Batman a un problème de taille: Gotham (le héros), rendu fou par le Psycho-Pirate, s’attaque désormais à Gotham (la ville). Et dès lors que l’attaquant a les pouvoirs d’un Superman, comment le stopper ? Tom King et David Finch avancent vite dans la saga des nouveaux héros locaux. Mais s’il y a, à plusieurs endroits, de bonnes idées, elles semblent désorganisées ou manquer de « vista ».
Dessins de David Finch
Parution aux USA le mercredi 17 août 2016
Que veut faire Tom King de son Batman ? C’est une question qu’on peut se poser en plusieurs endroits et c’est, en théorie, une bonne chose puisque cela tend à dire que le scénariste se révèle imprévisible. Et il nous réserve, il est vrai, quelques surprises, comme le rôle d’Alfred en ce début de cinquième épisode. Mais la méthode est telle qu’on ne sait plus trop, à un moment, si les auteurs cultivent volontairement un sentiment décalé, incongru, ou s’il s’agissait vraiment de donner à Alfred son moment de bravoure. Sans doute un peu les deux choses à la fois et du coup… aucune véritablement. De même, l’idée d’un homologue de Superman se lâchant dans la ville de Batman a de quoi intéresser, puisque par la force des choses les auteurs sont plus libres que dans une opposition classique entre Batman et Superman. Mais là non, Bruce Wayne semble assez peu préparé à ce genre d’éventualité et sa riposte n’a rien d’un plan mûrement réfléchi. Ce qui fait qu’il ne lui reste qu’à employer allié après allié contre son ennemi en espérant que l’un finira par frapper plus fort. Ce n’est pas mauvais, mais il y a des moments où l’on se connecte avec l’histoire et d’autres où toute tentative d’empathie semble hors de portée, pas pour les idées à la base mais dans leur exécution. Que pour une fois Batman demande de l’aide en dehors du périmètre de la ville, c’est logique. Peut-être même qu’il ne le fait pas assez. Mais Ton King est assez désinvolte dans sa manière d’utiliser les renforts, de les mettre en scène, et perd du coup la majeure partie de la théâtralité, banalisant l’évènement. Parfois c’est intéressant, c’est drôle même (le passage avec Alfred) mais on ne sait pas jusqu’à quel point c’est géré. L’humour se télescope avec la dureté de ce qui arrive à Gotham et la naïveté très Silver Age de Gotham Girl, avec en plus cet aller-retour entre les rues et la Batcave qui nous fait sortir à chaque fois d’une ambiance. Quand, vers la fin, arrive une voix off qui s’exprime carrément depuis une autre époque, faisant écho à Alfred qui lui, à voix haute, se souvenait d’une conversation très ancienne, la construction de l’ensemble devient bancale, même si on sent de la bonne volonté.
On ne pourra pas faire le reproche à Tom King et David Finch de faire trainer l’histoire de Gotham et de Gotham Girl. Bien sûr, d’emblée, il semblait évident que la ville n’était pas assez grande pour un Batman et des surhommes. Mais le clash est déjà là, quand bien même causé par une source extérieure. L’idée dans ce cinquième numéro est de nous montrer quel est le véritable centre de l’histoire. Malheureusement la fin est confuse. La narration fait qu’on ne sait guère si Gotham Girl cherche à affronter son frère avant qu’il blesse quelqu’un ou bien si au contraire elle veut le stopper avant que lui-même soit blessé. Là aussi, c’est un peu les deux choses à la fois et donc aucune véritablement. King insinue aussi déjà des choses sur l’avenir de Duke, à peine arrivé dans la Batcave. C’est un peu dans la lignée de ce que faisait Scott Snyder avec le jeune garçon, en le faisant avancer par ellipse, en le montrant un coup dans un flashback un autre coup dans une vision de l’avenir. Mais au moment où les bat-séries semblent vouloir maintenir le doute dans son rôle, jouer encore la carte d’un avenir établi pour lui c’est un peu le figer. Difficile d’avoir un avis catégorique là-dessus tant l’intrigue est, sans cesse, engluée au milieu de quelque chose. Il est très possible qu’au bout de la saga les personnages en retirent quelque chose, avancent. Mais à ce stade, rendu à ce chapitre, les directions semblent confuses.
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