Oldies But Goodies: Spitfire Comics #1 (Août 1941)
17 août 2011[FRENCH] Dans le sillage de super-héros comme Human Torch ou The Flame, les personnages aux pouvoirs incendiaires vont vite se multiplier. Mais dans cette catégorie, Spitfire se distingue par la complexité de ses origines. Car il ne suffisait visiblement pas que le héros soit maître des flammes. Il fallait aussi qu’il soit pilote d’avion. Mais dans le genre on aura du mal à imaginer plus pittoresque que « Douglas le Noir » !
Il suffit d’apercevoir la couverture de Spitfire Comics (édité en 1941 par un certain John Mahon) pour comprendre que l’intention première était de capitaliser sur le célèbre avion Spitfire et de promettre, au moins en partie, des BD proposant leur lot de combats aériens. Mais quelque part en court de route l’éditeur ou les auteurs avaient du se dire qu’il serait sans doute plus malin d’avoir comme pilote d’avion un super-héros. Le genre était en plein « boom » à l’époque… « Spitfire », en plus d’être le nom d’un modèle d’avion, signifiait également, au sens littéral « Crache-feu ». A partir de là, imaginer un aviateur qui soit par ailleurs doué d’un pouvoir sur le feu n’était pas, en soi, un incroyable effort de logique. Les détails de l’origine et l’identité même du protagoniste principal allaient, par contre, prendre un chemin beaucoup plus tarabiscoté. Car la genèse du super-héros Spitfire, c’est du lourd !
Signé par un certain Malcom Kildale, les aventures de Spitfire ne commencent pas pendant la seconde guerre mondiale mais bien 200 ans auparavant, alors qu’une « bande d’aventuriers anglais » voyage vers le Nouveau Monde à bord d’un trois-mats. Le capitaine de l’équipage est un certain Black Douglas (ou « Douglas le Noir »), excellent combattant. Mais un jour, alors qu’ils ont quitté les rivages anglais depuis des semaines, ils repèrent un autre navire qui approche. Et cette rencontre est loin de les remplir d’aise puisque ce nouvel arrivant porte le « Jolly Roger », le drapeau des pirates. Douglas comprend immédiatement qu’ils sont sur le point de se faire attaquer. Les deux bateaux échangent des coups de canon mais rien n’arrête réellement la progression des pirates. Bientôt ils sautent sur le pont du trois-mats de Douglas. Lui-même commence à se battre à l’épée. Mais les pirates sont trop nombreux. Les hommes de Douglas sont battus et ils sont traîné devant le capitaine pirate, une sorte de gnome au nez écarlate.
Celui-ci leur laisse le choix : soit ils se rallient à lui, soit il les fera exécuter. Tout l’équipage de Douglas préfère le déshonneur plutôt que de mourir. Ils se rangent tous du côté des pirates afin d’être épargnés. Tous sauf Douglas : « Je ne me joindrais pas à toi, même si c’était la dernière chose au monde qu’il me reste à faire ! ». Devant ce refus, le capitaine pirate décide de faire un exemple. Douglas sera abandonné en plein océan et sans vivres. Il périra de faim et de soif, dans d’atroces souffrances. Bien vite on descend une barque à la mer, dans laquelle se trouve Douglas. On notera l’illogisme du pirate, qui préfère se priver d’une barque plutôt que d’abattre Douglas sur le champ et de balancer le corps à l’eau. La petite embarcation de Douglas dérive et bientôt le bateau pirate s’éloigne (on ne voit qu’un navire s’éloigner et visiblement le scénariste a oublié qu’il y avait deux bateaux à la base).
