Le scénariste Doug Moench (connu entre autre pour être le co-créateur de Moon Knight) choisit d’ouvrir Shogun Warriors #1 avec un découpage atypique, à savoir que l’action commence directement dès la première page avec un combat entre un robot géant (Raydeen, seul personnage qu’on reconnaissait sur la couverture) et une créature monstrueuse nommée Rok-Korr, au dessus des rues de Tokyo. Moench avait une expérience des comics « adaptés » puisqu’il avait œuvréur la série Planet Of The Apes de Marvel. Au dessin de Shogun Warriors, on retrouve Herb Trimpe (Hulk, U.S.1…). Allez savoir si cela vient du scénariste ou de l’artiste mais visiblement la chorégraphie du combat doit beaucoup à des dessins animés japonais et à des films tels que Godzilla. Encore qu’il faut souligner que le genre des « robots géants » ne fut pas aussi populaire aux U.S.A. qu’il le fut en Europe à la fin des années 70 (en Amérique la mode des dessins animés de ce genre est survenue un peu plus tard et a plus reposée sur Robotech ou les Transformers). Néanmoins, le « genre » est tellement identifiable qu’on n’a aucun mal à imaginer les mouvements de ce grand robot rouge et bleu, face à son adversaire caricatural. On est à mi-chemin entre un épisode de Goldorak et X-Or. En fait la ressemblance de ce mécha avec des concepts japonais ne doit rien au hasard. Les Shogun Warriors, voyez-vous, étaient en 1979 une gamme de jouets en plusieurs format qui regroupaient les robots animés les plus populaires. Avec la mondialisation tout juste naissante, la gamme s’exportait ailleurs qu’au Japon et arrivait donc en Amérique. A l’époque on a pu la trouver également en Europe et en France, avec des petits aménagements selon les pays… Par exemple Goldorak était diffusé et donc plus populaire de ce côté de l’Atlantique, ce qui faisait qu’on pouvait le trouver non seulement dans sa version « petite », en métal, mais aussi dans la version « géante » (environ 30 centimètres). Aux USA, Goldorak était un nobody. On le trouvait donc en « petit » mais il n’était pas édité en « géant », d’autres ayant cet honneur, comme le dénommé Raydeen, qui était sans doute celui dont l’apparence était la plus marquante…
A l’intérieur, le professeur Tambura et ses trois assistants surveillent avec angoisse un volcan qui est en train de se réveiller, dans un autre endroit. Aucun d’entre eux n’est vulcanologue et ce n’est pas l’éruption en elle-même qui les inquiète mais bien son résultat indirect. Le volcan est situé au dessus de l’endroit où des adversaires mystérieux ont placé leurs chambres d’hibernation depuis des millions d’années. Et ce réchauffement ne va pas manquer de les réveiller. Le professeur Tambura se demande alors si lui et ses assistants n’approchent pas du moment où ils devront mettre en action le plan mis au point par leur lignée depuis des générations. Quelques instants plus tard, leurs pires craintes sont confirmées. L’éruption a lieu et quelques heures plus tard le monstre Rok-Korr surgit du cratère… Tambura et ses aides savent alors qu’il leur faut mettre en place la riposte… Ils localisent à travers le monde les trois « Shoguns » potentiels, trois aventuriers qui se nomment respectivement Genji Odashu (japonaise), Richard Carson (américain), Ilongo Savage (africain). La première pilote un avion, l’autre est aux commandes d’une voiture folle et enfin le troisième est aux commandes d’un sous-marin de poche. Mais Tambura, après avoir prévenu qu’ils risquent d’être surpris, active un certain satellite, les trois « Shoguns » sont téléportés à travers le monde jusqu’au sanctuaire. L’avion, la voiture et le sous-marin apparaissent dans la même salle.
