[FRENCH] Le retour de Captain America tel que mis en scène par Stan Lee et Jack Kirby dans les pages d’Avengers #4 (1964) inscrivait, avec de nombreux détails, les aventures des Vengeurs dans un contexte chronologique remontant jusqu’aux années 40. Auparavant, Sub-Mariner avait déjà fait sa réapparition dans Fantastic Four #4 (1962), connectant ainsi le « Marvel Age » avec ses racines du Golden Age. Chez DC, on avait goûté à la technique dès 1961 en confrontant le Flash de l’Age d’Or (Jay Garrick) avec celui du Silver Age (Barry Allen). Mais le vrai modèle du « retour du héros » était survenu quelques années plus tôt, quand il avait fallu réintroduire Human Torch…
En 1953 se posa la question de ramener les principaux super-héros des comics Marvel, alors appelés « Atlas ». Sub-Mariner, Captain America et Human Torch (ces deux derniers flanqués de leurs faire-valoirs attitrés, Bucky et Toro) avaient en effet cessé d’apparaître depuis 1949/1950. Après la seconde guerre mondiale, la plupart des super-héros semblaient trop rattachés au conflit. Ils avaient fait leur temps et on pourrait dire aussi que, contrairement à Superman, Batman et Wonder Woman ils n’avaient pas forcément su peupler leur folklore de super-villains emblématiques. Les héros de DC avaient assez de « super gangsters » pour les occuper, même en temps de paix. Chez Marvel/Atlas, sorti du Red Skull (totalement dépendant de la guerre), l’éditeur n’avait pas su installer de menace durable, l’essentiel des adversaires étant des saboteurs nazis ou des gangsters aussi anonymes qu’ordinaires. Batman avait une liste d’ennemis mémorables longs comme le bras et agissait dans une ville fictive, ce qui lui donnait un relatif caractère intemporel. A force d’avoir trop pris parti dans la seconde guerre mondiale, les héros de Marvel, eux, n’arrivaient plus à s’en distinguer. Ce n’est pas qu’ils n’avaient pas eu quelques adversaires hauts en couleurs (comme l’éphémère White Vampire dans Human Torch Comics #14) mais l’éditeur n’avait pas jugé utile d’entretenir cette piste. Faute de se renouveler, Captain America, Sub-Mariner, Human Torch et les autres avaient donc été condamné à la naphtaline…
Il faut être honnête : si les revues de DC tenaient mieux le coup, c’est aussi parce que le feuilleton radio et le show télévisé « Adventures of Superman » avaient consacré le dernier fils de Krypton au rang d’icône de la culture populaire américaine. Tout n’était donc pas perdu pour les super-héros, d’autant que, peut-être, d’autres conflits lorgnaient et nécessiteraient le retour de personnages guerriers. Il y avait bien eu la Guerre de Corée (1950-1953), qui aurait pu fournir un « vivier » mais le conflit était extérieur, l’Amérique n’avait pas été attaquée sur son propre territoire… Restait, sur le plan éditorial, la possibilité que la Guerre Froide entre les USA et l’URSS explose finalement. Même sans cette éventualité, la montée du Maccarthysme et de la paranoïa anti-communiste en Amérique assurait un terrain favorable. En définitive il semble cependant que l’existence de la série TV de Superman ait été le facteur déterminant. Puisqu’un super-héros était populaire à l’écran, Martin Goodman, propriétaire de Marvel/Atlas, décida de ramener ses anciennes valeurs sures. Dans le pire des cas il s’agissait de profiter d’une mode éventuelle lancée par le show. Dans la meilleure hypothèse, Goodman espérait bien arriver à placer les droits d’un de ses personnages pour qu’il devienne à son tour un feuilleton. Or, la valeur marchande n’est pas la même selon qu’on parle d’un comic-book qui continue de paraître ou, au contraire, d’une série qui s’est arrêtée depuis des années.