Pendant des heures Douglas reste prisonnier de sa barque. Le soleil de plomb ne manque pas de déclencher une soif terrible. Au point qu’il croit un instant perdre l’esprit quand il aperçoit une île dans le lointain. On ne lui a pas laissé de rames mais il s’efforce alors d’utiliser ses mains pour diriger l’embarcation dans la bonne direction. Quelques instants plus tard, Douglas arrive sur cette ile déserte et privée de toute végétation. Heureusement pour lui, il trouve une source d’eau douce et se désaltère, même si l’eau en question a un goût étrange. Mais le répit est de courte durée. Rien ne pousse sur cette île. Il n’y a pas de flore, pas de faune. Il n’y a donc rien à manger. La seule chose notable, c’est une étrange vapeur qui sort du sol. Puisqu’il ne peut pas se laisser mourir de faim, Douglas se dit qu’il sera obligé de repartir et de tenter sa chance en mer (il est quand même assez curieux que le marin ne puisse pas trouver le moindre poisson ou coquillage sur les rivages de l’île). Il lui faudra repartir, oui, mais pas avant une bonne sieste. Douglas tombe de sommeil et décide de se reposer un peu avant d’entreprendre son périple…
En fait Douglas ne réalise pas que les vapeurs qui s’échappent du sol de l’île sont soporifiques. Ce sont elles qui déclenchent cette brusque fatigue et le plongent dans un sommeil qui va durer des décennies puis des siècles. Heureusement pour le marin, il est aussi sous l’influence de l’eau étrange qu’il a bu plus tôt. La source est en fait la fontaine de jouvence que les explorateurs espagnols ont longtemps cherché. Sans la trouver. La source a des propriétés miraculeuses. C’est elle qui va maintenir en vie le marin endormi pendant tout ce temps. Puis un jour un séisme bouche les fissures par lesquelles le gaz s’échappait. Douglas peut à se réveiller tranquillement, sans avoir conscience que le temps s’est écoulé à ce point. Tout a été préservé dans l’état par le gaz. Ses vêtements, sa barque… Tout est comme il l’avait laissé 200 ans plus tôt. Rien ne lui indique que sa « sieste » était d’une longueur anormale. Il applique donc le plan qu’il s’était fixé et repart avec sa barque, en espérant trouver de quoi se nourrir. Mais il ne tarde pas de tomber sur ce qu’il pense être un monstre marin. Car vous l’aurez compris, après cette hibernation Douglas s’est réveillé au vingtième siècle, en 1941. Et ce qu’il prend pour un monstre n’est autre qu’un U-Boat nazi qui est en train de faire surface.
Dans le genre, Douglas n’est sans doute pas aussi en avance que Captain America ou Marvel Boy pour dénoncer les manigances des nazis. Mais on est encore courant 1941 et cette mention reste encore assez avant-gardiste dans un comic-book américain, même si Douglas est anglais. Encore que. Le risque est un peu grand pour l’éditeur et toutes les mentions du terme « Nazi » sont orthographiées « Nazti » (jeu de mot entre Nazi et « Nasty », méchant en anglais). Officiellement les méchants de l’histoire sont donc membre d’un parti imaginaire… qui ne trompera personne ! Bientôt, les allema…. pardon, les naztis remarquent la barque et pensent à une sorte de canular. Ils font monter à bord le rescapé pour mieux pouvoir l’interroger. A plus forte raison après que Douglas se soit aperçu que le « monstre » est une sorte de navire. Il se présente alors ainsi : « Salutations Gentlemen ! Peut-être pourriez-vous me ramener dans cette bonne vieille Angleterre dans votre étrange navire ? ». Demander à des « naztis » de le déposer en Angleterre en 1941 revient à passer pour un plaisantin ou un malade mental. Bientôt Douglas raconte son histoire au capitaine du sous-marin et, curieusement, le marin nazti ne remet pas en cause son histoire. On aurait pu s’attendre à ce qu’il pense que tout ça n’était qu’une fable inventée par un espion anglais. Ou encore qu’il s’agisse d’un délire d’un naufragé trop resté au soleil. Mais non. A la fin du récit de Douglas, le nazti s’écrie au contraire : « Mais l’époque dont vous parlez remonte à deux siècles ! ».
C’est ainsi que Douglas le Noir réalise à quelle époque il s’est éveillé, avec une logique désarmante : « Alors tous mes amis doivent être morts. Mais vous allez quand même me ramener en Angleterre, n’est-ce pas ? ». Le nazti ne le détrompe pas. Il comprend que l’anglais n’a aucune connaissance de la seconde guerre mondiale et cela l’amuse de l’avoir à bord alors qu’il s’apprête à attaquer les forces anglaises : « Je montrerais à ce chien que nous, les naztis, sommes une race supérieure ! ». Le sous-marin plonge à nouveau sous les eaux, avec son nouveau passager qui ne réalise pas dans quel pétrin il vient de se fourrer. Tout au plus il remarque à la longue que les membres de l’équipage se comportent bizarrement en sa présence. A la longue, il réalise aussi que le sous-marin ne fait plus surface que la nuit mais jamais en plein jour. Mais le capitaine fini par faire appeler Douglas alors qu’ils approchent des cotes anglaises.
