Jeff Lemire et Dean Ormston continuent de passer en revue les origines de leurs super-héros piégés dans une petite ville américaine. Cette fois-ci c’est le Colonel Weird, sorte de descendant d’Adam Strange, qui passe sous le microscope. S’il peut aller et venir à travers l’espace-temps, Weird n’est-il pas le plus libre d’entre eux ? Pas s’il cache lui aussi une tragédie…
Scénario de Jeff Lemire
Dessins de Dean Ormston
Parution aux USA le mercredi 16 novembre 2016
A mi-chemin entre les archétypes d’Adam Strange et Captain Future (Capitaine Flam), le Colonel Weird a été vu depuis le début de la série comme une sorte d’élément pertubateur, faisant irruption dans une scène ou une autre alors qu’à l’évidence le personnage n’a plus toute sa tête. Et en même temps, alors que les héros de ce titre sont piégés dans un monde dégoulinant de normalité, Weird semble celui d’entre eux qui est le plus libre d’aller et venir, que ce soit à travers les objets solides ou la réalité, via une sorte de zone-tampon nommée la Para-Zone (juste milieu entre le rayon Zéta d’Adam Strange et la Zone Négative des Quatre Fantastiques). On avait deviné, via les épisodes parus à ce jour, que cette « twilight zone » était une sorte de portail… De là à dire que c’est la clé du retour des héros chez eux, il y a un pas que Black Hammer #5 déconseille de franchir. Non, la Para-Zone n’est pas une voie d’évasion que le Colonel Weird, au trois quarts fou, serait incapable d’utiliser. Au contraire les auteurs nous explique les tenants et les aboutissants du personnage. C’est à dire pas son origine à proprement parler (l’aventurier de l’espace est un tel « cliché » qu’il est superflu d’aller lui chercher une génèse) mais bien ce qui fait qu’il est lui, à savoir un évènement un peu plus tardif, alors qu’il explorait les étoiles en compagnie de son fidèle robot (dont le côté mysanthrope prend ici encore une autre signification).
« It can’t be… You can’t be real ! »
Il est intéressant de comparer Black Hammer avec ce que la gamme Young Animal s’efforce de faire chez DC, à savoir renouer avec le post-super-héroïsme à la charnière des années 80/90, découlant de Watchmen ou des runs de Grant Morrison sur Animal Man et la Doom Patrol. A ce petit jeu, Black Hammer dépasse de loin le « new Vertigo » de DC. D’une part parce que les héros sont propres à Lemire et Ormston, que même s’ils ressemblent à des modèles connus (Martian Manhunter, l’Enchantresse…) ils sont pratiquement des pages blanches sur lesquelles on peut écrire ce qu’on veut. Le fil directeur de la série (et à bien des égards de l’écriture de Lemire en général), c’est la mise en échec de la figure du super-héros. C’est parfois lent (les auteurs se donnent le temps de mettre en place les protagonistes un après l’autre) mais les dominos tombent de manière implacable, épisode après épisode. Ici, le héros qui semblait le plus libre (mais peut-être tout simplement trop cinglé pour s’évader) est montré comme l’un des plus tragiques de la série, puisque son drame personnel est bien antérieur à cette captivité dans une petite ville si « typique » qu’elle en prend des airs de monde à la David Lynch. Black Hammer, c’est une galerie de portraits dysfonctionnels. L’épisode de ce mois ne déroge pas à cette règle. C’est aussi un rythme bien particulier, dans lequel on entre ou pas. Mais alors qu’on approche de la conclusion du premier arc (et sans doute, aussi, vers la fin de la période d’introduction des personnages), on se dirige aussi vers une évolution des règles du jeu. Pour l’heure, ces origines ressemblent un peu à une déclaration d’intention, une sorte de « regardez ce que j’aurais fais avec ces personnages si on m’avait laissé faire chez DC ». Et l’exercice de style est fascinant.
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