Oldies But Goodies: Tales Of Suspense #1 (Jan. 1959)
9 août 2009[FRENCH] A l’époque où Stan Lee lance Tales Of Suspense, il s’est éloigné des super-héros et ne pense pas y revenir un jour. Même si en face, DC Comics a déjà démarré le Silver Age, Marvel ne pense pas avoir d’avenir sur ce créneau. Et pourtant, au fil des pages de Tales of Suspense #1, on découvre « Prisoner of the Satellites! », une histoire qui va servir de prototype à un super-héros célèbre…
Début 1959, la firme qui va se faire connaître plus tard sous le nom de Marvel opère alors principalement sous l’intitulé d’Atlas Comics. Elle est bien loin de se douter que deux ans plus tard elle touchera à nouveau avec succès au genre super-héroïque. Non, ce qui fait le quotidien d’Atlas, à l’époque, ce sont des histoires bizarres qui pourraient passer sans problème comme autant de scénarios issus de feuilletons comme The Twilight Zone (« La Quatrième Dimension). Le principe de base d’Atlas, c’est de publier des anthologies remplies à chaque fois d’une demi-douzaine d’histoires. Et comme nouveau support de cette multitude d’histoires sans lendemain, Stan Lee (qui est déjà l’éditeur-en-chef de la firme) lance en janvier 1959 la série Tales of Suspense. Cette dernière sera plus connue quelques années plus tard pour accueillir les débuts de l’invincible Iron Man puis avoir été le premier titre régulier « moderne » où on pourrait trouver à nouveau les aventures solo de Captain America… En dehors du fait que Tales Of Suspense #1 est, par la force des choses, le premier numéro de la série, son importance historique est le plus souvent minimisée. Les lecteurs d’aujourd’hui, plus portés sur les super-héros, ont tendance à sauter directement à la période Iron Man/Captain America… passant à côté de quelques perles qui s’y cachent.
Dans Tales Of Suspense #1, on fait donc connaissance avec le « Prisonnier des Satellites », alias un certain Mark Coren. L’histoire est illustrée par Steve Ditko (l’identité du scénariste n’est pas formellement établie… mais il est possible que ce soit Stan Lee). Le récit commence alors que la Terre est mystérieusement bombardée par des météorites verdâtres (de quoi se sentir dans le générique du feuilleton Smallville, bien que de telles pluies de météorites n’étaient pas vraiment utilisées dans les aventures de Superman à l’époque). L’un des projectiles célestes s’écrase non loin d’un passant, Mark Coren, et quand celui-ci revient à lui après la déflagration, une surprise l’attend : Les fragments de la météorite se sont en quelque sorte « fixés » en orbite autour de lui, singeant un peu le contour stylisé avec lequel on représente en général un atome. Les bouts de roche sont un peu comme des électrons tournant autour de lui. Mais ce n’est que le début des ennuis pour Coren…
Incrédule, Coren constate qu’il est indemne et qu’il se sent bien. Mais il a quand même un mauvais pressentiment (on en aurait un à sa place). Il sent comme une sorte de pression interne en lui et ne tarde pas à remarquer… qu’il rétrécit à vue d’œil. En effet, au même moment des savants du monde entier constatent que des objets ou des bâtiments ont été « réduits » par les autres météorites. Mais Mark Coren est le seul être vivant qui ait connu un sort similaire. Très vite, la théorie avancée par la communauté scientifique est que ces événements seraient peut-être les premiers signes d’un complot extra-terrestre. Ils ne peuvent le savoir de manière certaine mais au même moment, dans un vaisseau caché derrière la face cachée de la Lune, deux aliens, Zak et Ozt, s’auto-congratulent effectivement sur le succès de leur opération…