Dans le périscope, il lui montre la marine britannique, ancrée non loin de là. Douglas saute de joie (encore que la vision de navires du vingtième siècle devrait plutôt éveiller sa curiosité) et demande à ce qu’on remonte à la surface. Mais c’est ce moment que le capitaine machiavélique a choisi pour lui révéler ses motivations réelles : « Pas si vite, chien ! Maintenant je peux te le dire : Nous sommes en guerre avec l’Angleterre et je vais te forcer à regarder pendant que nous détruiront tous ces bateaux ! Ha ha ! ». Mais le nazti avait sous-estimé la rage et la force de Douglas, qui l’assomme d’un coup de point.
Ensuite le héros se retourne contre le reste de l’équipage, aidé par le fait qu’il exhale le même gaz qu’il a respiré pendant des siècles, sur l’ile. Apparemment son organisme a absorbé le gaz en question et peut le recracher à volonté. Tout les naztis sont alors plongés dans un profond sommeil (tandis que Douglas, lui, reste cette fois éveillé. Désormais il est visiblement immunisé). Douglas le Noir réalise qu’il dispose d’un pouvoir exceptionnel, qui pourra l’aider à combattre les ennemis de son pays. Il n’y a plus aucun marin contemporain éveillé et, en théorie, Douglas devrait se retrouver coincer sous les eaux mais il a observé comment les naztis manoeuvraient. Il est donc capable d’activer à lui seul les commandes pour que le sous-marin revienne à la surface. Même en admettant qu’un marin du 18ème siècle puisse comprendre le fonctionnement d’un sous-marin simplement en « regardant », il faudrait qu’il soit possible à un seul homme de faire remonter un bâtiment comme il en existait en 1941. Mais nous n’en sommes déjà plus à une invraisemblance près…
Le sous-marin nazti fait surface. Vite repéré par la marine anglaise, il est alors pris pour cible. L’accueil est moins amical que ce que Douglas espérait. Il échoue le sous-marin sur une plage et court à l’abri pour éviter les tirs anglais. Mais il est distrait alors qu’un bruit de tonnerre s’élève dans le ciel. En fait, l’approche du sous-marin nazti faisait partie d’une attaque globale. Des avions naztis bombardent les installations anglaises. Un combat aérien s’engage et, soudainement, un pilote d’avion Spitfire touché (ah, le Spitfire qui donne son nom à la revue, on y vient !) n’a d’autre choix que se poser sur la plage. L’avion est intact mais le pilote n’est plus en état de se battre.
Mais, comme fait exprès, le Spitfire s’est posé non loin de Douglas, qui s’approche. Avec les vêtements anciens portés par le marin, le pilote croit d’abord être face à un fantôme. Douglas le rassure : « Non, mon ami ! Je suis vivant et prêt à me battre pour l’Angleterre. J’aimerais bien être là-haut à combattre ! ». Ne comprenant pas qui est son interlocuteur, le pilote blessé lui dit « Et bien tu peux prendre mon avion si tu sais voler… ». Puis il tombe, inconscient. Et dans le même temps Douglas aperçoit des soldats anglais qui approchent. S’ils l’attrapent, on l’interrogera et il n’est pas certain qu’on le croit (tu m’étonnes !). Douglas décide de tenter le tout pour le tout : « Si je n’essaie pas de faire décoller cette chose dans les airs maintenant, il se pourrait que je n’ai jamais une autre chance ! ».
Une fois à l’intérieur, le héros appuie sur tous les boutons et l’avion fini par décoller. En l’espace de quelques minutes Douglas le Noir a donc été capable de manier un sous-marin et le voici qui fait décoller un avion sans jamais en avoir vu un. Douglas, marin venu du 18ème siècle, ne sait même pas ce qu’est un allumage. Il ne sait pas lire un tableau de bord. Bref, l’idée qu’il puisse faire décoller un avion à partir d’une plage, alors qu’il ne sait même pas quand il faut redresser, est surréaliste. Tout au moins les auteurs daignent quand même nous montrer que l’avion s’élève en faisant des loopings déments, jusqu’à ce que Douglas saisisse comment on dirige l’engin. Bientôt, il en a compris assez pour pouvoir prendre part au combat aérien. Douglas arrive à même à descendre des avions ennemis : « Et voilà ! Quelques « êtres supérieurs » en moins ! » s’écrie le marin. Il arrive d’ailleurs à lui seul a briser la formation de vol des avions naztis et en envoie encore quelques-uns vers le sol. Finalement les naztis sont tellement mis en défaut par Douglas qu’ils préfèrent fuir, lâchant leurs bombes au dessus de l’eau pour qu’elles ne les retardent pas. Douglas les poursuit au delà de ce qui est raisonnable et traverse même la Manche, toujours à leurs basques. Seulement Douglas n’a aucune idée de ce qu’est le carburant. L’avion tombe en panne et Douglas se poser alors en catastrophe, sans trop savoir pourquoi l’engin ne fonctionne plus.
