Après s’être échappée d’un couvent, Raven retrouve Gar. Ce dernier lui révèle ses pouvoirs et décide de lui présenter une alternative, la Doom Patrol, sa propre famille d’adoption. Robotman, Negative Man et Elasti-Girl (sans oublier le Chief) change soudainement la cadre de la série pour quelque chose de plus baroque.
Changement de registre pour les Titans cette semaine. Si ce n’est Raven, qui tient un peu le rôle d’Alice au Pays des Merveilles, découvrant un monde étrange avec un regard candide, le spotlight est en effet majoritairement occupé par les gueules cassées de la Doom Patrol. Sachant que la plateforme du DC Universe prévoit une série « spin-off » de ces personnages pour dans quelques mois, ce quatrième épisode des Titans est donc essentiellement un « numéro zéro » de la Doom Patrol, un premier contact avec ces héros et un indice des plans du studio en ce qui les concerne. Spécialistes du bizarre et êtres hors-normes eux-mêmes, les membres de la Doom Patrol se prêtent en effet à bien des angles. Avec eux on pourrait faire un nouveau « Legion » ou une sorte de « Addams Family » des super-héros. C’est plutôt vers ce second archétype que les entraîne le scénario signé Geoff Johns.
Là où une bonne partie des Titans en sont encore à se demander ce qu’ils font là et pratiquement comment ils devraient agir, Robotman et les autres sont livrés directement « en état de marche ». Si l’esthétique de Robotman et de Negative Man (avec des lunettes version Rebis) lorgne sur la Doom Patrol de Grant Morrison, on lorgne plutôt, structurellement parlant, sur le groupe dans sa version sixties, avec une saucée de ce que Johns lui-même leur avait apporté dans des épisodes de Justice League époque New 52. Mais le modèle d’Alice au Pays des Merveilles reste très présent, ces « monstres » s’activant surtout pour préparer un gargantuesque banquet. Ne manque presque que la chanson « un joyeux non-anniversaire… » en musique de fond. Ce qui risque de perdre les néophytes c’est le choix du Q.G., devenu ici un manoir isolé, ce qui accentue du coup les ressemblances avec les X-Men. On s’attendrait à voir apparaître Mystique ou Beast..
Il ne fait pas de doute que pour la Doom Patrol Johns a décidé de rester proche des bases et que l’épisode représente globalement l’essence de ces personnages sans trop les trahir. Encore qu’on comprenne assez vite qu’en termes de moyens financiers le show tire la langue. Ce qui fait qu’on évite de nous en montrer trop en termes de pouvoirs. Negative Man reste un patient sous des bandages sans aucune démonstration de ses capacités. Robotman lui, semble effectivement sorti des comics mais il est à la peine sur un autre plan. Si cette Doom Patrol est bien la Addams Family des super-héros alors lui serait plutôt Lurch, un personnage au pas raide… et dont tous les bruitages (dès qu’il bouge la nuque ou ferme une paupière) risquent de s’avérer pénibles quand viendra le moment de la série régulière. Pas de grande démonstration de force en ce qui le concerne mais le fait que la mâchoire ne soit pas animée témoigne aussi des problèmes de budgets. On a fait au plus pressé, en en montrant le moins possible.
Comment, dans ces conditions, montrer Elasti-Girl qui, dans les comics, passe de l’état microscopique à celui d’une géante ? La réponse est simple. En ne la montrant pas où tout au moins en la montrant avec des caractéristiques carrément différentes pour le coup. D’ailleurs on peut dire que là où Robotman et Negative Man sont des « machins », deux personnages dont la nature leur impose d’être inexpressifs, Rita Farr (April Bowlby) est un peu le gage d’humanité de la Doom Patrol, même si elle se débat elle aussi avec ses pouvoirs. Johns va là aussi chercher dans ses épisodes de la Justice League pour induire les moments d’instabilité de Rita, mais qui débouchent ici sur autre chose. En un sens cette Elasti-Girl a plus en commun avec Element Woman telle que Neil Gaiman l’avait utilisée dans son Sandman. Il faut aussi reconnaître que le pouvoir de changer de taille a toujours semblé un peu mince dans les comics pour justifier qu’une belle actrice se retrouve dans une équipe de freaks et que là sa présence semble plus naturelle. Encore qu’avec un Robotman si lent, une Elasti-Girl instable et un Negative Man qui ne montre pas grand-chose, on se demande si la série Doom Patrol ne risque pas d’être statique.
Bien entendu le Chief (et même un(e) autre recrue de la Doom Patrol) est au programme, personnage inquiétant qui, sur un autre registre, en montre peu également. En fait on reconnaîtra à cet épisode de constituer les deux groupes, au moins en réunissant de part et d’autre des personnages. Dick Grayson est néanmoins toujours en proie à ses crises de violence (ce qui est presque comique à ce stade c’est que Kory, connue pour incinérer quiconque lui pose un problème, s’impose comme moralisatrice sans s’apercevoir de la contradiction). On en sait plus, aussi, sur les pouvoirs de Garfield, revus eux aussi à la baisse pour une question de budget. En fait la problématique des Titans est encore et toujours de ne guère se ressembler ni même de faire mine de le vouloir. L’embryon de groupe ressemble plus à des proto-super-héros façon Heroes, tandis qu’en face on a l’inverse, une Doom Patrol qui, malgré les arrangements et les limitations budgétaires, se ressemble globalement mais garde pour l’instant quelque chose de figé. Difficile de tirer des plans sur la comète en ce qui concerne la future série TV. Tout au plus on sait qu’il n’y a pas de trahison essentielle. Mais suivant les choix des réalisateurs de la Doom Patrol on pourrait basculer aussi bien dans une sensation assumée de l’étrange (façon Tim Burton ou David Lynch…) ou alors dans quelque chose très guindé et statique.
Titans S01E04 est essentiellement une photo de famille de la Doom Patrol, il reste à voir comment elle va bouger quand elle sera autonome. Peut-être aussi qu’avec leur nature de « freaks » Robotman et ses amis se prêtent plus à cette nuance plus sombre de l’univers DC. A eux, pas besoin de donner des crises de violences, ils sont déjà des figures tragiques, comme des fantômes hantant un obscur manoir. Les Titans, quant à eux, continuent d’avancer sans avoir le moindre début de plan, en n’oubliant de nous montrer au moins une fois par épisode leur tendance à la brutalité… Les limitations budgétaires que l’on sent, la tendance à éviter de montrer les pouvoirs des uns et des autres à part un ou deux effets lumineux, tout cela fait aussi qu’on peut se demander si DC Universe, dans sa volonté de porter tant de super-héros à l’écran, a bien les moyens de ses ambitions.
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