La jeunesse de Namor contredisait également la première apparition de Namora, qui établissait qu’elle et Namor ne s’étaient rencontré qu’à l’âge adulte (date à laquelle elle décidait de porter le surnom de Namora). Dans cette jeunesse réinventée, Namora et Namor avaient finalement été élevés ensembles et se connaissaient donc très bien depuis l’enfance. Ces aventures rétroactives montrait aussi Namor découvrant des choses « simples » qu’il n’aurait pas pu observer sous l’eau (un récit entier est consacré à sa première rencontre avec le feu). Et dans Sub-Mariner Comics #42 (octobre 1955), Namor allait carrément faire la connaissance d’un mystérieux bienfaiteur… Ce genre d’histoires se déroulant avant que Sub-Mariner tourne sa colère contre l’humanité, tout se passait du coup bien avant que les navires humains délogent le peuple des Sub-Mariners (le terme Atlantéens n’a été réellement utilisé par Marvel qu’à partir des années 60, à plus forte raison puisque l’endroit originel n’était pas dans l’Atlantique) de l’emplacement initial de leur royaume, dans l’Antarctique.
Comme le résume le narrateur : « Tournant en arrière les pages de l’histoire de la jeunesse de Sub-Mariner, nous le retrouvons dans une de ses humeurs curieuses, explorant une crevasse dans le vaste champ de glace qui recouvre sa froide demeure sous-marine… Il pénètre dans une grande chambre glacée et reste bouche bée d’étonnement!« . Il faut dire qu’il y a de quoi. Sa découverte est un grand géant de glace, juché sur un trône…
Une semaine passe et le royaume sub-aquatique est menacé par la famine : les troupeaux de phoques et de morses qui constituent l’essentiel de l’alimentation du peuple disparaissent de la région. Bientôt c’est la panique générale, les gens de demandant avec angoisse s’ils ne vont pas tous mourir de faim. Le jeune Namor prend alors la parole devant la cour pour faire part d’un plan qui permettrait de capturer les phoques et les morses des environs mais… quand il s’est expliqué il devient la risée générale. Il vient de leur expliquer qu’avec l’appui de son ami, le Ice King, il pouvait créer une sorte de banc d’icebergs qui bloquerait les bêtes. Et comme personne ne croit à l’existence d’un Ice King, Namor passe pour une sorte de demeuré. C’est donc seul que le héros retourne à la grotte du géant pour lui expliquer son plan. Le Ice King est beaucoup plus amical… « Ce que tu propose n’est pas si ridicule, petit homme ! Entre nous, je crois que nous pouvons y arriver !« .
Bientôt les deux personnages se retrouvent au fond de l’océan. Namor rapproche les icebergs les uns à côté des autres et le Ice King utilise son souffle froid pour que la glace « soude » les blocs les uns aux autres. Du coup, c’est comme si un enclos artificiel avait été créé, enclos dans lequel la race de Namor (dépeinte à l’époque comme ayant la peau verte) peut tranquillement capturer les bêtes nécessaires à ses besoins. Mais les amphibiens sont curieux. Qui donc a pu créer un piège si fantastique. Quand ils aperçoivent Namor, ils pensent qu’il sait peut-être qui a agit. Mais quand le héros leur parle à nouveau du Ice King, ils se moquent à nouveau de lui. Ce qui n’est pas déclencher la colère du prince : « Crétins ! Imbéciles ! Je vous dis la vérité ! Il y a un Ice King et il m’a aidé à construire ce piège ! Vous ne pensez pas que j’aurais pu faire tout ça seul, non ?« . Condescendants, les autres lui répondent que, oui, ils se doutent bien qu’il n’a pas pu créer ce piège mais que ce n’est pas une raison pour inventer des histoires à dormir debout… Vexé, Namor leur rétorque alors qu’il va amener le Ice King devant eux et qu’ils ne pourront plus douter de sa parole…
Au demeurant il est difficile de ne pas faire le rapprochement entre le Ice King et Jack Frost, un autre personnage polaire capable de maîtriser le froid pendant le Golden Age (et membre de la Liberty Legion). Si ce n’est que Jack Frost a la taille normale d’un humain et que lui réside dans l’Arctique, pas dans l’Antarctique (autrement dit à l’autre bout du globe). En fait, par sa stature le Ice King fait aussi penser à un autre personnage de Marvel : le démon de glace Ikthalon (adversaire du Son of Satan), qui a à peu près la même taille (même si le visage est différent). Quand à la manière qu’a le Ice King de se manifester seulement une fois tous les dix ans, elle fait penser encore à la mythologie d’un autre héros de l’éditeur. Dans les aventures d’Iron Fist, la cité mythique de K’un L’un est supposée n’apparaître sur Terre qu’une fois tous les dix ans. Ce ne sont donc pas les pistes qui manquent pour expliquer l’existence du Ice King même si, inversement, rien ne permet de privilégier une hypothèse plus qu’un autre. Le discours du personnage selon lequel Namor et lui se sont mutuellement aidés par le passé laisse également perplexe. A moins de se souvenir que dans l’épisode originel de Sub-Marine, dans Marvel Comics #1, le bateau de son père est prisonnier des glaces, ce qui provoque sa rencontre avec la Princesse Fen (et donc indirectement la naissance de Namor). Serait-il possible que le Ice King, ici auteur d’un pièce de glace pour retenir les animaux, aurait utilisé un stratagème similaire quelques années auparavant pour causer la naissance du héros ? Une chose est sure. Depuis 1955 on n’a pas revu le Ice King, qui reste cependant un allié potentiel pour Namor a tout moment (comme on n’est pas sur de la date de cette rencontre, il suffit de dire que l’anniversaire approche). Avec quand même cette étrange limitation que personne ne doit voir le Ice King autre que la personne qu’il aide…
Même s’il ne devait jamais revenir à l’ère moderne, cet étrange bonhomme reste le dernier super-personnage identifiable que Marvel/Atlas aura produit à la fin du Golden Age. Passé ce numéro de Sub-Mariner Comics, Martin Goodman déciderait en effet d’arrêter les frais (comprenez: arrêter de publier des histoires de super-héros). L’ironie du sort veut que Sub-Mariner Comics #42 soit paru en octobre 1955. Un mois plus tard, dans Detective Comics #225, DC Comics lancerait son premier héros du Silver Age, le Martian Manhunter, signe avant-coureur d’un renouveau qui serait popularisé, l’année suivante, par l’apparition du deuxième Flash (Barry Allen). A quelques mois près, avec un peu plus de patience, Goodman (et par conséquent Marvel) aurait pu noter que la mode des super-héros revenait. Et sa firme aurait pu directement entrer dans le Silver Age sans interrompre ses publications ou sans attendre 1961 (date de parution du Doctor Droom et des Fantastic Four). Mais Goodman était un peu comme les amphibiens de l’histoire de Namor : Il ne croyait que ce qu’il voyait. En octobre 1955, il n’y avait rien à voir. Les histoires de super-héros de Marvel cessèrent donc pour six ans…
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