Oldies But Goodies: Startling Comics #1 (Juin 1940)

[FRENCH] Proche cousin de Superman et du Captain Marvel de l’Âge d’Or, Captain Future emprunte aussi son nom à un héros de pulps avec lequel il n’a pourtant pas grand-chose à voir. Un patchwork d’influences, oui, mais ce surhomme lancé par les éditions Standard Publishing se réincarnerait des décennies plus tard dans des séries parfois insoupçonnées…

En 1939 Mort Weisinger (une des futures têtes de DC) créa Captain Future lors de la World Science Fiction Convention. Plus chez nous sous le nom de Capitaine Flam (du nom du dessin animé adaptant ses aventures), Captain Future devint un héros de pulps et fut perfectionné par le scénariste/romancier Edmond Hamilton (au point qu’on désigne souvent Hamilton comme créateur du personnage, occultant le rôle de Weisinger). Captain Future était en fait Curtis Newton, un justicier vivant dans le futur et qui transposait d’une certaine manière le fonctionnement d’un Doc Savage dans un avenir où le système solaire avait été colonisé. Les pulps de Captain Future étaient publiés par l’éditeur Ned Pines, à travers une de ses sociétés, Thrilling. Mais comme Pines publiait également des bandes dessinées, il était logique qu’on retrouve Captain Future dans les revues de Standard Comics, autre société dirigée par Pines (le pôle comics de l’éditeur sera aussi connu sous le nom de Better Publishing ou de Nedor). Logique, oui, mais pas simple. Peut-être parce que les romans de Captain Future impliquaient plusieurs créateurs comme Weisinger ou Hamilton, Standard Comics décida de publier Captain Future… sous un autre nom. C’est dans Exciting Comics #1 (Avril 1940) que les lecteurs purent découvrir le Major Mars, qui clonait l’essentiel du Captain Future des pulps. Il est également possible que le scénariste (inconnu) ait voulu tricher et fournir sans effort à Ned Pines une histoire qu’il avait publié sous forme de roman deux mois plus tôt. Ce qui expliquerait d’ailleurs que le Major Mars soit resté sans lendemain, comme si Pines s’était rendu compte de la manœuvre. En avril 1940 on avait donc vu passer un Captain Future qui ne portait pas son nom… En juin de la même année l’affaire allait se compliquer car le même éditeur allait lancer un héros nommé Captain Future… mais qui n’avait pourtant rien à voir avec le héros des pulps…

L’histoire de ce Captain Future propre aux comics est avant tout celle de d’Andrew Bryant, jeune scientifique passionné qui travaille pour la Pacific Electrical Corporation. Andrew est un sosie total de Clark Kent (l’alter-ego de Superman). On ne sait pas trop au juste pourquoi la PEC utilise les services d’un chercheur tel que Bryant, qui a visiblement un laboratoire de pointe (en tout cas pour l’époque) avec tout un assortiment de fioles ou d’appareils mystérieux. D’ailleurs, à un moment, la PEC elle-même doit se poser la question car le récit commence alors que Bryant est convoqué devant le directeur général de la société, Devlin. On lui apprend alors qu’il est viré. Ses expériences (mais que sont-elles, bon sang ?) sont tout simplement trop coûteuses… Et la société se doit de faire des bénéfices. Quand Bryant retourne à son laboratoire, il est passablement dépité. Tous ses travaux tombent à l’eau ! Mais il a droit à deux semaines de préavis et, se saisissant de deux fioles, il décide alors de travailler nuit et jour pour tenter d’obtenir un résultat.

Enfin, on nous explique qu’Andrew cherche à « mettre au point une onde ultra-courte pour la transmission des ondes radios et des impulsions radios ». Qu’on puisse mettre au point un récepteur, on pourrait le comprendre. Mais mettre au point une onde ? Le scénariste se lance ici visiblement dans un jargon pseudo-scientifique qu’il maîtrise mal, jusqu’au plan logique. Peu importe. Pendant des jours Andrew se lance dans son dernier espoir de finaliser le projet. Mais rien ne vient. Il est prêt à baisser les bras quand soudain… Il a une illumination : « Je me demande si c’est possible… En croisant les infrarouges avec le rayon gamma ! Ca n’a jamais été fait ! ». Là aussi on sent bien que l’auteur balance de manière aléatoire des termes qui n’ont guère de sens pour lui. Mais sans doute que nous ne sommes pas à la hauteur pour comprendre les découvertes d’Andrew Bryant.

