L’histoire commence plutôt mal pour le héros de ce récit court : La fiancée d’Alvin, Marge, lui demande de passer la voir. Et quand il arrive dans l’appartement de sa dulcinée, Alvin découvre, incrédule, qu’elle la convoqué pour rompre leurs fiançailles. Non seulement elle ne veut plus épouser Alvin mais… elle aime un certain Bob et c’est avec lui qu’elle compte se marier ! Et, comme de bien entendu, le dénommé Bob est… le meilleur ami d’Alvin ! Autant dire que la trahison est totale. C’est un Alvin très déprimé qui sort de chez Marge, en se demandant comment ami le plus proche a pu lui faire un aussi sale coup. En pleine confusion, Alvin erre dans les rues de New York, se dirigeant machinalement vers les abords du Rockefeller Center. Plongé dans ses pensées, Alvin se retrouve mêlé un peu par hasard à un groupe de touristes en train de visiter la ville. Il leur emboîte alors le pas, en n’écoutant que d’une oreille les explications du guide. Mais, en théorie, il pense se changer les idées. Alvin a beau être la tête ailleurs, il tique cependant assez vite en écoutant les propos du guide, qui critique vertement l’architecture arriérée et le manque d’imagination des architectes. Un des touristes s’exclame « J’aurais détesté vivre à cette époque !« . Un autre renchérit : « Que leurs sciences étaient sous-développées !« . D’abord, Alvin se dit qu’il a sans doute mal entendu, qu’il pensait trop à Marge. Mais bientôt il lui faut se rendre à l’évidence. Le groupe de touristes parle du XX° siècle… au passé ! Étrange. De quel genre de visite guidée s’agit-il ? La curiosité d’Alvin est piquée et il décide de les suivre alors que le guide invite à retourner au véhicule pour le « voyage de retour« …
Alvin pourrait sans doute révéler la méprise et demander qu’on le réexpédie chez lui sans plus attendre mais l’occasion est trop belle. L’homme préfère se taire et faire comme si de rien n’était. Autant rester et voir à quoi ressemble le monde de 2150. Il suit les autres au vestiaire mais rencontre un premier problème : pour visiter 1950, les touristes du futur portent des tenues d’époque. Revenus en 2150, ils reprennent leurs vêtements personnels, qui correspondent à la mode de 2150. Et Alvin n’a bien sur aucun vêtement de rechange. Il risque d’être découvert ! Mais il profite qu’un placard est laissé sans surveillance pour s’emparer de la tenue à l’intérieur. Elle doit très certainement appartenir à un touriste parti dans le cadre d’une autre expédition. Alvin doit quitter l’endroit avant que le propriétaire des vêtements revienne. Bientôt, notre héros est dans la rue est découvre, admiratif, une ville faîte de métal et de verre. Il se déplace sur des trottoirs roulants automatiques et aperçoit plein de choses incroyables, comme en particulier une voiture du XXII° siècle (qui, forcément, a l’air particulièrement rétro quand on la regarde avec nos yeux de lecteurs modernes).
A l’intérieur, Alvin rencontre une superbe vendeuse blonde, vêtue de rose et portant une tiare… Elle l’accueille et lui propose de le renseigner. Mais Alvin est un peu perdu, ne sait pas comment il doit se comporter et ne veux pas, non plus, qu’on réalise qu’il n’est pas de siècle. Heureusement pour lui la vendeuse ne perd pas de temps et lui demande directement s’il préfère les blondes, les brunes ou les rousses. Alvin bredouille qu’il a une préférence pour les blondes mais… la vendeuse blonde l’interrompt et l’oriente vers « Miss Gale » qui va prendre ses mesures. La technique est fort peu conventionnelle : Miss Gale (une autre vendeuse portant robe rose et tiare dorée) se pend au cou d’Alvin… Et en déduit sa taille.
Dans le contexte de l’histoire (en dehors de tout débat machiste), on imagine facilement que la plupart des clients font de même. A quoi bon faire la démarche d’acheter une épouse si c’est pour se contenter d’une femme normale (qu’ils pourraient trouver sans l’aide d’une société) ? Encore que… Quand on regarde bien la case on s’aperçoit que le magasin abrite aussi des caisses marquées « Construisez-un-mari gros, chauve et heureux » ou « Construisez-un-mari maigre, beau et tendre« . L’éventail des « produits » proposés semble donc plus diversifié qu’on aurait pu le croire. Puis la vendeuse prend note des désirs d’Alvin et revient avec une boite contenant un modèle de luxe, à construire soi-même. Et la jeune femme précise bien que s’il n’est pas satisfait il lui suffira de revenir et de procéder à un échange.
