En juin, lors de la sortie du film Wonder Woman, les spectateurs américains (*) les moins avertis avaient pu découvrir une bande annonce fort curieuse en guise d’avant programme. Celle de Professor Marston and the Wonder Women. On y voyait une femme sur scène, sous des projecteurs, le visage impossible à identifier, mais parée de tous les atours de la belle amazone: tiare, bracelets, bottes et lasso! Puis le titre du film et sa date de sortie s’affichaient. Nous avons récemment pu voir ce film aux USA. Verdict.
Ceux qui pensent que raconter la vie du créateur de Wonder Woman est une mauvaise idée peuvent ranger leurs a priori. William « Moulton » Marston était tout sauf un homme ordinaire. Espion pendant la première guerre mondiale, professeur de psychologie et d’analyse du comportement, il est l’un des inventeurs du détecteur de mensonges. Lui et sa femme Elizabeth forment un couple fusionnel et très libre. Mais à la fin des années 20, la société ne fait que peu de place aux femmes et comme il le souligne dans le film, « la psychologie est une discipline récente ». La réalisatrice, Angela Robinson, choisit de démarrer son long-métrage en 1928, alors que Marston et sa femme travaillent au département psychologie de l’université de Tufts dans le Massachussetts. Elizabeth reste dans l’ombre de son mari, du fait que le système n’accepte pas de lui délivrer le diplôme et le titre correspondant à ses compétences. Mais, les Marston travaillent bel et bien ensemble. C’est aussi ensemble qu’ils développent le détecteur de mensonge. Côté cour, le duo dynamique est très respecté, mais côté jardin, Elizabeth et William ont soif d’autres découvertes.
Les cours de William Marston ne sont remplis que de jeunes femmes venues étudier la psychologie. À la fin de l’un d‘entre eux, le professeur annonce qu’il recrute une assistante pour sa femme et lui. Olive Byrne, déjà repérée par le couple, se présente et obtient le poste. Dès l’origine, Elizabeth tente d’ériger des barrières entre cette jeune ingénue et son mari. Mais au fil des scènes, la réalisatrice montre subtilement le basculement et le spectateur réalise que, même si Olive est éprise de William, c’est surtout d’Elizabeth qu’elle est amoureuse. Le couple Marston, si fusionnel et qui paraît avoir souvent tout prévu est déstabilisé par cette nouvelle découverte qui les désarçonne. Très naturellement, le duo devient trio. Mais les langues se délient et les rumeurs sur le campus enflent au point que les Marston sont priés de faire leurs bagages. Furieuse, Elizabeth rejette Olive. Mais celle-ci annonce qu’elle est enceinte et les trois décident de rester ensemble et d’élever l’enfant. Ils s’installent dans une banlieue paisible et inventent un alibi pour justifier cet attelage particulier auprès des voisins. Pendant des années, ils vivent paisiblement. Olive devient journaliste et s’acquitte des tâches ménagères. Elizabeth devient secrétaire malgré son immense intelligence et son talent, et William écrit des livres.
Un jour qu’il est en ville, William entre dans un magasin de lingerie un peu particulier. Le propriétaire vérifie qu’il n’est pas un espion de l’ordre moral puis l’invite à découvrir son arrière boutique. Il y vend des petits livrets remplis de comic strips coquins bourrés de scènes bondage. Intrigué, William invite Olive et Elizabeth à participer à une soirée domination organisée clandestinement au magasin. William est fasciné, Olive très curieuse de s’y adonner et Elizabeth horrifiée. Mais Olive se prête quand même au jeu et enfile corset, bottes et tiare… Un costume que l’on va retrouver quelques temps plus tard dans l’imaginaire de William.
Très marqué par ses découvertes de l’univers de la domination et ayant compris le potentiel des comic books « pour ouvrir l’esprit de générations de jeunes lecteurs », William Marston propose à Max Gaines, l’éditeur en chef de National Publications un pitch : Suprema the Wonder Woman. Dans le film, on nous montre un Marston prenant rendez-vous avec Gaines et le convaincant en quelques minutes sur la base de son script, mais dans la réalité, les deux hommes se connaissaient déjà, Marston ayant été consultant pour National Publications. Gaines suggère à Marston, qui publie sous le pseudonyme de Charles Moulton, de raccourcir le titre à Wonder Woman. On suit ensuite, brièvement, le lancement en fanfare de Wonder Woman et on embraye directement avec les déboires de l’auteur avec la censure, culminant avec des autodafés sous les yeux horrifiés d’un Marston déjà en prise avec un cancer agressif. C’est d’ailleurs, sans doute la partie la plus expédiée du film et probablement celle qui intéresse le moins la réalisatrice. Mais la création de Wonder Woman est indissociable de l’histoire secrète de son fondateur. On aurait aimé que le film s’attarde un peu plus, non seulement sur Wonder Woman, mais aussi sur la contribution d’Elizabeth et Olive, dont il se dit qu’elle a été, bien entendu, été très importante.
Surpris par des voisins en plein scénario de domination, les Marston et Olive voient leur unité se fissurer, Elizabeth prenant de nouveau le parti de la normalité. Mais la maladie de William les réunit et Elizabeth accepte enfin d’assumer sa relation avec Olive. Le film se clot sur des images (réelles) de la famille Marston. Une famille originale, libre, en avance sur son temps et atypique. Et si William meurt en 1947, Elizabeth et Olive resteront ensemble encore 38 ans après sa mort. Ecarté de Wonder Woman sur la fin de sa vie, l’héritage de Marston a refait surface dans les années 70 sous l’impulsion des mouvements féministes.
Professor Marston and the Wonder Women est un beau film. Un film sur l’amour et ses multiples formes. Un film ouvert et tolérant, porté par un casting impeccable. Luke Evans est un Marston parfaitement crédible. Mention toute particulière à Rebeca Hall qui campe Elizabeth Marston. Sa performance est exceptionnelle. Rien que pour elle, le film est à découvrir! Angela Robinson a su filmer avec nuance et subtilité un film au sujet « casse-gueule », particulièrement aux Etats-Unis ou les puritains n’ont jamais dit leur dernier mot. Dans l’Amérique de Trump et particulièrement après le succès du film Wonder Woman, le film enfonce le clou: non seulement les comics sont un espace de liberté d’expression comme aucun autre, mais leurs créateurs sont également des hommes et des femmes libres, curieux et fins observateurs des temps dans lesquels ils vivent.
[Fabrice Sapolsky](*) Professor Marston And The Wonder Women est sorti seulement aux USA et dans une poignée de pays. Contacté par nos soins, Sony France nous a expliqué qu’aucune sortie française sur grand écran n’était envisagée à ce jour. MISE A JOUR : Le film sortira en VOD le 26 février 2018 et sortira en salles en France le 18 avril 2018.
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