Oldies But Goodies: Strange Tales #84 (Mai 1961)

[FRENCH] C’est bien avant X-Men #1 ou même avant Fantastic Four #1 que Marvel s’est offert sa première version de Magneto. Un personnage aux pouvoirs magnétiques, comme son surnom l’indique, mais qui n’est pas pour autant un mutant. Ce rejeton de Stan Lee et Jack Kirby anticipait pourtant déjà une bonne partie des règles de l’univers Marvel.

Magneto ! Voici un nom de nos jours bien connu par tout amateur de comics qui se respecte. Mais en mai 1961 il désignait un personnage radicalement différent de ce à quoi le fan moderne est habitué. C’est dans l’anthologie Strange Tales (#84) qu’on fait la connaissance de « Magneto, the Wonder of the Ages » (« Magneto, la merveille de son temps »). Dès la première image, le style bien particulier de Jack Kirby et de son encreur Dick Ayers nous présentent un colosse aux mains immenses. Mais sa stature ne se limite pas à une force au delà du commun. Le geste de sa main fait vaciller des immeubles. S’il est surnommé Magneto, ce n’est pas par hasard. Et le narrateur lance alors l’histoire avec ce commentaire : « Le pouvoir d’attirer ! Et le pouvoir de repousser ! Telles sont les qualités d’un aimant ordinaire ! Mais qu’arriverait-il à une Terre sans défense si un être vivant recevait ces pouvoirs ? Voici l’étrange histoire de celui qui posséda ce pouvoir fantastique, de celui nommé MAGNETO ! ».

Mais le récit débute en s’intéressant d’abord à quelqu’un de bien plus anodin que l’imposant Magneto entrevu sur la première page. C’est au contraire un maigrichon, un escroc qui va de ville en ville, qui occupe les premières cases. Alors qu’il se dirige vers un nouvel endroit pour se trouver de nouveaux pigeons, l’homme perd le contrôle de sa voiture. L’engin sort alors de route et part sur le bas côté, d’une manière qui nécessitera forcément de l’aide pour en sortir. L’homme peste : « Pas de chance ! Maintenant je vais devoir marcher jusqu’au téléphone pour appeler un camion de dépannage pour ramener cette caisse sur la voie… Et si je suis bon juge, il n’y pas de téléphone avant des kilomètres ! ».

Mais pendant que l’homme est parti chercher de l’aide, un étrange spectacle se produit. Deux énormes mains se saisissent de la voiture et la soulèvent sans effort apparent. Quand le conducteur revient avec un dépanneur, ils sont la surprise de trouver l’auto sur la route, comme si l’accident ne s’était jamais déroulé. Mais ils font une étonnante rencontre : un géant chauve haut de huit pieds (soit en gros 2,5 mètres). Le nouvel arrivant explique « J’ai pensé que la place de votre voiture était sur la route. Alors je l’ai remise là. J’espère que je n’ai rien fait de mal ! ». Le grand chauve a l’air d’être un peu simple. Et le conducteur est sidéré. Le dépanneur l’est moins. Il connait bien le grand bonhomme. Il s’agit d’un habitant du coin, Hunk Larken, « l’homme le plus for du pays » mais qui n’a pas beaucoup de cervelle. Notre escroc en transit comprend immédiatement le profit qu’il peut tirer d’un tel costaud pas très éveillé : « Hunk, avec ta force, tu n’as pas besoin d’un cerveau ! Que dirais-tu de venir avec moi jusqu’à la grande ville ? Est-ce que tu aimerais faire carrière dans le sport avec moi qui serais ton manager ? ».

Hunk est un peu surpris de l’offre et bafouille, sans savoir trancher. Mais l’escroc insiste : « Écoutes mon gars, c’est une énorme chance pour toi ! Une chance de devenir fameux et de te faire beaucoup d’oseille ! Tu n’as rien à perdre ! Allez quoi, qu’est-ce que tu en dis ? Tu viens avec moi ? ». Hunk se laisse finalement convaincre « J’imagine que je n’ai rien à perdre ». Avant qu’il puisse changer d’avis, l’escroc a chargé celui qu’il surnomme « King Size » (« taille royale ») dans la voiture (du coup s’il faut en juger par les proportions, l’automobile est vraiment énorme puisque les vitres paraissent à la taille d’Hunk et que sa tête ne touche pas le plafond). Quand ils arrivent en ville le nouvel agent d’Hunk ne perd pas de temps et commence à faire le tour des équipes de baseball. Tous les managers rêvent d’avoir un joueur de cette taille dans leur effectif. L’ennui c’est qu’Hunk n’est pas une lumière et que les premiers tests sont désastreux. Une fois sur le terrain, il n’a pas la moindre idée de ce qu’il doit faire avec le ballon… et est donc incapable de jouer. Quand on lui dit de le mettre dans le panier, Hunk se trompe de camp, déclenchant l’hilarité générale. Il est donc chassé du club et son agent décide de le tester sur d’autres sports. Mais au Baseball Hunk ne se révèle pas plus utile. Il n’est pas capable de lancer ou d’attraper la balle. Même à la Boxe, où on pourrait croire ce costaud plus dans son élément, il est trop lent. Un entraîneur explique à l’agent qu’avec d’aussi mauvais réflexes il ne tiendrait pas trois rounds.