Heureusement pour nous (sinon nous serions toujours sous la domination des Myndai, et encore en partant du principe qu’ils auraient permis aux humains d’apparaître), une autre race extra-terrestre, les Suiveurs de la Lumière décida de libérer la Terre du joug de Maur-Konn. La lutte entre les deux armées dégénéra en une guerre planétaire, la Great Chaos Wars… En définitive Maur-Konn et ses derniers fidèles se réfugièrent en hibernation sous le volcan qui a explosé plus tôt dans l’histoire. Maintenant cette fresque historique comporte quelques interrogations jamais totalement éclaircies. D’abord pourquoi Maur-Konn s’est-il embêté à se mettre en hibernation pendant des millions d’années sous un volcan alors qu’il aurait aussi bien pu fuir ailleurs et trouver une autre planète à conquérir, sans attendre. Alors pourquoi dormir si longtemps ? Et inversement pourquoi les Suiveurs de la Lumière ont-ils laissé faire Maur-Konn sans le déranger dans son sommeil pendant tout ce temps. Car Tambura et ses aides ne sont pas humains. Il s’agit des derniers descendants des Suiveurs qui, comme on nous l’a montré plus tôt, se sont contentés de rester à surveiller le volcan pendant des générations (pourquoi ne pas avoir détruit la base de Maur-Konn pendant qu’il dormait ?). Non, les Suiveurs ont préféré repartir dans l’espace en ne laissant que quelques-uns d’entre eux sur Terre avec, néanmoins, de quoi se défendre le jour où Maur-Konn reviendrait. A chaque nouvelle génération, les descendants des Suiveurs de la Lumière ont sélectionné trois humains normaux (c’est à dire qui ne descendent pas des Suiveurs) pour piloter ce qui peut résister aux monstres de Maur-Konn. Là aussi, on se demandera au passage pourquoi les Suiveurs ont choisi de prendre des humains pour diriger des armes qu’eux-même auraient pu contrôler…
Confrontés à l’impressionnante machine, les trois humains sont bien obligé d’admettre que les explications de Tambura sont fondées. Ils acceptent donc de piloter Raydeen, d’autant que comme Carson le résume à sa façon « au pire si ce n’est pas réel, on ne risque pas d’être blessé dans un rêve ». Affublés de casques et d’uniformes qui leur donnent un côté « bioman », les trois héros sont donc rapidement briefés (la séance dure 20 minutes à peine, c’est détaillé dans l’épisode… A se demander pourquoi les Suiveurs n’ont pas formé les pilotes dès l’enfance ou dès les premiers signes d’éruption du volcan) sur la manipulation de Raydeen et partent donc aux commandes du robot pour affronter Rok-Korr… Ce qui nous fait faire la boucle avec le combat du début contre Rok-Korr… Les trois humains sont donc aux commandes de Raydeen et s’en tirent assez lamentablement mais ont en même temps ce qu’il convient d’appeler la chance des débutants (ils n’ont pas le dessus mais au moins ils évitent de se faire détruire).
Raydeen fait alors usage d’une de ses armes maîtresses, à savoir la « Breaker Blade »: une lame qui est cachée à l’intérieur d’un « bouclier de poignet » assez caractéristique de ce robot (dans le jouet d’origine ce poing éjectable avec son bouclier était l’un des points forts mis en avance par le constructeur. Et puis dans l’univers des comics et vers la fin des années 70, ce robot qui pouvait faire surgir une lame géante de son poignet, ça avait déjà des relents d’une sorte de Wolverine robotique. Il n’aurait manqué qu’un « Snikt » pour parfaire le tableau. En fait le Breaker Blade est un élément significatif car il démontre bien le schéma créatif utilisé par Moench et Trimpe. Ce n’était pas la première fois que les deux auteurs collaboraient ensemble. Avant de s’attaquer officiellement aux Shogun Warriors, ils avaient aussi travaillés tous les deux sur une autre série Marvel inspirée par le Japon, à savoir Godzilla, basée sur le fameux monstre du cinéma nippon… Dans Godzilla #6 (janvier 1978, soit un an avant la publication des Shogun Warriors), les deux auteurs avaient introduit Red Ronin, un robot géant rouge (qui par la suite a été un adversaire des Avengers). Or, Red Ronin portait à la main un petit bouclier rond d’où sortait une lame laser. Red Ronin est une invention des américains mais il y a peu de doute qu’il est pour une bonne partie basé sur Raydeen (retirez les cornes du Shogun Warrior, coloriez-le en rouge et vous aurez déjà fait le plus gros du travail) mélangé avec quelques aspects d’un autre jouet de la gamme Shogun Warriors (mais lui jamais adapté en comics à ma connaissance), le Getter Robot Dragon (robot rouge rebaptisé Dragun lors de sa diffusion en Europe).
La cerise sur le gâteau c’est que Godzilla lui-même faisait partie de la gamme Shogun Warriors grand format, qui regroupait visiblement tout ce que le constructeur pouvait récupérer de licences japonaises même si elles n’avaient aucun rapport les unes avec les autres. Il est donc évident que fin 1977, alors qu’ils produisaient Godzilla #6, Moench et Trimpe avaient déjà une idée de ce qu’étaient les robots des Shogun Warriors et que soit ils avaient tenté d’en glisser un (Raydeen ou Dragun) dans les aventures du lézard géant et l’avaient transformé à la dernière minute par manque de droits, soit il s’agissait d’un test qui avait permis à Marvel de jauger le potentiel d’une série consacrée à ce genre de robots. Et puis bien sûr il y aurait eu toutes les raisons d’un crossover puisque si, selon l’histoire, Maur-Konn est le créateur des dinosaures et un spécialiste des monstres géants, il aurait forcément un rôle indirecte à jouer dans la genèse de Godzilla.