Si le héros qui nous intéresse aujourd’hui portait un complet bleu à la place de sa blouse blanche de laborantin, on aurait toutes les chances de le confondre avec le célèbre journaliste de DC Comics. On se doute bien que ce n’est pas tout à fait par hasard. Mais ce n’est pas, non plus, un incident isolé chez cet éditeur. Il serait sans doute abusif de dire que Standard Publishing avait un souci constant de se rapprocher de Superman. Mais plusieurs héros lancés sous ce label utilisaient une recette similaire : Copier Superman en remplaçant son origine. Au lieu de tomber du ciel comme le Kryptonien, les surhommes de Standard avaient une tendance (héritée des pulps) à être de véritables self-made-men. Ils créaient eux-mêmes leurs propres pouvoirs en se livrant à des expériences. D’ailleurs il est assez intéressant de noter qu’Andrew Bryant, le laborantin portant le même visage que Clark Kent, est aussi le portrait craché de Robert Benson, autre inventeur qui deviendra de son côté Black Terror.

Mais l’expérience tourne court. Alors qu’Andrew actionne sa machine et que « les rayons gamma se mélangent aux infrarouges pour la première fois », une sorte de choc électrique se produit. Le savant est frappé de plein fouet par l’énergie. Et quand il revient à lui, le héros fait une étrange découverte : « Croiser ces rayons m’a fait quelque chose ! Je me sens comme si je pouvais battre le monde entier ! Et regardez mes mains… Elles sont chargées de puissance électrique ! ». Ce n’est pas qu’une vue de l’esprit. Alors qu’il tient ses mains devant lui, Andrew arrive à émettre des éclairs… Mais bientôt il écoute une voix. Quelqu’un est en train de dire « Mais si un millier de personnes mourrait, nous aurions quand même l’argent, pas vrai ? ». Andrew est très étonné quand il réalise que cette voix est celle de Devlin… Qui se trouve cependant à l’autre bout de l’usine. De manière très claire, le choc énergétique a donné à Bryant des superpouvoirs similaires à ceux de Superman, avec quelques aptitudes « électriques » en plus.

Intrigué par la conversation qu’il a surpris, le héros décide d’enquêter. La discrétion et le camouflage ne font pas partie des pouvoirs nouveaux de Bryant. Il est rapidement surpris par le dénommé Devlin, qui ordonne à ses hommes de s’emparer de lui. Personne, cependant, n’avait prévu la force herculéenne de Bryant. Pour se défendre le jeune scientifique distribue alors des coups de poings mais lance aussi des éclairs sur ses agresseurs. Pourtant le surhomme peut encore être pris par surprise. Devlin lui lance une chaise et le choc précipite Bryant à travers une fenêtre. Il tombe d’une hauteur de plusieurs étages mais touche le sol sans le moindre problème : « Bon sans ! Ma nouvelle puissance défie même la gravité ! ».

Plus tard, Andrew Bryant, rentré chez lui, s’interroge sur les évènements de la journée. On le retrouve ainsi dans une attitude cosy, en robe de chambre. On passe alors vers un autre poncif du genre, bien connu des fans de Batman : Le moment où le notable, dans son intimité, prend la résolution farouche de combattre le crime : « Le ciel seul sait quels autres pouvoirs j’ai hérité de cette combinaison de rayons gamma et infrarouges ! Et je vais les utiliser ! J’aiderais les nécessiteux et livrerais une guerre au crime ! Je vais commencer en découvrant quelles sont les manigances de Devlin…

