Oldies But Goodies: Police Comics #1 (1941)

[FRENCH] Comme nous l’avons déjà vu dans cette rubrique, de nombreuses super héroïnes n’ont pas attendu Wonder Woman pour apparaître dans les pages des comics. Parmi elles, Phantom Lady se situe au carrefour de l’influence des pulps… et de quelques autres super-collègues masculins. Pourtant on savait peu de choses d’elles à ses débuts, à part le nom de son accessoire principal, nom qui aurait pu faire date si les auteurs (pour le dessin c’est Arthur Peddy qui a la paternité du personnage tandis que le scénario est généralement attribué au studio créatif alors dirigé par Will Eisner et Jerry Iger) avaient pensé à l’inscrire dans la durée…

En août 1941 l’éditeur Quality publiait le premier numéro d’une anthologie qui allait faire date ! Police Comics #1 contenait ni plus ni moins que l’apparition de quatre personnages qui allaient laisser une trace, à des niveaux différents, dans l’histoire de la BD américaine. Plastic Man, Human Bomb, Firebrand et Phantom Lady ont tous démarré dans ce numéro et, la plupart du temps à travers des incarnations différentes, sont tous parvenus à l’ère actuelle (principalement récupérés par DC Comics après la cessation d’activité de Quality).

Quatre personnages durables d’un coup ? On était loin du taux de perte d’autres éditeurs (comme Timely/Marvel Comics par exemple) où les héros disparaissaient souvent aussi vite qu’ils étaient venus. Il faut dire que Quality faisait appel aux talents de l’atelier Eisner & Iger et qu’on sentait, en toile de fond, un processus créatif dynamique, qui valorisait des personnages qui occupaient la page de façon spectaculaire.

Chez Eisner & Iger on pensait scénario mais également image : Le Plastic Man de Jack Cole se déformait pour prendre des formes spectaculaires. Le Human Bomb de Paul Gustavson avait littéralement des pouvoirs explosifs. Firebrand était un simple aventurier masqué (et c’est d’ailleurs peut-être ce manque de pouvoirs qui lui a procuré moins de succès que les autres) mais il pouvait compter sur le graphisme de Reed Crandall pour le distinguer. Quand à Phantom Lady, elle agitait une étrange lampe-torche, à la fois source de ses pouvoirs et gimmick la caractérisant. On verra plus loin pourquoi…

Parlons d’emblée de la première influence du personnage : Si les super héroïnes étaient encore un cas de figure émergeant dans les comics, il n’en était pas de même pour l’univers des pulps où les lecteurs avaient déjà fait la connaissance (entre autres personnages) de la Domino Lady, apparue en 1936 dans la revue pour adultes Saucy Romantic Adventures, chez Fiction House.

Domino Lady (qui également une inspiration majeure de la plus tardive Blonde Phantom de Marvel Comics) était blonde et masquée tandis que Phantom Lady était brune et sans masque mais sur plusieurs couvertures de pulps la première est représentée avec une cape sombre et une robe de soirée blanche aux reflets jaunes. Sous un certain angle leurs costumes ne sont pas si différents… De plus même si Ellen Patrick (Domino Lady) était la fille d’un procureur assassiné tandis que Sandra Knight (Phantom Lady) avait un riche père bien vivant, toutes les deux étaient issues de la haute société et jouaient les bimbos (enfin en tout cas ce qu’on pouvait apparenter à des bimbos vers 1936-1941) pour mieux cacher leurs activités clandestines…

Domino Lady étant elle-même probablement dérivée d’un autre héros de pulps (le Phantom Detective, paru dès 1933) la communauté d’esprit et la filiation qui relie tous ces personnages forme presque une progression logique… Si Domino Lady était la « mère » de Phantom Lady, le Phantom Detective en était sans doute le « grand-père »…

Telle qu’on nous la présente dès la première page de ses aventures « Sandra Knight est la fille du sénateur Henry Knight… Personne ne suspecte que la frivole Sandra est aussi Phantom Lady, dont les combats contre les espions et les ennemis publiques se retrouvent en permanence à la une des journaux ». Dès la première case on nous montre Phantom Lady dans son accoutrement de super héroïne : un maillot de bain et des bottines jaunes, avec une cape verte et une sorte d’étoile noire en guise de collier. Elle porte à la main une grosse lampe-torche qui semble diffuser une lumière dorée (en tout cas dans cette première case, on verra par la suite que ce n’est pas vraiment le cas).

