[FRENCH] Une fois n’est pas coutume : ce week-end la rubrique Oldies donne lieu à une trilogie puisque pour clore le sujet des rapports entre le Solomon Grundy « vert » et Hulk, il convient d’aborder un dernier épisode. Cette fois c’est vers une histoire beaucoup plus récente de Swamp Thing qu’il nous faut nous tourner. Le héros s’y frotte à un géant vert…
Sur la couverture un bras vert musclé est sur le point de briser la nuque à Swamp Thing. Mais le bras de qui ? Que ferait Hulk dans une revue DC ? Avant d’entre dans le vif du sujet, étudions un peu le contexte. Swamp Thing #67 est paru dans la période où la série était écrite et dessinée par Rick Veitch. Bien souvent le run de Veitch sur « la Créature des Marais » est passé sous silence ou en tout cas éclipsé parce qu’il a été précédé par l’illustre Alan Moore. Et pourtant les épisodes écrits par Veitch sont le prolongement du run de Moore. Dans tous les cas ils ne méritent pas d’être oubliés ou passés sous silence. Dans la dernière année écrite par Alan Moore, Swamp Thing avait été considéré comme mort, son âme (capable de s’incarner dans n’importe quel corps végétal qu’elle faisait grandir à volonté) avait été bannie loin de la Terre, dans l’espace. Et comme Swamp Thing était le dernier en date d’une longue lignée d’élémentaux représentant le monde végétal, les forces de la nature avaient mis en place la procédure pour lui créer un remplaçant. Problème : au bout de quelques épisodes Swamp Thing avait retrouvé le chemin de la Terre. Or, les instances mystiques ne pouvaient tolérer qu’un élémental du monde vert par génération. Et les voila qui se retrouvaient avec un Swamp Thing bien vivant mais aussi la « graine » de son successeur qui avait été programmée pour éclore alors qu’il n’y avait de la place que pour l’un d’entre eux. Et c’est cette intrigue qui forme la colonne vertébrale du run de Veitch.
L’histoire commence dans un magasin vidéo ou John Constantine (l’allié occasionnel de Swamp Thing, pas encore devenu vedette de la série Hellblazer) traîne à l’affut de quelques indices. Un écran vidéo diffuse les infos. On y voit le Floronic Man (adversaire régulier d’Atom et de Swamp Thing) arrêté par les forces de l’ordre. Et alors que le vendeur se demande à quoi cela peut bien correspondre, John Constantine lui dit « tu te souviens du film Swamp Thing ? ». Et les deux personnages se mettent alors à évoquer le vrai film que Wes Craven a consacré à la créature. L’action nous transporte dans un marécage « industrialisé » (les arbres y sont abattus) qu’arpente Solomon Grundy (et si vous ne savez pas qui est Grundy, reportez-vous aux Oldies de ces deux derniers jours, ici et ici). Et il se trouve que si Solomon est d’habitude totalement blanc, sa peau est redevenue verte… Comme en 1945 dans l’épisode que nous relations l’autre jour (bien que ce point commun ne soit pas relevé dans l’histoire). En fait Solomon Grundy est possédé par la « graine » du prétendant qui devrait remplacer Swamp Thing mais qui n’en a pas la possibilité tant que ce dernier n’est pas mort. D’où l’idée d’utiliser Solomon comme une arme de destruction. Du coup, voilà le monstre nouvellement vert qui est incité à se mettre en chasse de la Créature des Marais.
De leur côté Swamp Thing et sa petite amie, Abigail, errent dans d’autres marais, ceux qui leur servent de résidence. Et ironiquement eux se demandent ce qu’est devenue la « graine ». Ils savent en effet qu’elle existe et espèrent qu’il ne lui arrivera rien (ils sont loin de se douter de ce qu’elle leur prépare). En fait Abigail espère même trouver un moyen qui permettrait à la graine de grandir et de devenir le nouvel émissaire du monde végétal, ce qui permettrait à Swamp Thing de prendre sa retraite et de se concentrer sur leur couple. Sentant l’inquiétude de la jeune femme, son amant lui annonce alors qu’il va tenter de retrouver la graine et voir ce qu’elle devient… Swamp Thing se projette alors auprès du Parlement des Arbres, la dimension où l’on peut trouver les esprits des précédents élémentaux. Là, cependant, il ne trouve qu’un indice, un lieu… « Slaughter Swamp ». Remerciant ses prédécesseurs, il se retire vers le monde normal, sans se douter que les esprits du Parlement se moquent de lui. Eux savent qu’ils l’envoient vers un piège mais il n’en a pas conscience.
