Oldies But Goodies: Star-Spangled Comics #29 (Fev. 1944)
2 mars 2013[FRENCH] Le Robotman du Golden Age a passé l’essentiel des années 40 et 50 sans croiser le moindre confrère super-héros (en tout cas tel qu’il était publié à l’époque). Pas de crossover avec ses semblables et pas de sidekick au sens où on l’entend généralement (aucun garçon robot ne viendrait tenir à ses côtés le rôle qu’un Robin pouvait occuper auprès de Batman). De ce fait Robotman était un peu seul dans sa bulle… jusqu’à l’arrivée d’un étrange compagnon.
Vous avez peut-être (ou pas) découvert le premier Robotman dans les pages de la série All-Star Squadron (en VF « L’Escadron des Etoiles), qui raconta (à partir des années 80) les exploits d’une équipe que le scénariste Roy Thomas installa rétroactivement en 1941, au lendemain du bombardement de Pearl Harbor. Robotman, compagnon d’armes d’autres héros comme Johnny Quick ou Liberty Belle, se retrouva d’emblée membre de cet All-Star Squadron. De fait, pour qui l’aura rencontré dans cette série ce colosse de métal semblait sociable et bien installé au sein de la communauté super-héroïque de DC pendant toute la durée de la guerre. En fait les choses sont un peu plus compliquées que ça… D’abord Roy Thomas avait triché sur les dates. Robotman n’a été créé que dans Star-Spangled Comics #7 (Avril 1942) et aurait eut du mal à rejoindre le All-Star Squadron dès décembre 1941. Cet « homme-robot » n’en était d’ailleurs pas un (pas plus que Batman n’est réellement une chauve-souris) mais plus exactement un cyborg (bien que le mot ne soit pas à la mode à l’époque).
Le savant Robert Crane avait été victime d’une tentative d’assassinat et son cerveau avait été transplanté dans un corps artificiel de sa création, avec l’aide d’un de ses amis, Chuck Grayson. Bien évidemment le nouveau corps de Robotman était surpuissant et il ne tardait pas à devenir un ennemi du crime organisé, tout en se servant de masques imitant la peau pour se créer une nouvelle identité humaine (Robert Crane étant déclaré mort) sous le nom de Paul Dennis. Même si les crossovers n’étaient pas courant pendant les années 40, Robotman fut publié pendant des années dans une ambiance qui le mettait à l’écart. Certes Johnny Quick ou d’autres n’étaient guère plus liés avec le reste de leurs semblables mais ils agissaient dans une certaine ambiance qui faisait qu’il n’était pas trop dur de se dire que Quick existait dans le même monde que Flash ou Hawkman. Robotman, lui, était plus un « science hero » au sens où l’entend Alan Moore, c’est à dire un personnage extraordinaire qui, tout en combattant le Mal, ne cessait de mettre à profit chaque nouvelle aventure pour inventer des gadgets. Dans le même temps la problématique de Robert Crane/Will Dennis, privé pour toujours de son humanité et réduit à l’état de monstre de métal parfois craint par la société en fait plus un précurseur de certains héros Marvel (la Chose, par exemple) qu’un voisin crédible de Batman ou Superman.
La « supporting cast » de la série était également très limité. En dehors de l’ami Chuck Grayson, Robotman n’avait pas vraiment de fiancée, pas de sidekick officiel… Son univers était donc autrement plus restreint que celui d’un Green Arrow. Encore qu’il restait un point commun avec ce dernier. De la même manière qu’Oliver Queen avait le chic pour tomber sur des adversaires utilisant des flèches, Robotman croisait régulièrement des gangs de criminels qui – ah c’est dingue le hasard – étaient en mesure d’utiliser la robotique pour faire le mal.