Le lendemain matin, Andrew Bryant a… disparu. En tout cas c’est comme ça que le commentaire nous présente les choses. En fait Bryant a mis la nuit à profit pour se créer une personnalité super-héroïque : Captain Future ! Là aussi on revient vers le modèle de Superman. Le héros porte un short bleu et un t-shirt rouge traversé par un large éclair jaune… Mais il n’a pas jugé utile de s’équiper d’un masque. A quoi bon, dans ce cas-là, daigner s’inventer un nom super-héroïque ? Le héros l’explique facilement : « Je me surnommerais Captain Future parce que l’Homme de Demain possédera les pouvoirs que je suis pour l’instant le seul à avoir ! ». L’Homme de Demain (en VO: « The Man of Tomorrow » était un surnom qu’on donnait à l’occasion à Superman (comme si les ressemblances entre ce Captain Future et le héros de Kryptonien de DC n’avaient pas été suffisantes). A ce stade on peut réellement se demander si le fait d’utiliser le nom existant de Captain Future n’était pas un fin calcul de la part de l’équipe de Ned Pines. En créant un clone de Superman (même si l’origine est très différente les pouvoirs et le costume comportent des similitudes assez marquées) mais le baptisant Captain Future, Pines pouvait espérer brouiller les pistes sur le plan légal…

Andrew se planque devant le domicile de Devlin et attend que sa voiture sorte de sa villa. Suivant une technique très répandue dans les comics du Golden Age (mais dont l’efficacité et la discrétion restent à prouver), Captain Future saute sur le pare-choc arrière de la voiture et peut ainsi suivre le mystérieux Devlin sans que l’autre pense à regarder dans le rétro ou qu’aucun automobiliste ne lui fasse des signes pour le prévenir de cet étrange passager clandestin. Alors que Devlin est arrivé à l’endroit où il était attendu, Captain Future se sert de sa super-ouïe pour entendre la conversation : Devlin et un complice parlent de causer le naufrage d’un navire, le Holvania, pour le compte d’une énigmatique société secrète nommée les Chevaliers de la Peste Pourpre. Découvrant qu’on veut causer la mort d’innocents, Captain Future pique une crise de rage et se précipite sur les deux comploteurs pour les arracher des aveux. Il commence par s’emparer de Devlin tout en projetant l’autre homme à travers une vitrine. Paniqué, Devlin jure qu’il va tout avouer… Mais quand la police arrive, Captain Future s’aperçoit que Devlin est mort…

Le héros en déduit alors une théorie assez bizarroïde. C’est sans doute l’autre homme, celui qu’il a lancé à travers la vitrine, qui a utilisé un pistolet-laser pour empêcher Devlin de parler. Pourquoi un pistolet-laser plus qu’autre chose ? Rien ne le dit et ce passage est un peu léger, niveau logique. Ca tombe bien car le scénariste décide de mettre en scène l’incrédulité de la police. Après tout c’est le premier exploit public de Captain Future, les policiers n’ont aucune raison de le croire, lui et son histoire de pistolet-laser. Ils lui disent qu’il expliquera tout ça au chef ! Et contrairement à toute attente, Captain Future ne s’enfuit pas dans l’autre sens. A la différence de la plupart de ses confrères, le super-héros accompagne les hommes jusqu’au commissariat central et tente de prévenir le danger qui guète le Holvania. Mais sans résultat. Son accoutrement bizarre et le fait qu’il semble lié à la mort d’un homme lui vaut… d’être collé au trou. Mais de sa cellule Superma… enfin Captain Future capte un S.O.S. de la part du Holvania, qui vient de prendre feu. Captain Future utilise alors sa super-force pour démolir les murs de sa cellule et s’élance dans le ciel, car il peut voler en suivant les ondes radios émises par le navire en détresse…

La technique lui permet de retrouver rapidement le Holvania en feu. Mais, se cachant à bord, il découvre aussi le but de la manœuvre : Le bateau transportait en effet un chargement d’or : « Je me demande comment les bandits pensent pouvoir s’en emparer ! » pense intérieurement Captain Future. Mais bientôt un hydravion surgit dans le ciel et tire sur les chaloupes des survivants. Les Chevaliers de la Peste Pourpre sont décidés à ne laisser aucun témoin ! A bord, Captain Future observe la scène tout en étant impuissant. Il se cache donc jusqu’à ce que les bandits montent à bord pour chercher l’or. Captain Future décide alors d’un étrange plan : « Je dois m’assurer qu’ils récupèrent l’or avant que le navire coule ! Je pourrais toujours les traquer après ! ». D’ailleurs les voleurs eux-mêmes sont conscients de l’impératif de temps. Ils doivent quitter le bord à toute vitesse avant que le Holvania explose. Mais l’or est tellement lourd qu’ils n’emmènent qu’une caisse. Resté à bord, Captain Future surgit en criant « Vous n’y arriverez jamais à temps, les gars, vous avez besoin d’aide ! ». Et, assez incroyablement, le héros lance les caisses restantes sur le canot des voleurs, passablement surpris. En fait il s’agit sans doute d’une manière de se moquer d’eux et, peut-être aussi, de sauver l’or puisque les passagers, eux, sont au-delà de toute aide. Mais quelques secondes plus tard le Holvania explose et la bande peut souffler : « Ca règle le compte de ce crétin, qui qu’il soit ! Allons-y ! ».

