qu’un jour le héros découvre l’entrée d’une grotte. Une entrée lumineuse, puisqu’elle irradie d’une étrange énergie (d’ailleurs du coup cette grotte lumineuse m’évoque aussi – par pur accident – celle qu’on peut voir dans les ultimes épisodes du feuilleton Lost)…
Dehors, Thor prends son marteau et le teste en le lançant presque machinalement sur un arbre… Qui explose, comme foudroyé. Le jeune héros est alors sidéré : « Bien que je n’aurais sans doute jamais à combattre quelqu’un, ceci fera une bonne arme !« . « Bien que je n’aurais sans doute jamais à combattre quelqu’un » ? Mais nous sommes dans un comic-book voyons ! La menace ne va donc pas tarder à se présenter d’elle-même. Alors que le temps passe, les parents de Thor meurent d’une épidémie et, sans que le héros l’apprenne, les Huns viennent de l’Est pour envahir la péninsule scandinave, mettant en difficulté les vikings. Tous les guerriers du pays sont donc mobilisés pour faire face à l’ennemi. Mais au village on se demande… Où donc est « Thor le Faible » ? Les vikings ne l’ont pas vu depuis longtemps puisqu’il ne sort plus de la forêt. Mais ils décident de ne pas s’encombrer d’une lavette telle que lui. Ils partent à la guerre sans ce « ramasseur de fleurs ».
Les Huns sont donc repoussés et la paix revient en Scandinavie tandis que Thor retourne à la tranquillité de sa forêt… La conclusion de l’histoire raconte alors que, le temps passant, personne ne pu jamais retrouver le chemin de la cave et que la disparition de Thor devint un mystère. Le personnage et son marteau, devenus légendaires, devinrent l’objet de nombreux contes à travers les siècles…
Ce qui est plutôt curieux car les auteurs s’étaient lancés dans l’histoire en nous promettant effectivement de nous révéler ce qui était à la base de la légende de Thor. Seulement il n’y a pas de témoin régulier autre que Thor lui-même (dont on nous dit qu’il a disparu sans plus de contact avec le monde extérieur). A partir de là il y a une contradiction. Les villageois savaient que le jeune homme vivant dans les bois s’appelait Thor mais il était pour eux un grand dadet pacifiste et maigrichon. Ils n’avaient aucune connaissance du marteau ou de ses pouvoirs.
Qui plus est, des anthologies comme Out of This World se terminaient le plus souvent par un coup de théâtre ou un renversement, éventuellement frappé d’une morale. Ici, il n’y a ni l’un ni, l’autre et on est tenté de se demander ce que le scénariste inconnu voulait dégager comme message. Il y a deux interprétations possibles mais contradictoires. La première pourrait simplement se limiter à la prédominance du point de vue pacifiste et l’impuissance des forces guerrières (Vikings ou Huns) face à un « bon droit » décerné par le destin. L’autre est plus singulière et repose sur le fait qu’on peut associer ce « marteau irradiant » à une parabole sur la bombe atomique. D’abord le marteau émet des rayons qui mutent le jeune Thor en un personnage costaud (procédé qu’on retrouvera généralisé plus tard dans le Marvel des années 60, dans les origines de personnages comme Hulk). Et les Huns peuvent à la fois se comprendre comme des avatars des adversaires japonais et des nazis (les allemands étaient communément surnommés les Huns dans la première moitié du XX° siècle). A partir de là le Thor de Charlton représente (peut-être) des États-Unis qui ne veulent pas suivre l’appel à la guerre des autres états (symbolisés par les autres gamins et Vikings) et se retrouvent finalement mêlés de force au conflit avant d’y mettre fin avec la démesure de l’énergie atomique (symbolisée par le lancer de marteau). En un sens l’usage « pacifiste » de la puissance Thor serait une justification d’Hiroshima… Comme il n’y a pas de certitude sur l’identité du scénariste, il est difficile d’être certain de ce contexte…
Quand à savoir si les éléments similaires entre le Thor de Ditko et celui de Lee, Lieber et Kirby sont le fruit du hasard ou la trace « d’emprunts » effectifs, difficile de le déterminer. Ditko travaillait aussi pour Marvel/Atlas à la même époque, donc Lee connaissait au moins en partie la production de l’artiste. Mais d’un autre côté il n’est pas si étonnants que deux auteurs s’intéressant à Thor à trois ans d’intervalle produisent une histoire qui se déroule en Norvège et qui mentionne un marteau. Reste la mention d’une santé faible ou l’emplacement commun d’un grotte qui posent question… Mais quel gain auraient les auteurs du Thor de 1962 a copier une histoire publiée quelques années plus tôt dans une relative indifférence ? On sait que le Thor de Marvel est par ailleurs fortement inspiré du Captain Marvel (Shazam) de Fawcett Comics et en particulier de Captain Marvel jr. (lui aussi un jeune héros boiteux transformé en un éclair en un personnage surpuissant, drapé de rouge et de bleu). Mais Jack Kirby avait déjà montré à maintes reprises son intérêt pour Thor sans avoir attendu Ditko… Serait-ce alors Lee et Lieber qui, au moment de scénariser l’histoire, auraient plus regardé un comic-book de Ditko qu’un dictionnaire de mythologie ? Il est certain que Steve Ditko a co-créé un Thor trois ans avant celui de Marvel. De là à savoir s’il a réellement inspiré en partie ce dernier…
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