Au début de Star-Spangled Comics #29, on retrouve Chuck Grayson qui vient de découvrir un message énigmatique : « Robotman dit qu’il a une découverte scientifique intéressante à me montrer ! Je me demande s’il a construit une fusée pour aller vers la Lune ! ». La manière dont Grayson amène le sujet (parler d’un voyage lunaire en 1944) montre bien le registre des exploits dont Robotman était capable. D’ailleurs dans un épisode plus tardif il irait bel et bien sur la lune à bord d’une fusée… Chuck Grayson n’est pas à court d’hypothèse. Il en est déjà à se demander si au contraire ce ne serait pas plutôt la découverte d’une nouvelle source d’énergie atomique… Quand Robotman arrive et l’interrompt. L’homme mécanique explique à son ami qu’il a eut une idée alors qu’il combattait un criminel (le Professeur Mugge) et ses « bêtes bandits ». De manière assez peu caractéristique pour l’époque, Robotman fait ainsi référence à une histoire qui s’est déroulé plusieurs numéros auparavant (Star-Spangled Comics #24, septembre 1943) et donc à une continuité feuilletonante, ce qui n’était pas la norme. Puisque l’histoire avec le Professeur Mugge était écrite par Jerry Siegel (le co-créateur de Superman), cette référence directe laisse à penser que Siegel pourrait également être l’auteur de Star-Spangled Comics #29…
Mais alors que Robotman et Chuck sont en train de discuter, ils sont interrompus par une troisième voix : « Me voici, Robotman ! ». Chuck est surpris. Il y aurait quelqu’un d’autre dans le labo du héros et on ne lui aurait pas dit ? La réaction amuse Robotman, qui explique alors que c’est simplement le résultat de son expérience… Robbie le Robotchien (ou plutôt « Robbie The Robotdog » en VO). Et effectivement un automate ressemblant à un chien de métal entre dans la pièce, répétant une nouvelle fois « Me voici, Robotman ! » Son créateur le prend dans ses bras et le montre fièrement à son ami. Mais Chuck est surpris, alors que le faux chien répète encore « Me voici ». Grayson demande « Mais enfin, Robotman, c’est tout ce qu’il sait dire ? » (Parce que oui, un chien qui parle c’est étonnant mais tant qu’à le faire parler…). Robotman rassure son ami. Oui, pour l’instant c’est tout ce qu’il a appris « Mais il va en apprendre plus ! N’oublie pas… Nous avons tous du apprendre à parler ! Et Robbie a un bon cerveau ! ». En continuant la discussion, Robotman commence à revêtir sa tenue civile et explique : « J’ai toujours voulu un animal pour me changer les idées quand je me sens seul. Et d’une certaine manière un chien ordinaire ne ferait pas l’affaire. Mais Robbie est juste parfait…
Chuck va dans son sens : « J’ai du mal à croire qu’il ne s’agit pas d’un vrai chien ! ». En fait la phrase de Chuck est ridicule. Robbie ressemble à un Transformer rudimentaire. Au mieux à la version Playmobil d’un chien. Personne ne pourrait le prendre réellement pour un animal. Maintenant déguisé en Paul Dennis, Robotman insiste sur le fait que son nouveau chien est tout sauf normal. D’ailleurs il propose à Chuck de lui prouver en allant le promener dans la ville. Mais Chuck est obligé de refuser. Il a lui-même du travail qui l’attend à son propre labo. « Paul Dennis » en sera quitte pour tester lui-même sa propre invention…
Quelques instants plus tard Paul Dennis s’apprête à prendre le métro mais un gardien s’interpose : « Hey vous ! Vous ne savez pas qu’il est interdit de faire entrer des chiens ! ». Paul acquiesce : « Bien sûr ! Mais ce n’est pas réellement un chien ! ». Le gardien est intraitable : « Ah ouais ? Pour moi il n’a pas l’air d’une boite de sardines ! N’essayez pas de jouer au plus malin ! Dégager avec ce chiot ! ». Mais Paul Dennis dispose sans doute d’un bouton secret : Robbie s’ouvre en deux, révélant les rouages et les mécanismes qui le composent. Le gardien est bien obligé de se rendre à l’évidence. Ce n’est qu’un gadget… Et de ce fait il n’est pas interdit dans le métro. Mais alors que Paul approche du tourniquet pour valider son ticket, il voit un étrange wagon s’arrêter dans la station. Normal : Ce n’est pas une rame pour les voyageurs mais au contraire le « Money Train » qui va d’un arrêt à l’autre pour récolter l’argent. La routine, donc… Sauf qu’à ce moment là des bandits lancent des fumigènes et aveuglent les vigiles qui étaient en train de prendre l’argent de la station. Chose bizarre, par contre, les voleurs s’emparent du Money Train et disparaissent dans le tunnel… Comment croient-ils fuir dans un tel circuit fermé ? Robotman se dit alors qu’il ferait bien de s’en mêler (c’est bien la moindre des choses pour un super-héros). Mais d’un seul coup il entend… « Me voici… » et la voix vient du tunnel. Dans la confusion, le chien-robot a du se lancer à la poursuite du gang…
