Oldies But Goodies: Shogun Warriors #1 (Fev. 1979)

[FRENCH] Ils sont trois guerriers monumentaux qui dorment d’un sommeil d’acier en attendant que leurs ennemis s’éveillent. Ensemble, ils ont été créés il y a des millions d’années pour défendre l’humanité contre des monstres titanesques. Ensemble, ils doivent aujourd’hui répondre à l’appel et se montrer de tailler à repousser la civilisation qui a créé les dinosaures. Les Shogun Warriors sont dans la place et cette place, en l’occurrence, c’est l’univers Marvel… ! Il y a même un tout petit bout du folklore des X-Men qui s’y cache quelque part. Vous voulez savoir quel lien il y entre Godzilla, les Micronauts, l’origine de l’humanité et ce qui garde le cristal de M’Kraan ? Alors il faut vous intéresser aux Shogun Warriors…

Je dois dire que le « Oldies But Goodies » de cette semaine m’a été inspiré par quelques remarques régulières qui entendent séparer farouchement le Japon des comics (et inversement). Apparemment il ne faudrait pas les mélanger, de peur que tout vire au manga et que la BD américaine y perde son âme. Il m’a paru intéressant de montrer que les comics, au contraire, ont toujours su se nourrir des genres et des modes (y compris de ce qui venait de l’Empire du Soleil Levant). L’ère de la Blaxploitation nous a ainsi apporté Luke Cage. La mode des arts martiaux nous a donné Iron Fist, Shang-Chi et quelques autres personnages du genre. Et du Japon, entre autres choses, sont venus les Shogun Warriors, trois robots géants publiés par Marvel entre 1979 et 1980, arrivés dans la même mouvance des « jouets sous licence » où on trouvait aussi les Micronauts (également venus du Japon) et Rom The Spaceknight. Le déroulement de l’épisode de cette semaine est un peu complexe (il y a flashback dans un autre flashback et on ne commence pas par le début de l’histoire) d’où des explications sans doute un peu factuelle au début mais accordez-nous un peu de patience et vous allez voir que ce comic-book de produit dérivé, d’apparence relativement anodine, a des ramifications insoupçonnées…

Le scénariste Doug Moench (connu entre autre pour être le co-créateur de Moon Knight) choisit d’ouvrir Shogun Warriors #1 avec un découpage atypique, à savoir que l’action commence directement dès la première page avec un combat entre un robot géant (Raydeen, seul personnage qu’on reconnaissait sur la couverture) et une créature monstrueuse nommée Rok-Korr, au dessus des rues de Tokyo. Moench avait une expérience des comics « adaptés » puisqu’il avait œuvréur la série Planet Of The Apes de Marvel. Au dessin de Shogun Warriors, on retrouve Herb Trimpe (Hulk, U.S.1…). Allez savoir si cela vient du scénariste ou de l’artiste mais visiblement la chorégraphie du combat doit beaucoup à des dessins animés japonais et à des films tels que Godzilla. Encore qu’il faut souligner que le genre des « robots géants » ne fut pas aussi populaire aux U.S.A. qu’il le fut en Europe à la fin des années 70 (en Amérique la mode des dessins animés de ce genre est survenue un peu plus tard et a plus reposée sur Robotech ou les Transformers). Néanmoins, le « genre » est tellement identifiable qu’on n’a aucun mal à imaginer les mouvements de ce grand robot rouge et bleu, face à son adversaire caricatural. On est à mi-chemin entre un épisode de Goldorak et X-Or. En fait la ressemblance de ce mécha avec des concepts japonais ne doit rien au hasard. Les Shogun Warriors, voyez-vous, étaient en 1979 une gamme de jouets en plusieurs format qui regroupaient les robots animés les plus populaires. Avec la mondialisation tout juste naissante, la gamme s’exportait ailleurs qu’au Japon et arrivait donc en Amérique. A l’époque on a pu la trouver également en Europe et en France, avec des petits aménagements selon les pays… Par exemple Goldorak était diffusé et donc plus populaire de ce côté de l’Atlantique, ce qui faisait qu’on pouvait le trouver non seulement dans sa version « petite », en métal, mais aussi dans la version « géante » (environ 30 centimètres). Aux USA, Goldorak était un nobody. On le trouvait donc en « petit » mais il n’était pas édité en « géant », d’autres ayant cet honneur, comme le dénommé Raydeen, qui était sans doute celui dont l’apparence était la plus marquante…