Mais en fait il faut bien plus pour venir à bout de Captain Future. Le héros se focalise sur les impulsions électriques laissées par le décollage de l’hydravion pour voler à la suite de l’engin. Il le rattrape et passe à travers une des cloisons : « J’ai besoin d’une adresse postale pour ce que vous transportez ! Où l’emmenez-vous ? ». Pas décidés à répondre aux questions de l’intrus, les Chevaliers de la Peste Pourpre sortent leurs armes et lui tire dessus. Sans surprise pour les lecteurs de comics, Captain Future s’avère être à l’épreuve des balles (comme son modèle de DC). Evidemment, c’est ensuite à son tour d’attaquer et les bandits ne s’avèrent pas à l’épreuve des baffes. Bientôt toute la bande est neutralisée à l’exception du pilote, que Captain Future s’efforce de faire parler. Mais après avoir fait mine de céder, le prisonnier se précipite à l’extérieur, sautant en parachute après avoir saboté les commandes de l’avion : « Peut-être que ce type est un sorcier, mais je l’ai bien fait tourner en bourrique ! ».

Vraiment ? Si dans un premier temps Captain Future s’efforce de reprendre les commandes et de sauver l’avion, celà s’avère impossible. Le héros ne perd donc pas plus de temps à sauver la bande restée à bord (à l’époque les héros ne s’encombrent pas avec les criminels) et s’élance à la suite du fuyard. Bientôt Captain Future a rattrapé l’homme en parachute, qui croit halluciner. Le héros lui explique alors que lui n’a pas besoin d’un parachute et qu’il veut s’assurer que l’homme ne prendra pas la fuite. Quand ils touchent terre, l’avion explose non loin de là. Et Captain Future tente alors une autre approche : « Alors tu te pose la question aussi, hein ? ». Le parachutiste est surpris mais le héros lui explique : « Tu te demandes ce que la Peste Pourpre va faire maintenant que l’avion s’est écrasé alors qu’il transportait pour 20 millions de dollars ! Pas la peine de mentir… Je peux lire dans ton esprit ! ».

Le parachutiste est passablement surpris. Le lecteur aussi, en un sens, car si Captain Future peut réellement lire dans l’esprit de ses adversaires alors à quoi bon poser des questions où passer par tous les efforts vus dans cet épisode alors qu’il aurait suffit de lire dans l’esprit de Devlin pratiquement au début de l’affaire ? Mais, rapidement, Captain Future reçoit une autre « transmission »: « Quelqu’un dans ton avion a envoyé un message radio en demandant de l’aide avant le crash ! Je dois protéger cet or ! ». Là aussi on tiquera une nouvelle fois sur la manière dont les pouvoirs de Captain Future fonctionnent. Si le message radio a été envoyé avant le crash, comment expliquer que le héros ne le « capte » que bien après ? Dans l’immédiat Captain Future se dépêche d’emmener le pilote jusqu’à la prison d’état, en volant : « Un coup de chance que l’avion se soit écrasé à proximité de New York, je vais gagner du temps à faire l’aller-retour ! ».

En fait, Future est pressé de revenir au site du crash car il se doute qu’il va y trouver les gens à qui était destinée la transmission, qui seront venus chercher l’or. Au début, pourtant, on dirait qu’il a manqué sa cible. Il n’y a que des secours : Un docteur et un infirmier venus avec une ambulance. Captain Future s’étonne : « Est-ce que la police ne devrait pas être là, docteur ? ». Le médecin est alors assez sec et lui ordonne de ne pas s’en mêler. Mais, intrigué, le héros capte alors une pensée du docteur: « Le crétin curieux ! Si la police découvrait ce qu’il y a dans l’ambulance, nous serions coffrés ! ». Comprenant alors que ces « secours » sont en fait d’autres Chevaliers de la Peste Pourpre, Captain Future laisse alors parler ses poings…

