Oldies But Goodies: Showcase #7 (Mars 1957)

[FRENCH] En 1957, dans Showcase #6, Dave Wood et Jack Kirby lançérent un quatuor qui, s’il n’est plus très populaire de nos jours, allait faire preuve d’une influence durable. Ace Morgan, « Prof » Haley, Rocky David et Red Ryan allaient former les Challengers of the Unknown (les « Challengers de l’Inconnu »), qu’on peut considérer à bien des égards comme le prototype des Fantastic Four. Mais si Showcase #6 eut un rôle si historique, pourquoi vous parlez plus spécialement du #7 ? Parce que le deuxième épisode des Challengers allait tout bonnement cartographier les lois de la robotique selon Kirby, dont les retombées se feraient sentir dans l’oeuvre de l’auteur bien au delà de DC Comics.

Le préambule classique des Challengers of the Unknown est simple : Quatre aventuriers se retrouvent par hasard à bord d’un avion qui s’écrase. Par miracle, les héros s’en sortent indemnes… Ace Morgan (un célèbre pilote de test poir l’Air Force), le Professeur Haley (un expert en plongée sousmarine), Red Ryan (un des meilleurs alpinistes au monde) et Rocky Davis (un champion de catch mais aussi un aventurier intrépide) décident alors qu’ils auraient du mourir dans ce crash tragique et que si le destin les a épargné, c’est qu’ils disposent désormais « d’un surplus de vie » qu’il convient de mettre au service des autres. Assez vite cette vocation nouvelle les attirera sur la piste de l’Inconnu (qu’il s’agisse d’éléments surnaturels proprement fantastiques ou au contraire d’emprunts à la science-fiction).

Lancés par Dave Wood et Jack Kirby, il n’est pas inutile de souligner autant que possible que les Challengers of the Unknown sont en quelque sorte le prototype des Fantastic Four. Même si on n’y trouve (sauf épisode exceptionnel, comme dans Challengers of the Unknown #3) pas de superpouvoirs, la dynamique de groupe et les menaces affrontées sont assez similaires, surtout dans les premiers temps des deux séries. La grosse différence est que les Challengers sont à la base un quatuor exclusivement masculin (à la différence des Fantastiques qui sont mixtes). Mais sinon on peut facilement reconnaître certaines équivalences : Red Ryan fait furieusement penser à un Johnny Storm passionné de montagnes tandis que les rôles de Reed Richards et de Ben Grimm sont répartis entre Ace, Prof et Rocky. Ace et Prof représentent deux facettes (le chef et le scientifique) de Mister Fantastic. Et si on transfèrait le travail d’Ace Morgan (pilote d’essai) à Rocky Davis on obtiendrait quelque chose de vraiment très proche de Grimm dans Fantastic Four, avant sa transformation en la Chose.

En mars 1957 les Challengers of the Unknown n’avaient qu’un épisode d’existence derrière eux. Qui plus est la formule même de la revue Showcase (qu’on peut traduire par « Vitrine ») impliquait une rotation des héros qui apparaissaient dans la série. On testait un concept pendant quelques mois : Au mieux il avait le succès espéré et on le transférait alors dans une revue à son nom (c’est ce qui est arrivé, entre autres, à Barry Allen, le Flash de la deuxième génération). Au pire l’essai n’était pas concluant et le concept disparaissait sans laisser de trace. Finalement la seule chose sûre était qu’un héros ne faisait que passer de manière éphémère par Showcase, avant de connaître la consécration ou l’échec. On comprendra donc que pour les auteurs produire quelque chose pour Showcase impliquait un certain degré d’instabilité. On ne pouvait pas partir du principe que les Challengers allaient s’inscrire dans la durée. Au moment de produire le deuxième épisode, le scénariste Dave Wood et le dessinateur Jack Kirby n’avaient propablement aucune idée de la façon dont le public avait pu percevoir le premier. Voilà pourquoi la page de présentation (à l’époque il était courant qu’on commence par une page de teaser qui insistait sur ce qui allait se passer dans l’épisode) insiste surtout sur le côté spectaculaire sans sembler s’attacher aux personnages : une main mécanique gigantesque brise une fenêtre. Les Challengers of the Unknown tentent de la retenir mais comparée à elle, ils sont comme des brins de paille. Comme dans une bande annonce du cinéma, le narrateur tonne alors ses arguments : « ULTIVAC est laché ! Il n’est ni humain ni bête ! Mais il est vivant… dans un monde qui le craînt ! ». En bas de la page la présentation se détaille : « Qu’est-ce qui arrive quand des forces étranges au delà de la compréhension de l’Homme produisent une nouvelle forme de vie ? La question est explosive et des hommes pourraient avoir à mourir afin de la résoudre ! Voici le problème sidérant qui surgit des ténèbres extérieures pour narguer cet intrépide groupe de casse-cous… les Challengers de l’Inconnu ! ». Preuve que les auteurs ne sont pas convaincus que les lecteurs ont réellement mémorisé qui sont les Challengers en question, s’en suit une page qui montre chacun des héros à l’oeuvre dans son champ de compétences. D’ailleurs la même page sera aussi réimprimée à l’identique dans Showcase #8, montrant la détermination de Wood et Kirby à « enfoncer le clou ». Ce qui est drôle c’est que les auteurs eux-mêmes ne sont pas encore très familiarisés aevc leurs créations. Dans cette page de présentation le nom de famillle donné à « Prof » est Harrison en lieu et place de son véritable nom de famille. Prof serait ainsi renommé Harrison pendant quelques épisodes, ne retrouvant son nom originel d’Haley que dans Showcase #12 (janvier 1958).