Mais en êtres doués de logique que vous êtes, vous aimeriez bien savoir ce qu’est le robot, ce qu’est le monstre et quelle est la raison de leur combat. Ça va venir, ne vous inquiétez pas. Pour l’heure, la seule chose qui est sure quand on lit l’épisode dans l’ordre, c’est qu’une voix s’élève du robot, regrettant qu’ILS n’aient pas pu avoir plus de temps pour s’entraîner. ILS ? Le pilote et son robot de combat ? Qui sont ces « ILS » ? Tandis que Raydeen (robot dont la « coiffe » évoque vaguement le folklore égyptien) fait la démonstration de tout un arsenal de projectiles et de missiles, on comprend qu’un Carson parle à une certaine Genji, confiant dans la discution qu’il ne la connait que depuis deux heures. Enfin, un troisième individu nommé Savage participe aussi à la conversation. Tous les trois passent en revue l’arsenal et les méthodes de combat de Raydeen. Visiblement ils les découvrent et ne connaissent pas la machine depuis plus longtemps qui leur rencontre deux heures plus tôt. En face, le monstre est hyperactif et n’a aucune hésitation quand à son propre arsenal. C’est une sorte de hideux cyborg géant qui se déchaine sur le pauvre Raydeen… A leurs pieds, les arbres où les passants qui fuient nous rappellent la taille des deux adversaires… Finalement, quand Carson se demande à voix haute ce qu’ils sont venus faire dans cette galère, le scénario nous projette en arrière de plusieurs heures, vers un lieu situé « dans l’Est lointain », le Sanctuaire Shogun. Il s’agit d’une base secrète qui respire à la fois la technologie avancé mais aussi un certain décorum antique. Il y a un Ankh géant (signe égyptien tout à fait raccord avec le style de Raydeen) qui trône au dessus du bâtiment principal.

A l’intérieur, le professeur Tambura et ses trois assistants surveillent avec angoisse un volcan qui est en train de se réveiller, dans un autre endroit. Aucun d’entre eux n’est vulcanologue et ce n’est pas l’éruption en elle-même qui les inquiète mais bien son résultat indirect. Le volcan est situé au dessus de l’endroit où des adversaires mystérieux ont placé leurs chambres d’hibernation depuis des millions d’années. Et ce réchauffement ne va pas manquer de les réveiller. Le professeur Tambura se demande alors si lui et ses assistants n’approchent pas du moment où ils devront mettre en action le plan mis au point par leur lignée depuis des générations. Quelques instants plus tard, leurs pires craintes sont confirmées. L’éruption a lieu et quelques heures plus tard le monstre Rok-Korr surgit du cratère… Tambura et ses aides savent alors qu’il leur faut mettre en place la riposte… Ils localisent à travers le monde les trois « Shoguns » potentiels, trois aventuriers qui se nomment respectivement Genji Odashu (japonaise), Richard Carson (américain), Ilongo Savage (africain). La première pilote un avion, l’autre est aux commandes d’une voiture folle et enfin le troisième est aux commandes d’un sous-marin de poche. Mais Tambura, après avoir prévenu qu’ils risquent d’être surpris, active un certain satellite, les trois « Shoguns » sont téléportés à travers le monde jusqu’au sanctuaire. L’avion, la voiture et le sous-marin apparaissent dans la même salle.