En décembre 1953, dans Young Men #24, les trois principales têtes d’affiches de la firme firent donc soudainement leur réapparition après environ quatre ans d’absence. Là où le numéro est particulièrement notable, c’est que le ou les scénariste(s) (seuls les styles des dessinateurs est reconnaissable mais on s’accorde souvent à penser que Stan Lee a eu au moins une part de responsabilité dans l’histoire) décidèrent de ne pas faire comme si de rien n’était. Les trois principaux héros de Marvel auraient pu réapparaître comme si de rien n’était, comme s’ils n’avaient jamais cessé de combattre le crime… Pourtant, le scénario s’employa à expliquer le laps de temps et le pourquoi de la disparition des personnages. Pour Sub-Mariner, la chose était facile : le Prince des Mers était simplement retourné dans son royaume sub-aquatique et on n’avait pas eu besoin de lui pendant des années, jusqu’à ce que son amie humaine Betty Dean l’appelle à nouveau à la rescousse en 1953 et provoque ainsi son retour « dans le monde de la surface ». Pour Captain America, c’était un peu la même chose. On savait depuis 1946 et Captain America Comics #59 que Steve Rogers avait quitté la vie militaire pour retrouver sa profession antérieure de professeur, dans une école où, bien sûr, Bucky était devenu son élève. Là aussi, on n’avait pas eu besoin de Captain America pendant les années écoulées (à croire que l’armée n’avait pas pensé à l’envoyer en Corée). Steve Rogers était donc toujours un professeur anodin. Plus curieux, Bucky était toujours son élève, comme s’il n’avait pas pris une ride depuis 1941. A croire que Bucky était victime d’un curieux problème de croissance et, dans le même temps, avait trouvé le moyen de redoubler sans fin entre 1946 et 1953. Apprenant que le Red Skull, nouvellement converti au communisme, avait pris des otages, Rogers et Bucky décident finalement de sortir de leur retraite et de redevenir Captain America et… Bucky (le jeune garçon faisant toujours preuve d’autant de flair pour protéger son « identité secrète »). Mais ce n’est pas Sub-Mariner ou Captain America que Lee et Goodman décidèrent de mettre en première ligne de Young Men #24 (leurs histoires seraient reléguées en deuxième position).
Peut-être parce qu’après tout, en 1939, Human Torch avait occupé la couverture et été la première histoire de Marvel Comics #1, le héros incendiaire eut le droit d’ouvrir le bal de cette renaissance groupée… Avec cependant une difficulté particulière. Contrairement à Namor, Human Torch ne relevait pas d’un royaume étranger, non-humain, où il pouvait disparaître pendant des années. Contrairement à Steve Rogers, l’identité civile de Human Torch (Jim Hammond) n’avait guère été utilisée depuis le début des années quarante et les scénaristes avaient d’ailleurs sans doute totalement oublié qu’Hammond avait été policier un jour. Aux yeux des auteurs, Human Torch n’avait donc pas pu disparaître à l’autre bout du globe ou se cacher sous un alter ego civil. Et un être qui s’enflamme spontanément, ça laisse des traces. Dans son cas, il allait donc falloir trouver une explication plus détaillée…
« The Return of the Human Torch » commence sans perdre de temps par une scène d’action, la « Torche Humaine » des origines étant déjà occupé à affronter ce qui semble être un gang. Le commentaire donne le ton en soulignant diverses questions. L’ironie de la situation est que, vu l’âge moyen des lecteurs de l’époque, il y a fort à parier que la plupart du public de 1953 n’avait qu’une vague idée qu’il y avait eu un Human Torch jusqu’en 1949. Pourtant le narrateur s’efforce de faire naître un certain suspens : « Human Torch… Le plus grand ennemi du mal est de retour ! Mais où était-il toutes ces années ? Et qu’est-ce qui l’a ramené ? Voici toute l’histoire derrière le mystère de la longue absence d’Human Torch !