Sur la première page, une femme brune vétue de rouge court à travers la banquise. On explique alors qu’Amazona The Mighty Woman (la femme en rouge) et son peuple sont les derniers survivants d’une race qui s’est pratiquement éteinte lors de la dernière période glaciaire. Changement de scène rapide pour nous montrer un autre survivant: l’aventurier américain Blake Manners est le dernier homme vivant de l’équipage d’un navire qui a été pris dans les glaces. Sans aucun espoir, il erre sur la banquise et trouve par hasard la ville du peuple d’Amazona. Comme de bien entendu, la dîte ville a beau avoir un énorme gratte-ciel rouge, dans la case d’après l’intérieur ressemble surtout aux entrailles d’une grotte glacée, des fois que le lecteur n’aurait pas compris qu’on est au Pôle.
Rentré au pays, on découvre que le métier de Blake Manners est… journaliste. Mais pensez-vous qu’il lui viendrait à l’esprit de faire un reportage sur cette super-race perdue qu’il vient de découvrir et dont il a ramené, en prime, un spécimen ? Pas le moins du monde. L’idée ne semble même pas le traverser. Du coup il a beau protester mais après ses aventures polaires son rédacteur-en-chef décide de le muter au carnet mondain. Déçu de ce poste, Blake n’a d’autre choix que de se rendre à une soirée en compagnie d’Amazona qui lui tient lieu de compagnie féminine.
Mais en route Amazona avoue qu’elle est inquiète, c’est la première fois qu’elle va se retrouver en face de tant d’américains. Elle a peur de leur réaction. Le chauffeur de leur taxi, à qui on avait rien demandé, fait alors un commentaire sur sa plastique, en lui expliquant que taillée comme elle est, elle n’aura aucun mal à se faire une place. Vexée, Amazona passe alors dans une sorte de mode « Hulk ». Elle tape sur le chauffeur et détruit son taxi en tapant dessus. Il ne leur reste plus qu’à se rendre à pied à la soirée, où (vraiment Blake et Amazona n’ont pas de chance) des bandits sont en train de dépouiller les invités. A nouveau Amazona devient une vraie furie et ne s’arrête qu’après avoir poursuivie la voiture des gangsters jusque dans un fossé.
Cette fois Blake Manners a un peu plus d’intelligence et il téléphone à son journal: il leur donnera le scoop de la soirée mais seulement à condition qu’on le retire des pages mondaines pour le muter aux faits divers et aux reportages sur le crime, ce qui promet une source d’aventures inépuisable à Amazona.
Pour ceux à qui l’image n’aurait pas suffit, soulignons l’évidence: Amazona The Mighty Woman est le portrait craché de l’amazone Diana alias Wonder Woman. Nous avions d’ailleurs parlé de ce rapprochement dans un Comic Box il y a deux ou trois ans, à l’occasion d’une rétrospective sur l’héroïne de DC Comics mais sans rentrer dans le détail de l’histoire parue dans Planet Comics #3 (d’où mon envie de détailler un peu plus aujourd’hui). Amazona n’a pas le costume patriotique qui va avec mais les deux amazones se ressemblent comme deux soeurs séparées à la naissance. Si ce n’est qu’Amazona est la soeur ainée, étant apparue dès 1940. Blake Manners, lui, a tout de la fonction d’un Steve Trevor (même si l’un est journaliste tandis que l’autre, période de guerre oblige, sera militaire) qu’il faut couver avant de le ramener dans son pays d’origine.
Les gens de Fiction House était tombé avant l’heure sur un « filon », sans doute directement inspiré par Superman (la manière dont cette « Mighty Woman » issue d’une « super-race » s’attaque à la voiture renvoit un peu à la couverture d’Action Comics #1). Mais nous le disions en intro, les gens de Fiction House préferaient les pseudo-Flash Gordon. Ils ne surent que faire d’Amazona et se dépéchèrent de l’envier dans les limbes des comics. Deux ans plus tard, quand ce qui allait devenir DC publia les premières aventures de Wonder Woman, ils auraient pu ressortir Amazona en pouvant se vanter d’avoir le modèle originel mais entre-temps il semble que même chez Fiction House on avait oublié l’existence de cette femme en rouge…
[Xavier Fournier]
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