L’épisode commence avec Sandra qui conduit son père jusqu’à un site-test pour les bombes, situé dans le Maryland. Il faut croire qu’en 1941 un riche sénateur n’avait pas de quoi se payer un chauffeur ou préférait laisser conduire sa fille plutôt que prendre lui-même le volant. L’homme politique explique à sa fille « Wenner a refusé le nouvel explosif de Raphael et il est de mon devoir d’enquêter ».

Après une ellipse, nous sommes projetés au site test, où l’inventeur Raphael insiste que son nouvel « explosif à l’uranium » a une force considérable et qu’un nouveau test le démontrera. Wenner (un industriel finançant la chose ou un officiel envoyé par le gouvernement ou l’armée ?) n’est pas convaincu, c’est le moins qu’on puisse dire, puisqu’il traite l’inventeur de « taré ». Mais dans le même temps un mystérieux avion approche du site, le pilote se félicitant : « Ils se soupçonnerons jamais un avion de la marine américaine ! ».

Les Knight arrivés, le test peut commencer. Raphael installe son explosif et l’expérience se déroule comme prévu. Même Wenner reconnaît que le cratère est bien plus large que pour des explosifs traditionnels (tu m’étonnes ! Raphael vient d’inventer rien de moins qu’une bombe portable enrichie à l’uranium ! Mais les auteurs de 1941 sont sans doute loin de se doute du réel potentiel destructeur de telles armes). Mais l’avion aperçu plus tôt arrive sur les lieux et commence à plonger vers les quatre témoins de l’expérience, en leur tirant dessus. Le sénateur Knight ordonne à sa fille de courir se mettre à l’abri dans les bois. L’avion se pose et le pilote ne manque pas de remarquer que les deux Knight se sont enfuis. Wenner rétorque qu’il a surtout failli le toucher ! Car tout ça est un stratagème monté par Wenner pour pouvoir enlever Raphael (ce dernier, touché par les tirs, est inconscient). Alors que l’avion redécolle (emportant non seulement le pilote et Raphael mais aussi Wenner) il lance une bombe derrière lui pour faire disparaître toute trace des événements… Pour qui n’était pas présent lors du redécollage, Wenner et Raphael sembleraient morts dans la seconde explosion.

C’est d’ailleurs sans doute pour ça que les malfrats n’ont pas poursuivi les Knight. Ils sont malgré eux des témoins manipulés. Alors qu’ils roulent vers la ville, le sénateur est convaincu que Wenner a été tué aussi et que personne ne voudra croire leur histoire puisqu’il n’y a pas de trace. Il ne se doute pas un instant que Wenner est derrière le complot. Plus rusée, Sandra a déjà des doutes : « Je n’en suis pas certaine, Père, j’ai vu quelqu’un monter dans l’avion ! ». Le soir même Sandra dîne avec son ami Don Borden, enquêteur du département d’état, qui semble l’histoire incroyable mais décide quand même de la croire. Don Borden est visiblement le « faire-valoir romantique » de la série. Il est un peu à Phantom Lady ce que sera plus tard Steve Trevor à Wonder Woman (laquelle n’est pas encore créée à cette époque). Borden prévient cependant Sandra que puisqu’elle et son père sont les seuls témoins ils pourraient être en danger, qu’il leur faut un garde du corps ou bien alors partir en voyage quelques temps. Pour un enquêteur du département d’état, Borden n’a pas l’air très dégourdi car il pourrait sans doute demander à sa hiérarchie qu’on place les Knight sous protection. Et l’idée même de proposer à Sandra de partir loin pour sa protection plutôt que de rester sur place pour témoigner semble, avec le recul, absurde. De toute manière on ne reverra pas Borden de l’épisode…