« . Pendant ce temps le héros enflammé balance des boules de feu sur ses adversaires. Un des gangsters s’écrie « Sacrées fumées, boss ! C’est Human Torch ! ». Et son patron rétorque (en nous donnant déjà un élément de réponse): « Cela ne se peut pas ! Nous l’avons enterré dans le désert il y a quatre ans ! ». En continuant de les combattre, Human Torch répond par l’affirmative. Oui, il a bien été enterré il y a quelques années mais il est revenu pour les combattre, « eux et leur syndicat corrompu du crime !« . Car visiblement être un syndicat du crime n’est pas suffisant pour être une organisation vraiment maléfique. Il faut en prime être un syndicat corrompu du crime. Alors que le héros progresse vers eux, le chef de la bande ordonne qu’on « éteigne à nouveau sa flamme en lui projetant une dose de solution X-R« . La solution en question ressemble à un petit extincteur…
Marquant un temps d’arrêt, Human Torch remarque que « c’est ce truc que vous utilisé sur moi il y a quatre ans, mais vous n’y arriverez pas à nouveau« . Il combat alors l’essentiel de la bande en faisant étalage de ses pouvoirs, de sa capacité à tirer des flammes ou, plus simplement, de se défendre avec ses points. Finalement cependant les hommes sont trop nombreux et pendant qu’Human Torch en affronte quelques-uns, ceux qui restent ont toute l’occasion pour utiliser « l’extincteur X-R » : « Une solution verte recouvre Human Torch ! Sa flamme faiblit, vacille…« . Même Human Torch, recouvert de mousse (qui n’est absolument pas verte malgré ce que peut en dire le commentaire) est étonné de la manière dont il s’éteint. Le lecteur a donc tout le loisir de découvrir que sous les flammes Human Torch ressemble à un homme blond, vêtu de rouge. Heureusement pour le héros, il arrive à se concentrer et, par la force de sa volonté, à rallumer la fournaise qui se dégage de sa peau. Les gangsters ont beau l’asperger à nouveau de « solution X-R« , rien n’y fait. Il a tôt fait de les battre et n’a plus qu’à attendre l’arrivée de la police de « New City » (ville fictive à l’évidence dérivée de New York City).
Une fois sur les lieux, le Chef Wilson (en gros l’équivalent du Commissaire Gordon) est surpris de retrouver son vieil allié, Human Torch, après des années de silence. Où donc était-il passé ? Et qu’est-il advenu de son jeune ami Toro ? Human Torch explique alors que c’est pour le découvrir qu’il est revenu de la tombe ! Le temps des explications véritables est venu. Human Torch explique que Toro et lui ont été capturé il y a quatre ans grâce à un extincteur de solution X-R et qu’il ne sait pas ce qu’est devenu, depuis, Toro. On notera au passage que la solution X-R est une véritable énigme. Au demeurant on serait tenté de se convaincre que c’est l’arme anti-Human Torch absolue puisqu’elle permet de neutraliser (au moins en théorie puisqu’on vient de voir le contraire) les pouvoirs incendiaires du héros. D’où le terme « extincteur » qui semble, au demeurant, approprié. Seulement voilà, en ouverture d’histoire les gangsters ne s’attendaient pas à voir revenir Human Torch, ont été surpris de le voir réapparaître… et avaient pourtant à porté de la main un container de solution X-R. A quoi vous sert d’avoir sur vous un extincteur anti-Human Torch si vous êtes convaincu d’avoir neutralisé cette même menace quatre ans auparavant ? Si on y regarde bien, il faut interpréter la solution X-R comme quelque chose de plus large, qui ne concerne pas seulement Human Torch mais peut sans doute neutraliser tous les super-héros (après tout elle est arrivée à neutraliser, quatre ans plus tôt, aussi bien l’androïde Human Torch que son compagnon Toro, qui lui est un être vivant). Que les gangsters continuent de transporter, en 1953, de la solution X-R sur eux ne peut signifier qu’une choses : elle leur sert d’arme éventuelle contre d’autres super-héros. Marvel tient donc ici sa kryptonite (à plus forte raison puisque le scénario mentionne une couleur verte) même si ce point ne sera jamais vraiment développé. On verra un peu plus loin, pourtant, que son rôle a peut-être perduré…