Bien sûr, Douglas arrive à se poser sans encombre. Et en plein nuit en plus ! On n’en est plus à ça près. Mais il n’a aucune idée de l’endroit où il se trouve. Il décide donc de demander aux gens qui se précipitent vers lui. Il leur fait signe en criant « Je suis là ! ». Il faut dire que s’il est doué pour piloter sous-marins et avions, Douglas le Noir est un peu con-con car les « gens » qui courent vers lui, en portant des torches, sont des soldats naztis. Douglas s’est posé derrière les lignes ennemies… Quand il constate que les nouveaux arrivants se jettent sur lui en criant haineusement « Anglais ! Anglais ! », il comprend néanmoins à les combattre. Et, bien sûr, Douglas est de taille à résister à toute une unité de fantassins : « Hmm… Pas mal pour un anglais qui est resté mort pendant deux cent ans ! ». Mais la bagarre ne va sans doute pas assez vite au goût de Douglas, qui ramasse une des torches des Naztis et… souffle dessus. Comme on l’a vu un peu plus tôt, Douglas dégager désormais un gaz. Son souffle, ajouté à la torche, créé une sorte de lance-flammes artisanal. Douglas le Noir mérite ainsi le nom de Spitfire. Non seulement il pilote un avion de ce modèle mais il crache littéralement du feu ! Paniqués, les Naztis s’enfuient faire leur rapport à leur supérieur. Quand celui-ci apprend qu’un « lance-flammes humain » se trouve quelque part dans le pays, il décide alors de tenter de le capturer en espérant que le « Feuhrer » les récompensera. Et un commentaire final referme l’épisode : « Que fera Douglas le Noir, désormais connu sous le nom de Spitfire, maintenant qu’il est en territoire ennemi ? ».
Ben… Il crachera du feu sans doute. L’idée d’un corsaire du 18ème siècle crachant le feu et sachant conduire intuitivement chaque nouvel engin rencontré est pour le moins… originale. Encore que le concept avait une limitation : posé derrière les lignes ennemies, Douglas pouvait difficilement trouver un autre avion Spitfire à piloter pour la suite de ses aventures. Dans le genre « héros aviateur », Spitfire est au moins aussi pittoresque que le Iron Ace (aviateur vêtu d’une armure médiévale que nous avons déjà mentionné). Et son côté lance-flammes humain le raccroche également à une certaine généalogie d’Human Torch. Quand au côté naïf, à la limite de la démence, du personnage (cette tendance à faire confiance aux soldats naztis qui approchent ou le moment où il se dit que, 200 ans plus tard, tous ses amis doivent être morts), on pourrait y trouver un petit côté Jack Sparrow. Néanmoins tout ça était vraiment trop gros pour fonctionner. Douglas le Noir savait se débrouiller pour faire voler un avion mais sa propre revue, elle, ne décolla jamais !
[Xavier Fournier](P.S.: Pendant quelques jours le site Comicbox.com va fonctionner en automatique (parce que, oui, nous aussi nous avons droit à la plage et aux vahinés !). Ce qui veut dire non pas un site figé jusqu’à notre retour mais un Oldies But Goodies quotidien pendant ce laps de temps (et ça commence, vous l’aurez compris, dès aujourd’hui). Par la même occasion vos commentaires éventuels risquent de ne pas apparaître tout de suite, en attente d’une validation, mais ils seront activés dès notre retour. Bonne lecture !)
Bonnes vacances et revenez tous en pleine forme ! 😉
Le gaz soporifique me fait penser aux aventures de John Carter d’ERB qui l’emmènent à Barsoom ! (et bonnes vacances).
A vrai dire je pensais aussi et surtout à Rip Van Winkle comme modèle du genre.
Aussi