Paul Dennis se précipite à son tour dans le tunnel. Loin des regards des usagers, il peut retirer son masque et sa tenue, reprenant l’apparence classique de Robotman… Quelques instants plus tard il rattrape la rame… Qui est à l’arrêt. Les voleurs se sont arrêtés sous une bouche d’aération et se sont hissés à l’extérieur au moyen d’une corde. Ils sont partis avec l’argent… Et toujours pas de signe de Robbie ! Constatant que la corde ne supportera pas son poids, Robotman décide d’utiliser ses « muscles de métal » pour bondir vers l’extérieur, à travers la bouche d’aération. Dehors, c’est un peu la cohue mais Robotman comprend qu’il tient la piste idéale pour suivre la bande : Un des sacs de pièce est percé. Il suffit de suivre la ligne tracée par la monnaie tombée. Comme le Petit Poucet. Non loin de là les voleurs viennent de se rendre compte du problème et se sont arrêtés le temps de réparer le sac percé. Un dénommé Sam est parti chercher de la ficelle. Mais quand un de ses complices se demande où il est, une voix s’échappe d’un des sacs: « Me voici ». Robbie, toujours en mode « perroquet », s’accroche à la seule phrase qu’il connait. Heureusement pour lui, les bandits sont des idiots. Ils sont convaincus que le dénommé Sam s’est caché pour leur jour un tour de ventriloque. Ils sont tellement convaincus que rien ne tiendrait dans le sac qu’ils ne pensent pas à vérifier. Bientôt une bagarre éclate entre les brutes…
Dans la rue, les oreilles « microphoniques » de Robotman captent la voix de Robbie et son « Me voici ». Le héros comprend que le bruit vient de l’intérieur d’un camion. Quand il en force la porte, il trouve les voleurs en train de se frapper. Surpris, les canailles font diversion en lui lançant des pièces à la figure avant de prendre la poudre d’escampette. En fait, Robotman est surtout préoccupé par le sort de son fidèle compagnon. Si les voleurs s’éloignent, c’est d’abord parce qu’il prend la peine de libérer Robbie avant tout. Robbie qui s’entête à dire « Me voici, Robotman ! ». Le héros lui répond : « Hmm ta conversation est monotone mais elle s’améliorera ! En attendant ces brutes pensent qu’elles peuvent fuir… Nous allons leur prouver le contraire ! ». Et là Robbie se comporte comme un vrai chien-policier. Il flaire la piste et se lance à leur poursuite. Derrière lui Robotman court en disant « Je suis contant de t’avoir fait si similaire à un vrai chien ! ». Comme tous les deux ils sont « super-forts », ils peuvent sauter par dessus la barricade derrière laquelle le gang se cache. Robbie s’exclame cette fois « Les voici, Robotman ! », petite preuve qu’il est en train d’améliorer sa syntaxe. Puis, comme un chien de garde Robbie se précipite sur un des brigands et le mord à la jambe. Robotman regarde la scène, fier de sa création : « Vas-y Robbie ! Tu apprends de nouvelles choses à dire et de nouvelles choses à faire ! ». Le héros ne résiste cependant pas à l’envie de s’en mêler. Il s’empare des deux autres fripouilles et menace de les lancer encore plus haut que la cime des arbres. Effrayé, le gang préfère se rendre…
Plus tard Chuck Grayson retourne au labo de Robotman et constate que Robbie a appris quelques mois de plus. Chuck, qui ne le différenciait déjà pas d’un vrai chien, va jusqu’à dire « Je commence à croire qu’il est presque humain ». Robotman rétorque avec humour « Ce n’est guère un compliment, Chuck, quelques fois les gens disent ça de moi aussi ! ». Puis le héros se retourne vers le lecteur : « Et attendez que j’ai appris à Robbie quelques autres trucs et vous le retrouverez dans les prochains numéros de Star-Spangled Comics. Nous verrons alors ce que vous pensez de lui (les auteurs, à travers la bouche du personnage, incitent clairement le lecteur à se manifester pour réclamer le maintien du chien-robot). Et Robbie termine par un simple « Je serais là », variante de son « me voici ! ».