Sur Terre, on tente tout pour sauver Coren, qui continue pourtant de rapetisser. Les experts pensent qu’il risque de tellement rétrécir qu’il en finirait par ne plus exister. Et théorisent également que les fragments de météorites émettent des rayons qui causent sa diminution de taille. Ce sont ces rayons qu’il faut « cour-circuiter » si on veut sauver Coren. Et comme décidément ces savants sont sympathiques et qu’ils ne regardent pas à la dépense, même colossale, pour sauver un seul individu (dans la réalité, ce serait sans doute moins évident pour l’humanité de dépenser autant pour un seul homme), ils s’arrangent pour expédier Mark Coren en orbite autour de la Terre dans un minuscule satellite artificiel, histoire qu’il baigne dans les rayons cosmiques. Les extra-terrestres observent de loin la tentative en ironisant. Pour eux, cette manière de faire est ridicule…
Et pourtant, lentement, les rayons cosmiques s’accumulent et contrent l’effet des rochers verts en orbite autour de Mark. L’un après l’autre les rochers tombent, inactifs, et l’humain est enfin libre. Mais libre de quoi ? Car une fois l’effet des rayons stoppés, Coren commence à reprendre sa taille d’origine… dans un habitacle qui était prévu pour lui quand il était minuscule. Autrement dit il risque de mourir écrasé ! Non mais à quoi pensaient-ils ces scientifiques quand ils l’ont envoyé là-haut pour guérir sans lui donner la place nécessaire ? Autre problème : le brusque changement de masser à l’intérieur de l’objet fait que le satellite artificiel est déséquilibré et qu’il sort de son orbite en zigzaguant. Soit il s’approche trop de la Terre et il risque de s’écraser, soit il s’en éloigne et il risque de dériver vers l’infini…
Heureusement, au dernier moment possible, l’équipe au sol arrive à reprendre le contrôle radio de l’engin et à le poser tranquillement, permettant à Mark d’en sortir juste avant qu’il ne soit trop tard… Mark est encore un peu petit, à peine plus grand qu’une chaussure, mais on lui promet qu’il aura vite retrouvé une taille normale. Mais le protagoniste principal de l’histoire ne peut s’empêcher de penser à l’éventualité d’autres pluies de météorites. Il a tort. De l’autre côté de la Lune, Zak et Ozt sont moroses. Il s’agissait d’un test pour juger de la débrouillardise des humains. Si la Terre avait échoué, une armée extra-terrestre n’aurait pas manqué d’envahir notre monde. Là, l’homme ayant réussit à survivre, Zak et Ozt n’ont d’autre choix que d’annuler l’invasion… Mais, interroge le narrateur en guise de conclusion, que se passerait-il s’ils décidaient de revenir un jour pour nous tester à nouveau ? Et serions-nous capable de passer une nouvelle fois un test de ce genre ?
Mark Coren perdant ses capacités extra-ordinaires à la fin du récit, vous pourriez vous demander pourquoi et comment il a fournit la base d’un super-héros plus célèbre, comme je le mentionnais en préambule. Mais nul doute que quelques fans auront déjà perçu les similitudes. Rappelons la date : Nous sommes en janvier 1959. Sautons deux ans plus tard, alors que DC continue de créer et de recréer des personnages pour sa seconde génération de héros. De la même manière qu’il y a eu de nouvelles versions de Flash et de Green Lantern, DC décide de mettre sur le marché une nouvelle version d’un héros masqué des années 40. Cette fois-ci il s’agît de The Atom. Celui de l’Age d’Or était un homme de petite stature qui compensait sa taille par un entraînement physique forcené (et vers la fin sa force évoluera à un niveau surhumain). Le nouvel Atom, crée en 1961 dans Showcase #34, est au contraire un héros dont les pouvoirs lui permettent d’adopter une taille microscopique. Ce n’est pas le premier a posséder cette particularité. On pourra mentionner des héros pré-existants des années 40 tels que Dollman, Minimidget ou Microman. Et il est certain que les couleurs du costume du Atom de 1961, Ray Palmer, tiennent plus de celles de Dollman que de l’uniforme du premier Atom de la Justice Society. Le plus souvent, on arrête donc souvent les comparaisons en concluant que sous le couvert de produire un nouvel Atom DC s’est surtout offert un équivalent moderne du Dollman…