Ce qui est d’un très mauvais effet quand la vraie police arrive et qu’elle trouve Future en train de tabasser des gens qui passent pour des infirmiers. D’autant qu’on le reconnaît comme celui qui a déjà semé le chaos un peu plus tôt. Mais néanmoins, pour le calmer, un agent de police accepte de se plier à son caprice. Puisqu’il insiste sur le fait qu’il y a quelque chose dans l’ambulance, on va l’inspecter pour lui prouver qu’il a tort… Mais à ce moment-là le véhicule démarre en trombe et les portes arrière s’ouvrent. Les gangsters déguisés infirmiers tirent sur les policiers et plusieurs s’effondrent, touchés. Seul Captain Future est encore en état de les arrêter. Il s’élance vers un proche poteau de lignes téléphoniques et tire dessus, de manière à ce que les autres poteaux qu’on trouve au long de la route sortent de leur emplacement et bloquent le passant. C’est à ce moment-là que le scénariste pense à une astuce pour équilibrer un peu le rapport de force. Il se produit un « orage électrique » qui a pour effet de cour-circuiter les pouvoirs de Captain Future. Le héros, désormais incapable de voler, s’écrase à terre. Il est inconscient mais le gang de l’ambulance l’a aperçu et décide de l’embarquer : « Le patron sera content qu’on lui ramène ce type ! ».

Quand Captain Future revient à lui, il est enchaîné dans un cachot. Mais l’effet de l’orage s’est estompé et le héros retrouve ses pouvoirs en quelques instants. Il peut alors briser ses chaînes… Mais il est interrompu dans son évasion par une nouvelle réception télépathique (ou « radio », ce n’est pas très clair). Il « capte » les propos du leader de la Peste Pourpre en train d’annoncer à ses troupes qu’ils ont désormais l’or convoité (qui avait visiblement été chargé dans la fausse ambulance). De mieux en mieux : Captain Future ne fait pas que capter les paroles prononcées ailleurs, il perçoit aussi des images de télévision (il faut croire que le leader des conjurés est en train de parler à ses troupes à travers le pays grâce à un message télévisé). Captain Future peut ainsi voir à quoi ressemble le chef de ses adversaires : « Alors c’est à que tu ressemble, hein ? Je pense que je vais te rendre une petite visite de courtoisie ! ».

Comme lorsqu’il était prisonnier de la police, Captain Future n’a pas de problème pour s’évader. Il brise la porte de sa cellule d’un simple coup de poing et se rend jusqu’à la « salle du conseil » de la Peste Pourpre : « Je veux cet or, espèce de voleur assassin. Sinon je détruirais cet endroit ! ». Mais là, surprise : Le leader de cet ordre n’est pas vraiment impressionné par la force que possède le héros : « Crétin ! Mes gardes robots vont s’occuper de toi ! ». Et oui ! Visiblement la Peste Pourpre (qui semble être le nom du leader) est par ailleurs un savant fou, qui s’est équipé de plusieurs serviteurs robots assez massifs. Des machines de grande taille qui se ruent vers Captain Future en criant « Tuer ! Tuer ! Tuer ! », ce qui n’est jamais un très bon signe. Mais la Peste Pourpre a juste oublié un détail. Il compte utiliser des robots… contre un personnage capable de lancer des décharges électriques. En moins de temps qu’il en faut pour l’écrire, les robots sont donc court-circuités et incapables d’agir. Et pour marquer le coup, Captain Future les détruit en utilisant son super-punch. Les hommes de la Peste Pourpre tentent alors de jouer la carte du nombre. Ils se précipitent vers le héros pour essayer de le submerger. Au point que dans un premier temps le leader du groupe croit que Captain Future s’est à nouveau « déchargé » et qu’ils ont l’avantage. En fait, Captain Future « branche » à nouveau ses superpouvoirs et électrocute les hommes qui le touchent. Il se forme alors comme une chaîne humaine et tous les gangsters sont frappés par des éclairs. Ne reste plus qu’à assommer Mr. Peste Pourpre lui-même (on remarquera que Captain Future aime ponctuer chaque usage de ses propriétés électriques par un coup de poing « final »).

