Avec Savage Dragon, le scénariste/dessinateur Erik Larsen n’hésite pas à aborder sans détour l’actualité politique des USA, sans inventer de président fictif ou ce genre de choses. Il était inévitable qu’il aborde, à son tour, la présidence de Donald Trump, avec ses héros directement touchés par la nouvelle administration. Savage Dragon doit se préparer à une nouvelle vie.
Scénario d’Erik Larsen
Dessins d’Erik Larsen
Parution aux USA le mercredi 31 Août 2017
Tous les fans de comics old school reconnaîtront le design de la page avec laquelle Erik Larsen ouvre ce numéro, empruntée à John Byrne (ce qui ne manque pas de sel quand on connaît la complexité des rapports entre les deux auteurs). Si la couverture promet un évènement lié à Trump, Larsen n’oublie pas de prendre en compte les évènements marquants traversés dans l’épisode précédent. On enterre donc Savage Dragon père, laissant désormais encore plus la voie à Savage Dragon fils. Mais surprise : la presse présente à la cérémonie s’intéresse autant au deuil de Malcolm qu’à ce qu’il pense des nouvelles lois « anti-aliens » (aliens étant du coup à prendre au sens très large) que Donald Trump vient de faire passer. Larsen gère assez bien la différence entre les deux Dragons. Le père aurait répondu quelque chose de cinglant, le fils est un peu plus mesuré, peu intéressé par les choses politiques. Dès la page suivante, cependant, il est rattrapé par les événements, avec le quidam moyen interviewé à la TV reprenant des éléments de langage directement tirés de la réalité. Comme Secret Empire #10 mais sans doute encore plus, Savage Dragon #226 résonne avec l’actualité. Ce n’est pas seulement l’idée parler de Trump (il sera là encore au moins trois ans et demi) mais bien d’évoquer l’hystérie d’une partie de ses partisans. Certaines des cases seraient basées sur ce qui se disait ces derniers jours à Charlottesville que ce serait pareil. Le fait est que c’est techniquement impossible, que Larsen a juste visé certaines phrases clés depuis le début de la mandature… Et qu’au final sa pertinence est sans doute bien plus grande encore que ce qu’il avait conçu.
« What you did was be born with the wrong-colored skin, at the wrong time, on the wrong earth. »
Certains diront que les pro-Trump y sont caricaturés à l’extrême. Mais pourtant, pour le coup, ils sont plutôt raccords avec ce qui se passe à l’instant T. Il suffit de faire un tour sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte. Et assez vite cela ne s’arrête pas à se débarrasser d’un extra-terrestre (l’ancien casier judiciaire du père étant au moins un prétexte, tandis que ses exploits héroïques sont qualifiés de fakenews). Larsen rebondit sur le fait que Dragon, le père, avait été gracié par Obama, ce qui fait de la famille une cible politique de choix. C’est logique dans la continuité de la série. Mais si on y regarde bien, ce à quoi s’attaque Larsen ce n’est pas tant Trump que ceux qui vibrent à ses paroles. Et on passe vite au-delà de la parabole et des propos sur les extra-terrestres, tandis que les partisans, le poing levé, s’attaquent à tout ce qu’il sort d’une certaine norme. Ce qui veut dire que lorsque les manifestants repèrent que, en plus, la jeune épouse de Malcom a des traits asiatiques… Larsen joue aussi très bien sur des ressorts à double niveau, comme le frère de Malcom qui est victime des réalignements récents entre des terres parallèles mais qui, au final, souffre quand même de la moindre intolérance et d’un système où l’on puni plus pour ce que l’on est que ce que l’on fait. Commencé sur une tonalité qui évoque Byrne, l’épisode se paie un petit passage un peu millerien, quand la police tente d’arrêter le héros. Tout cela se déroule en parallèle d’événements liés à la dimension X et Erik Larsen montre, une nouvelle fois, qu’il raconte ses histoires d’une manière qui est l’antithèse de la narration décompressée. C’est dense mais clair et cohérent. Certains ne seront pas d’accord avec le fait que Larsen s’intéresse ainsi à la politique réelle. Ou, à défaut, ils ne seront pas d’accord avec sa position. Mais d’accord ou pas, il est nécessaire que les auteurs de comics soient les témoins de leur temps. C’est ce qui les caractérise depuis des décennies, ce qui leur permet de ne pas être que des histoires de super-slip. En agissant de la sorte, Larsen se place dans la continuité de sagas telles que l’Empire Secret d’Englehart ou même la National Force. Et, clairement, il n’a pas dit son dernier mot sur la question.
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