A ce moment le récit évolue en quelque chose de totalement différent. Car si depuis le début on suivait la chose à travers les yeux de l’escroc et qu’on pouvait s’attendre à ce qu’un retour de manivelle vienne frapper ce dernier, ce n’est pas tout à fait ce qui se passe.

L’homme comprend qu’il ne pourra pas exploiter la stature d’Hunk comme il le pensait et s’avoue vaincu. Il explique à son « client » qu’il est à cours d’idées et qu’il n’y pas de raison de faire leur faire perdre plus de temps à tous les deux.

L’escroc propose qu’ils se séparent et en restent là. Hunk, toujours aussi influençable, ne peut qu’acquiescer… Mais du coup le voici qui se retrouve seul dans une grande ville qu’il ne comprend pas et sans ressource pour vivre. Alors qu’il est affamé, Hunk passe devant un cirque itinérant et se dit qu’ils auront peut-être du travail pour lui…

Et effectivement le directeur du cirque a du travail pour lui… mais comme phénomène de foire. Hunk n’est pas trop regardant. Après tout un travail est un travail. Mais le voici bientôt vêtu d’une peau de bête, présenté comme une moquerie de la nature : « la monstruosité moderne ! ». La foule est ébahie devant le colosse… jusqu’au jour où un passant se moque un peu trop d’Hunk, lui demandant ce que ça fait d’être la chose qui se rapproche le plus du fameux « chainon manquant ». Assez curieusement si Hunk n’a pas la moindre idée de comment on joue au Basket il est quand même familier avec le terme « chainon manquant » et s’offusque que l’homme se moque de lui. Il lui demande d’arrêter mais l’autre insiste: « Ah mais dis donc en plus tu sais parler ? C’est encore mieux que les chimpanzés au zoo ! Ha ha ha ! ». Cette fois c’est trop pour Hunk, qui s’empare de l’homme et le soulève. L’autre s’excuse alors piteusement en expliquant qu’il ne pensait pas vraiment ce qu’il disait. Mais le directeur du cirque a aperçu la scène. Il est furieux… contre Hunk : « Qu’est-ce que tu tentes de faire ? Me faire avoir des ennuis avec la Loi ? Prends ton salaire et tires toi ! ». Hunk se retrouve à nouveau dans la rue et sans travail : « Je dois trouver du boulot mais personne ne m’en donnera ! Tout ce que les gens veulent, c’est rire de moi ! ».

Mais alors qu’il passe devant un magasin de vente de téléviseurs, il observe un flash d’information. Il y est expliqué que le gouvernement a rencontré beaucoup de candidats mais n’a pas encore sélectionné le premier humain qui sera envoyé dans l’espace. Petite remise en contexte : Strange Tales #84 porte sur sa couverture la date de mai 1961. Mais selon les convenances des comics de l’époque, il est antidaté (c’est une astuce pour que les vendeurs de kiosques ne considèrent pas les revues comme périmées) et est sorti en gros deux à trois mois avant cette date. Début 1961, quand Stan Lee et Jack Kirby s’affairent sur cette histoire, aucun humain n’a jamais mis les pieds dans l’espace. Mais l’ironie du sort veut que la chose change alors que Strange Tales #84 est en vente, et que le « premier humain dans l’espace » ne sera très certainement pas sélectionné par le gouvernement américain comme l’envisagent les deux auteurs. Le 12 avril 1961 c’est sera au contraire le Soviétique Youri Gagarine qui deviendra officiellement le premier homme dans l’espace. La précision est importante car on pourrait croire, en se référant à la date de couverture, que cette scène d’un numéro de Strange Tales estampillé de mai 1961 est une réaction à Gagarine, produite en quatrième vitesse, alors que ce n’est pas le cas.

