Oldies But Goodies: U.S.A. Comics #2 (Nov. 1941)

[FRENCH] Tous les super-héros Marvel des années 40 n’ont pas eu la chance de Captain America et une seconde carrière moderne. Prenez Captain Terror, par exemple : voici un héros aussi patriotique que Steve Rogers et aussi bien équipé que Batman, directement créé comme « vétéran » en 1941. Autrement dit, dans l’histoire, il est supposé être l’un des premiers héros masqués de Marvel pendant le Golden Age…

A l’automne 1941, les U.S.A. ne sont toujours pas entrés dans la seconde guerre mondiale mais les super-héros publiés par Timely/Marvel n’ont pas attendu le signal. Depuis plusieurs mois Sub-Mariner et ses collègues luttent contre les espions nazis. Et Captain America, au printemps, a connu un succès énorme en cassant la figure à Adolf Hitler dès la couverture du premier numéro de la série. L’engouement autour de Captain America donne bien sûr des idées à son éditeur et les super-patriotes se multiplient. Mais bien souvent il s’agit de « copies » plus ou moins inspirées de Captain America. En novembre 1941 apparait un héros potentiellement plus complexe, qui rappelle Captain America tout en sachant s’en démarquer par endroit. Dès la couverture d’U.S.A. Comics #2, la filiation est pourtant flagrante : Captain Terror (c’est le nom du nouveau héros) décoche un coup de point à un soldat nazi qui n’est pas sans rappeler le geste similaire asséné à Hitler dans Captain America Comics #1. D’autant qu’Hitler figure également sur l’image d’U.S.A. Comics #2, aux commandes d’une improbable machine-foreuse. Il est donc certain que Timely/Marvel cherche alors à reproduire la recette…

L’histoire commence dans un repaire nazi situé… à l’intérieur des U.S.A. Des saboteurs allemands sont en train de se féliciter d’avoir mis la main sur la liste des emplacements des navires américains, bien décidés à les faire couler. Les nazis ont d’ailleurs un navire déjà caché dans les eaux américaines, embusqué pour préparer l’attaque. Vu qu’on est avant Pearl Harbor et que l’opinion du public américain n’est alors pas tranchée sur l’entrée dans la guerre, ce genre de scène est toujours étonnante, même si quelques mois plus tôt Captain America a déjà percé cet abcès. « Et ainsi le vaisseau mortel tranche l’eau comme un maléfique monstre de la nuit, ces tubes à torpilles affamés, attendant pour une proie » nous dit l’histoire. On est presque dans un registre lyrique…

Pendant ce temps, en Géorgie (un des états américains, pas le pays du Caucase) l’Amiral Leeds lit le journal en compagnie de son ami, le millionnaire Dan Kane. « Je sais que tu aimerais t’engager dans la Marine fiston mais on ne peut pas t’engager, en raison de ta faiblesse cardiaque » dit le militaire au playboy. On notera que la scène évoque assez les premiers épisodes de Batman dans Detective Comics, où le Commissaire Gordon discute toujours avec Bruce Wayne en usant de la même sympathie condescendante. A ce moment, Kane et Leeds apprennent qu’un bateau américain a été coulé par des torpilles ennemies et, rapidement, l’Amiral s’embarque sur son propre navire. Dan Kane a beau supplier, Leeds ne veut pas l’emmener. Kane, déçu, reste seul sur le quai mais il croise un autre de ses amis, le Lieutenant Bill Young. Et ce dernier de lui dire: « Tu sais de quoi ce pays aurait besoin ? D’un gars comme Captain Terror ! Quel dommage qu’il ait été tué il y a quelques années dans la guerre d’Espagne ! ». Cette mention directe d’un personnage dont le lecteur ignorait l’existence est étonnante dans sa forme. Bien sûr, il est arrivé souvent que des héros soient lancés sans qu’on explique leur origine, insinuant qu’ils sont actifs depuis au moins quelques mois avant le premier épisode (c’est le cas pour Batman, Doctor Strange…) mais là, la référence à la guerre civile espagnole lui donne des années d’expérience au bas mot. Plus encore, le fait qu’il ait participé à une guerre de la décennie précédente et qu’il soit considéré comme mort en fait une sorte de Captain America au sens d’Avengers #4 : un héros assez populaire pour qu’un quidam tel que Bill Young puisse le mentionner dans la conversation des années plus tard (sans qu’apparemment Captain America ou Human Torch puissent faire l’affaire), réputé mort et dont on regrette l’absence. Enfin, le choix de la guerre civile espagnole comme référence est en soi étonnant dans un comic-book de Marvel puisqu’il insinue que Captain Terror était non pas du côté franquiste mais bien dans le camp d’en face, plutôt associé avec les communistes. Bref, avec cette petite phrase Bill Young nous a donné envie de le rencontrer ce fameux Captain Terror. Mais s’il est mort…