Reste cependant à briefer les nouveaux lecteurs. Car avouez que si vous êtes un ado de 1953 et que vous n’avez qu’une vague idée de qui est Human Torch (en admettant que vous ayez déjà entendu parler de lui), le préambule de l’histoire, reposant sur la réapparition soudaine du personnage, est plutôt dénué d’explication. Sur le ton de « Chef Wilson, vous vous souvenez bien des détails de ma genèse mais je vais quand même les répéter« , Human Torch commence alors à se remémorer des événements de sa « naissance« . Encore que cette rétrospective s’inscrit dans un certain révisionnisme (un des éléments qui font qu’on soupçonne Stan Lee d’être le scénariste, connu qu’il est pour ses célèbres trous de mémoire). Car l’origine telle qu’elle est montrée ici n’a pas grand chose à voir avec celle utilisée dans Marvel Comics #1. Dans la première version (la plus connue), Human Torch est avant tout un automate, un robot (ces dernières décennies on a préféré utiliser le terme androïde) construit à l’image de l’homme par le professeur Horton mais avec le défaut problématique de s’enflammer au contact de l’air. D’abord considéré comme un danger public, Human Torch deviendra un super-héros à part entière après avoir appris a contrôlé sa flamme (et après avoir coupé les liens avec son inventeur, qui voulait l’utiliser pour faire fortune). Dans la version 1953, Human Torch commence à expliquer qu’il est né « dans une éprouvette pendant la dernière guerre mondiale« . Chronologiquement ce n’est pas entièrement faux puisque Marvel Comics #1 est paru en octobre 1939 alors qu’on considère que la seconde guerre mondiale a débuté en septembre de la même année et qu’Hitler avait déjà commencé quelques temps auparavant ses premiers discours annonçant la guerre. Mais, dans le contexte d’Human Torch il y a peu de chance qu’il considère octobre 1939 (deux ans avant que l’Amérique entre dans le conflit) comme un repère de la guerre. La première impression est donc déjà qu’on joue sur les dates et que l’origine montrée en 1953 est supposée s’être plutôt déroulée au début des années quarante. Mais c’est surtout la suite des événements qui va s’avérer sidérante quand on compare à l’origine classique : un professeur non nommé (qui est donc peut-être le Professeur Horton mais peut-être pas) est en train de procéder à une expérience chimique quand, spontanément, la flamme s’élevant au dessus d’un chaudron prend forme humaine. Et le scientifique de s’écrier « Bonté divine ! Cette… cette flamme est vivante ! C’est une Torche Humaine !« . L’être ainsi créé s’adresse alors au savant : « Oui, Professeur ! Je suis vivant et je peux éteindre ma flamme à volonté ! Vous m’avez créé… que voulez-vous que je fasse ?« . Altruiste, le professeur ordonne à la créature de feu d’utilise ses pouvoirs pour combattre le Mal à travers le monde. Dans la version de 1953, Human Torch n’est donc pas un automate mais une sorte d’esprit élémentaire créé à la suite d’un incident chimique et qui peut se transformer en être humain comme par magie. On notera au passage que la manière qu’il a demander à son créateur ce que celui-ci veut qu’il fasse s’inscrit dans un mécanisme très proche d’un génie qui permettrait d’exaucer des voeux.