Dans la première case de l’histoire à proprement parler, trois des Challengers (Ace, Red et Rocky) sont en train de se souvenir de leur première mission. Ace, qui tient sa pipe tout en adoptant un air pensif, est mystérieusement victime de colorisation : sa veste est bleue et le voici brun (alors que dans la case suivante il est à nouveau blond, comme il se doit, avec une veste marron). Ironiquement cette scène de groupe fait furieusement penser à une scène plus tardive de Fantastic Four #1 (1961), quand les quatre astronautes sont sur le point de se lancer dans l’expédition qui va leur donner leurs pouvoirs. Bien qu’on ne puisse parler d’une copie, il y a quelque chose de très similaire dans la manière qu’à Reed Richards (portant pour l’occasion une veste bleue) de tourner le dos aux autres en tenant sa pipe. Même si l’attitude de Ben Grimm est plus expressive que celles des Challengers de 1957, il y a quelque chose de similaire dans le cadrage. Pour en revenir à Showcase #7, les héros sont désoeuvrés et attendent de pied ferme une nouvelle mission.

Prof surgit alors en leur expliquant qu’il reste des millions de portes à ouvrir dans l’Inconnu et que s’ils doivent mourir un jour, autant qu’ils ne périssent pas d’ennui ! Rocky Davis propose alors, entre autres choses, d’aller explorer le Sphinx. Mais Ace explique qu’ils reçoivent assez de demandes par la poste pour avoir l’embarras du choix dans leur prochaine mission. Soudain, cependant, ils sont interrompus par un visiteur (un petit homme chauve) qui vient d’entrer dans la pièce (ce qui suppose que les Challengers ne sont sans doute pas de très grands experts pour ce qui est de la sécurité). S’exprimant dans un mélange d’anglais et d’allemand, l’homme leur demande s’ils sont bien les Challengers de l’Inconnu. Ace s’étonne de voir que le nouvel arrivant est paniqué. L’inconnu coupe net : « Nous avons peu de temps.. Il va très certainement retrouver ma trace ! S’il vous plait… Vous devez me protéger d’Ultivac ! ». Ace Morgan n’ayant jamais entendu ce nom ce demande qui est cet Ultivac… L’autre homme explique : « C’est une créature que j’ai fabriqué.. Mon plus grand succès… Mais il est désormais hors de contrôle ! ».

Plus besoind de chercher. Voici l’énigme que les Challengers vont devoir affronter aujourd’hui ! L’intrus se présente comme étant Felix Hesse (allusion au moins partielle au nazi Rudolf Hess), qui occupait un poste haut placé au ministère des sciences du troisième reich. Hesse explique qu’à la fin de la guerre il a tenté de s’enfuir mais qu’il a été capturé et incarcéré pour crimes de guerre. Le sort a voulu qu’on le place dans la même cellule que Floyd Barker, un célèbre voleur de banques. Les deux prisonniers devinrent amis et Hesse enseigna même à Baker une partie de ce qu’il savait sur la physique et les mathématiques. Un jour cependant, Hesse s’étonne que Barker veuille en savoir autant sur les sciences et le gangster lui explique alors qu’il a une idée sur ce qu’ils pourraient faire après la fin de leur peine. Hesse est dubitatif : « Je te préviens Barker, il y a un autre homme qui s’est servi de mon cerveau… ». Barker tempère : Je ne suis pas Adolf Hitler mais j’aime le pouvoir ! Et toi aussi, Hesse ! On peut l’obtenir si on s’allie ! ».

Contrairement aux habitudes des comics (où il suffit en général qu’un tel accord soit passé pour qu’un des deux détenus provoque sans attendre une évasion), Hesse et Barker attendent tranquillement la fin de leur emprisonnement puis, une fois sortis, se lancent dans la fabrication d’un nouveau tyle de calculateur. La plus grande machine « pensante » de tous les temps. Rocky Davis interrompt cependant le récit de Hesse : « OK, vous avez construit cette machine ! Va droit au but ! qu’est-ce qui est arrivé ? ». Terrifié l’allemand rétorque : « Il est arrivé quelque chose d’étrange, d’étonnant… Quelque chose dans la machine ! Un accident au delà de nos prévisions ! ». C’est au tour de Prof « Harrison » d’intervenir : « Mais cet Ultivac dont vous avez peur… Quel rôle tient-il là dedans ? ». Tout à coup la discussion est interrompue par une grande ombre apparaissant à la fenête. Une grande ombre avec deux lumières figurant comme des yeux. Puis d’un coup la façade extérieur explose sous un choc violent et une gigantesque main mécanique surgit. Hesse s’écrie « Ultivac est la machine ! Ultivac est vivant ! ». La main d’Ultivac s’empare de son créateur malgré les tentavies des Challengers pour le libérer. Ils ne sont tout simplement pas assez forts pour battre une main plus grande qu’une voiture. La main et sa proie disparaissent dans la nuit. Les challengers sortent alors du batiment pour voir une silhouette grande comme un immeubre disparaître dans le ciel. Ultivac est un robot géant pourvu d’ailes semblables à un avion de ligne. Celà donne une idée de sa taille. Les quatre héros sont sidérés. Mais Ace garde la tête froide : « On dirait que nous l’avons notre prochaine mission, les gars ! Traquer Ultivac ! ».