Le soir, seul, Dan Kane réfléchit à la discussion avec Young. Effectivement, il y aurait bien besoin de Captain Terror. Il est sans doute temps que le héros réapparaisse. Et Kane se lève en pensant « Après la guerre espagnole j’ai préféré laisser les gens penser que j’étais mort mais… » et en un instant Dan Kane enfile le costume de Captain Terror, prêt à reprendre du service ! Très vite, ce Cap emprunte un réseau de galeries pour se retrouver dans une caverne où l’attends son bateau, une sorte de hors-bord flanqué d’un aileron tricolore. Là aussi, l’ombre de Batman, de sa batcave et de sa batmobile n’est pas très loin… L’idée est visiblement que Captain Terror est une sorte de combattant des océans, un Captain America maritime… D’ailleurs il a l’air d’être un expert ne serait-ce que pour débusquer les navires ennemis. Tandis que l’Amiral Leeds cherche en vain le bateau nazi, Captain Terror trouve le navire maléfique qui croise à quelques miles de là. Sans perdre de temps, il l’aborde… Assommant un garde, son premier geste est de s’emparer d’un projecteur et de le diriger vers le ciel. Nous sommes en pleine nuit et l’Amiral Leeds ne manque pas de remarquer ce « phare » qui s’élève dans le lointain. Il comprend que c’est le bateau allemand et ordonne qu’on le rejoigne…

Chez les allemands, on s’est bien sûr rendu compte que quelqu’un est en train de faire un énorme signe lumineux à l’adresse des américains. C’est le branle-bas de combat ! Captain Terror a plongé à l’eau, est remonté dans son « hors-bord » et s’éloigne. Les marins en rendent compte à leur chef, un nazi surnommé Black Claw car il a à la place de la main gauche un crochet noir. Après avoir abattu un de ses hommes pour passer ses nerfs, Black Claw s’interroge : la description qu’on lui en a fait… Ce ne peut être que le Captain Terror ! « Je pensais qu’il était mort » se dit Black Claw, montrant ainsi que la renommé du héros américain est internationale. Mais le navire de Leeds arrive et une bataille navale éclate… De loin, Captain Terror observe le combat mais comprend que les canons allemands sont plus puissants que ceux du vaisseau américain. Il approche alors à nouveau de l’embarcation nazie et y balance des grenades lacrymogènes, sautant à nouveau sur le pont pour y semer le désordre. Immédiatement Black Claw et Captain Terror se reconnaissent, faisant allusion au fait que ce n’est pas la première fois qu’ils s’affrontent (Black Claw ayant sans doute été déjà ennemi du héros lors de sa première carrière, dans les années 30). Dans la cohue et les tirs de canons, Black Claw et Captain Terror tombent du pont et atterrissent dans une barque de secours. Black Claw arrive cependant à assommer Terror avec une clé anglaise. Il balance le héros par-dessus bord et s’enfuit.

Ranimé par l’eau, Captain Terror ne peut que se féliciter d’avoir laissé son hors-bord non loin. Le nazi n’étant plus là, Dan Kane retourne sur la terre ferme et y retrouve l’Amiral Leeds, qui lui annonce la nouvelle de la journée : Leeds pourrait jurer avoir aperçu Captain Terror en train de se battre sur le pont du bateau allemand ! Mais Kane n’aura pas de repos tant qu’il n’aura pas capturé Black Claw… S’habillant à nouveau en Captain Terror, il attend la nuit pour patrouiller dans les rues de la ville, à la recherche des saboteurs. Quand à savoir comment il sait qu’ils sont dans cette ville et pas dans celle d’à côté, là, mystère… De toute façon il n’aura pas à chercher longtemps et ca ne doit rien au hasard : Black Claw aussi veut se venger et il a envoyé ses espions dans les rues. Quand ils repèrent Captain Terror, deux hommes de Black Claw tentent de le convaincre qu’ils ont des ennemis de Black Claw voulant lui indiquer sa cachette. Mais comme ils ont un accent allemand à couper au couteau, Captain Terror voit clair dans leur jeu. Il décide cependant de faire semblant de les croire. C’est la plus sure manière pour lui de finir par croiser à nouveau Black Claw…

