Titans S01E1

Titans S01E1

13 octobre 2018 Non Par Xavier Fournier

Les Titans inaugurent la nouvelle initiative de DC et Warner sur le petit écran. Robin a tourné le dos à Batman et protège la ville de Detroit. Mais le destin place sur sa route une jeune fille aux pouvoirs mystérieux. Pendant ce temps, en Europe, une jeune amnésique cherche à savoir qui elle est et qui cherche à la tuer. Comment dire… il faut le voir pour le croire.

https://youtu.be/h2nN_CC-Us8

« Nothing resembles itself tonight. »

Depuis un an Dick Grayson s’est installé à Detroit, où il fait partie des forces de police. Il ne veut plus entendre parler de Batman mais, un soir, il endosse à nouveau le costume de Robin pour s’en prendre à un criminel que les méthodes traditionnelles n’ont su arrêter. Pendant ce temps-là, une jeune ado un peu gothique est assaillie par des cauchemars qui lui font revivre la mort des Flying Grayson. Dick et Rachel sont connectés sans le savoir. Les choses s’accélèrent cependant quand la mère de Rachel est assassinée et que l’adolescente fuit dans les rues de Detroit. De l’autre côté de l’océan, une jeune femme noire s’éveille dans une voiture criblée de balles, sans le moindre souvenir de ce qu’elle fait là où de qui elle est. La fin de l’épisode nous réservera l’apparition fugace d’un quatrième futur membre des Titans. En un sens, on s’engage dans ce premier épisode de la série en se disant que finalement ce n’est pas pire et que c’est moins mauvais que les premières photos le présageaient. On a cependant assez vite l’occasion de revoir ce jugement. Disons-le de manière la plus polie possible : « Bon les gars qu’est-ce que c’est que cette merde ?« 

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« Is this some kind of practical joke?

Les Titans (ou les Teen Titans, ou les New Teen Titans) se sont érigés en 1980 comme des concurrents des X-Men de Marvel, qui à l’époque dominaient les ventes. Plus tard, un dessin animé les a rendus populaires auprès d’une nouvelle génération. Autant dire qu’à certains égards les Titans font potentiellement partie des joyaux de la couronne de DC. Plus que, par exemple, Green Arrow au moment du lancement d’Arrow. A défaut de lancer une série TV consacrée à l’un des trois membres de la trinité Batman/Superman/Wonder Woman, c’est sans doute la licence la plus grosse que DC pouvait envisager porter à l’écran pour préparer son nouveau service digital. L’occasion de frapper un grand coup. Après des photos plutôt prometteuses de Robin et d’Hawk & Dove en costume, l’apparition d’un Starfire en mode bling « vous savez avant je travaillais pour Huggy les bons tuyaux » avait frappé d’effroi les communautés des fans des comics d’origine et celle du dessin animé. Starfire en mode hyper vulgos ? C’était quoi le projet ? En fait, une fois à l’écran, on peut constater que le problème ne vient pas forcément de l’image. Le réalisateur Brad Anderson (The Man in the High Castle, The Killing, Fringe…) porte à l’écran de manière plutôt efficace le scénario qu’on lui a fourni. Il y a bien quelques errances par endroits (le voleur de jeux vidéo qui laisse une trainée de jeux derrière lui pour que le vigile puisse le retrouver plus facilement, ou qui s’est transformé sans la moindre nécessité…) mais ce n’est pas pire – sur ce plan là – que le tout-venant de nombreuses séries. Les acteurs ? Si l’on peut discuter du casting des uns et des autres (Brenton Thwaites n’incarne pas vraiment Dick Grayson à notre avis), eux aussi servent aussi bien que possible l’histoire qu’on leur a confié. Et c’est là qu’est le gros problème.

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« Fuck Batman »

Si la photographie est incontestablement meilleure, si les moyens et l’ambition sont là, c’est le scénario qui tire le projet vers le bas. A un point où on ne peut faire la comparaison qu’avec une seule série antérieure : les Inhumans d’ABC. Très sérieusement on peut se demander ce qui est passé par la tête d’Akiva Goldsman et Geoff Johns au moment d’accoucher de ce concept, tant, passé le premier quart d’heure, les personnages y sont continuellement maltraités et trahis, en proie à des décisions aléatoires et sans grand sens. Le facepalm devient le dernier rempart de l’incrédulité quand on regarde ce premier épisode. Commençons donc par un Robin qui, on le comprendra, a quitté Batman parce qu’il le trouvait hardcore, qui explique que son mentor pouvait régler « tous les problèmes avec ses poings ». Dans sa principale scène costumée, Robin s’attaque à une bande (le combat n’est pas trop mal filmé d’ailleurs) mais il ne lui suffit pas de tabasser sa proie et de lui passer le visage avec le parebrise, non. Il faut en plus que Robin s’acharne sur le type inconscient en lui donnant des coups de pieds à répétition en plein poitrine. D’accord le type visé est une pourriture. Mais on se prend à se demander ce que Robin a vraiment empêché en faisant ça. Le « vrai » Dick Grayson utiliserait le dossier aperçu au début de la scène pour faire coffrer son adversaire pédophile. Ce n’est pas le Joker ou Ra’s Al Ghul, c’est un criminel de bas étage. Mais non, c’est tellement plus « jubilatoire » de confondre Robin et le Punisher. On n’a qu’à dire que ce serait un cas très compliqué et que la seule solution serait de taper dans le tas. Certains diront qu’il y a confusion entre les Robins, que le Dick Grayson de Titans a plus en commun avec Jason Todd, le Red Hood des comics, mais non, ça ne s’arrête pas là, c’est un esprit qui imprègne toute la série.