Ne reste plus qu’à livrer toute la bande à la police. On retrouve donc Captain Future un peu plus tard au commissariat, une fois que tous les malentendus le concernant ont été réglés. Non seulement il est innocent mais on lui reconnaît alors comme le héros qu’il est. Un des policiers tient même à s’excuser et à lui serrer la main, sans rancune. Mais Captain Future en profite pour lui donner une poignée « électrique », pour marquer le coup… Et pour suivre la guerre de Captain Future contre la pègre, le narrateur nous informe qu’il faudra attendre le prochain numéro ! Le récit est bancale par endroits (par exemple l’intervention soudaine de robots, renvoyés aussi vite dans les cordes) mais, objectivement, en 1940, de nombreuses histoires de DC, Timely/Marvel ou Fawcett ne volaient guère plus haut.

On l’a noté en plusieurs endroits de cette chronique, mais Captain Future est assurément le Superman de cet éditeur, le côté électrique en plus. Ou en tout cas l’un des Supermen, au même titre que Black Terror et d’autres personnages publiés par les sociétés de Ned Pines. Il faut aussi citer un autre modèle: le méconnu héros électrique Shock Gibson, publié à partir de 1939 par le concurrent Harvey Comics. Mine de rien, Captain Future allait apparaître dans une quarantaine de numéros de Startling Comics auxquels il convient d’ajouter quelques histoires annexes parues dans America’s Best Comics. La carrière de ce héros qu’on ne peut pas vraiment totalement présenter comme « original » s’étend donc de 1940 à 1947, ce qui bien plus qu’une bonne partie des sociétaires de la JSA chez DC ou des héros Marvel du Golden Age. Au fil de ses aventures Andrew Bryant ferait également la connaissance de sa dulcinée, la femme détective Grace Adams (qu’il devrait régulièrement sauver) et le talon d’Achille du héros se préciserait. Au lieu d’avoir recours à un « orage électrique » aléatoire on expliquerait par la suite que ses pouvoirs ne fonctionnent qu’un temps et qu’une fois déchargé il a besoin de passer à chaque fois sous les rayons Gamma de sa machine. Pour les fans de DC, l’idée fait un peu penser à Green Lantern qui doit recharger sa batterie de manière régulière. Mais c’est aussi un aspect qu’on trouvait également dans les aventures de Shock Gibson.

Captain Future étant (comme les autres héros des comics publiés par Ned Pines) tombé dans le domaine public, il a fait l’objet de plusieurs « retours » modernes chez des éditeurs différents. Le premier d’entre est AC Comics, petitconnu pour son utilisation intensive des super-héros libres de droits. On a pu apercevoir Captain Future parmi les membres du N.E.D.O.R. (une sorte de Justice Society réunissant les héros de Pinse) dans Sentinels of America (2003). Ensuite, Andrew Bryant a un petit rôle chez DC/Wildstorm, dans la seconde minisérie Terra Obscura (où Alan Moore, Peter Hogan et Yanick Paquette utilisaient également les héros de Pines). Dans cette histoire, le Thunderbolt, le vaisseau spatial de Captain Future est repéré dans l’espace mais il est prisonnier d’un paradoxe temporel. Un vaisseau spatial ? Un paradoxe temporel ? Ca ne colle pas avec les caractéristiques de la version Andrew Bryant de Captain Future mais plus avec le héros futuriste lancé par Mort Weisinger et Ed Hamilton dans les pulps (d’ailleurs le héros est représenté comme blond dans cette série, alors que le « vrai » Bryant était brun). Il semble bien que Moore et Hogan se sont servis du nom de Bryant pour mieux pouvoir utiliser l’autre Captain Future (Le « Capitaine Flam » que nous évoquions en début de chronique). D’ailleurs en plusieurs endroits Andrew Bryant est considéré comme étant le plus grand « science hero » du monde de Terra Obscura. Et si Bryant était effectivement un savant, il ne fait nul doute qu’on pense plus à l’autre Future en lisant la description qui est faite de lui. Membre de la S.M.A.S.H. (autre équivalent de la Justice Society réunissant les héros de Pines), ce Captain Future est supposé avoir tué Hitler à la fin de la seconde guerre mondiale. Il survit aux évènements de Terra Obscura II et retourne sur Terre après avoir vieillit un peu (du coup ses cheveux sont blancs désormais). Il est d’abord rebaptisé Colonel Future puis (si on en croit America’s Best Comics ABC: A-Z) devient le président des USA de cette réalité.