Comme il n’a rien à perdre Hunk Larken se présente au centre de recrutement, où les militaires sont impressionnés par sa carrure : « Je pense que c’est une bonne idée ! Avec sa force et son bas niveau d’intensité nerveuse, il aurait de bien meilleures chances de survie que tous ceux que nous avons pu voir ! ». Une fois Hunk accepté, les choses s’enchaînent vite. Bien sûr il faut construire une combinaison spatiale à sa taille, changer la taille de l’habitacle dans la fusée… Autant de choses qui font que, techniquement, la NASA aurait refusé catégoriquement un astronaute de la taille de Hunk. Mais ici il faut croire que le prototype de fusée utilisé ne peut vraiment pas être dirigé par un pilote de constitution normale. Bientôt l’heure du lancement arrive… La fusée décolle et quitte l’atmosphère terrestre. Le centre de commandement contacte alors Hunk Larken par radio pour savoir comment il s’en tire. Il répond qu’il va très bien mais qu’il observe une sorte de nuage juste devant la fusée. Oui, un nuage dans l’espace. Le narrateur explique : « C’est un accident qui avait une chance sur un million de se produire ! Une brume cosmique d’antimatière radioactive, qui dérive sur la trajectoire du vaisseau ! De l’antimatière radioactive et mortelle ! Capable de pénétrer des molécules de bois, de fer, d’acier, de plastique… Tout dans l’univers entier ! ». Bon, en fait l’antimatière et la matière ne sont pas supposées pouvoir coexister aussi facilement dans le même espace mais ce n’est pas ce qu’il faut retenir de la scène. De fait, les radiations traversent alors les parois de l’engin et Hunk est baigné par cet élément étrange…

Se sentant mal, Hunk déclenche alors la procédure d’urgence, qui provoque son retour vers la Terre. Bientôt sa capsule se pose tranquillement, ralentie par un parachute. A l’intérieur les officiels trouvent Hunk inconscient, mais qui revient doucement à lui. Mais alors qu’il lève la main pour montrer l’endroit à travers lequel la brume s’est infiltrée dans le vaisseau, l’incroyable se produit. Tous les instruments métalliques de la capsule se mettent à flotter dans l’espace. Les interlocuteurs comprennent alors que l’incident à donné des pouvoirs magnétiques à Hunk. Son bras gauche attire les choses, comme un aimant. Et à l’inverse son bras droit produit l’effet inverse, il repousse les choses ! Il est devenu un aimant vivant !

On aura compris que Stan Lee et Jack Kirby exécutent ici une manœuvre qu’ils réutiliseront quelques mois plus tard dans Fantastic Four #1 (1961) : l’astronaute transformé dans l’espace par des radiations et qui revient sur Terre avec des superpouvoirs. En fait c’est un élément d’histoire que Kirby lui-même avant utilisé bien avant, dans Challengers Of The Unknown #3 (Août 1958) que nous avons déjà traité dans un précédent Oldies But Goodies. Dans cet épisode c’est le Challenger Rocky qui revenait de l’espace dans un état transformé, possédant non seulement différents pouvoirs surhumains mais ayant également changé de personnalité (il devient alors un vrai danger public et se retourne contre les autorités).

Dans Strange Tales #84 la patte de Kirby devient évidente puisque la situation est la même. Non seulement Hunk a des pouvoirs énormes mais sa mentalité a également été modifiée par l’incident. Alors que les gens qui l’entourent commentent sa puissance supposée, parlent de l’emmener à l’hôpital pour lui faire subir une batterie de test, Hunk prend une expression intense… Comme le dit le narrateur : « Alors qu’il quitte la capsule, une pensée sinistre naît dans son esprit ! ». Hunk repense alors à tous les gens qui se sont moqués de lui « Mais maintenant… maintenant j’ai les moyens de changer la donne ! Je vais montrer au patron du cirque et à tous les gens de la ville que ce n’est pas bien de rire de moi ! ». Hunk prend alors la fuite tandis que les gens du programme spatial réalisent que les radiations doivent avoir affecté son esprit. Le premier geste d’Hunk est de faire voler loin de lui une voiture qui lui barre la route. Cette fois rien à voir avec la scène du début : il n’a pas besoin de ses muscles et l’automobile vole comme si elle n’était qu’un brin de paille. Le jour suivant Hunk retrouve le cirque où il travaillait : « Quand j’aurais fini avec eux, ils penseront qu’ils ont été frappé par un cyclone ! ». Et effectivement dès qu’il lève la main, le cirque est projeté dans les airs, le chaos explose.