Le flash-back enchaîne ensuite directement avec une manière plutôt radicale de combattre le Mal : Human Torch explique que l’être le plus maléfique de l’époque était Hitler et qu’il a donc combattu ce dernier. Au point que, la fiction se nourrissant de la réalité, la case nous montre Human Torch en train de brûler lui-même Hitler à Berlin. Agonisant, Hitler ordonne à un de ses hommes de faire croire au monde qu’il s’est suicidé plutôt que de reconnaître le mérite de sa mort à Human Torch. Ce point de continuité sera d’ailleurs conservé dans l’univers Marvel moderne où c’est bien Human Torch qui continue d’être reconnu comme étant celui qui a tué Hitler. Human Torch a donc mis fin au IIIème Reich à lui seul, comme si aucun autre super-héros n’était intervenu dans le conflit. Il explique ensuite (visiblement pas intéressé par ce qui se passait au Japon en 1945) il est rentré en Amérique où il a combattu les espions qui restaient, puis les racketteurs et gangsters en tout genre. Mais… si vous regardez bien, il y a dans cette liste d’exploits et de personnages un grand absent. Où donc est passé Toro, ce jeune compagnon que Human Torch mentionnait quelques cases plus tôt ? Ne l’aurait-il pas aidé pendant la guerre ? Et bien bon ! Toro, à l’origine, était apparu dans Human Torch #2 (en 1940). C’était un jeune phénomène de foire, un humain doué des mêmes pouvoirs que l’androïde (une explication plus récente identifie Toro comme un mutant mais conserve cette chronologie des événements). Dans la version 1953, Human Torch explique qu’il a toujours combattu seul le crime (faisant une totale abstraction des fois où il s’est allié avec Sub-Mariner ou l’équipe des All-Winners Squad) jusqu’en 1949, date à laquelle il a rencontré Toro. C’est à son contact (neuf ans après la continuité traditionnelle) que Toro a découvert qu’il avait les mêmes pouvoirs et a accepté d’aider Human Torch dans son combat contre le crime. Là où finalement Human Torch n’avait été solitaire que quelques mois avant d’adopter Toro, cette version fait du jeune homme un sidekick très tardif qui n’aura fait équipe avec son mentor que quelques temps.
Mais le Chef Wilson coupe Human Torch. C’est justement en 1949, un peu plus tard, que les deux héros ont disparus. Que leur est-il arrivé ? Le héros raconte que lui et son auxiliaire croyaient en avoir fini avec le syndicat du crime, ayant piégé toute la bande… mais que le chef de gang a utilise sur eux l’extincteur X-R, neutralisant leurs pouvoirs. Il est intéressant de noter que dans ce flash-back la solution X-R ne prend pas du tout la même forme que dans la scène précédente. Au lieu d’une mousse (façon extincteur traditionnel) se formant sur le corps de la victime, celle de 1949 ressemble à un simple spray qui ne laisse pas de trace visible (pas de mousse) mais paralyse les victimes. A partir de là, cette scène semble énormément compatible avec les événements de The Twelve #1, dans lequel une douzaine de super-héros (qu’il s’agisse d’humains, de surhumains ou de robots) sont paralysés et plongés dans un sommeil artificiel par une vapeur verte. La vapeur verte de The Twelve #1 pourrait être une variante de la solution X-R puisque les deux substances ont le même effet sur des héros vivants ou mécaniques. Une fois les deux héros paralysés, le chef de la bande décide de conserver Toro pour un autre projet mais, surtout, d’en finir avec Human Torch en emmenant le corps immobile dans le désert. C’est bien sur une allusion au cliché des criminels cachant le désert les cadavres de ceux qui sont devenus trop « dérangeants ». Human Torch explique qu’il est resté enterré sous le sable pendant des années, jusqu’à ce qu’une énorme explosion secoue le sol et qu’il sente une sensation de chaleur traverser son corps. A nouveau capable de mouvements, Human Torch s’est aperçu que ses pouvoirs étaient également revenus. Il a pu ainsi s’extirper de sa tombe et s’envoler, ne comprenant pas ce qui se passait… Jusqu’à ce qu’il se retourne et aperçoive derrière lui un grand champignon atomique.