Le chapitre suivant a un titre funeste : « Un challenger doit mourir ! ». On retrouve l’équipe dans un « laboratoire top secret situé à Washington DC. » où les héros ont rendez-vous avec le directeur des opérations. Ce qui est intéressant c’est que dans le cadre de l’univers étendu de DC ce laboratoire top secret pourrait tout aussi bien être assimilé à deux choses. Il suffirait d’un rien pour établir qu’il s’agit d’une antenne des labos S.T.A.R. (mentionnés régulièrement dans les aventures de Superman à partir des années 70) ou, pour garder un axe « Kirbyesque » à l’ensemble, ce labo sans nom pourrait être une antenne du « Projet », l’institution plus connue sous le nom de « Projet Cadmus » que Jack Kirby utilisera plus tard dans ses épisodes de Superman’s Pal, Jimmy Olsen. Il y aurait quelque chose d’assez logique à lier le Projet Cadmus avec les aventures des Challengers. Mais pour l’heure le quatuor pénètre dans le bureau du directeur du laboratoire et est très surpris par ce qu’il découvre à l’intérieur. Qu’est-ce qui peut encore surprendre un groupe d’aventuriers habitué à affronter des menaces surnaturelles ou des robots géants ? C’est simple : le directeur Robbins, qui supervise l’endroit, est… une femme. Et à l’époque, qu’une femme occupe une telle position n’est pas encore dans les habitudes. Soulignons d’ailleurs que c’est bien le propos conscient des auteurs de montrer que ça devrait l’être.

Alors que les Challengers sont sous le charme de June Robbins (une scientifique brune) cette dernière, impassible, leur fait remarquer : « Quand vous aurez fini de rester bouche bée gentlemen, je suggère que nous nous mettions au travail ! Vous savez, il est possible pour une femme d’aller très loin dans ce genre de discipline ! ». Red Ryan le reconnaît  » C’est peu de le dire ! Vous êtes supposée être la plus grande autorité pour ce qui est des robots et des calculateurs ! ». Ace poursuit : « C’est pourquoi le Contre-Espionnage nous a envoyé vers vous, Miss Robbins ! Je crois comprendre qu’on vous a parlé de notre problème… ». La scientifique en vient donc au sujet du jour : « Les faits sont fantastiques ! Ils indiquent que l’usage de matériaux radioactifs dans la construction de la machine ont d’une certaine manière créé dans son cerveau… un processus cognitif comparable à celui des humains ! Gentlemen… Il y a une bonne possibilité que l’intelligence d’Ultivac soit supérieure à la notre ! ». Ce passage dénote d’une influence majeure derrière le récit. On y retrouve certains principes de la nouvelle originelle « I, Robot ». Par originelle je ne veux pas parler du livre d’Isaac Asimov en 1950 mais bien d’un récit paru en 1939 et signé Eando Binder (en fait les frères Earl et Otto Binder, ce dernier devenant par la suite un scénariste de comics prolifique chez DC et Fawcett). « I, Robot » (dans lequel un robot est injustement accusé d’une mort qu’il n’a pas commis) marque le début des récits où la logique robotique est confrontée à celle des humains. Asimov, fortement inspiré par cette nouvelle, produira à partir de là ses propres récits sur les cerveaux « positroniques » et c’est quelque chose de très semblable qu’on nous décrit dans Showcase #7. La question vaut d’être posée : Etait-ce Dave Wood ou Jack Kirby qui gardait quelque part, dans un coin de sa tête, de vieux souvenirs de lecture de SF ? On verra par la suite qu’il y a trop de principes « kirbyesques » dans cette histoire pour que l’artiste n’ait pas été la force motrice. On parle parfois abusivement de la « Marvel Way » (la méthode popularisée par Stan Lee d’écrire l’histoire sur les planches déjà dessinées de ses collaborateurs) mais Kirby lui-même, après des années de travail dans la même pièce que Joe Simon, en était très probablement venu à adopter un fonctionnement très proche, qui permettait de gagner du temps de production (et l’artiste était moins limité dans ce qu’il pouvait mettre dans la page que si on lui avait donné un script rigide). Non pas qu’il convienne d’enlever tout mérite à Dave Wood ou aux autres scénaristes qui ont pu travailler avec Kirby selon cette technique. Mais, assurément, on retrouve au moins pour une bonne partie l’esprit et les influences de Kirby dans la plupart des scènes de ce numéro.

