Par Oldies But Goodies j’entends de vieilles lectures qui gardent leur charme. Mais je n’ai jamais dis que dans cette rubrique je n’aborderait que des comics où ce charme était volontaire. Accrochez-vous car cette plongée dans la jungle va prendre des allures d’un film de Max Pecas… On ne comprendra jamais comment Marvel a eu le culot de copier la rousse Sheena (vénérable reine de la jungle depuis les années trente) pour en faire un personnage si similaire mais on peut deviner sans trop de problème d’où vient la volonté. A l’époque il y avait chez Marvel plusieurs fans de l’Age d’Or. Roy Thomas, devenu l’éditeur-en-chef, n’était pas du genre à reculer quand il pouvait ressusciter un concept oublié (Vision, Yellowjacket, Black Knight et quelques autres encore doivent tous leurs noms à de vieux héros des années 40). Et Thomas n’était pas seul: celui qui signe la jolie couverture de l’épisode n’est autre que Jim Steranko (dommage qu’à l’époque Marvel avait prit l’habitude de les saccager en collant un gros pavé de couleur dans la partie haute, façon EC Comics). Et Steranko étant un véritable historien des comics, il savait très bien qui était Sheena et la nature de sa ressemblance frappante avec Shanna. D’ailleurs quand on connaît un peu l’histoire de la « grand-mère de Shanna », on trouve à la Shanna de Steranko un petit air d’Irish McCalla, l’actrice vedette du feuilleton télévisé de Sheena dans les années 50. Peut-être est-ce pour éviter que la ressemblance soit totale que Steranko alla coller ce bandana vert dans la tête de sa Shanna, allez savoir…
Tout commence par une émeute entre des esclavagistes arabes et une tribu d’hommes noirs qu’ils sont visiblement en train de capturer. Au passage on notera la tenue de ces fiers guerriers noirs telle qu’imaginée par Ross Andru: ils sont tous dans des slips aussi bien taillés que s’ils provenaient d’une panoplie des Quatre Fantastiques. Pendant ce temps, Shanna ignore complètement que dans la jungle les guerriers portent des slips DIM. Non, elle, elle se fait bronzer dans la réserve qu’elle habite, avec le garde-chasse qui la reluque sans même se cacher. Mais arrive une jeep avec un agent du SHIELD, Jakuna Singh. Un agent indien (d’Inde, pas d’Amérique), en pleine Afrique, portant la coiffe traditionnelle de son peuple et tout et tout. Oui, après tout, Nick Fury se déplace bien partout à travers le monde et une blonde d’ascendance irlandaise est bien en train de se faire bronzer dans la jungle, alors pourquoi pas. En 1973, c’est déjà l’heure du « village global ». Ce qui est juste déstabilisant c’est le soin avec lequel les caractéristiques ethniques des esclavagistes, de leurs victimes et de l’agent du SHIELD ont été soulignées. Ce qui fait qu’à un moment on ne sait plus très bien où Shanna est en train de bronzer.
Notre nouvel ami Jakuna (Matata ?) a tôt fait de resituer les choses. Il y a un méchant qui s’appelle « EL Montano » (vous voyez on nous avait promis un homme-montagne) qui vit quelque part au Sahara. C’est pour lui que travaillent les méchants esclavagistes arabes car il aime bien reluquer des femmes en petite tenue. Bref, il aime bien faire ce que faisait le garde chasse ami de Shanna quelques cases auparavant mais, à l’intérieur du récit, personne ne trouve utile de faire le rapprochement. Jakuna explique son problème: El Montano, on ne peut pas l’arrêter car il utilise des chars à voile, ce qui fait que sur le sable du Sahara, personne ne peut le rattraper. D’où la requête de l’agent spécial du Shield qui a fait tout ce chemin pour demander à une fille en bikini de l’aider. Pourquoi elle plutôt qu’une autre ? Jakuna ne l’expliquera pas. Mais souvenez-vous que de toute manière nous parlons d’un garçon qui n’arrive pas à rattraper des chars à voile sur le sable, ignorant visiblement qu’il pourrait utiliser lui-même un char à voile… Ou un hélicoptère… Ou une demi-douzaine d’autres moyens de locomotion. Non, ça, Jakuna, il ne le sait pas. Tout ce qu’il sait c’est qu’il lui faut l’aide d’une donzelle en bikini.