Mais quand même. Reprenons l’histoire et comparons. Les similitudes entre Mark Coren et Atom/Ray Palmer sont bien plus fortes qu’avec Dollman. D’abord, le héros microscopique obtient ses pouvoirs parce qu’il est exposé à un matériau venu de l’espace : une substance venue d’une étoile naine blanche. Coren, lui, est exposé aux météorites avec des effets semblables. Mais surtout quand Palmer se transforme en Atom et diminue sa taille, il est entouré d’un halo en forme d’atome stylisé, en tous points identiques à l’effet visuel qui se produit quand Coren est miniaturisé par les météorites. En fait, s’il n’y avait pas les différences de style des dessinateurs (Steve Ditko pour Coren, Gil Kane pour Palmer), il serait même possible de prendre Coren pour Palmer lors de la scène de la transformation. Et puis (et là, avouons-le, ça peut être un peu tiré par les cheveux comme lien mais faisons en mention pour être exhaustif) il y a l’importance des rayons cosmiques dans toute la partie finale de l’histoire. Deux ans plus tard, l’origine des Fantastic Four allait – elle aussi – mettre en scène des astronautes bombardés par des rayons cosmiques (encore que dans le cas de Coren ils sont bénéfiques et servent à lui rendre sa normalité, là où les rayons subits par les Fantastiques les privent de cette même normalité). Mais somme toute, la fin de l’histoire de Coren est martelé par l’expression « rayons cosmiques » (« cosmic rays ») et le prénom de Palmer, Ray, sonne un peu comme un lapsus.
Au bas mot on dira que des éléments des deux scénarios se ressemblent. Et c’est possible car certains romans de SF parus dans les années 40/50 racontaient les aventures de héros réduits par l’exposition à des matériaux fantastiques (et le cinéma américain avait produit dans la même veine « l’Homme qui rétrécit »)… mais qu’il paraît très difficile de croire que Ditko et Kane auraient pu arriver à un résultat graphique si proche par un seul principe de « créativité spontanée ». Mark Coren est donc un peu le Ray Palmer de l’univers Marvel (ou bien Palmer est le Mark Coren de DC si vous préférez). Dommage que « le Prisonnier des Satellites » soit apparu un peu trop tôt, avant la réapparition des super-héros chez Marvel. Il aurait pu, comme Henry Pym par la suite, être réutilisé dans d’autres histoires, voir devenir un super-héros en trouvant le moyen de reproduire de manière artificielle ses changements de taille. Et du coup DC se serait sans doute tenu à l’écart ou au moins aurait sans doute trouvé d’autres particularités à Ray Palmer de manière à ce que la ressemblance n’apparaisse pas.
Mais la première publication des Fantastic Four date de l’été 1961, quelques semaines avant l’apparition de Ray Palmer/Atom. Avant 1961, Marvel ne voyait sans doute pas l’utilité de ramener Mark Coren, considéré comme un héros jetable parmi beaucoup d’autres, aussi vite créé qu’oublié. Après 1961 ? En imaginant que quelqu’un chez Marvel fasse le rapprochement avec le nouvel Atom après coup et veuille en tirer parti, il aurait sans doute été laborieux de réinjecter Coren dans la continuité, d’autant plus que l’imitateur étant plus célèbre que son modèle, une partie des lecteurs se serait sans doute dit que Marvel plagiait DC. Se posait aussi un problème de remise en cause du statut des Fantastic Four, équipe fondatrice de l’univers Marvel contemporain : il s’agissait après tout de quatre astronautes qui se pressaient pour mettre sur pied le premier vol habité américain (de façon induite, il s’agissait de mettre les USA a égalité avec l’URSS après que le premier vol habité ait été réalisé par le soviétique Youri Gagarine le 12 avril 1961). Dans les années 60, si vous réinjectiez Mark Coren dans la continuité Marvel, il devenait de fait le premier homme a avoir réalisé un voyage dans l’espace, dès 1959. Non seulement il