Robbie The Robotdog a tous les attributs d’un ajout baroque, trop comique pour rester durablement dans la série. En fait, il allait contraire s’installer pendant des années dans la vie de Robotman/Paul Dennis (jusque vers la fin des années 40). Avec deux modifications importantes. D’abord dans les épisodes suivant Robbie allait considérablement progresser en termes d’intelligence. Dans ce numéro-là, on pourrait le comparer à une sorte de perroquet qui apprend un vocabulaire. Mais si on y regarde bien le chien-robot n’a pas l’air de calculer grand chose aux évènements. Dans d’autres numéros son intelligence allait s’avérer du même niveau qu’un humain et il allait commencer à pouvoir tenir des discussions avancées, faire preuve d’un caractère parfois même assez marqué. L’autre ajout est que les auteurs allaient réaliser que l’humain Paul Dennis ne pouvait pas continuer de se promener avec un chien robot du même type que celui de Robotman. La présence de Robbie, créature mécanique, pouvait avoir pour effet de désintégrer toute tentative de maintenir une identité secrète. Paul Dennis allait-il abandonner son alter-ego par amitié envers son faux-chien ?
Et bien non ! Au contraire Dennis allait prendre l’habitude de recouvrir Robbie d’une fausse fourrure afin de le déguiser en chien normal quand c’était nécessaire. Et quand une enquête l’exigeait, Robbie se débarrassait de sa fourrure pour apparaître comme le Robot Dog qu’il était réellement. A ma connaissance c’est le seul « animal » de compagnie qui ait du faire autant d’efforts pour maintenir une identité secrète pendant tout le Golden Age (techniquement on révèlerait plus tard que Thor, le chien du héros Manhunter, avait été un robot pendant tout ce temps mais il s’agit d’une « retcon » bien plus tardive). L’existence de Robbie The Robot Dog dans la période post-Crisis allait être confirmée en particulier à partir de l’an 2000, quand Geoff Johns ferait à nouveau mention de lui dans Stars and S.T.R.I.P.E. #8, plus récemment le chien robot a fait une apparition dans Superman #692 (2009) quand Robbie est montré comme faisant partie des pensionnaires du projet 7734 (organisation anti-Superman dirigée par le Général Lane). Bien sûr tout ça se déroulait avant Flashpoint. Le Golden Age ne s’étant jamais déroulé dans la continuité actuelle de DC Comics, Robbie le Robot-Chien pourrait aussi bien faire son retour dans un épisode d’Earth 2 (vu que ce monde là est peuplé d’anciens concepts associés au Golden Age) ou dans un des entrepôts d’A.R.G.U.S. qui, comme le projet 7734 avant lui, collecte les curiosités technologiques ou mystiques (façon entrepôt à la fin d’Indiana Jones). Le concept d’un chien robot peut faire sourire à la base mais, si on y pense, une intelligence artificielle capable de se déplacer un corps de quadrupède n’est pas plus ridicule qu’un robot (ou un cyborg) bipède. Robbie pourrait aussi bien faire son retour un jour comme chien de Victor Stone (l’actuel Cyborg membre de la Justice League) ou comme moyen de contrer Krypto le Super-Chien. Allez savoir…
[Xavier Fournier]
Le gardien du métro a vraiment une très mauvaise vue car justement , ce quadrupède ressemble plus a une boite de sardines qu’a un chien 😉
Le dessin me fait penser à Will Eisner…
@ Lionel. Je pense que l’idée est que le gardien pense qu’on essaie de passer un chien en fraude en le déguisant sous du métal. C’est pour ça que Paul Dennis ouvre le chien…
@ Bonredo: C’est probablement du Jimmy Thompson, un artiste qui avait aussi bossé pour Timely.
Ceci explique cela 😉
J’ai pas regardé si vous l’avez déjà cité dans une de vos chronique , Il y a eu un autre Robotman (Cliff Steele) de DC période moderne . Il faisait parti d’un groupe de S.H. « The doom patrol » créé en 1963. A l’origine son cerveau a été aussi transplanté dans son crane de cyborg sauf que son corps a subi une mutilation par accident . Les auteurs se sont sans doute inspiré du premier Robotman !!