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Review: The Batman

À quelques jours de sa sortie, The Batman a déjà fait couler beaucoup d’encre. Nous avons eu l’occasion de voir les nouvelle aventures sur grand écran du Chevalier Noir. Avec cette énième version, Matt Reeves et Robert Pattinson apportent-ils vraiment de la fraîcheur à la mythologie de Batman ?

Quand on pense qu’initialement The Batman aurait dû sortir en 2018… On ne parle pas de la version prévue sur les écrans ce mercredi 2 mars, mais du projet initial porté à bout de bras depuis 2016 par Ben Affleck, alors seul Batman de l’univers cinématographique DC. Mais les problèmes personnels de l’acteur/réalisateur, auxquels s’ajoutent de mauvais souvenirs de production sur Justice League avec Joss Whedon, le forcent à se retirer de la réalisation. Le projet est alors confié à Matt Reeves, réalisateur des deux derniers Planète des Singes. Exit Affleck dans le rôle dichotomique de Bruce Wayne/Batman, et après plusieurs mois de recherches, Reeves choisit Robert Pattinson, rendu célèbre dans son rôle de Edward dans la saga Twilight (et dire que Warner aurait pu finir avec Armie Hammer, un temps pressenti). À acteur plus jeune, nouvelle aventure. Si le Batman d’Affleck était un Batman « sur le retour », celui de Pattinson a tout à apprendre. L’histoire se situe dans la deuxième année de carrière du justicier masqué. Sa relation avec le lieutenant James Gordon (Jeffrey Wright) est une relation de confiance. Batman reste cependant vu comme un élément « étrange » par la police de Gotham. En guerre contre la pègre de Gotham City, Batman va se retrouver face à un ennemi aussi pervers que retord, le Riddler (Paul Dano), qui va lui lancer un défi : trouver la vérité ! Notre héros sera aussi mis à mal par sa rencontre avec la féline Selina Kyle (Zoë Kravitz). Peut-il lui faire confiance ou cache-t-elle également un lourd secret ?

SOUS LE MASQUE

Robert Pattinson est le septième acteur a incarné Bruce Wayne/Batman au cinéma (si on ne compte pas Lewis Wilson et Robert Lowery dont les « serials » ont été diffusés au cinéma et Will Arnett dans les films Lego). Chaque annonce de casting de Batman provoque un déferlement de commentaires (positifs ou négatifs) parmi les fans. Ben Affleck en avait fait les frais en 2013. Scandale pour les uns à l’époque, il est indétrônable pour les mêmes personnes après ses prestations dans les films de Zack Snyder. Pattinson a donc la lourde tâche d’incarner le héros pour une génération qui a connu plusieurs visages sous le masque. Fait rare, il ne sera pas le seul homme chauve-souris cette année puisque Michael Keaton (le Batman des années 90) enfilera à nouveau la combinaison noire pour The Flash et Batgirl prévus en 2022. Néanmoins, le jeune homme est un choix judicieux pour incarner la dualité de Bruce/Batman. À l’aube de son existence, le héros se pose encore beaucoup de questions sur ses méthodes. Au point de se perdre dans son personnage ténébreux. Heureusement, son fidèle Alfred (Andy Serkis, l’iconique acteur de Gollum entre autres) est là pour l’aiguiller au mieux. Pattinson reflète cette fragilité mais réussit à imposer sa présence quand il revêt le costume du héros. Dans les scènes d’action également, il montre l’étendu de son travail de préparation.

DU SANG ET DES LARMES

Car oui, The Batman est violent. Pas au point d’être interdit aux moins de 18 ans (une volonté du studio Warner), car Batman reste un personnage marketing accessible au plus jeunes. Matt Reeves a donc repoussé les limites de PG-13 (interdit au moins de 12 ans chez nous). Le héros casse les os de ses ennemis, jure et débute une relation sulfureuse avec sa partenaire Catwoman. Mais il n’ira pas jusqu’à tuer. Un élément-clé dans la mythologie de Batman. Donc rien de déshonorant à ne pas en faire un héros « borderline » à la Punisher pour satisfaire les plus grands. Le réalisateur reprend les codes et l’atmosphère visuelle qui ont fait son succès sur La Planète des Singes. Il s’adjoint les services de Greig Fraser à la photographie, déjà à la production de Rogue One ou du Dune de Villeneuve. La ville de Gotham City a toujours eu une part importante de l’aspect visuel des films de Batman. Loin des gothiques représentations de Tim Burton ou des colorées de Joel Schumacher, Matt Reeves se rapprochent plus d’un réalisme à la trilogie de « Dark Knight » Christopher Nolan. Mais a contrario de Nolan, Reeves s’attarde plus sur les rues, les petites gens de la ville. On découvre l’ampleur structurelle de Gotham et ses racines. Ce qui présage de bonnes choses pour les séries TV dérivées de The Batman développées par Reeves, l’une sur la police de Gotham, l’autre sur Oswald Cobblepot/le Pingouin (Colin Farrell) prévues sur HBO Max.