Arrivé dans le repère des nazis, Captain Terror est vite assommé et enfermé au fond de la cave. Black Claw finit par descendre le voir et, comme de nombreux criminels de comics, ne résiste pas à l’envie de se vanter. Sous la menace d’une arme, il force Captain Terror à l’accompagner sur le navire allemand, qui se trouve à quai juste à côté et qui s’appelle… La Terreur des Mers. Black Claw aurait-il choisi ce nom pour se moquer de son ancien adversaire ? Il n’en dit rien. Il préfère montrer sa nouvelle arme : des mines magnétiques qui vont faire des ravages parmi les bateaux américains. Et pour humilier encore plus Captain Terror, il est enfermé dans une cellule à bord du navire. Il pourra ainsi assister à chaque naufrage provoqué par les nazis ! Le vaisseau quitte le port et Terror, furieux, tente de forcer la porte de sa pièce. Il n’y arrive pas et assiste, impuissant, à la mise en place d’une première mine, qui coule sans perdre de temps un bateau. Captain Terror le voit de son hublot. D’ailleurs là aussi on a droit à un nouvel écueil scénaristique : si Terror peut observer, de près, l’explosion du bateau américain, comment penser que les marins de ce navire n’auraient pas aperçus, eux, leur ennemi qui croise de façon pas du tout discrète avec des drapeaux portant la croix gammée ? La rage de Terror est apparemment suffisante pour lui donner la force, cette fois, d’avoir raison de la porte. Il assomme un premier matelot mais pendant ce temps Black Claw ordonne à un de ses hommes de lâcher une nouvelle mine. L’homme n’a pas le temps : sa main est clouée à coté des commandes par un couteau appartenant – bien sûr – à Captain Terror. Une bagarre générale éclate mais Captain Terror évite le crochet de Black Claw jusqu’au moment où les deux hommes sautent une nouvelle fois par-dessus bord. Cette fois, Captain Terror est sans pitié : il laisse son ennemi se noyer et observe, de loin, l’explosion de la « Terreur des Mers ». Captain Terror avait en effet placé un explosif à côté des mines, qui viennent de toutes se déclencher au même moment…

Le lendemain, l’Amiral Leeds se lamente devant son ami Dan Kane. Il aimerait bien lui raconter les détails des nouveaux exploits de Captain Terror mais il a peur que ce soit trop d’émotions pour le cœur supposément malade de Kane. Dan adresse alors un clin d’œil complice au lecteur. On remarquera que le mécanisme de « l’émotion serait fatale à ton cœur » se retrouvera des années plus tard dans les relations entre Peter Parker et sa vieille tante May. Quand à l’Amiral Leeds, je me demande s’il pourrait avoir un lien de parenté avec Ned Leeds, le journaliste vu pendant quelques années dans la série Amazing Spider-Man. Reste que Captain Terror est un personnage intéressant, même s’il n’aura qu’une poignée d’aventures pendant les années 40. On sait qu’il est vivant dans l’univers Marvel moderne puisqu’il est apparu (en vieillard) dans un épisode de Captain America. Paradoxalement, je pense que c’est cette petite apparition moderne qui lui a coûté sa place parmi les personnages principaux dans une série comme The Twelve. Si on n’avait pas déjà su son sort à l’issue de la guerre, il me semble évident qu’avec un costume si haut en couleurs et ce côté « plus vétéran que les autres » il aurait été de la partie (on le voit d’ailleurs de façon mineure dans une scène se déroulant au début du premier épisode). Il y aurait cependant encore bien des choses à raconter à son sujet. On sait que des personnages comme Wolverine ou Puck ont participé à la guerre civile espagnole. De là à penser qu’ils auraient pu être tous les trois compagnons d’armes… Et puis il y a tout ce qu’à pu faire un personnage si célèbre, si renommé, à l’issu de la guerre. Bref, on n’attend guère qu’une seule chose : qu’un scénariste s’y intéresse à nouveau…

[Xavier Fournier]

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