Sandra, néanmoins, affirme qu’elle n’a pas peur et rentre chez elle. Dans son appartement elle se change en.. Phantom Lady ! Cet épisode initial ne comporte en effet aucune origine à proprement parler (cela ne viendra que plus tard). Sandra est visiblement déjà active comme Phantom Lady depuis quelques temps. Le costume de Phantom Lady est, comme nous l’avons vu plus tôt, assez semblable à celui de Domino Lady sur certaines couvertures de pulps, si ce n’est que Sandra (allez savoir pourquoi) ne porte aucun masque qui pourrait garantir son anonymat.

Ce qui conduira d’ailleurs plus tard, dans d’autres épisodes, à des scènes assez risibles où le père de Sandra rencontre Phantom Lady et lui parle sans réaliser que c’est sa fille ! Il faut croire que le sénateur est diablement bigleux ! On pourra rire sur le fait que Clark Kent (Superman) et Diana Prince (Wonder Woman) se cachent seulement derrière une « simple » paire de lunettes mais au moins ils font un effort minimum pour se déguiser. Phantom Lady, dans sa version première, ne se donne pas tant de mal…

Prête à l’aventure, l’héroïne prend place à bord de sa voiture noire et traverse la ville pour se rendre jusqu’à la résidence secondaire de Wenner, celle qu’il n’occupe que les week-ends. Phantom Lady a l’intuition qu’il s’y trouvera. Mais à peine est-elle arrivée à destination qu’elle est surprise par un garde. L’homme la prévient qu’elle doit s’immobiliser ou qu’il tirera mais, alors qu’il utilise son fusil, elle arrive à se cacher mystérieusement derrière un arbre. L’homme, perplexe, ne trouve plus de trace de la femme sur laquelle il a tiré. Et comme dans la case précédente on voyait bien que Phantom Lady se tenait à côté de sa voiture, ce manque de trace ne peut qu’intriguer le lecteur. Comment l’homme aurait-il perdu de vue l’héroïne ? Et où est passée la voiture ? On le comprendra un peu plus loin quand on saura plus sur les méthodes de la belle brune…

Pour l’instant Phantom Lady grimpe dans les arbres et, un peu à la manière d’un Tarzan féminin, arrive ainsi à approcher la maison de Wenner sans être dérangée par d’autres gardes. Pour autant sa présence n’est pas passée inaperçue. Wenner sort sur le perron et demande à l’homme qui a surpris Sandra un peu plus tôt sur qui il a tiré. Le garde explique : « Une dame dans un drôle d’accoutrement… Mais je l’ai manqué ! ». Pendant ce temps Phantom Lady entre par la porte arrière de la demeure, écoutant les deux hommes discuter d’elle. Le garde continue « Un fantôme ? Bah ! En tout cas elle a vite disparu ! ”. C’est sans doute cette capacité à se faire passer pour un fantôme qui lui doit (dans l’histoire) son surnom de Phantom Lady. Mais ses « pouvoirs » ne sont pas réellement fantomatiques. Au contraire elle utilise à ce moment là son arme caractéristique : sa lanterne noire (ou, dans la version originale, sa « black lantern ») ! Phantom Lady est en effet le premier personnage de comic-books qui fait usage d’une « lanterne noire », plus de 65 ans avant que DC Comics ne ramène l’expression en prévision du crossover Blackest Night ! Phantom Lady est de ce fait, avec Diamond Jack, l’autre héros du Golden Age qui aurait pu être concerné au premier chef par Blackest Night, bien que le lien reste nominal. Cette lanterne (en fait la lampe torche qu’on avait aperçu dans la page de présentation) diffuse une sorte d’anti-lumière : son faisceau forme un cône de ténèbre à l’intérieur duquel ses adversaires ne peuvent rien voir. Wenner et son homme de main sont ainsi sans défense et Phantom Lady les prévient que s’ils ne lui disent pas rapidement où est revenu le docteur Raphael, ils resteront aveugles pour toujours (quand à savoir s’il s’agit juste d’une menace verbale où si, dans l’idée des auteurs, un usage prolongé de la lanterne noire peut effectivement rendre aveugle…).