Tout ça est alambiqué, je vous le confirme, mais nous allons entrer dans le vif du sujet puisque Carson, Savage et Odashu sont aussi paumés… que le lecteur. C’est la première fois qu’ils entrent en contact avec les gens du Sanctuaire ou même les uns entre les autres et ils ignorent la raison de leur présence dans l’endroit. Tambura décide alors de passer aux explications (ouf) et les entraîne vers une salle de projection holographique (Ben oui vous pensiez quoi ? Qu’une base secrète de 1979 ne pouvait pas avoir tout le confort audiovisuel ?). Là, la démonstration de Tambura a des faux airs d’une des scènes finales du film « Mission To Mars » : Le professeur explique qu’à l’apparition des premières traces de vie (c’est à dire avant même l’apparition des premiers vertébrés) sur Terre, des extra-terrestres menés par le malfaisant Maur-Konn se sont posés sur la planète et ont décidé de la conquérir (ce qui fut vite fait vu qu’il n’y avait que quelques bactéries pour leur tenir tête). Sans résistances, les forces de Maur-Konn ont pu jouer comme ils le voulaient avec les différentes formes de vie… Et une case nous montrant les dinosaures laisse peu de doute sur le fait que les grands reptiles n’étaient dont que la première génération des monstres géants que Maur-Konn est susceptible de créer. Par extension (bien que le scénario n’explore pas plus loin les ramifications) on en déduira donc que Maur-Konn est arrivé sur la Terre avant les Celestials et l’apparition des hommes ou des Eternals et que le rôle de cet extra-terrestre dans l’évolution de la planète… On notera au passage que « Maur-Konn » ou même le nom du monstre « Rok-Korr » évoquent grandement des noms « Kree » tels que Marvel les conçoit d’habitude et scénaristiquement cela aurait plutôt bien fonctionné. L’histoire de la terre « Marvel » repose en effet sur le fait que les Kree ont d’abord colonisé la Lune puis, plus tard, sont venus capturer et faire évoluer une partie de l’humanité pour en faire les Inhumains. Le côté « évolutionaire fou » de Maur-Konnn et une possibleconnexion aux Kree aurait plutôt bien fonctionné, liant le tout à la chronologie Marvel (hélas Doug Moench établirait plus tard que la race de Maur-Konn était les Myndai, donc complètement différente des Kree).

Heureusement pour nous (sinon nous serions toujours sous la domination des Myndai, et encore en partant du principe qu’ils auraient permis aux humains d’apparaître), une autre race extra-terrestre, les Suiveurs de la Lumière décida de libérer la Terre du joug de Maur-Konn. La lutte entre les deux armées dégénéra en une guerre planétaire, la Great Chaos Wars… En définitive Maur-Konn et ses derniers fidèles se réfugièrent en hibernation sous le volcan qui a explosé plus tôt dans l’histoire. Maintenant cette fresque historique comporte quelques interrogations jamais totalement éclaircies. D’abord pourquoi Maur-Konn s’est-il embêté à se mettre en hibernation pendant des millions d’années sous un volcan alors qu’il aurait aussi bien pu fuir ailleurs et trouver une autre planète à conquérir, sans attendre. Alors pourquoi dormir si longtemps ? Et inversement pourquoi les Suiveurs de la Lumière ont-ils laissé faire Maur-Konn sans le déranger dans son sommeil pendant tout ce temps. Car Tambura et ses aides ne sont pas humains. Il s’agit des derniers descendants des Suiveurs qui, comme on nous l’a montré plus tôt, se sont contentés de rester à surveiller le volcan pendant des générations (pourquoi ne pas avoir détruit la base de Maur-Konn pendant qu’il dormait ?). Non, les Suiveurs ont préféré repartir dans l’espace en ne laissant que quelques-uns d’entre eux sur Terre avec, néanmoins, de quoi se défendre le jour où Maur-Konn reviendrait. A chaque nouvelle génération, les descendants des Suiveurs de la Lumière ont sélectionné trois humains normaux (c’est à dire qui ne descendent pas des Suiveurs) pour piloter ce qui peut résister aux monstres de Maur-Konn. Là aussi, on se demandera au passage pourquoi les Suiveurs ont choisi de prendre des humains pour diriger des armes qu’eux-même auraient pu contrôler…

Pourquoi est-ce que Tambura s’encombre de trois humains qui, bien que « élus », n’ont aucune expérience alors que lui et ses assistants ont suivi ce projet depuis des décennies ? Là aussi, non seulement il n’y a pas de réponse mais la question n’est même pas posée… Sans perdre de temps, Tambura emmène Carson, Savage et Odashu pour leur montrer Raydeen, le Shogun Warrior. Tambura explique aux « élus » que bien qu’il y ait eu des élus depuis des générations, c’est la première fois que les Suiveurs convoquent les humains pour piloter la machine. Carson, Savage et Odashu sont les premiers. Scénaristiquement (comme pour le non-rapprochement avec les Kree) c’est un peu dommage car Doug Moench se privait ainsi d’un potentiel un peu « steampunk » qui aurait permis de montrer les Shogun Warriors actifs à d’autres époques (imaginez Raydeen surplombant Apocalypse dans l’Égypte Ancienne ou guerroyant du côté d’Atlantis ou de K’un L’un). Cela dit (et c’est une question caduque maintenant que Marvel n’a plus la licence des Shogun Warriors) Tambura explique que les trois humains sont les premiers, il ne dit pas que des Suiveurs n’ont pas pilotés les machines dans les millénaires précédents contre divers dangers.