Mais se venger du cirque ne suffit pas. Hunk décide d’attaquer une banque : « J’avais besoin d’argent avant pour ne pas avoir faim. Et bien maintenant je vais avoir tout l’argent dont j’aurais besoin, juste en levant mon bras ! Cette fois je fais venir les choses à moi, comme si elles le voulaient ! Ha ha ha ! ». Un garde tente bien de s’interposer : « Même s’il est grand comme une maison, quelques balles devraient le calmer ! ». Mais l’homme n’a pas le temps de tirer, un geste de la main d’Hunk suffit à l’envoyer voler au loin. C’est à ce moment que l’escroc que nous avions vu au début refait son entrée dans le récit. Il est en train de jouer au billard quand il entend un bulletin TV qui parle de « ce géant magnétisé que les journaux ont surnommé… Magneto… Il fait paniquer toute la population ! Maintenant il entraîne son bras gauche sur un entrepôt désaffecté ! Il fait trembler tout l’immeuble ! C’est incroyable ! ». L’escroc/manager reconnaît Hunk Larken : « Je ne sais pas comment il a trouvé ce pouvoir fantastique mais je sais qu’il est en train de ravager la ville ! Il se venge pour la manière dont il a été ridiculisé ! ». Pendant ce temps Hunk est en train de devenir de plus en plus puissant. Installé sur un pont, il soulève un bateau et l’eau qui se trouvait en dessous (en un sens Larken semble plus avoir des pouvoirs télékinésiques que simplement magnétiques).

L’histoire prend un côté très « King Kong » quand l’armée américaine décide d’envoyer des avions pour attaquer le géant. Mais quand ils lui tirent dessus, les balles s’arrêtent avant de le toucher. Pire : Magneto tend le bras et les avions deviennent incontrôlables. Les pilotes doivent s’éjecter et l’attaque tourne à l’échec. Pendant ce temps l’ancien manager décide d’intervenir : « Je dois rencontrer les autorités ! Je dois leur raconter toute l’histoire ! ». Mais Hunk Larsen, de son côté, fait une découverte qui pourrait tout changer. Il arrive difficilement à faire bouger un arbuste devant lui et réalise que ses pouvoirs sont en train de disparaître : « Ce n’est pas permanent, au contraire de ce que je pensais ! Bientôt toute ma puissance sera partie ! Alors la police sera capable de me capturer ! Je n’avais pas pensé à ça ! Que vais-je faire ? ». Hunk prend alors l’habitude de se cacher pendant la journée et de voyager la nuit, espérant échapper à ses poursuivants. Mais un soir, alors qu’il passe à côté d’une maison, il entend un bulletin radio qui annonce le futur lancement d’une fusée entièrement automatisée, qui ne contiendra aucun passager. Hunk décide alors que c’est un moyen inespéré pour lui de s’échapper.

La nuit venue il s’introduit sur la base de lancement. Une sentinelle l’aperçoit et le met en joue. Mais un gradé l’en empêche : « Halte, soldat ! ». Le lendemain la fusée est lancée sans avoir été fouillée. Hunk Larken se retrouve pour la deuxième fois de sa vie dans l’espace et se félicite. Cette fois il est certain qu’il ne sera plus capturé. Mais à sa grande surprise une voix s’adresse à lui à travers un haut-parleur : « Écoutes, Magneto ! Nous savons que tu es à bord de ce vaisseau ! Nous savons aussi que tu es Hunk Larsen et nous avons appris que ce sont les moqueries dont tu as souffert qui t’ont fait nous attaquer ! En raison de l’injustice dont tu as souffert et parce que tu es devenu magnétique alors que tu étais au service de ton pays, nous avons décidé de te pardonner tes mauvaises actions et t’aider en construisant cette fusée pour toi ! ». Hunk est passablement surpris.

Sur Terre, son ex-manager discute avec les autorités : « Je suis content qu’il s’en tire de cette façon ! ». Un policier le remercie : « Si vous n’étiez pas venu tout nous raconter à propos de Magneto, nous l’aurions chassé et exécuté comme un fugitif ! ». A bord de la fusée, le message continue : « Cette fusée contient assez de nourriture pour te permettre de tenir pendant des années ! Elle est équipée de nombreux accessoires pour assurer ta sécurité et ton confort ! Elle s’arrêtera automatiquement à chaque fois qu’elle atteindra une planète semblable à la Terre, jusqu’à ce que tu en aies trouvé une qui te convienne. Car ta taille fantastique fait qu’il est impossible pour toi de connaître le bonheur sur Terre ! Bien que ce ne soit pas ta faute, tu as été traité comme une créature à part ! Alors nous t’envoyons vers les étoiles en priant que tu puisse trouver un nouveau monde, qui t’offrira le bonheur qui t’as été refusé sur Terre ! ». La fusée s’éloigne de plus en plus, devient un point dans l’obscurité intersidérale tandis que résonne la dernière partie du message : « Bonne chance à toi, Magneto ! Puisses-tu trouver ta destinée là-haut ! ». C’est au narrateur de conclure : « Hunk Larsen ne pouvait rien répondre ! Il ne pouvait pas parler ! Ses yeux étaient humides de larmes, son cœur était plein de gratitude ! Silencieusement il énonce une prière de gratitude ! Puis il tourna son regard vers les étoiles, où il savait qu’il trouverait la paix, une fois son voyage terminé ! ».