Surtout qu’elle est fortiche, Shanna, en infiltration. Comme elle est blanche et qu’elle serait vite remarquée parmi les esclaves noirs (chapeau pour le casting, agent Jakuna), elle a l’idée de se draper dans un burnous. Le déguisement « tient » exactement trois cases (ce n’est pas une exagération, j’ai le comic devant moi), avant qu’un garde ne lui demande ce qu’elle fait là. Et comme Shanna n’a visiblement aucun sans froid (enfin là aussi, à l’intérieur du récit c’est plutôt présenté comme du courage), plutôt que d’inventer une excuse, elle assomme le garde sans avoir réussit à l’empêcher de tirer avec son arme à feu. Au bout de trois cases « d’infiltration », tout le camp est réveillé. Bravo Shanna. Elle est rapidement capturée tout comme ses léopards. Attendez, elle essayait vraiment de passer inaperçue dans son burnous en compagnie de deux léopards errants ?
Seulement elle a de la chance (ou des adversaires pas plus doués qu’elle). « El Montano », une fois qu’il la voit en bikini et attachée, il oublie complètement qu’elle essayé d’entrer en force, il la traite comme une prisonnière lambda qui va, c’est sûr, passer à la casserole dans la nuit à venir. Heureusement, Shanna a des idées: comme ils l’ont enfermée dans la même cellule que ses fauves, elle fait croire qu’ils veulent la dévorer. Et là, le concours d’intelligence continue. Plutôt que de tirer sur les deux léopards, un homme de main de Montano, qui sait que son maître veut se la garder, vient à son secours avec un simple sabre. Parce que c’est sûr, si vous voyez deux léopards enragés, il faut d’abord essayer de les arrêter avec un sabre recourbé. Les deux bestioles n’ont font qu’une (ou deux) bouchée(s).
Très vite Shanna s’élance dans le QG de Montano pour empêcher ses sombres projets. Ah au fait, on a oublié de vous parler du plan de Montano. Car comme tous les négriers-trafiquants de drogue, lui son truc implique d’utiliser à ses fins une fusée expérimentale qu’il a dérobé pour passer de la drogue en fraude (vu que c’est une fusée destiné à aller sur la lune il faudrait m’expliquer comment). Shanna, Ina et Biri (Ina c’est le léopard qui a des tâches, le noir étant Biri) se précipitent à l’assaut des troupes de Montano qui comptent en tout et pour tout six hommes (mais pourquoi donc le Shield avait besoin d’une « aide » aussi compétente pour venir à bout de six pieds nickelés qui ?). El Montano est vite poussé dans ses retranchements mais lâche alors une meute de loups qu’il gardait par là, pour capturer ses esclaves quand ils font mine de s’échapper. C’est peut-être ça qui faisait peur au Shield ? El Montano prend la poudre d’escampette mais il n’a qu’un chemin, une planche qui passe par dessus la fosse aux esclaves. Bien entendu, la planche ne supporte pas son poids. Et là arrive Jakuna et l’armée française qui embarquent toute la bande, visiblement sans avoir eu le moindre problème et sans qu’on comprenne à quoi lui servait une femme infiltrée dans le camp. D’autant que j’ai beau chercher, je ne vois aucun char-à-voile dans cette histoire… Qui n’a ni queue ni tête. Mais le style d’Andru fait le reste. Prise comme une oeuvre kitsch, Shanna #2 reste un petit plaisir coupable. L’histoire ne tient pas debout mais, après tout, c’est toute une ambiance. Si c’était un film, il pourrait aussi bien être signé Russ Meyer (il faudrait quand même que Shanna fasse un peu d’exercices de respiration). C’est toute une époque…
Cette histoire est signée Carole Seuling, qui connut une brève carrière de scénariste de comics à l’aube des années 70. Pour tout dire, Shanna est un peu son heure de gloire dans ce domaine. Et là certains d’entre vous pensent peut-être qu’elle a bien fait d’arrêter après des scénarios si caricaturaux, la pensant bête… Ce serait lourdement se tromper. Carol Seuling s’est depuis investie dans une fondation nommée Mensa Information. Pour ceux d’entre vous qui suivez le feuilleton Lost, Mensa, c’est un peu le modèle réel de la fondation Dharma. On n’y tue pas les gens ou on ne les enferme pas dans des bunkers (si jamais des membres passaient par là, qu’ils se rassurent, je ne dis pas qu’ils chassent le monstre invisibile sur une île) mais Mensa réunit des intellectuels qui espèrent, en s’unissant, créer une meilleure société. Et la condition pour entrer dans Mensa, c’est de faire partie des plus hauts Q.I. de la planète (un QI possédé par seulement 2% des gens). Carole Seuling est donc loin d’être une idiote. Mais en 1973, peut-être essayait-elle simplement d’écrire pour les 98% restants de la planète ?
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