Confrontés à l’impressionnante machine, les trois humains sont bien obligé d’admettre que les explications de Tambura sont fondées. Ils acceptent donc de piloter Raydeen, d’autant que comme Carson le résume à sa façon « au pire si ce n’est pas réel, on ne risque pas d’être blessé dans un rêve ». Affublés de casques et d’uniformes qui leur donnent un côté « bioman », les trois héros sont donc rapidement briefés (la séance dure 20 minutes à peine, c’est détaillé dans l’épisode… A se demander pourquoi les Suiveurs n’ont pas formé les pilotes dès l’enfance ou dès les premiers signes d’éruption du volcan) sur la manipulation de Raydeen et partent donc aux commandes du robot pour affronter Rok-Korr… Ce qui nous fait faire la boucle avec le combat du début contre Rok-Korr… Les trois humains sont donc aux commandes de Raydeen et s’en tirent assez lamentablement mais ont en même temps ce qu’il convient d’appeler la chance des débutants (ils n’ont pas le dessus mais au moins ils évitent de se faire détruire).


Raydeen fait alors usage d’une de ses armes maîtresses, à savoir la « Breaker Blade »: une lame qui est cachée à l’intérieur d’un « bouclier de poignet » assez caractéristique de ce robot (dans le jouet d’origine ce poing éjectable avec son bouclier était l’un des points forts mis en avance par le constructeur. Et puis dans l’univers des comics et vers la fin des années 70, ce robot qui pouvait faire surgir une lame géante de son poignet, ça avait déjà des relents d’une sorte de Wolverine robotique. Il n’aurait manqué qu’un « Snikt » pour parfaire le tableau. En fait le Breaker Blade est un élément significatif car il démontre bien le schéma créatif utilisé par Moench et Trimpe. Ce n’était pas la première fois que les deux auteurs collaboraient ensemble. Avant de s’attaquer officiellement aux Shogun Warriors, ils avaient aussi travaillés tous les deux sur une autre série Marvel inspirée par le Japon, à savoir Godzilla, basée sur le fameux monstre du cinéma nippon… Dans Godzilla #6 (janvier 1978, soit un an avant la publication des Shogun Warriors), les deux auteurs avaient introduit Red Ronin, un robot géant rouge (qui par la suite a été un adversaire des Avengers). Or, Red Ronin portait à la main un petit bouclier rond d’où sortait une lame laser. Red Ronin est une invention des américains mais il y a peu de doute qu’il est pour une bonne partie basé sur Raydeen (retirez les cornes du Shogun Warrior, coloriez-le en rouge et vous aurez déjà fait le plus gros du travail) mélangé avec quelques aspects d’un autre jouet de la gamme Shogun Warriors (mais lui jamais adapté en comics à ma connaissance), le Getter Robot Dragon (robot rouge rebaptisé Dragun lors de sa diffusion en Europe).

La cerise sur le gâteau c’est que Godzilla lui-même faisait partie de la gamme Shogun Warriors grand format, qui regroupait visiblement tout ce que le constructeur pouvait récupérer de licences japonaises même si elles n’avaient aucun rapport les unes avec les autres. Il est donc évident que fin 1977, alors qu’ils produisaient Godzilla #6, Moench et Trimpe avaient déjà une idée de ce qu’étaient les robots des Shogun Warriors et que soit ils avaient tenté d’en glisser un (Raydeen ou Dragun) dans les aventures du lézard géant et l’avaient transformé à la dernière minute par manque de droits, soit il s’agissait d’un test qui avait permis à Marvel de jauger le potentiel d’une série consacrée à ce genre de robots. Et puis bien sûr il y aurait eu toutes les raisons d’un crossover puisque si, selon l’histoire, Maur-Konn est le créateur des dinosaures et un spécialiste des monstres géants, il aurait forcément un rôle indirecte à jouer dans la genèse de Godzilla.