Cette fin débordant de bons sentiments est surprenante à plusieurs égards. D’abord – d’après ce qu’on voit fans l’histoire – seul Hunk sait qu’il a perdu ses pouvoirs et de ce fait les autorités ne devraient pas être en mesure de deviner qu’il cherche à fuir ou que la perspective d’une nouvelle fusée va automatiquement l’attirer. Qui plus est si l’armée croit qu’Hunk a toujours ses pouvoirs magnétiques, elle devrait le penser capable de diriger comme il le veut la trajectoire de la fusée (et donc de revenir sur Terre s’il le veut). Sous un certain angle ce « piège » n’a pas de sens. Et inversement si les autorités ont deviné que Magneto perd ses pouvoirs, on les imagine mal se donner la peine d’équiper une fusée pour l’envoyer dans l’espace, sans parler de procès ou de dédommagements pour les dégâts causés. Du côté de Hunk, choisir de s’introduire dans la fusée n’avait guère plus de logique puisqu’elle avait été présentée comme un engin automatique. C’est à dire que si on ne lui avait pas menti, Magneto serait arrivé à regagner l’espace, c’est vrai… mais dans un engin automatique il n’y a pas de vivres et il aurait donc du se laisser mourir de faim. A moins que tout ça vienne d’une erreur de narration et que l’idée première d’Hunk ne soit pas de se fuir mais de remonter là-haut en espérant recharger ses pouvoirs s’il était à nouveau passé à travers l’étrange nuage. Là le piège tendu aurait plus de sens…

Bien que l’histoire se situe avant les débuts des Quatre Fantastiques et en dehors de toute indication d’un continuum commun avec l’univers Marvel Moderne, Hunk Larken pourrait sans doute un jour réapparaître dans une BD. Après tout on nous explique que son vaisseau est fait pour durer des années et qu’il va explorer l’espace. Certains héros Marvel actuels (disons les Gardiens de la Galaxie par exemple) pourraient sans doute le croiser. En un sens ce ne serait que justice puisque le personnage n’est pas seulement le précurseur du Magneto plus connu (le terroriste pro-mutant) mais il anticipe aussi, comme nous l’avons vu, un certain nombre de détails propres aux Fantastiques. Plus largement la réaction autour d’Hunk (les moqueries parce qu’il est différent) sont représentatives de ce qui sera plus tard une des lignes conductrices de l’univers Marvel, à savoir que l’opinion publique se montre toujours défiante de ce qui sort de la norme. Dans les mésaventures d’Hunk Larsen il y a déjà un peu de la paranoïa qu’on retrouvera plus tard quand les citoyens de l’univers Marvel croiseront des monstres comme la Chose ou des héros comme les X-Men. Bien sûr il y aurait le problème de la confusion possible avec l’autre Magneto mais Marvel y a déjà répondu en réimprimant l’histoire dans Monsters on the Prowl #24 et en faisant usage cette fois du surnom « Magnetor » avec un « R ». Et puis comme à la fin de l’histoire Hunk n’a plus aucun pouvoir magnétique, son nom de code ne se justifierait plus de toute manière. Tout au plus pourrait-on revenir au surnom que lui donne son manager dans la première partie du récit, en référence à sa grande taille : « King Size ». Finalement le principal obstacle en termes de continuité serait que si, quelques mois avant le lancement de la fusée des Quatre Fantastiques, il y a déjà eu un astronaute irradié et transformé, Reed Richards serait vraiment impardonnable de ne pas avoir pensé à revoir le doublage de sa propre fusée (avec les résultats qu’on connaît)…

[Xavier Fournier]

Xavier Fournier

Xavier Fournier est l'un des rédacteurs du site comicbox.com, il est aussi l'auteur de différents livres comme Super-Héros - Une Histoire Française, Super-Héros Français - Une Anthologie et Super-Héros, l'Envers du Costume et enfin Comics En Guerre.

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