Tandis que Malcom Dragon veille au grain son père, le « Savage Dragon classique » profite de sa liberté retrouvée. Mais il n’est pas le seul revenant dans la série. Son grand amour perdu, Jennifer, est également de retour. Un épisode qui s’intéresse aux couples réels ou potentiels de la série, à la manière d’Erik Larsen, c’est à dire un angle vraiment à part, comparé aux autres comics du moment.
Scénario d’Erik Larsen
Dessins d’Erik Larsen
Parution aux USA le 22 mars 2017
Si Dragon « senior » doit se réhabituer à la vie civile, ce n’est rien par rapport à son ancienne dulcinée, revenue sur Terre et devant s’habituer à une Amérique où non seulement Trump est président… mais où elle se rend compte qu’en l’espace de 17 ans elle a manqué quelques mandats présidentiels. C’est un atout de la série Savage Dragon que de se dérouler en temps réel et de pouvoir jouer sur ce ressort. Les personnages en ressortent plus creusés, plus travaillés, et le mécanisme du temps qui passe fait que les choses ne se remettent pas obligatoirement dans le sens où on les connaissait. Etre imprévisible, c’est un peu la marque de fabrique d’Erik Larsen et le public qui suit déjà en VO Invincible serait bien inspiré de lorgner sur cette série qui, d’une certaine manière, fut un peu l’une de ses inspirations. Si Robert Kirkman sait jouer sur les réactions parfois obliques de ses personnages, Larsen sait utiliser lui aussi cette ficelle, c’est certain. Mais surtout il est imprévisible non pas dans les rebondissements qu’il assène à ses protagonistes (comme le retour récent de Jen) mais par la tonalité qu’il ose, dans un marché des comics bien connu pour être habituellement très puritain. Le Punisher peut trucider 50 types dans une case, Wolverine peut en découper autant… Mais surtout n’allez pas montrer le début d’un bout de sein sous peine de créer le scandale. Thanatos est banalisé, accepté, mais surtout qu’on n’ébauche pas un début d’Eros. Enfin, d’habitude. Erik Larsen montre ici, encore une fois, qu’il n’a que faire de ces convenances coincées.
« And I suppose you just banged me out of obligation, eh ? »
Dès les premières années de Savage Dragon, Larsen a fait preuve à évoquer des sujets « crus ». Enfin, peut-être ne le sont-ils pas vraiment, seulement par défaut, parce que les autres ont pris l’habitude de ne pas en parler, pour fuir les polémiques. Les personnages de Savage Dragon, eux, parlent de sexe. Et ils ne font pas qu’en parler. Ils couchent sans se cacher. Les lecteurs du titre se souviendront des expériences de Malcom et de sa jeune épouse, dans un passé récent. Cela ne veut pas dire qu’il donne dans la pornographie. Ici la preuve, avec une scène ou Dragon est au lit avec sa maitresse… sans que visuellement on en montre beaucoup. Mais à l’inverse le scénariste/dessinateur est capable d’aller loin sans forcément être descriptif. De ce côté, Larsen n’en termine pas de pousser Maxine, presque maladive, dans une situation assez peu habituelle pour les comics américains. Toujours sans trop montrer, mais en étant explicite. De ce côté-là, le visage de Luke Cage penché sur Jessica Jones dans Alias fait carrément sage, tellement ici Larsen a décidé de ne plus faire dans le faux-semblant. Clairement, Savage Dragon #222 sort des habitudes et ne donne pas dans la dentelle. Cela choquera peut-être certains lecteurs. Et dans le même temps, quand on compare, cela reste encore assez dans les clous par rapport au cinéma. On aborderait cela dans un film ou dans une BD européenne, peu de gens tiqueraient. Mais là, on parle comics et il y a toujours quelqu’un pour débouler en ramenant ça à l’idée que la BD est forcément lue par des enfants et que c’est mal de leur dire que les enfants ne naissent pas dans les roses. Comme il l’explique à sa manière dans les pages éditoriales, Larsen a décidé de tirer pleinement profit de la classification « mature » du titre et de ne pas se limiter. Cela peut paraître provo, par rapport à certains réflexes puritains. Mais dans un sens Savage Dragon montre ici qu’en plus d’être imprévisible le titre demeure un espace de liberté, où l’auteur ose.
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