Pendant qu’on en est à parler des crossovers manqués avec d’autres séries, Maur-Konn fonctionne aussi de manière étonnante avec le folklore des Micronauts, série écrite par Bill Mantlo et qui a duré plus longtemps chez Marvel, qui touchait elle aussi au passé de la Terre. Le peuplement du Microverse (univers microscopique dans lequel vivent les Micronauts et leurs races d’origine) est en effet dû au Prince Wayfarer, un explorateur interstellaire qui s’est d’abord posé avec ses hommes sur la Terre primitive, à l’époque des dinosaures. Trouvant la planète encombrée par les sauriens mais aussi par « une race de démons qui s’en nourrissait », le Prince Wayfarer s’est finalement réfugié dans le Microverse (jusque-là désert) et l’a civilisé. Au passage plusieurs jouets et personnages des Micronauts renvoient à l’usage de robots géants (comme le jouet de Biotron, transportant des humains et qui dans la série est renommé Bioship quand il a cette taille). Il y a même un secteur « égyptien » du Microverse où plusieurs machines ou monuments s’inspirant de l’Antiquité ont forcément un air de famille accidentel avec Raydeen. En clair, le Prince Wayfarer et son peuple pourraient être les Suiveurs de la Lumière qui ont quitté la Terre en y laissant que quelques descendants et Marvel n’est pas passé très loin d’unifier tous ses titres d’origine nippone  dans une même mythologie cohérente où les ancêtres des Micronauts seraient d’abord passé par la Terre pour y livrer bataille, via les Shogun Warriors, aux créateurs des ancêtres de Godzilla. D’autant que même aujourd’hui encore, alors que Marvel n’a plus les droits des Shogun Warriors, l’hypothèse reste valable puisque Maur-Konn, lui, est une invention de Moench et n’appartient pas aux ayant-droits des jouets.

Mais bon, revenons à Raydeen et sa Breaker Blade. Avec cette arme le robot arrive à tenir en respect Rokk-Korr… Mais ce dernier, pour faire face, passe à une autre configuration, encore plus forte, et les trois pilotes choisissent alors de battre en retraite plutôt que de risquer que Raydeen soit détruit. Le choix est judicieux puisqu’au Shogun Sanctuary on les attendait. Avec cette première escarmouche, les pilotes ont pu se faire la main… Et les Suiveurs n’attendaient pas vraiment d’eux qu’ils gagnent si facilement. En fait ils voulaient que leurs pilotes gagnent un peu d’expérience (ce n’est pas très logique d’envoyer au casse-pipe trois petits nouveaux en espérant qu’ils en reviendront vivants et expérimentés, surtout quand il s’agit des trois seuls « élus » au monde) car Raydeen n’est pas supposé être dirigé par trois personnes en même temps. A l’avenir seul Carson, connaissant désormais le terrain, pilotera Raydeen. Chez les deux autres, c’est un peu la consternation. Pourquoi, dans ces conditions, les avoir fait risquer leur vie s’ils ne servent à rien ? Sans perdre de temps le professeur Tambura les emmène dans un autre hangar du sanctuaire en leur expliquant que si Raydeen est le premier des Shogun Warriors, il n’est pas le seul (ce que tout lecteur doué d’un peu de jugeote aura deviné dès la vision du titre en couverture, avec l’usage du pluriel). Les deux autres pilotes sont donc destinés à diriger leurs propres robots, à savoir Combatra et Dangard Ace.

Il nous faut faire un nouveau détour pour insister sur ce que sans doute beaucoup d’entre vous auront déjà plus ou moins deviné. En tant que gamme de jouets, les Shogun Warriors ne correspondaient pas à un univers ou une continuité précise. Je vous l’ai dit plus tôt, on y trouvait aussi bien Goldorak que Godzilla au côté des autres. Ils n’avaient aucun rapports réels et chaque robot correspondait en fait à un dessin animé ou à un manga précis, sans lien avec celui du voisin. Doug Moench a donc écrit une nouvelle histoire en s’inspirant des jouets mais sans tenir compte de ce qu’ils représentaient. C’est un peu comme si au Japon quelqu’un créait un manga en regroupant Batman, Spider-Man et Hellboy sans connaître l’histoire des personnages ou leurs pouvoirs. Encore qu’on devine que Moench avait tenté de respecter quelques trames d’histoire qu’on pouvait trouver sur les boitiers des jouets ou sur les catalogues.