Après un interlude où l’on nous montre que Roy Raymond (spécialiste de l’impossible publié par DC dans les années 50) est à la rechercher de Swamp Thing (mais c’est un subplot qui ne prendra effet que quelques temps plus tard dans la série), on voit le héros arriver à destination en « rebondissant » d’un tronc d’arbre à un autre. Plutôt que voyager, Swamp Thing peut en effet transporter son esprit d’un végétal à un autre. Quand il arrive à destination, il lui suffit de faire pousser la plante qui lui sert d’habitacle au point qu’elle prenne une configuration semblable aux besoins de « Swampy »… Le héros contemple avec effroi la proche scierie où les arbres sont décimés. Derrière lui se tient Solomon Grundy. Mais un Solomon différent. Non seulement il est vert, nous l’avons déjà dit, mais en plus il s’exprime avec une personnalité nouvelle. Normal, l’esprit de la « graine » l’habite. En fait la volonté de Rick Veitch a sans doute été de faire allusion à Hulk en plusieurs endroits. Dès la couverture (quand on voyait le bras de Grundy) le torse entier du monstre était visiblement dénudé (alors qu’il reste flanqué de sa veste tout au long de l’épisode) ce qui donnait l’illusion que Swamp Thing était étranglé par Hulk. Mais là encore, au moment de la confrontation, le clin d’œil est appuyé. Solomon se rue sur Swamp Thing en criant « Grundy Must Smash » alors que le mot Smash est très associé avec Hulk…
Au niveau de l’histoire, Swampy tente de raisonner la Graine mais sans résultat. Et Swamp Thing se fait donc casser la figure dans les règles de l’art. Lui tente de ne pas en venir aux bras mais c’est sans compter avec la force de Grundy alliée à la férocité de la Graine. Swamp Thing se dit alors qu’il va tricher en s’évadant avec un de ses corps multiples, qu’il peut faire pousser à volonté. Sauf que le tour échoue. Sa capacité à projeter son esprit dans d’autres plantes semble « coincée ». Swamp Thing ne peut plus se synchroniser avec la vie végétale. Il tombe inconscient et quand il revient à lui la Graine, beaucoup plus amicale, lui explique qu’elle a momentanément perdu le pouvoir sur Grundy et que c’est la férocité de ce dernier qui parlait. La Graine, elle, n’a pas oublié que Swampy s’est déjà préoccupé d’elle. Elle ne veut pas sa mort mais simplement habiter le corps de Grundy en espérant que cela leur permettra de vivre sans qu’un doive tuer l’autre. La Graine est paisible mais Grundy lui échappe encore. Comprenant qu’on veut lui voler son corps (et incapable de taper sur la Graine), le monstre réduit alors Swamp Thing en bouillie. Puis il se dirige vers les usines proches et y trouve une cuve d’acide toxique. Là, il prend un « bain » qui le libère des derniers vestiges de l’influence de la Graine. Quand Solomon en sort, il est à nouveau blanc.
Swamp Thing, lui, est toujours réduit à l’état de bouillie en forme de version minuscule de sa tête. Mais une main soulève la mini-tête et la replante avec une racine. La main appartient à John Constantine et la racine est un élément qui a appartenu à Swamp Thing quelques mois auparavant. Sous l’effet de cette racine Swampy peut alors se réanimer et se synchroniser à nouveau avec le monde végétal. Il se construit un nouveau corps et remercie Constantine de l’avoir sauvé de justesse. Ce n’est qu’à ce moment-là que Swamp Thing comprend que ceux qui ont bloqué sa synchronisation sont les membres du Parlement des Arbres. Ils espèrent provoquer sa mort. Ne se sentant pas de taille, il demande de l’aide à Constantine qui, fidèle à sa réputation, se dérobe. Lui est attendu à Londres (en fait il s’agit d’une mise en place précédant son retour en Angleterre lors de Hellblazer #1. D’ailleurs Swamp Thing #67 contient un preview de la nouvelle série). Cependant dans les mois suivants Swamp Thing finira par trouver une solution à se problèmes en luttant contre le Parlement mais surtout en s’arrangeant pour que la Graine devienne… sa fille, Téfé.
Ironiquement (si ça ce n’est pas de la continuité!) le rôle de Grundy dans cette histoire peut se justifier avec l’extrait de Chlorophylle utilisé en 1945 dans l’épisode que nous avons vu hier. Pour être complet au niveau des interactions Solomon Grundy/Hulk, notons aussi que dans un épisode de Justice League Unlimited Grundy participait à une sorte de pastiche des Defenders (dans lequel il occupait fort logiquement la place de Hulk tandis que Doctor Fate remplaçait Doctor Strange et Aquaman était l’équivalent de Sub-Mariner).
[Xavier Fournier]