Enfin, Captain Future fait également partie des héros du Golden Age ramenés par un troisième éditeur, Dynamite. Mais dans Project Superpowers II, Alex Ross et Jim Krueger ont donné un rôle central à Captain Future, tout en le modifiant considérablement (pour mieux pouvoir enregistrer les droits de leur version des personnages, Dynamite est obligé d’induire des différences notables avec les héros du domaine public). C’est à dire que le Captain Future de Dynamite commence par se comporter de manière assez curieuse, soudain sujet à de violentes colères mais se laissant aussi aller à ses plus bas instincts (l’histoire insinue lourdement qu’en plus d’être un serial-killer c’est aussi un violeur). Un effet différé des rayons gamma ? Non, car les autres héros réaliseront finalement que Captain Future est en fait le dieu Zeus (qui sous la forme d’Andrew Bryant était visiblement amnésique). Il faut donc comprendre que là où « Bryant » pensait avoir découvert la source de nouveaux pouvoirs, il n’avait que réveillé ses capacités naturelles et Zeus étant le dieu de la foudre… On notera au passage que puisque Captain Future cultive une certaine ressemblance avec le Captain Marvel (Shazam) du Golden Age, le fait de le lier à Zeus est une autre manière de le rapprocher de l’archétype du héros de Fawcett Comics (Zeus étant le « Z » dans ShaZam). C’est une manière de faire d’Andrew Bryant (qui n’avait pourtant pas le moindre lien avec la mythologie à la base) une sorte de Captain Marvel qui aurait mal tourné… Captain Future/Zeus, ayant désormais retrouvé la mémoire, devient un vrai danger public. Il se comporte comme le Zeus de la mythologie, c’est à dire qu’il veut régner sur le monde sans la moindre considération envers les humains, qu’il massacre pour s’amuser. L’essentiel de la maxi série Project Superpowers II est donc consacré à le combattre… Ce Captain Future maléfique se distingue aussi par une caractéristique visuelle : l’éclair représenté sur sa poitrine va de gauche à droite alors que la version classique portait un éclair qui allait dans l’autre sens.

Mais Captain Future n’a pas laissé des traces que chez ces trois éditeurs. Il a aussi refait surface chez… Marvel Comics ! Carrefour de plusieurs inspirations, il semble ironique que ce Captain Future ait à son tour donné lieu à une certaine forme d’héritage. D’abord, il y a le fait qu’Andrew Bryant soit un des premiers héros dont les origines soient liées aux (par la suite) fameux rayons Gamma. Faudrait-il y voir un lointain ancêtre d’Hulk ? Pas vraiment. Les origines du plus tardif Bruce Banner sont à tous les niveaux différentes de celles d’Andrew Bryant. Difficile d’y voir autre chose qu’une utilisation du terme « rayon gamma », qui plus est avec des effets qui sont loin d’être similaires. Le géant vert a été créé par l’explosion d’une « bombe gamma », pas par une machine à émettre des rayons.

Par contre, il convient de souligner que Captain Future a bien « enfanté » un personnage périphérique de Banner : Dans Incredible Hulk #141 (Juillet 1971) le docteur Leonard Samson utilise une machine à rayons gamma pour acquérir une force herculéenne (mais pas de pouvoirs électriques pour le coup). Seulement, si on regarde bien le costume du dénommé Doc Samson, on découvre qu’il s’agit d’une sorte de mise à jour de celui de Captain Future. Qui plus est le scénariste d’Incredible Hulk #141 n’est autre que Roy Thomas, grand spécialiste du Golden Age, qui ne pouvait guère ignorer l’existence du Captain Future de 1940. Doc Samson est donc un clin d’œil qui reconnaît, à un certain niveau, l’existence d’un prédécesseur de Banner pour ce qui est de la recherche sur les rayons Gamma…

Malgré toutes ces incarnations ce précurseur reste cependant largement méconnu et la plupart des lecteurs qui auront vu Andrew Bryant dans Terra Obscura ou Project Superpowers n’auront sans doute pas réalisé qu’ils croisaient au passage le maillon manquant entre Superman et Hulk…

[Xavier Fournier]

PS: Voilà pour le dernier Oldies But Goodies de 2012, terminez bien l’année et rendez-vous en 2013 !

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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