Il y a une nouvelle Witchblade en ville… et elle n’a pas le mode d’emploi de ses pouvoirs. Alex Underwood n’a aucune idée de ce qui lui arrive, ce qui permet aux autrices de cette série relancée de nous présenter d’abord le personnage, ses réactions, avant d’aborder le principe de la Witchblade, qui semble avoir changé. Ce n’est pas (à priori) un reboot mais bien une situation semblable à ce qui s’est passé pour Green Lantern quand l’anneau est passé de Hal Jordan à Kyle Rayner. Witchblade #1 nous propose donc de rencontrer la nouvelle « locataire » du nom.
Scénario de Caitlin Kittredge
Dessins de Roberta Ingranata
Parution aux USA le mercredi 6 décembre 2017
C’était il y a deux ans à peine. La série Witchblade, longtemps l’échine dorsale de Top Cow s’arrêtait. Et on pouvait déjà prévoir que le label de Marc Silvestri ne resterait pas longtemps sans retoucher à ce concept. En fait dès 2015 et l’arrêt de la série classique, Top Cow a lancé Switch, une version ado de Witchblade qui était, pour le coup, un vrai reboot actualisé mais qui existait un peu dans sa bulle (d’où le principe d’avoir un autre titre). Le problème de la Witchblade classique est d’avoir été souvent jugé via ses premières couvertures plutôt révélatrices sur l’anatomie de l’héroïne. D’où une réputation sexiste, balayant le fait que pour la première quarantaine d’épisodes le titre était co-écrit par une femme ou tout le travail de Ron Marz sur les dernières années, avec deux porteuses de Witchblade distinctes, Sara Pezzini (qui découvrait la responsabilité de devenir mère) et Danielle Baptiste (qui venait graduellement à assumer son homosexualité). Ces messages plus progressistes que ce que nous propose d’ordinaire le tout-venant des super-héroïnes restait éclipsé par cette image d’Epinal qui voyait en Sara Pezzini une sorte de starlette restée dans les années Alerte à Malibu. L’arrêt de la série et son redémarrage pour se débarrasser de cette réputation étaient donc à la fois compréhensible et logique, tout comme on pouvait anticiper les conditions du retour. C’est donc une relance pensée pour attirer une audience « effrayée » par une série qu’elle ne lisait pas. Et les premières reviews américaines semblent valider cette démarche, avec des chroniqueuses et des chroniqueurs se félicitant que Witchblade ne soit plus une série dont l’héroïne est souvent « déshabillée » par ses pouvoirs, chose qui n’arrivait plus guère depuis quelque chose comme 2002. Mais encore aurait-il fallu lire la série pour le savoir, ne pas s’arrêter aux couvertures de 1995. Mais le malentendu valide les décisions de Top Cow. Avec une équipe créative féminine et une nouvelle protagoniste (aux faux airs de Danielle Baptiste), la série devient fréquentable pour des gens qui en avaient une idée fausse.
« You’re confused. Completely understandable. This is all very new to you. »
Caitlin Kittredge fait un excellent travail pour nous camper la personnalité d’Alex Underwood (nom quand même pas très original, « Underwood », marque de machine à écrire, étant longtemps resté un nom par défaut pour beaucoup de personnages de romans, de séries TV ou de film). Cette ancienne journaliste, revenue traumatisée du Moyen-Orient, s’occupe désormais des victimes dans un programme de défense de témoins. Autant dire qu’elle est aux premières loges pour ce qui est des violences faites aux femmes. Mais Alex a un secret qu’elle-même ne s’explique pas vraiment : des absences, des trous de mémoire. De manière assez intéressante (et peut-être fortuite ?) Kittredge retombe sur une situation qui n’est pas sans évoquer Carol Danvers dans les premiers épisodes de Ms. Marvel. Et la description de son caractère fonctionne. Par contre l’ébauche de description des pouvoirs de la Witchblade sonne de manière très différente. C’est à dire qu’il n’y a pas le bout d’une armure organique mais des effets « sons et lumières ». Alex semble pouvoir manifester un nuage sombre (qui fait qu’on se demande si on n’aurait pas mieux fait de titrer la série The Darkness) ou inversement des tentacules lumineux. Sans vouloir jouer les gardiens du temple en mode « ce ne sont pas les pouvoirs de la Witchblade », on sent la volonté d’entretenir le mystère mais on arrive à quelque chose de très/trop vague. Roberta Ingranata, aux dessins, commence l’épisode avec des partis pris visuels intéressants (la scène dans la neige, la gestion du flou derrière les médicaments…). Mais au fil des pages la gestion des décors, des angles de vue, se banalise. On a la sensation qu’Ingranata est sans doute de plus en plus prise par les délais a moins le temps de « penser » ses pages. Plus que le « jeu des différences » entre les pouvoirs des anciennes Witchblade et la nouvelle, cet emballement du dessin, sa banalisation, fait qu’on se demande ce que donneront les épisodes à venir si la dessinatrice reste autant sous pression. Le personnage d’Alex Underwood est efficace, mais ce qu’il y a autour génère un certain nombre de points d’interrogation, pas tous maitrisés par les deux autrices. A voir si dans les prochains numéros elles trouveront leur rythme…
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