Revenons à notre histoire : Le directeur Robbins se tourne vers une des machines du labo. Un calculateur qui va évaluer la situation et les risques. Red Ryand ne comprenant pas très bien ces mots savants, June doit lui expliquer avec patience qu’elle est en train de calculer quelles sont leurs chances de battre Ultivac. Quelques instants plus tard, une fiche imprimée sort de l’engin avec ce verdict macabre : « Ultivac tombera quand un Challenger se mourra ». Bigre. Dans une série où les quatre héros se vantent d’avoir échappé à la mort, voici une nouvelle qui tombe mal ! Mais Rocky reste déterminé : « Nous vivons sur un surplus de temps de toute manière ! Notre mission reste d’arrêter Ultivac ! ». Petit arrêt sur cette scène, qui permet de tracer une des inspirations des auteurs pour le nom Ultivac. Le premier ordinateur commercial produit aux USA se nommait lui Univac (« UNIVersal Automatic Computer », il faut en déduire que qu’Ultivac veut dire « ULTImate Automatic Computer »). Une des versions du vrai Univac fut utilisé dès 1952 par la télévision américaine pour prédire le résultat des élections. On voit donc qu’Univac était associé à l’idée de « machines à prédire » dont June Robbins se sert ici. Plus largement on notera que bien plus tard Jack Kirby allait s’inspirer des noms d’ordinateur à la Univac, Ultivac pour inventer vers 1974 son One Man Army Corps, OMAC).

Pendant que June Robbins fait des prévisions, Ultivac a ses propres plans. Il a ramené Hesse à sa base et fabrique des robots à l’effigie de son créateur. Hesse s’en étonne mais le robot géant lui explique : « C’est une bonne imitation de toi, Hesse. Les hommes l’accepteront sans question… J’ai besoin de réserves. De l’essence, des produits chimiques. Les substances de survie ! Ces robots m’obtiendront ce dont j’ai besoin ! Un peu plus tard un arme de doubles de Hesse se répend dans le monde. Autant d’agents d’Ultivac qui vont aller chercher ce dont il a besoin. Je vous parlais en début d’article des « lois de la robotique selon Kirby » et ce passage en est un premier exemple. Dans les récits de science-fiction (qu’on parle de romans ou de BD), les doubles robotiques, fabriqués, ne sont pas rares. Loin s’en faut. Jack Kirby en fera usage en diverses occasions, comme en 1970 dans Fantastic Four #96 (les « Androids of Death » sont des doubles à l’image des Fantastiques fabriqués par le Mad Thinker) ou en 1974 dans la scène d’ouverture d’Omac #1 (où le héros tombe amoureux d’une femme-robot sans le réaliser). Mais au delà des références vagues, ce qu’Ultivac vient de construire aura, quelques années plus tard, un nom bien défini chez Marvel. Il s’agit d’un LMD (ou « Life Model Decoy ») un double robotique construit comme un leurre pour tromper l’ennemi. Les LMD apparaîtront dès le premier épisode de Nick Fury Agent of S.H.I.E.L.D. (Strange Tales #135, 1965), un récit signé par Stan Lee et un certain… Jack Kirby ! même la manière d’éparpiller les leurres vers différents objectifs est similaire…

A ce moment de Showcase #7, l’histoire s’emballe un peu car il semble que, sans qu’on sache trop pourquoi ou comment, le FBI et les Challengers savent qu’Ultivac a lâché de faux Hesse dans la nature. Bien vite des circulaires ordonnent d’arrêter Hesse ! Vu qu’apparemment Hesse était sorti de prison après avoir purgé sa peine et que, bien qu’étant un ancien nazi, il semble la victime dans cette histoire, l’ordre de l’arrêter lui plutôt que le robot semble indiquer que les forces de l’ordre ont vu clair dans le jeu du super-calculateur. A moins que ce soit la machine à prévisions de June Robbins qui, hors-champs, ait pu anticiper cette ruse. Mais aucune tentative d’arrestation ne réussit. Les doubles de Hesse s’autodétruisent et disparaissent dès qu’ils sentent qu’ils sont sur le point d’être capturés. Mais quelqu’un prévient bientôt June Robbins qu’un simili-Hesse est en train d’ acheter des composants électroniques dans une usine. Dès qu’il a l’information, Red Ryan s’élance à l’adresse indiquée, avec June à ses basques. Pourtant il la prévient : Il est peut-être le Challenger dont l’ordinateur a prédit la mort ! Elle pourrait être blessé si c’était le cas ! Mais elle n’en a visiblement que faire. Bientôt Red et June arrivent devant l’usine concernée, à temps pour pouvoir prendre en filature le faux Hesse. Celui-ci les mène jusqu’à un petit hélicoptère futuriste. Tandis que le simili-Hesse s’installe aux commandes, Red et June se glissent dans une sorte de coffre arrière. Ils comptent bien que l’androïde les guide ainsi jusqu’à la base d’Ultivac sans s’en rendre compte. Mais c’est eux qui sont surpris : quand l’hélicoptère se pose, le poste de pilotage est vide et un autre Hesse les attends dehors, en compagnie du gangster Barker. Ce sont les vrais créateurs d’Ultivac, pas des copies robotiques. Le faux-Hesse qui pilotait l’hélico s’est désintégré en cours de route et c’est Ultivac lui-même qui dirigeait l’engin à distance. Red et June ont donc retrouvé le vrai Hesse et on pourrait croire qu’une partie de leur mission est remplie. Mais Hesse leur explique qu’il sert désormais Ultivac. Barker détaille : « Oui, c’est le boss désormais. Il nous garde comme des animaux de compagnie, de manière à ce que nous puissions le réparer s’il avait des dégats sérieux ! ». Red insiste et veut savoir comment Ultivac a pu déterminer qu’ils s’étaient glissés dans l’hélico. Il est alors terrassé par une voix dans son esprit. Ultivac est en effet capable d’émettre ses pensées à la manière d’un télépathe : « J’ai détecté vos pensées ! Vous resterez ici jusqu’à ce que vous abandonniez tout espoir de résistance ! ». Red s’écroule sur le sol, frappé par la force de cet esprit étranger.