Il nous faut faire un nouveau détour pour insister sur ce que sans doute beaucoup d’entre vous auront déjà plus ou moins deviné. En tant que gamme de jouets, les Shogun Warriors ne correspondaient pas à un univers ou une continuité précise. Je vous l’ai dit plus tôt, on y trouvait aussi bien Goldorak que Godzilla au côté des autres. Ils n’avaient aucun rapports réels et chaque robot correspondait en fait à un dessin animé ou à un manga précis, sans lien avec celui du voisin. Doug Moench a donc écrit une nouvelle histoire en s’inspirant des jouets mais sans tenir compte de ce qu’ils représentaient. C’est un peu comme si au Japon quelqu’un créait un manga en regroupant Batman, Spider-Man et Hellboy sans connaître l’histoire des personnages ou leurs pouvoirs. Encore qu’on devine que Moench avait tenté de respecter quelques trames d’histoire qu’on pouvait trouver sur les boitiers des jouets ou sur les catalogues.
Raydeen était en fait le robot principal de « Raideen the Brave » (Raideen sans le « y »), un dessin animé dans lequel l’Empire Démon se réveille après de nombreux millénaires de sommeil. Raideen est le protecteur robot du continent perdu de Mu qui s’éveille à son tour pour défendre la Terre, piloté par le dernier descendant des habitants de Mu. On reconnaît là un peu de la trame de Shogun Warriors, même si elle est plus mystique et moins portée sur les races extra-terrestres. A noter que Raideen The Brave a été diffusé aux USA à partir de juin 1976 (en soirée et en version sous-titrée) et est considéré comme le premier super-robot à avoir touché le grand public américain. Rien de comparable avec la popularité que Goldorak a pu avoir en France dans la même décennie mais quand même, cela explique que Marvel ait choisi de mettre l’accent sur ce robot comme « Shogun Warrior » principal. C’était celui qui avait le plus de chances d’être reconnu (je ne suis même pas sur que les dessins animés des deux autres avaient été diffusés sur des chaines américaines au lancement du comic book). Combatra était en réalité Combattler V dont l’histoire elle aussi n’est pas totalement incompatible avec ce qu’a écrit Moench. Plusieurs millénaires auparavant, une expédition extra-terrestre dirigée par Oreana s’est installée sur Terre dans l’intention de la conquérir mais s’est retrouvée plongée dans un sommeil artificiel. Au XXI° siècle (car l’histoire se passait une trentaine d’années dans le futur, soit aujourd’hui pour nous), Oreana s’éveille et – comme Maur-Konn – commence à lâcher des monstres bio-mécaniques sur Terre. La seule ligne de défense de l’humanité est le robot Combattler V… qui là pour le coup est très différent dans le fonctionnement de ce qu’on voit dans le comic-book puisqu’il nécessite que cinq pilotes s’en occupent (et puissent diriger les différentes parties qui le composent). A la différence des deux autres, Dangard Ace (Danguard Ace en fait) ne repose pas sur une race de malfaisants créateurs de monstres qui dort pendant des millions d’années. Ses aventures se situent dans un lointain futur où, après avoir épuisées les ressources de la planète, l’humanité colonise d’autres mondes. Malheureusement un tyran prend le pouvoir sur la colonie principale et se retourne contre la Terre, détruisant tous ses robots de défense sauf un, Danguard Ace, qui devient donc le dernier espoir…
Mais peu importe. Pour Moench et Marvel, Combattler se nommait Combattra et n’évoluait pas dans le futur, pas plus que Dangard Ace. La scène clôturait ainsi le premier épisode des Shogun Warriors avec l’équipe constituée, les trois robots et leurs pilotes étant destiné à repousser les monstres de Maur-Kon pendant une vingtaine d’épisodes se déroulant dans l’univers Marvel. Tout se finirait dans un crossover avec les Fantastic Four, dans lequel les trois géants mécaniques finissaient démolis (dans FF #226) par un quatrième Shogun Warrior construit à partir des pièces de rechange des trois autres et piloté par un savant fou. Malheureusement Raydeen, Combatra et Dangard Ace n’auraient donc pas l’occasion de croiser Godzilla, Red Ronin ou les Micronauts et ne survivraient pas au fait que Marvel avait cessé d’avoir la licence pour adapter ces jouets. Certains de leurs pilotes sont apparus depuis dans des rôles mineurs. Par exemple, aux alentours d’Avengers #300, Genji Odashu serait identifiée comme l’une des pilotes embauchée par les Vengeurs pour conduire leurs Quinjets. Reste que même si Marvel peut difficilement utiliser les noms et les apparences de Raydeen, Combatra et Dangard Ace, il y a toujours la solution que que les trois robots puissent être reconstruits avec de nouveaux looks. C’est d’ailleurs un peu ce qui arrive dans Earth-X, quand la version futuriste d’Iron Man offre à l’empereur du Japon, Lord Sunfire, sept robots géants (les Seven Silver Samurai) dont certains éléments de design évoquent Raydeen et ses « frères ». Enfin il y aussi la solution qu’avant ou après leur passage sur Terre les Suiveurs de la Lumière qui sont repartis ailleurs dans l’espace aient « planqués » d’autres modèles des Shogun Warriors à travers l’univers pour surveiller d’autres endroits de crise potentielle…
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