Supergirl a bien besoin d’un Rebirth. Relancée en 2011 sous la forme d’une héroïne plus rageuse (au point de devenir un temps l’une des Red Lanterns), Kara Zor-El s’est éloignée à la fois de sa version classique mais aussi de ce que peut voir le public dans l’actuelle série TV Supergirl. L’intention est claire : reconfigurer Kara pour la transplanter à National City. Par contre, entre l’intention et le résultat…
Scénario de Steve Orlando
Dessins d’Emmanuela Lupacchino
Parution aux USA le mercredi 17 août 2016
Après la mort de Superman, soucieuse d’honorer sa mémoire et de trouver sa place sur Terre, Supergirl a proposé ses services au DEO, qui supervise donc désormais ses services en échange de quelques conditions, tandis que des survivants d’Argo City posent problème. Ces dernières années Supergirl a été, pour schématiser, une sale gosse, une émule de Superman qui était plus belliqueuse puisqu’elle n’avait pas été élevée sur Terre et qu’elle n’avait pas les mêmes repères moraux que ce que son cousin avait pu vivre auprès des Kent. Qui plus est, le précédent comic-book de Supergirl s’est achevé dans une indifférence générale, alors qu’entretemps Supergirl est devenue l’objet d’une série télévisée peut-être pas aussi populaire que Flash, mais qui occupe une place dans la stratégie de Warner/DC Comics pour toucher un public plus jeune et féminin. De fait, on pouvait s’attendre que, comme pour Suicide Squad, l’éditeur de comics cherche à se synchroniser avec ce que connaissent les téléspectateurs. Et, effectivement, dans ce Supergirl: Rebirth, Kara récolte une identité secrète, des parents adoptifs et s’en va vivre à National City (sa demeure à la TV). Mais cela s’arrête en gros à cela, car cette relance de Supergirl aligne lieux communs après lieux communs, sans que l’on ait véritablement une empathie avec le personnage. La « mission » était de négocier un virage pour Supergirl, de faire qu’elle incarne des valeurs pour lesquelles elle a été connue par le passé ou qu’elle représente actuellement à la TV, quand bien même dans un registre particulièrement naïf et enfantin. Mais Steve Orlando se trompe de solution. Plutôt que de construire le personnage de Supergirl, lui donner une âme, le scénariste préfère la recouvrir d’éléments qui viennent s’ajouter comme des plug-ins mais ne retravaillent pas vraiment le logiciel. Orlando s’agite tellement pour nous justifier l’existence de l’ennemi (un véritable « freak of the week » : un loup-garou kryptonien) ou pour donner la parole à l’agent Chase, que Supergirl est un peu sur la banquette arrière, passagère de l’histoire, la subissant, mais ne réagissant guère à ce qui l’entoure. Il y a bien un petit moment où Kara tique en notant que personne n’a imposé à Clark ses parents, mais c’est vite oublié au bénéfice d’une sorte de relation totalement neutre et artificielle avec les Danvers.
« I do not known who you are, but I have seen enough. »
Rebirth, globalement, c’est la redécouverte de liens affectifs qui avaient pour la plupart disparus depuis 2011. L’affect est une donnée déterminante dans la voie tracée par Geoff Johns. Seulement, ici, il y a bien peu d’émotion. La seule ébauche de valeur positive, c’est que Kara ne règle pas le combat avec ses poings mais en tendant la main. Mais c’est fugace et à aucun moment Orlando ne nous fait vivre, ressentir, l’épiphanie que Kara a pu ressentir après la mort de son cousin ou la perte de ses pouvoirs. La dessinatrice Emmanuela Lupacchino elle-même semble bien moins inventive que sur ses épisodes de Starfire (encore que la lourdeur de la colorisation, à la truelle, soit sans doute pour quelque chose dans cette impression). In fine, Supergirl: Rebirth n’est pas un copié-collé de la série télévisée (et c’est plutôt une bonne nouvelle, dans le sens où DC publie par ailleurs un comic-book numérique qui adapte déjà ce monde-là). Si Supergirl s’installe à National City, il y a un certain nombre de différences (Kara ne travaille pas dans un journal, ne croise pas Jimmy Olsen et n’a pas de sœur adoptive – en tout cas pas dans ce numéro). Par contre l’histoire aligne un certain nombre de clichés et d’effets de genre, presque en pilote automatique. A la fin des années 50, quand il découvrait son existence, Superman ordonnait à Supergirl de vivre cachée, redoutant que le monde ne puisse l’accepter. Pourquoi le monde pouvait-il accepter un SuperMAN et pas une SuperGIRL ? Sans parler du fait qu’il existait déjà une Wonder WOMAN ? Disons que c’était une autre époque, que la logique des univers partagées n’était pas aussi poussée que de nos jours et qu’elle s’était écrasée devant les préjugés. Ici, plus de 65 ans plus tard, Supergirl se retrouve avec des parents collés d’office, sans autre forme de débat et sans qu’on sache trop pourquoi le DEO s’occupe de ça… et pas, par exemple, de trouver des familles et des directives similaires pour Starfire, Superman « Bis » et les nombreux autres aliens lâchés dans la nature. C’est une formule, livrée sans émotion et sans introspection. Et la fin semble augurer qu’Argo n’a pas fini de lui envoyer des « monstres » à combattre. Supergirl: Rebirth est un préambule à la relance de la série mensuelle Supergirl et énumère donc des éléments, des gimmicks. Mais Supergirl: Rebirth aurait dû s’occuper de mettre un peu de vie dans son héroïne principale. Et là, on n’y est pas.
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