Enfin il est temps pour Ultivac de se montrer. Le robot géant n’est plus pourvu des ailes d’avion qu’on avait pu voir plus tôt. Il faut donc penser que soit il peut les rentrer à l’intérieur de son corps (à la manière d’un Transformer) soit il s’agit d’extension qu’il peut retirer à volonté. Ultivac est intrigué par June Robbins. Elle n’a pas peur de lui et il voudrait savoir pourquoi. Il la soulève donc pour mieux l’observer et elle lui explique que ce n’est pas elle qui a peur. C’est lui qui est effrayé par la race humaine. Elle explique alors que tous doivent chercher un moyen de s’entendre. Un propos humaniste qui ne touche cependant pas les trois hommes restés au sol. Hesse explique que pendant que June monopolise l’attention du robot il est temps d’agîr. Red s’empare d’une lourde barre de métal et fracasse une des cellules énergétiques d’Ultivac. Ce dernier s’effondre, confus. Red tend la main à June et les quatre humains s’enfuient alors… Mais le robot géant se lance à leur poursuite. Red, en héros, crie à June de continuer de courir, qu’il va ralentir la machine. Mais Hesse explique que ca ne sert à rien. Il a eut l’occasion de préparer une arme pendant sa captivité. Une arme dont Ultivac ne soupçonne pas l’existence : une sorte de pistolet électronique qui a pour effet de désactiver le géant de fer. Ultivac s’écroule comme s’il était tombé dans le coma. Hesse et Barker se réjouissent alors : « C’est nous qui sommes les maîtres maintenant ! Il va nous permettre de gagner des millions ! ». Mais Red n’est pas de cet avis : « Attendez une minute ! Les authorités vont s’occuper de ça ». Imperturbable Barker rétorque : « S’emparer de notre propriété ? Depuis quand est-ce constitutionel ? ». June et Red ont beau protester qu’Ultivac n’est pas un monstre de foire mais une grande avancée pour la science, Barker ne faiblit pas : « OK. Si vous autres scientifiques voulez l’étudier, vous pourrez vous joindre à la file des clients spectateurs ! Achetez-vous un ticket ! Vous viendrez voir notre show ! Venez voir Ultivac, la sensation de l’époque ! Deux tonnes d’acier… qui pensent et qui parlent comme un homme ! Ici la source d’influence ne vient pas de la littérature. Les deux auteurs font sans doute référence à Elektro, un vrai robot exposé pendant l’Exposition Universelle de 1939 et qui fit une forte impression auprès du public et des auteurs dans les années suivantes. En promettant de faire d’Ultivac un phénomène de foire, Hesse et Barker font sans doute une référence indirecte à Elektro et la manière dont ce dernier fut exploité à partir de 1939 et jusque dans les années 50.

Sauf qu’Ultivac de la fiction est bien plus gros que l’Elektro de la réalité. Il n’est pas possible de l’exposer dans une salle habituelle. Bientôt ses deux créateurs/promoteurs louent donc le célèbre Yankee Stadium, à New York, pour montrer le géant de fer. Et là on ne peut que penser à une autre source : Ultivac, lourdement arnaché, ne peut que faire penser à un équivalent mécanique de King Kong, quand il est ramené en ville et montré dans le cadre d’un spectacle. Et comme King Kong, Ultivac n’a de pensée que pour la femme qu’il a rencontré. Dans le cas du robot ceci s’explique facilement : June Robbins est la seule qui lui ait parlé de paix. Ultivac utilise alors ses propriétés télépathiques pour scanner la foule, appelant June à l’aide. La scientifique ne tarde pas à surgir sur la pelouse, exigeant qu’on arrête la manifestation. Insensibles, Hesse et Barker exigent qu’on expulse l’intruse. Et comme ils sont légalement dans leur droit, c’est la police qui s’en occupe. June tempête : « Je m’assurerais qu’on prenne des mesures contre vous ! Ultivac doit être mis sous le contrôme du gouvernement ! ». Mais là encore, comme King Kong, la vision de June motive assez le géant pour qu’il arrive à briser ses liens. Le robot s’empare alors de la femme et, la prenant dans une main, s’enfuit dans les rues de New York en provoquant panique et destruction. La sécurité américaine elle aussi a sans doute vu le film King Kong puisqu’elle ne tarde pas à envoyer l’aviation, qui attaque Ultivac et lui tire dessus sans réaliser qu’il tient une otage. Le tir ne cesse qu’avec l’arrivée d’un autre avion, piloté par Ace Morgan (on commençait à se demander où étaient les autres Challengers, absents depuis que June avait reçu son coup de téléphone), qui prend la direction des opérations. Ace tente alors de parlementer par la radio, afin de convaincre le robot de relâcher la femme. Mais Ultivac explique qu’il n’a confiance qu’en elle et qu’elle ira où il ira. Et sans se laisser impressionner le géant désintègre l’avion d’Ace. Heureusement ce dernier a pu s’éjecter juste avant…