Raydeen était en fait le robot principal de « Raideen the Brave »  (Raideen sans le « y »), un dessin animé dans lequel l’Empire Démon se réveille après de nombreux millénaires de sommeil. Raideen est le protecteur robot du continent perdu de Mu qui s’éveille à son tour pour défendre la Terre, piloté par le dernier descendant des habitants de Mu. On reconnaît là un peu de la trame de Shogun Warriors, même si elle est plus mystique et moins portée sur les races extra-terrestres. A noter que Raideen The Brave a été diffusé aux USA à partir de juin 1976 (en soirée et en version sous-titrée) et est considéré comme le premier super-robot à avoir touché le grand public américain. Rien de comparable avec la popularité que Goldorak a pu avoir en France dans la même décennie mais quand même, cela explique que Marvel ait choisi de mettre l’accent sur ce robot comme « Shogun Warrior » principal. C’était celui qui avait le plus de chances d’être reconnu (je ne suis même pas sur que les dessins animés des deux autres avaient été diffusés sur des chaines américaines au lancement du comic book). Combatra était en réalité Combattler V dont l’histoire elle aussi n’est pas totalement incompatible avec ce qu’a écrit Moench. Plusieurs millénaires auparavant, une expédition extra-terrestre dirigée par Oreana s’est installée sur Terre dans l’intention de la conquérir mais s’est retrouvée plongée dans un sommeil artificiel. Au XXI° siècle (car l’histoire se passait une trentaine d’années dans le futur, soit aujourd’hui pour nous), Oreana s’éveille et  – comme Maur-Konn – commence à lâcher des monstres bio-mécaniques sur Terre. La seule ligne de défense de l’humanité est le robot Combattler V… qui là pour le coup est très différent dans le fonctionnement de ce qu’on voit dans le comic-book puisqu’il nécessite que cinq pilotes s’en occupent (et puissent diriger les différentes parties qui le composent).  A la différence des deux autres, Dangard Ace (Danguard Ace en fait) ne repose pas sur une race de malfaisants créateurs de monstres qui dort pendant des millions d’années. Ses aventures se situent dans un lointain futur où, après avoir épuisées les ressources de la planète, l’humanité colonise d’autres mondes. Malheureusement un tyran prend le pouvoir sur la colonie principale et se retourne contre la Terre, détruisant tous ses robots de défense sauf un, Danguard Ace, qui devient donc le dernier espoir…

Mais peu importe. Pour Moench et Marvel, Combattler se nommait Combattra et n’évoluait pas dans le futur, pas plus que Dangard Ace. La scène clôturait ainsi le premier épisode des Shogun Warriors avec l’équipe constituée, les trois robots et leurs pilotes étant destiné à repousser les monstres de Maur-Kon pendant une vingtaine d’épisodes se déroulant dans l’univers Marvel. Tout se finirait dans un crossover avec les Fantastic Four, dans lequel les trois géants mécaniques finissaient démolis (dans FF #226) par un quatrième Shogun Warrior construit à partir des pièces de rechange des trois autres et piloté par un savant fou. Malheureusement Raydeen, Combatra et Dangard Ace n’auraient donc pas l’occasion de croiser Godzilla, Red Ronin ou les Micronauts et ne survivraient pas au fait que Marvel avait cessé d’avoir la licence pour adapter ces jouets. Certains de leurs pilotes sont apparus depuis dans des rôles mineurs. Par exemple, aux alentours d’Avengers #300, Genji Odashu  serait identifiée comme l’une des pilotes embauchée par les Vengeurs pour conduire leurs Quinjets. Reste que même si Marvel peut difficilement utiliser les noms et les apparences de Raydeen, Combatra et Dangard Ace, il y a toujours la solution que que les trois robots puissent être reconstruits avec de nouveaux looks. C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive dans Earth-X, quand la version futuriste d’Iron Man offre à l’empereur du Japon, Lord Sunfire, sept robots géants (les Seven Silver Samurai) dont certains éléments de design évoquent Raydeen et ses « frères ». Enfin il y aussi la solution qu’avant ou après leur passage sur Terre les Suiveurs de la Lumière qui sont repartis ailleurs dans l’espace aient « planqués » d’autres modèles des Shogun Warriors à travers l’univers pour surveiller d’autres endroits de crise potentielle…