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« Who the hell are you? »

Forcément, l’un des personnages les plus attendus au tournant c’est Starfire. Les polémiques pré-diffusions s’étaient centrées sur le choix d’Anna Diop pour jouer l’extra-terrestre. En fait l’actrice n’est pas le problème. Le souci c’est que le personnage tel qu’écrit dans Titans n’est absolument pas Starfire. A un point qu’on en reste bouche bée. C’est même carrément un autre personnage de DC Comics (si l’on fait abstraction du nom civil de Kory Anders). L’extra-terrestre qui se réveille amnésique dans un corps d’humaine et qui est recherché par la pègre ? C’est l’origine d’Halo dans les Outsiders. Bon allez, mettons que pour des raisons X ou Y les scénaristes aient préféré ne pas utiliser le côté « spectaculaire » du débarquement de Kory sur Terre et l’ai remplacé par quelque chose de plus discret. D’accord. Mettons. Mais on est au-delà du n’importe quoi quand ladite Kory se met à tuer un type qu’elle a fait prisonnier en lui brisant la nuque. Et un peu plus loin elle incinère sans sourciller un groupe de gangsters. Parce que, ouais gros, c’est les Titans, les Titans ils sont cools, ils aiment tuer leurs prochains sans se poser de question. A ce petit jeu-là Raven, en mode Carrie élevée par une mère ultrareligieuse, semble commencer mieux. Le coup du gros manteau vulgos qui avait tant inquiété ? Ben c’est le dernier des soucis tellement cette Starfire est écrite avec les pieds. Et on n’ose même pas essayer de deviner la réaction d’un public qui connaissait Starfire surtout par le dessin animé comique. « Cerise » déconfite sur le gâteau, les effets pour la scène où Kory s’enflamme ne sont pas à la hauteur. A défaut d’avoir la longue cape qu’on lui connait ou jouer les télétransporteuses, Rachel/Raven (Teagan Croft) s’en tire d’abord mieux parce son histoire semble avoir une cohérence interne, qu’elle est un peu la victime dans le récit et qu’elle nécessite que les autres la protègent. Enfin en tout cas c’est cela au début, vers la fin on passe de l’archétype de Carrie à celui de la petite fille spectrale de The Ring et elle tue un de ses adversaires en le faisant vomir à mort. A ce stade, c’est freudien…

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« I don’t think I loved you too. »

Ce scénario, c’est une catastrophe industrielle à lui tout seul. On peut tout à fait comprendre que les décideurs aient voulu des Titans un peu plus sombres, qu’il ne faille pas forcément rester dans les années 80 ou figer une Starfire comme une « petite princesse ». Assombrir le ton a tout à fait réussit à Archie dans Riverdale, en le modernisant. Là, l’exercice est tout autre et on se dit qu’une fois encore DC Entertainment ne sait pas quelle voie utiliser. Un coup vers le super-héroïsme, un coup vers le dark (et en plus sans justification véritable). Titans devient à la série TV de super-héros ce que Justice League est aux films, à savoir une sorte de monstre de Frankenstein avec un petit bout pour faire plaisir à untel, un autre bout pour faire plaisir à tel autre. Et au final, sans doute, Titans ne satisfaire pas grand monde (à part quelques idiots qui trouveront trop cool que Robin et Starfire se comportent comme s’ils étaient des persos de GTA). Comment les scénaristes ont-ils pu se faire valider un tel magma ? Comment Geoff Johns, un des auteurs emblématiques des Teen Titans il y a une quinzaine d’années, peut-il défigurer ainsi certains des personnages ? Mystère et boule de gomme. Mais franchement s’il s’agissait de lancer avec brio la nouvelle lignée de DC à l’écran, on peut dire qu’ils ont loupé la marche (et du coup, cela inquiète franchement pour les autres productions annoncées dans les mois à venir). C’est mauvais que ça n’en peut plus (et on doute que l’ajout des héros pas encore apparus à ce stade puisse changer la donne). Peut-être sauvable par la suite si les scénaristes se reprennent et donne autre chose à jouer aux acteurs que des décisions arbitraires et sans sensibilité. Comment gaspiller autant d’argent sans s’être posé la question de ce que l’histoire racontait. Pas de doute, le rendez-vous est « titanesquement » manqué, à croire, presque, qu’il y a dans la production des « agents doubles » qui travaillent pour la concurrence.

[Xavier Fournier]