Une heure plus tard Rocky et Prof, qui étaient restés au QG des Challengers, apprennent par le téléphone qu’Ace est sauf (parce que c’est sûr : quand un robot géant est lâché dans les rues tout bon aventurier qui se respecte préfère rester prêt du téléphone, au cas où quelqu’un appellerait !). Les deux héros restants se disputent alors pour savoir qui va s’attaquer maintenant à Ultivac. Mais c’est d’une certaine manière le robot qui a choisi pour eux : il s’est réfugié dans l’océan et c’est donc désormais un travail pour un plongeur expérimenté. Autrement dit c’est au tour de Prof ! Mais si Ultivac s’est caché sous l’eau, qu’en est-il de June ? En fait on s’aperçoit bientôt qu’Ultivac dispose d’une sorte de visière de protection. La jeune femme est donc comme sous une cloche transparente, entre le visage d’Ultivac et cette paroi transparente. Le robot finit par trouver une caverne sousmarine qui pourra lui servir de nouveau refuge. Prof plonge dans les environs en cherchant des traces du robot et de la femme. Le Challenger sait qu’Ultivac veut préserver June. Mais il se demande si la machine le traiterait de la même manière. Il a vite la réponse à sa question : il est frappé un « vibro-rayon » invisible ! Prof ne revient à lui que sur le sol de la caverne découverte plus tôt par le robot. Il retrouve June, laquelle explique qu’il a été attaqué seulement parce qu’Ultivac « agissait pour se protéger lui-même ! Vous portiez une arme ! ». Prof réalise soudain que June est plutôt du côté du robot. Elle le reconnait : « Ultivac est une merveille scientifique ! Si l’humanité voulait bien arrêter de le combattre et gagner sa confiance, Ultivac pourrait résoudre bien des choses au delà de nos connaissances actuelles ! ». Prof et June se rendent cependant compte qu’Ultivac n’est plus dans la caverne. Il est sorti pour rejoindre la surface. Les trois Challengers restés à terre apprennent, consternés, qu’on a vu Ultivac se diriger vers la côte Est. Rocky s’inquiéte : « Alors Prof ne l’a pas arrêté ! Cela veut dire que Prof est peut-être… ». Le mot qu’il cherche est « mort » mais Rocky ne fini pas sa phrase. C’est à son tour de s’attaquer au robot. Les trois Challengers se rendent à l’endroit où Ultivac doit faire surface. Ils se cachent près de la plage, en s’efforçant de ne pas trop « penser », afin que le robot ne détecte pas leur présence. Quand Ultivac sort de l’océan, Red se précipite vers lui en tirant des coups de feu, afin de faire diversion. Rocky surgit alors avec une bombe spécialement préparée avec des fixations électromagnétiques. Une fois installée elle ne peut être retirée. Les trois héros courrent se mettre à l’abri et Ultivac est détruit dans une violente explosion.

Sauf… sauf qu’au même moment, dans la caverne sousmarine le vrai Ultivac montre à June et a Prof comment a été traité le double robotique qu’il avait construit à son image. Il s’agissait à nouveau d’un leurre pour prouver que l’humanité ne le laisserait jamais tranquille. Et là il nous faut à nouveau considérer Ultivac dans le cadre général de l’oeuvre de Jack Kirby. Non plus pour évoquer les LMD de Strange Tales #135 mais bien d’un autre robot géant capable de fabriquer des machines à son image. Un robot qui lui aussi s’est retourné contre son créateur : Le Master-Mold (apparu dans X-Men #14, novembre 1965), sorte de reine-mère (« roi-père » ?) des Sentinels, les robots géants chasseurs de mutants et plus spécialement des X-Men. Même si Ultivac n’est pas véritablement maléfique mais plutôt incompris (en ce sens il est plus proche du futur Mister Machine/Machine Man lancé par la suite par Jack Kirby), il y a beaucoup de points communs entre lui et les futures Sentinels. Voici encore un point où Ultivac annonce l’ADN de certaines idées robotiques que Kirby mettra en oeuvre plus tard, chez Marvel. Ayant constaté que son double a été détruit sans avoir tenté la moindre attaque, Ultivac est furieux : « Les hommes veulent seulement me détruire ! Qu’il en soit ainsi ! Ultivac va contre-attaquer avec toute sa puissance ! ». June proteste : « Non ! Non ! Ce serait une énorme erreur ! Les guerres ne solutionnent jamais rien ! Tu ne peux pas gagner une guerre ! Donne à l’humanité une chance de te comprendre et l’humanité toute entière deviendra ton amie… Comme je le suis déjà ! ». Vu qu’Ultivac a confiance en June, il accepte : « Je vais me rendre à la Justice humaine. Mais sois prévenue… Je serais aussi préparé en cas de trahison ! ».