Reste un problème. Combien ça coûte ? A plus forte raison puisque Alvin n’a aucune idée de la monnaie utilisée à cette époque futuriste. « Payer ? Monnaie ? Je ne comprends pas ! » s’exclame la jeune femme. Elle lui remet la boite en lui expliquant qu’il lui suffit de montrer sa « society card ». En fouillant au fond de ses poches, Alvin trouve effectivement une carte. Dès qu’il la sort, la vente est validée. Alvin est très surpris et on pourrait penser que les auteurs viennent de montrer, de manière prophétique, un usage de carte bancaire. Or, les premières cartes (rudimentaires) de crédit sont apparues aux USA dans l’après-guerre. Mais sans doute que dans cet environnement tout semble étrange pour Alvin. Il sort cependant de la boutique avec sa boîte sous le bras et la tête pleine de questions : « Serait-ce possible ? Je pourrais montrer à Marge qu’elle n’est pas l’unique femme dans ma vie !« . Du coup, Alvin ne pense plus du tout à visiter ce siècle étrange. Au contraire, il n’a plus qu’un but : rentrer à son époque d’origine, 1950, et utiliser ce kit ! Il retrouve le point de départ des visites à travers le temps (on voit que des excursions sont organisées pour plusieurs siècles. 1950, 1860, 1750, 1650…) et se glisse parmi les touristes temporels en partance pour le vingtième siècle. Revenu au Rockefeller Center de 1950, Alvin se dépêche de fausser compagnie aux touriste du futur pour retourner chez lui : « Je ne peux pas attendre de commencer ! Imaginez ! Une vraie femme ! Entièrement à moi !« .
Mais un soir, alors qu’Alvin rentre du travail, il trouve la maison vide. Jean n’est pas là. Elle a simplement laissé un petit mot : « Chez Alvin. Je suis partie visiter la ville ! Je serais de retour pour le dîner ! Je pense que je vais suivre une de ces visites guidées du Rockefeller Center ! Tout mon amour… Jean !« . Alvin est catastrophé. Et il a raison de l’être. On comprend alors que toute l’histoire nous était racontée par un Alvin Blank désespéré. Car Jean n’est jamais revenue : « J’ai cherché la ville de haut en bas ! J’ai fait appel à la police et au bureau des personnes disparues ! Aucun résultat ! Elle a du tomber le même genre de groupe de touristes que j’ai rencontré et retourner en 2150, de là où elle venait ! J’ai visité le Rockefeller Center 112 fois depuis mais je n’ai pas retrouvé les visiteurs du futur ! Mais je vais essayer ! En attendant il me reste ça pour me souvenir d’elle… Ces bouteilles et boîtes !« .
Le thème de l’homme amoureux d’une femme qu’il a lui-même construit n’était pas neuf (feuilletez vos dictionnaires mythologiques jusqu’aux noms de Pygmalion et Galatée). Mais malgré sa conclusion assez abrupte, cette histoire-là allait prendre une vie propre dans les décennies suivantes et se réinventer à travers d’autres comics ou d’autres médias. En effet, après avoir souffert d’une censure de fait et de nombreuses pressions dans les années 50, les anthologies d’EC Comics basées sur le Fantastique et la Science-Fiction furent obligées de s’arrêter. Mais elles conservèrent un statut « culte » qui leur assura de refaire surface quelques années plus tard. Ainsi, il est bien connu que la série d’horreur Tales From The Crypt donna lieu à une adaptation filmée (un film à sketchs sorti en 1972, suivi d’un feuilleton TV homonyme lancé à la fin des années 80). Même si la chose n’a rien d’un secret, on a moins le réflexe de se souvenir que Weird Science aussi fut adapté à l’écran en 1985. La différence c’est que là où Tales From The Crypt privilégiait le concept de sketchs, le film tiré de Weird Science n’exploita qu’une seule histoire. Parmi tous les récits publiés dans l’anthologie, le choix se porta sur « Made of The Future ». Le réalisateur John Hughes, véritable pape des comédies dites de « high school » (films potaches plein d’étudiants fêtards) réécrivit considérablement l’histoire (sous la houlette du producteur Joel Silver, qui produisit par la suite Die Hard ou encore Matrix) pour n’en garder qu’une moelle plus ou moins substantifique.