grillait la politesse aux Fantastic Four mais il leur enlever toute raison de se précipiter dans le ciel : avec « Prisoner of the Satellites! » Coren avait également devancé Gagarine de deux années. Dans le monde de Coren, la course aux étoiles avait forcément un sens différent, avec les USA qui avaient devancé l’URSS. Encore que le problème ne se posait que dans le début des années 60, quand les Fantastic Four étaient réellement supposés avoir fait leur vol en 1961. Avec la nécessité de garder les Fantastiques dans la force de l’âge et la notion de « temps-élastique » qui en découle (du point de vue subjectif des personnages ils n’ont fait leurs débuts il y a une douzaine d’années), les FF n’ont plus le même besoin d’avoir été les premiers américains à voler dans l’espace pour conserver leur prédominance. Reste que Coren a été bombardé par des rayons cosmiques avant eux, avec des résultats diamétralement opposés. Et puis entre-temps Marvel a également créé son héros microscopique de référence (Ant-Man), c’est un autre problème de double emploi qui se poserait. Mais au delà du sort du personnage, se pose également la question du devenir des extra-terrestres Zak et Ozt qui pourraient, comme l’insinue le narrateur à la fin de l’histoire, revenir un jour pour tester les humains. Ceux d’entre vous qui voudraient rencontrer Mark Coren sans pour autant se ruiner peuvent se reporter à Marvel Masterworks: Atlas Era Tales of Suspense #1 dans lequel l’éditeur a réimprimé cette histoire en 2006.
[Xavier Fournier]
Et ce Mark Coren a un petit côté Norman Osborn, non ? Même le visuel du personnage a été réutilisé !
Hum… ça se discute parce que dans le cas de Coren le détail de la coupe de cheveux n’est pas aussi poussé.
C’est vrai que la scène de miniaturisation saute tout de suite aux yeux,et rappelle la transformation de Ray Palmer…étonnant!
Est ce que le Captain Atom que Ditko dessinera pour Charlton emprunte aussi quelque chose à cette histoire?Je demande ceci à la vue d’une couverture de 1967 dessinée par Ditko.
Et (hors sujet) sur quelques cases je trouve que Mark Coren a un faux air de Harry Osborn.Pas une ressemblance flagrante,mais un faux air plutôt amusant.
Je crois que cette phrase est tronquée : « Le principe de base d’Atlas, c’est de publier des anthologies remplies à chaque fois d’une demi-douzaines d’histoires où les personnages. »
Ludovic: Captain Atom évoque par la force des choses le signe de l’atome, mais rien ne permet vraiment de lier à cette histoire de Tales of Suspense #1.
Aymeric: un souci de copié-collé avec un bout de phrase en trop, pas « tronquée ». corrigé de suite.
Il y a un référence qui manque : le film « L’homme qui rétrécit » de 1957.
Oui mais attention l’idée n’est pas tellement de dire que le « Prisonnier des Satellites » serait une sorte de filiation de tous les héros qui rétrécissent. C’est bien la ressemblance avec les méthodes de Ray Palmer qui nous intéressent. Là où l’Homme qui Rétrécit est plus à l’origine de Man In the Ant-Hill, la première histoire de Ant-Man ainsi que de quelques autres récits d’horreurs d’Atlas. Mais Mark Coren ne se mesure à aucun animal par exemple. Il n’a pas le même type d’aventure…
Concernant la création d’Atom [Ray Palmer] il y a un énorme dossier qui s’étend sur plusieurs numéros de l’excellentissime Alter Ego de Roy Thomas. Il en ressort que l’idée de créer un Atom proche du personnage de Doll Man est apparue dans une proximité temporelle restreinte entre Jerry Bails (le fondateur du comic book fandom), Roy Thomas, Julie Schwartz et Gil Kane.
Il faudra que je fouille dans mes archives pour regarder les dates.
Certes, mais la ressemblance visuelle est troublante… Même si Schwartz n’a pas forcément été inspiré par ce « prisonnier des satellites », il est très dur de ne pas penser que Kane en a gardé une trace au moins au niveau du subconscient. Au bas mot …