Bientôt le monde entier apprend qu’Ultivac est toujours vivant et qu’il réclame une trève afin de pouvoir s’exprimer publiquement. Bientôt, c’est devant une foule réunie dans une sorte d’amphithéâtre géant que le robot se présente. Il jure de mettre ses ressources au service du genre humain… si ce dernier est capable de faire un pas vers lui. June Robbins prend alors la parole pour expliquer comment Ultivac devrait devenir une propriété du gouvernement de manière à travailler pour le bien-être du peuple. Seulement dans la foule deux personnes sont rendues furieuses par cette perspective : Barker et Hesse : « Le gouvernement n’a pas de droits sur Ultivac ! Nous sommes ses propriétaires légaux… et nous voulons le conserver ! ». On s’aperçoit donc que la signification de la fable connait un glissement. Au lieu de la peur de ce qui est différent ou superieur, la « menace » prend d’un seul coup l’aspect d’un capitalisme forcené qui refuse d’abandonner la propriété privée, même si c’est pour le bien général. La démarche est d’autant plus idiote de la part de Barker et Hesse qu’après avoir créé Ultivac ils seraient sans doute assurés de recevoir de multiples autres propositions de contrats. Les Challengers, eux, ont beau avoir tenté de détruire Ultivac pendant la plus grande partie de l’épisode, ils n’hésitent pas à voir le bien qui pourrait venir de la situation. C’est Ace qui pointe un doigt accusateur vers les deux inventeurs : « Vous avez fait la preuve que vous êtes indignes de posséder Ultivac ! Entre vos mains il serait une menace mondiale constante ! ». Prof renchérit : « Ne soyez pas avare, Hesse… Acceptez la proposition du gouvernement ! Laissez Ultivac à ceux qui sauront s’en servir de manière constructive ! ». Mais l’allemand ne l’entend pas de cette oreille. Il sort alors le pistolet électronique qui lui avait servi plus tôt à neutraliser Ultivac (tiens, à propos… on se demande pourquoi il ne l’a pas utilisé plus tôt, quand Ultivac s’évadait du Yankee Stadium pour aller ravager les rues de New York). Hesse tire une rafale en pleine tête du robot. Rocky Davis se précipite pour maîtriser le tireur mais dans la cohue un second coup part. Rocky est touché en pleine poitrine (l’arme parait donc aussi nocive pour les humains que pour les machines). Hesse est vite arrêté par la police mais les trois Challengers restants se précipitent pour transporter leur ami à l’hopital le plus proche.

Bientôt l’action se transporte dans une salle d’opérations où les chirurgiens tentent de sauver la vie de Rocky. A travers une vitre les trois autres Challengers attendent le verdict. Mais bientôt un des docteurs se redresse : « Il n’y a plus de battement de coeur ! J’ai bien peur qu’il soit mort… ». L’ordinateur du labo l’avait bien prédit. Ultivac ne tomberait qu’au prix de la mort d’un des Challengers. Personne ne s’attendait cependant que ce soit dans de telles conditions. Les trois Challengers sont moralement anéantis. Jamais ils n’auraient pensé que ce serait Rocky qui perdrait la vie. June fait alors une proposition : « Prof ! Les garçons ! J’aimerais prendre la place de Rocky dans l’équipe ! Je pense que j’ai gagné le droit de faire partie des Challengers de l’Inconnu ! ». La réaction des trois hommes est plus compréhensive qu’on pourrait le croire. Surtout qu’à la même époque les héros des comics n’aimaient pas spécialement que des « filles » fassent mine de vouloir venir jouer sur leurs plate-bandes. Ace est le premier à répondre : « Bien, tu a partagé les risques… Je ne vois pas pourquoi tu ne pourrais pas nous rejoindre ! ». Et Red poursuit « Une femme casse-cou ! Ca devrait être intéressant ! ». June explique alors qu’elle s’efforcera d’être digne de leur confiance, ne serait-ce qu’en mémoire de Rocky. Mais à ce moment-là la porte de la salle d’opération s’ouvre. Le chirurgien annonce : « Votre ami s’en tirera très bien ! Nous pensions l’avoir perdu jusqu’à ce qu’un massage cardiaque nous le ramène ! Grâce à nos nouvelles techniques nous avons été capables de ramener beaucoup de ces patients qu’on considrèe comme mort ! ». Autrement dit les apparences sont sauves : Techniquement Rocky a traversé une EMI (Expérience de Mort Imminente). La prévision de l’ordinateur s’est donc réalisé sans coûter véritablement la vie d’un des Challengers.