La version de John Hughes de Weird Science n’implique aucun voyage temporel et Alvin Blank a lui aussi disparu pour mieux satisfaire au genre cher au réalisateur. Les deux héros sont deux ados, Gary (Anthony Michael Hall) et Wyatt (Ilan Mitchell-Smith), qui n’arrivent pas à séduire les filles de leur collège. Un soir, inspiré par la vision du film Frankenstein, ils décident de construire eux-mêmes la femme de leur rêve en mélangeant à la fois programmation sur ordinateur (après avoir piraté des sites gouvernementaux) et quelque chose qui tient de la magie noire (avec une poupée Barbie au centre de la cérémonie). Contre toute attente, cette technique chaotique fonctionne et une femme superbe ((Kelly LeBrock) surgit de la salle de bain (qui est finalement pratiquement le seul élément restant de l’histoire de base, Alvin Blank ayant construit Jean dans sa baignoire). La femme artificielle, rapidement baptisée Lisa, se trouve avoir des superpouvoirs qui lui permettent d’altérer la réalité. Au fil du film elle permet à Gary et Wyatt de se sentir plus à l’aise en présence des filles. Tout en déjouant les plans de quelques autres garçons de l’époque (parmi lesquels le jeune Robert Downey, Jr., qui faisait là sa première apparition dans un film tiré d’un comic-book, bien avant Iron man). En France, le titre français du film Weird Science fut « Une créature de rêve ». Ce résultat très éloigné de l’oeuvre de base connu un succès assez grand pour justifier, quelques années plus tard, une adaptation en feuilleton télévisé reprenant majoritairement le scénario de John Hughes (en l’éloignant encore un peu plus du comic-book d’origine) avec une nouvelle distribution.
John Mallory Asher et Michael Manasseri incarnent Gary et Wyatt tandis que cette fois-ci le rôle de Lisa est joué par Vanessa Angel. Bien que ne volant pas forcément très haut, ce feuilleton dura cependant cinq saisons réparties entre 1994 et 1998. En France, relier cette série à un comic-book d’EC Comics (ou même à « Une créature de rêve ») ne s’avèrait pas forcément évident puisque le titre fut traduit par… Code Lisa ! Bien que le film et la série soient des dérivés officiels du comic-book, on comprendra donc bien qu’on est quand même assez loin des mésaventures d’Alvin Blank dans Weird Science #5 ! Mais justement : les dérivés les plus proches de « Made of the Future » ne sont pas là où on le croit. Les éditeurs concurrents d’EC Comics n’avaient en effet pas attendu Code Lisa pour s’inspirer beaucoup plus directement de l’histoire inventée par Al Feldstein en son temps.
Le message, daté de 2157, annonce en fait la prochaine arrivée d’une commande en cours. Puis bientôt un colis se matérialise à l’endroit où est arrivé la lettre. Paul comprend qu’il s’agit du matériel nécessaire à la construction d’un robot, avec son mode d’emploi. Il décide de l’emmener à son labo pour l’assembler, curieux de savoir à quoi ressemble un robot du vingt-deuxième siècle. Plus tard, Emily se rend au laboratoire et s’aperçoit que le robot a été assemblé mais qu’il ne reste plus que la phase finale : l’injection d’un fluide vital qui se fait par le biais d’une boîte de seringues hypodermiques qui évoque fortement celle vue dans Weird Science #5.
Quand le robot s’anime, il s’avère que l’être artificiel a l’apparence d’une très jolie blonde totalement servile. A son retour, Paul est immédiatement séduit par la jolie blonde, rapidement baptisée Eve. Bientôt Paul présente Eve à ses amis, qui sont impressionnés par sa beauté et fous de jalousie. Mais Emily est désespérée. Secrètement amoureuse de Paul, elle ne supporte pas de se faire doubler par une femme-robot. Entre-temps elle a reçu une autre lettre de la société du futur (qui s’est aperçu de l’erreur de livraison et propose d’envoyer un vortex temporel le lendemain pour récupérer la marchandise).
La finalité de l’histoire est différente mais la filiation est pourtant indéniable. Dans les deux cas il y a intervention de voyages temporels. Le mode de construction des deux femmes artificielles est similaire. Les deux simulacres de blondes proviennent de périodes voisines (2150 pour Jean, 2157 pour Eve) et finissent par y retourner accidentellement, à l’insu des protagonistes masculins. Il est certain que, sans être identique, « A Letter From The Future » est une version modifiée de « Made of The Future ». Même les deux titres sont proches ! Mais Strange Adventures #30 n’a pas véritablement laissé de trace durable dans les mémoires et reste, en fin de compte, un « emprunt » fait aux EC Comics par le scénariste Sid Gerson pour livrer sa commande. Cette histoire sans lendemain n’avait guère plus d’ambition. On ne peut pas en dire autant d’un autre auteur qui, toujours chez DC, allait trouver dans Weird Science #5 l’inspiration partielle du premier numéro d’un nouveau titre. Et cet autre auteur s’appelle… Jack Kirby !
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