Le Chef Wilson comprend alors, sidéré, que les gangsters avaient caché le corps d’Human Torch sur le site de test des bombes atomiques. Et le héros d’insister « Oui, Chef Wilson ! Et maintenant mon corps est entièrement « radioactivé », me donnant un pouvoir bien plus grand qu’avant ! Même la solution X-R n’a plus d’effet sur moi !« . Il serait intéressant de savoir si quelques années plus tard le Chef Wilson ne s’est pas retrouvé dans un service de cancérologie en se demandant pourquoi et comment il avait pu se tenir à côté d’un androïde radioactif sans réaliser l’erreur qu’il commettait mais à cette époque, visiblement, même après Hiroshima l’Amérique avait du mal à saisir le danger représenté par les radiations. Sans doute qu’il y avait les « bonnes bombes » (celles, justes et équitables, des USA qui ne faisaient du mal qu’aux méchants) et les « mauvaises bombes » (celles des communistes). Les explications terminés, Human Torch questionne alors le chef des gangsters pour savoir ce qu’il est advenu de Toro. De peur d’être brûlé, le malfrat finit par avouer qu’il a livré Toro à « un pays derrière le rideau de fer en échange de la solution X-R, préparée pour nous par leurs scientifiques ! C’était le deal, Torch ! ». Apprenant que le gangster et kidnappeur est en plus un traître à la solde des rouges, Human Torch devient furieux et prêt à battre l’homme. Quand le Chef Wilson réalise que les explications du criminel recoupent les déclarations des G.I. américains présents en Corée, qui ont vu d’étranges traînées de feu. Sans plus attendre, Human Torch décolle pour la Corée…
Arrivé sur la « ligne de front » (bien qu’un délicat armistice ait été signé en juillet 1953), Human Torch questionne quelques militaires américains qui lui confirment bien que chaque nuit quelque chose en feu apparaît dans le ciel et incendie leurs dépôts de munition (il faut croire que chaque jour les G.I. se dépêchent de reconstituer un stock d’armes qu’on peut leur incendier à nouveau la nuit venue). Bientôt, Human Torch surveille le ciel et réalise, sans grande surprise, que l’objet de feu qui traverse le ciel chaque nuit est bien Toro. Mais pourquoi travaillerait-il pour les rouges ? Tentant de le rattraper, Human Torch réalise que le jeune homme a subit un lavage de cerveau. Reconnaissant en la Torche un « ennemi du communisme« , Toro ne manque d’ailleurs pas d’attaquer son ex-mentor. Heureusement Human Torch est plus fort, d’autant plus que ses flammes ont désormais la « puissance atomique ». Toro est vite neutralisé et son ami le ramène vite aux USA où un médecin l’informe que « Toro est une victime d’un lavage de cerveau communiste ! Les Rouges l’ont forcé à croire que l’Amérique et ses alliés sont ses ennemis ! » Ce qui là aussi fonctionne assez bien avec d’autres points de continuité puisque c’est tout à fait raccord avec ce qui est arrivé à l’ex-Bucky transformé en Winter Soldier pendant la guerre froide. Toro a sans doute subit le même traitement en URSS avant d’être envoyé en Corée. Il y aurait même un certain potentiel à montrer, un jour, Toro, le Winter Soldier et la jeune Black Widow dans une « mission communiste commune » se déroulant dans les années 50.