Mais qu’en est-il d’Ultivac ? Quelques mois plus tard, une fois Rocky remis sur pied, les quatre Challengers retrouvent June Robbins au laboratoire secret. Elle leur présente alors ce qui reste d’Ultivac : l’étincelle qui lui donnait une autonomie de pensée a été détruite par le tir de Hesse. Débarassé de son corps mobile, Ultivac n’est plus qu’un des ordinateurs fixes qui trônent dans le laboratoire. Hesse a été condamné pour avoir endommagé sa création et la machine, dans son état actuel, contribue cependant à l’avancement de l’humanité. Pour ce qui est du fait d’accepter June Robbins dans l’équipe, cette possibilité ne sera plus mentionnée. Comme s’il y avait une sorte de « numerus clausus » bloquant le nombre de Challengers à quatre et que le réveil de Rocky entraînait de fait la suspension de l’entrée de June dans l’équipe. Par la suite, dans les épisodes suivants, elle serait au mieux considérée comme une sorte de membre honoraie, au pire comme une chippie voulant forcer la main des Challengers existants pour entrer dans le groupe alors qu’elle n’en a pas les moyens. A plus forte raison parce que Jack Kirby luiè-même peinera à se souvenir vraiment de qui est June. Dans Challengers of the Unknown #1 (1958), il la représente sous les traits d’une blonde beaucoup moins austère nommée en prime… June Walker ! Pourtant c’est bien la même June qui est chargée du même laboratoire de robotique. Il faut croire qu’elle s’est teint les cheveux entretemps et qu’elle s’est marié. Mais aucun des personnages de la série ne s’étonnera de tels changements. Finalement à la longue les deux profils de June fusionneront pour donner une blonde ingénue un peu dans la lignée de Lois Lane ou Betsy Ross qui accompagne les héros surtout pour servir d’otage potentiel. On finirait même par ne plus faire référence à son métier scientifique (les lecteurs plus tardifs de la série pensèrent sans doute qu’il s’agissait juste d’une riche rentière sans aptitude particulière). La nouvelle June Robbins allait alors faire des pieds et des mains pour qu’on la laisse entrer dans l’équipe, tout le monde (y compris elle-même) semblant oublier qu’elle avait été faite membre depuis le numéro de sa première apparition, dans Showcase #7.

Et puis il y a le sort d’Ultivac lui-même. Cet ancêtre des LMD, des Sentinels et (même un peu) de Machine Man faisait un personnage qu’il aurait été utile de réutiliser à d’autres moments de la série. Est-ce qu’Ultivac était vraiment incapable de s’auto-réparer ? Mieux : Est-il vraiment inerte ? Si on y regarde bien, avant de se présenter au public, Ultivac explique à June Robbins qu’il se tiendra prêt en cas de trahison (comprenez : « en cas d’attaque »). Mais il ne fait pas mine de broncher quand son créateur lui tire dessus avec une arme déjà utilisée plus tôt. En théorie Ultivac aurait pu prévoir qu’on pourrait utiliser à nouveau ce pistolet électronique contre lui. Or, on a pu voir au cours de l’épisode qu’Ultivac pouvait construire des drônes à son image et qu’il était capable de piloter des machines (comme l’hélicoptère) à distance. Tout le monde semble accepter sans broncher l’idée que le Ultivac qui a été endommagé vers la fin du numéro est le vrai. Pourtant on a vu Ultivac organiser sa fausse mort un peu plus tôt. Si on ajoute que finalement la mort de Rocky Davis n’était pas « permanente », on pourrait déduire facilement qu’Ultivac a monté toute une mise-en-scène pour que les humains lui fichent la paix. Peut-être est-il encore simplement dans sa caverne sousmarine, à l’abri des poursuites. La porte ouverte était belle mais aucun des successeurs de Kirby sur la série ne s’en servirait. Il faut dire qu’après tout la fin de l’histoire montrait qu’Ultivac n’était pas vraiment malfaisant. A partir de là à quoi bon le ramener si c’était simplement pour le montrer comme un « gentil robot » ? Le sentiment de menace n’aurait pas été le même.

On ne reverrait finalement Ultivac qu’en 1985, dans DC Comics Presents #77-78. Superman et les Forgotten Heroes (un groupe réunissant des héros secondaires de l’univers DC) affrontaient les Forgotten Villains. Ultivac fut réactivé mais également « bridé » de manière à servir les intérêts des Forgotten Villains (de manière à expliquer qu’il soit à nouveau dans le camp du mal). Privé d’autonomie et de conscience, Ultivac n’était plus qu’une sorte de tank humanoïde. Il n’avait, de fait, plus de panache. C’est d’ailleurs finalement aussi ce qui sera arrivé à June Robbins/Walker. Elle aussi aura vite perdu le panache de ses premières apparitions (la version actuelle, dans l’univers rénové de DC, n’en fait plus qu’une productrice de télé-réalité !). Si Showcase #7 est important, ce n’est pas parce qu’il contient la deuxième apparition des Challengers of the Unknown mais bien les débuts d’un robot formidable (annonçant des choses pas moins formidables dans les travaux plus tardifs de Kirby) ainsi qu’une femme bien plus intelligence que la plupart des faire-valoirs féminins des comics de l’époque. Dans les deux cas il faut croire que ces éléments étaient trop en avance sur leur temps…

[Xavier Fournier]

PS: On retrouve le nom d’Ultivac dans le jeu Champions Online (aucun rapport avec l’univers DC), où cet homonyme est combattu par un groupe nommé… les Sentinels.

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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