SELF-MADE-MAN

Si Batman a déjà un peu de « bouteille » dans ce reboot, il n’en reste pas moins qu’il continue de perfectionner son équipement. Autre détail que les fans scrutent sous toutes les coutures : le costume. Encore une fois, dans une approche réaliste, le design du héros est très basique. Enfin basique, pour un milliardaire ! Armure résistante aux balles, pistolet grappin, le basique est là. Le costume en « impose ». Le pas lourd des bottes du héros n’est pas sans rappeler certains éperons des plus mystérieux et inquiétants cowboys du far-west. Mais des élément souvent clinquant comme la Batmobile sont plus roots. Elle fait plus ici bricolée dans son garage que tank militaire comme le Tumbler de Nolan ou la longue voiture toutes en courbes de Burton. Cette option visuelle est justifiée par le script et l’envie d’aborder l’attirail de Batman sous un autre angle. Et le bolide n’a pas à rougir face aux autres ! Les antagonistes du héros, Catwoman et le Riddler ont aussi été redéfinis visuellement. La première a aussi un aspect « débutante » avec un masque qui n’en est pas un et un tenue « passe-partout ». Son histoire avec la ville de Gotham est cohérente avec son passé des comics. Edward Nashton/Riddler est un tout autre phénomène. Déjà incarné par un baroque et délirant Jim Carrey dans Batman Forever en 1995, il est ici plus proche d’un serial killer à la Seven ou Zodiaque qui aurait trop abusé de Saw et ses pièges mortels. Son masque de cuir sado-maso et son grand manteau vert ne plairont pas à tout le monde, mais ça permet d’en faire un personnage torturé et bien sombre, comme on les aime dans la mythologie de Batman. Il n’est pas sans rappeler le Joker de Heath Ledger, notamment pour son amour de la communication via des videos plutôt « disturbing ». Tous ces éléments rapprochent l’œuvre de Matt Reeves de la trilogie de graphic novels Batman: Earth One de Geoff Johns et Gary Frank. On y retrouve un Batman débutant qui affronte notamment le Riddler en mode « terroriste psychopathe » et un Pingouin roi de la pègre.

ÉLÉMENTAIRE, MON CHER GORDON !

L’une des caractéristiques de Batman, souvent laissée de côté au cinéma, c’est son incroyable talent de déduction. Il est surnommé le plus grand détective du monde dans les comics, et ce n’est pas pour rien. Ici, c’est un élément-clé du personnage. Dès les premières minutes, on comprend que ce Batman mise beaucoup sur son intelligence pour résoudre les énigmes du Riddler. Accompagné de Gordon, il va se lancer dans une intrigue policière plus que complexe. Mais on se laisse prendre au jeu et on se demande qui est le véritable coupable des maux de Gotham City. Le réalisateur/scénariste emprunte des éléments de plusieurs grands classiques du justicier masqué : Long Halloween (pour sa temporalité), Year One (avec la voix-off de Bruce) ou encore Cataclysm pour l’enjeux auquel les protagonistes sont confrontés. Ça et là sont aussi disséminés des petits clins d’oeil pour les fans, qu’ils soient évidents ou plus anecdotiques (on n’en dira pas plus pour ne pas gâcher la surprise).

Si on peut déplorer qu’on revienne aux origines du personnage, plutôt que d’aller vers un Batman expérimenté, comme voulait le proposer Ben Affleck, The Batman est une interprétation très réussie de l’univers du héros. DC et Warner ont décidé de réintroduire une nouvelle génération à Batman et ça valait le coup. Ils tablent ainsi sur les deux tableaux : pour les « rookies » avec The Batman et pour les « vieux briscards », le retour de Keaton. Que ce soit les acteurs, le réalisateur, tout le monde se donne à fond pour créer une ambiance différente. Mention spéciale pour Michael Giacchino et son orchestration tout au long des 2h55 du long-métrage. Le thème musical rentre vite en tête. Et chaque protagoniste a le droit à sa propre identité sonore.

On ne pourra empêcher les débats dans les jours qui viennent entre The Batman et TDK… (les deux étant axés sur un aspect réaliste). Mais il s’agit de deux produits uniques. Le film n’est pas exempt de défauts. Un poil trop long, il arrive de se demander si Matt Reeves n’a pas confondu son film avec une série TV qu’on pourrait arrêter et reprendre à loisir, tant l’ensemble est dense. Et il faut laisser le temps à Matt Reeves de développer SA trilogie. Chose qui risque fort d’arriver si le succès au box-office est à la hauteur du produit fini. Et on sera partant pour la suite…

[Pierre Bisson]

The Batman – Réalisé par Matt Reeves, avec Robert Pattinson, Zoë Kravitz, Paul Dano, Colin Farrell et Andy Serkis – Sortie le 2 mars 2022 – Warner Bros Pictures

Pierre Bisson

Pierre Bisson en plus d'être l'un des rédacteurs du site comicbox.com est aussi traducteur, lettreur et maquettiste.

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