Au demeurant, il serait assez tentant de croire que Phantom Lady et sa lumière noire sont inspirés du Doctor Mid-Nite (héros aussi nocturne qu’aveugle, qui lançait des « bombes aveuglantes » noires pour désorienter ses ennemis alors que lui voyait parfaitement dans le noir). D’autant plus que Mid-Nite est apparu pour la première fois dans All-American Comics #25, en avril 1941, c’est-à-dire que le héros « aveuglant » était encore tout neuf dans les kiosques alors que les auteurs de Phantom Lady s’attelaient à la création de leur personnage. Une bonne dose d’inspiration est sans doute à chercher aussi du côté du Green Lantern originel (Alan Scott) avec cette mention de « lanterne » même si celle de Phantom Lady est beaucoup moins versatile que l’anneau détenu par le célèbre héros de DC. Ce qui est à noter dans cet épisode initial c’est que rien, absolument rien, n’explique la provenance ou la nature de la lanterne noire. Il pourrait aussi bien s’agir d’un gadget scientifique que d’un talisman magique. Le scénario ne rentre pas dans le détail et il n’est pas certain que les auteurs avaient tranché dans ce premier numéro. Par la suite, dans des épisodes ultérieurs, on apprendra qu’elle est l’invention d’un ami du sénateur Knight qui lui aurait confié et que Sandra aurait « intercepté » ce précieux cadeau. Encore plus tard, bien après que Phantom Lady ait été rachetée par DC Comics, cette origine tardive sera amendée pour la rendre compatible avec l’existence d’un autre héros nommé Knight dans l’univers DC : le Starman originel. Roy Thomas expliquera que Sandra Knight et Ted Knight (Starman) sont cousins et que la technologie à la base de leurs exploits (la lanterne noire pour Sandra, le « gravity rod » pour Ted) ont été inventé par un seul et même savant, le Professeur Davis. Tout ça confirmant successivement la thèse scientifique alors que dans l’épisode premier la porte du surnaturel (ou pourquoi pas d’une origine extra-terrestre ?) reste ouverte. Ce qui explique qu’à l’ère moderne on n’ait pas fait le rapprochement entre la lanterne noire de Phantom Lady et les Black Lanterns [1] c’est qu’avec le temps le terme a été abandonné, au bénéfice de « black light ray projector » (« projecteur de rayon de lumière noire »). La plupart des lecteurs modernes ignorent donc que Phantom Lady a pu avoir une lanterne noire dès 1941…

Pour en revenir à Sandra Knight et les deux malfaiteurs qu’elle a coincé dans son faisceau noir, la menace de les rendre aveugles n’effraient pas tant que ça. Ou c’est l’énergie du désespoir qui les pousse à contre-attaquer. Wenner tire dans le vide et touche, par chance pour lui, la lanterne noire de l’héroïne, lui arrachant son accessoire des mains et éteignant le faisceau.

« O-Oh ! Ils peuvent me voir maintenant » s’écrie Phantom Lady en s’enfuyant sous une pluie de balles. Sandra retourne à sa voiture et une course-poursuite s’engage alors mais elle a plus d’un tour dans son sac. Les feux de son véhicule peuvent également diffuser la lumière noire à volonté (c’est donc un peu une « Phantom-Car »). Elle actionne les feux arrières de la voiture qui diffusent des cônes de noirceur absolue derrière elle. Autant dire qu’il devient impossible de rouler derrière Sandra et que ses poursuivants la perdent vite de vue. Mieux : elle arrive à cacher sa voiture dans une recoin et les laisse la dépasser. C’est donc à son tour de les suivre sans qu’ils s’en rendent compte. Elle sait qu’ils finiront par la mener au docteur Raphael.