Toro est donc hospitalisé mais Human Torch n’a pas le temps de se faire du souci pour lui. Le Chef Wilson réapparaît pour expliquer que sa fille, Mary, a été capturée par un gangster nommé le Boucher (tout un programme). Le Boucher ne veut pas de rançon. Il veut qu’Human Torch se livre de lui-même et se laisse enfermer dans un caisson de métal. Soucieux d’épargner Mary Wilson, la Torche se rend au rendez-vous, s’enferme de lui-même dans le caisson… Qui est bientôt emporté par un hélicoptère. A bord, les gangsters ont dans l’idée de jeter le caisson au fond de l’océan, là où la flamme d’Human Torch ne pourra pas le sauver. Bientôt, la boite, comme un cercueil, sombre au fond de l’eau. Heureusement pour Human Torch, à peine l’hélicoptère des gangsters a disparu à l’horizon qu’une traînée de feu apparaît dans le ciel. Toro est redevenu lui-même ! « Ces docteurs à l’hôpital m’ont sacrément tiré de ma transe hypnotique ! Le traitement de choc a fait le reste !« . Toro plonge immédiatement sous l’eau, en gardant sa flamme assez intense pour qu’elle vaporise l’eau autour de lui (il reste donc enflammé même sous la surface). Et si d’aventure vous vous demandez pourquoi, si Toro peut « brûler » sous l’eau, le piège serait plus dangereux pour Human Torch, le scénariste y a pensé. Toro pense en son fort intérieur : « Si la Torche est à l’intérieur, sa flamme est inerte car le couvercle est scellé ! Il ne peut rien ! Alors que rien ne m’empêche, moi, d’incinérer le couvercle depuis l’extérieur !« . Rapidement les deux torches quittent l’eau et s’envolent à nouveau dans le ciel, avant de repérer que l’hélicoptère s’est posé non loin d’une cabane de plage. C’est sans doute à l’intérieur que Mary Wilson est retenue prisonnière. En les voyant arriver et réalisant qu’ils n’ont plus aucun moyen de les arrêter, les gangsters tentent de redécoller avec l’hélico. Mais les deux Torches font exploser l’engin en plein vol (et tant pis pour les vies humaines, c’étaient des gangsters communistes de toute manière)…
Plus tard, de retour à l’hôpital, c’est le moment de la conclusion. Toro s’exclame : « Les docteurs disent que je suis en pleine forme, Torch ! Nous avons été tellement occupés que j’ai oublié de te remercier pour m’avoir libéré des communistes !« . Human Torch insiste alors : « C’est OK, Toro. La chose importante est que nous sommes à nouveau ensemble, pour combattre le crime et le mal ! Human Torch et Toro sont à nouveau actifs ! Serre-moi la main !« . Cette renaissance d’Human Torch (et des super-héros Marvel en général) serait cependant de courte durée. D’abord pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment. Human Torch, Toro et les autres n’affronteraient pas de personnages aussi mémorables qu’un Joker ou même qu’un Lex Luthor. Le Red Skull serait à nouveau à peu près le seul ennemi identifié. Puis ils arriveraient un peu tard pour rebondir sur les événements de la guerre de Corée. Enfin, en 1954, le Maccarthysme allait graduellement être tourné en ridicule et le fait de voir des espions rouges partout allait se démoder. Qui plus est, contrairement à ce qu’il espérait, Goodman n’arriverait pas à monnayer les droits audiovisuels de ses personnages. Human Torch retournerait donc au bout de quelques mois dans les limbes (une explication plus tardive veut que le héros remarquera que son niveau de radioactivité a trop augmenté et qu’il risque d’irradier son entourage. Human Torch préfère alors retourner dans le désert et décharger son énergie de manière à se désactiver). On ne reverrait le personnage que dans les années 60, mais pas avant que le jeune Johnny Storm lui ait volé son nom de code dans les pages des Fantastic Four. Reste que Young Men #24 reste le premier comic-book de l’Histoire qui se soit donné tant de mal pour justifier une certaine chronologie entre deux épisodes éloignés de tant d’années. De ce fait c’est assurément un jalon important dans la constitution de l’univers partagé moderne de Marvel.
[
Xavier Fournier]
PS: En dehors de la page d’ouverture qui est dessinée par Carl Burgos (le créateur original d’Human Torch), le reste du récit est illustré par Russ Heath, qui s’est depuis imposé comme un talentueux vétéran. Mais l’industrie des comics n’a pas toujours pris soin d’assurer l’avenir de ceux qui en faisaient le succès et de nos jours Heath connaît un certain nombre de problèmes de santé, révélés dernièrement dans un émouvant article de Jim McLauchlin sur Newsarama. Sans les moyens financiers de faire face, Russ Heath est soutenu par The Hero Initiative mais aussi par son agent, Steve Wyatt (swyatt@super-con.com), qui centralise les demandes faites à l’artiste. Bref, si vous avez envie de commander une « art commission » à une légende des comics, le moment parait bien choisi pour aider ce vétéran par la même occasion…