En fait l’hypothèse semble confirmée car Shogun Warriors #1 a une sorte de « préquelle » qui est passée totalement inaperçue. Ce n’est pas tout à fait, en effet, la première apparition de Raydeen dans l’univers Marvel. Si vous êtes possesseur d’un exemplaire de Uncanny X-Men #107 (Octobre 1977, soit un an et demi avant la série Shogun Warriors) ou bien d’une de ses multiples traductions françaises (soit au choix Spécial Strange #17, X-Men Saga #6 ou X-Men : L’Intégrale #3), reportez vous à la dixième planche qui explique les raisons de la brouille entre l’impératrice Lilandra (l’amante du Professeur Xavier) et son frère D’Ken (assassin de la mère de Cyclops)… Ses deux extra-terrestres s’opposent au sujet de l’arme la plus puissante de l’univers. Or, ce qu’ils regardent dans un écran n’est autre que… Raydeen ! En 1977, les jouets Shogun Warriors n’étaient pas distribués aux USA. Dave Cockrum avait fait une sorte de clin d’œil en plaçant un personnage d’origine japonaise à la place d’un extra-terrestre « lambda », sans autre intention. Mais il n’en ressort pas moins que Raydeen est montré comme étant lié d’une manière ou d’une autre à la race qui a créé le cristal de M’Kraan (talisman cosmique qui revient souvent dans le folklore des X-Men). Plus encore, Uncanny X-Men 108 démontre que le cristal de M’Kraan est gardé par une suite de robots. Le petit Jahf, déjà assez puissant pour mettre à mal quelques X-Men, est remplacé un robot géant nommé Modt qui précise, avant d’attaquer, que même si les héros arrivaient à le battre un troisième robot encore plus puissant prendrait sa place pour les affronter… De là à en déduire que le script d’Uncanny X-Men #107 demandait qu’on montre un robot géant en train de garder le cristal, que Cockrum ait pris le premier modèle (Raydeen) qu’il ait pu trouver (par exemple en regardant l’anime de Raideen diffusé à ce moment là sur les écrans américains) et que John Byrne (qui reprenait la série au #108) se  soit ensuite ravisé en constatant que le géant avait un rôle plus important (ou n’ait pas compris l’allusion), il n’y a qu’un pas… que vous franchirez ou pas, à vous de voir. Ce qui est certain c’est que dans l’épisode de Cockrum le seul gardien visible est Raydeen ou un robot identique alors qu’à l’inverse dans le #108 on ne le voit pas mais qu’il est fait mention d’un troisième robot qui n’apparait pas à l’image. Je vous rassure, il n’y a pas à ma connaissance de base de données qui retrace les apparitions de Raydeen/Raideen dans les pages des X-Men mais tout simplement, en ouvrant mon Spécial Strange #17, en août 1979, je suis tombé sur la case et je me suis demandé ce que le robot Raydeen, dont (mode des robots oblige) j’avais la version métal sur une étagère, pouvait bien faire là. Même scénaristiquement, j’aime assez l’idée que Raydeen pourrait être le troisième gardien, celui « au dessus » de de Modt, qui n’apparait pas puisque finalement les X-Men règlent autrement l’affaire. Si les Suiveurs de la Lumière ont été capable de laisser trois robots sur Terre après la disparition des dinosaures et alors que l’homme était une créature sauvage, il n’est pas illogique de penser qu’ils auraient pu laisser d’autres Shogun Warriors à travers l’univers, partout où il y aurait des choses à garder. Les Raydeen et autres Dangard Ace seraient alors pour les Suiveurs un peu l’équivalent de ce que sont les Sentries (autres robots géants) pour les Kree. Peut-être que la race des Suiveurs est même celle qui a créé le cristal de M’Kraan. Et il y a un élément supplémentaire à prendre en compte, bien qu’il n’apparaisse pas dans le premier épisode de Shogun Warriors (ce serait utilisé plus tard dans la série). La particularité du jouet Raydeen était que son masque pouvait se refermer, ressemblant alors à une tête d’oiseau et que sous cette configuration, ressemblant à un vaisseau spatial, on le surnommait alors le « Firehawk ». Qu’un Raydeen/Firehawk, au look d’oiseau, ait été placé dans le folklore des Shi’ar (peuple extra-terrestre aux caractéristiques aviaires) ce serait déjà une jolie coïncidence. Qu’un robot capable de transformer en « Faucon de Feu » soit lié au cristal de M’Kraan qui – entre autres choses – est lié à la force Phoenix (dont le propre est de se transformer en oiseau de feu), il y a là carrément des rapprochements à faire dont on se demande ce qu’ils auraient donnés si les robots géants avaient fait partie plus longtemps de l’univers Marvel. Si la série Shogun Warriors avait duré, cette mystérieuse connexion aurait pu être explorée… Mais qui sait, « Firehawk » est un terme assez générique pour permettre qu’un jour un énigmatique vaisseau transformable, à tête d’oiseau, fasse son apparition dans une aventure des X-Men ou des Starjammers…

[Xavier Fournier]
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