Wenner et son complice finissent par se rendre dans les marais et Phantom Lady, après avoir réparée sa lanterne, continue de les suivre sans qu’ils s’en aperçoivent. Ils la mènent ainsi sans le savoir jusqu’à une cabane. C’est là qu’ils détiennent Raphael et le torturent en espérant qu’il livrera le secret de son explosif à l’uranium. Mais le scientifique résiste… Sans attendre, Phantom Lady fait irruption dans la cabane et enclenche sa lanterne noire, aveuglant les deux malfaiteurs. Cette fois aucun tir ne vient endommager l’arme de l’héroïne. Elle a donc largement le temps de libérer Raphael et de fuir avec lui. Pourquoi ne pas rester pour capturer les deux ennemis ? Parce que les tirs de ces derniers viennent de toucher une lampe à huile, déclenchant un incendie dans la baraque. Wenner et son complice sorte de la cabane et s’aperçoivent que Phantom Lady et Raphael sont partis à bord d’un des deux canoës disponibles. Ils comptent les prendre en chasse mais dans leur précipitation leur embarcation se retourne. Pire, Wenner et son acolyte se retrouvent pris au piège dans des sables mouvants infestés de serpents agressifs. Autant dire que leur dernière heure a sonné…

A bord de l’autre embarcation, Raphael, reconnaissant, s’exclame que la femme vient de lui sauver la vie et lui demande qui elle est. Modeste, l’héroïne répond que son nom est aussi secret que sa formule. On remarquera donc que Sandra ne fait pas elle-même usage du surnom de Phantom Lady et que c’est seulement le narrateur qui mentionne cette appellation. Sandra poursuit en expliquant que Wenner aurait sans doute tué Raphael dès qu’il aurait eu la formule, qu’elle vaut un million de dollars. Mais le savant n’est pas motivé par l’argent. Il annonce qu’il fera don de son invention au ministère de la guerre (ce qui fait sans doute de lui un des membres du « Projet Uranium », sous branche du Projet Manhattan).

Avec Raphael revenu à Washington, Phantom Lady disparaît mais « elle reviendra le mois suivant dans Police Comics » insiste le narrateur. Et il est vrai que si elle ne sera pas aussi populaire que Plastic Man ou Human Bomb, sa carrière première n’est pas déshonorante pour un personnage du Golden Age (qui plus est pour une femme, quand les super héroïnes durables se comptaient sur les doigts d’une main). On la retrouvera ainsi dans les pages de Police Comics jusqu’en 1943. Soit deux ans de longévité, ce qui pour l’époque (et pour Quality Comics) n’est déjà pas si mal. Sans compte qu’après qu’Arthur Peddy ait cessé de dessiner ses aventures, ce serait un « petit jeune » nommé Joe Kubert qui assurerait la relève…

Après que Quality Comics se soit désintéressé d’elle, cependant, Jerry Iger s’estimerait en droit de recaser le personnage chez un autre éditeur, ce qui mènerait à une réapparition de Phantom Lady dès 1947 chez Fox Comics (par la suite la série continuerait chez l’éditeur Ajax). Deux choses sont à noter sur ce second volet de la carrière de l’héroïne. D’abord chez Fox et Ajax elle paraîtrait dans son propre titre (par opposition à l’époque Quality, où elle n’était jamais qu’un énième personnage abrité dans une anthologie). De ce fait sa popularité serait alors à son comble. L’autre élément important est que Phantom Lady serait relookée, abandonnant le jaune et le vert pour désormais s’habiller en rouge et bleu. Certains prétendent que c’était une manœuvre d’Iger pour éviter que les collaborateurs de son studio de 1941 (Eisner, Peddy) ou que les responsables de Quality y trouvent à redire. L’autre raison est sans doute que Fox voulait ouvertement concurrencer les personnages de DC, la « nouvelle » Phantom Lady s’approchant ainsi des couleurs de Superman et Wonder Woman. Consacrée avec l’arrivée du dessinateur Matt Baker (spécialiste du « Good Girl Art »), Sandra Knight allait devenir de plus en plus sexy (son décolleté et la longueur de sa jupe réduisant comme neige au soleil), ce qui est sans doute un retour plus ou moins conscient aux racines du personnage, quand la Domino Lady apparaissait elle-même dans des revues pour adulte. Insistons sur le « Plus ou moins conscient » car certains épisodes de l’époque ont une ressemblance troublante avec des aventures de Domino Lady (en particulier un épisode où Phantom Lady doit combattre une femme se faisant passer pour elle). Cette incarnation rouge et bleue de Fox/Ajax s’attirera le courroux de Fredric Wertham, le célèbre psychiatre lancé à l’époque dans une croisade anti-comics. Une couverture de Phantom Lady de 1949, sur laquelle on la voit se débattant au milieu de cordes, finira même en « bonne » place dans les pages de Seduction of the Innocent, le brûlot anti-comics que Wertham publia en 1954. Phantom Lady y était dénoncée comme icône de la stimulation sexuelle, du sadisme et du fétichisme…

Les droits de Phantom Lady firent par la suite l’objet d’un véritable sace de nœuds, principalement parce qu’Iger s’était sans doute un peu avancé en se déclarant le propriétaire unilatéral du personnage au moment de l’importer chez Fox. Pour faire court la version rouge et bleue (Fox/Ajax) refit surface des années plus tard chez AC Comics où elle subit différentes évolutions. Renommée Blue Bulleteer, elle est finalement devenue Nightveil, un personnage d’essence mystique (ce qui finalement n’est pas un trahison si on se rappelle que dans la version première le scénario ne tranchait pas clairement entre la science et le surnaturel quand à l’origine de son projecteur). A noter que certains épisodes restaurés par AC de la version Fox/Ajax ont été traduits en France dans la revue Golden Titans.

La version jaune et verte (correspondant à la période 1941-1943 du personnage) fut, au même titre que les autres héros de Quality, rachetée par DC Comics et devint membre des Freedom Fighters (équipe fédératrice façon Justice Society of America composée exclusivement d’anciens héros de Quality). Comme avec le temps il devenait trop difficile de croire qu’une héroïne active en 1941 le soit encore de nos jours, DC lui inventa en 1989 une disciple, une nouvelle Phantom Lady (« Dee » Tyler) qui s’était entraînée sous sa surveillance. Phantom Lady II, devenue membre d’une nouvelle génération des Freedom Fighters, trouva la mort en 2005 lors d’une purge organisée par DC pour faire de la place à une troisième génération de Freedom Fighters. Dans cette dernière figure une troisième Phantom Lady, Stormy Knight, qui partage le même nom de famille que l’héroïne originelle (sans qu’un lien soit clairement établi) et dont le père est également sénateur. La logique, un peu similaire à celle des Seven Soldiers de Grant Morrison (d’ailleurs ce dernier a joué un rôle dans la création des nouveaux Freedom Fighters) est sans doute que le destin a tendance à se répéter en cas de besoin de manière à assurer une certaine constance dans les défenseurs de l’univers (d’où le fait que les Freedom Fighters ont, à travers les âges, des membres possédant des noms ou des pouvoirs similaires). Sandra Knight (la Phantom Lady originelle), bien que retirée, est toujours présente dans l’univers DC contemporain. Il a été révélé qu’elle était la grand-mère de l’héroïne Manhunter (Kate Spencer) et elle a fait de fréquentes apparitions dans la série de cette dernière. Domino Lady, l’inspiration majeure du concept, était resté dans les années 30 un personnage de romans « osés ». Elle a finalement franchit le pas dans les années 1990 en devenant à son tour une héroïne de BD chez Eros Comix. Plus récemment une autre adaptation de Domino Lady a fait son apparition chez Moonstone, au même titre que le Phantom Detective ou encore Captain Future

[Xavier Fournier]

[1] Encore que parmi les Black Lanterns on aperçoit la deuxième Phantom Lady, celle des années 90, décédée lors d’Infinite Crisis.

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