L’année 2038, dans les rues de New York. Autour d’un night-club extrêmement couru, le « Catshack », se tisse progressivement le destin croisé de six personnages esseulés, épidermiques et quelque peu mélancoliques : Strel, la manager blasée du club, Kim, sa barmaid apeurée par le récent meurtre d’une collègue, Daisy, la nouvelle danseuse spécialisée dans le « gastro », John, l’ancien étudiant désormais préposé à la plonge, Haïssieu, le boxeur en bout de course et Eloy, l’artiste en quête de financements. Parce que tous sont parvenus à un moment charnière de leur jeune existence, et parce qu’en définitive tous recherchent l’affection, aucun d’entre eux ne pourra échapper à la révision de ses certitudes…
Pour ce qui est de la forme, Paul Pope – et c’est un élément qui doit aussi permettre de poser d’emblée la qualité de cet ouvrage –, apparaissait dès 2002 comme un virtuose du dessin.
Son trait, notamment lors des scènes de danse, est un régal de dynamisme, de fluidité, de précision, tout en conservant cette patte personnelle qui donne en permanence au lecteur le sentiment que le prodige a quelque peu oublié de changer de pinceau pour encrer au dernier moment les détails de ses planches. En résulte une image composite entre des mises en scènes que n’aurait pas renié le père du « Spirit », et des traits délicieusement destroy, mais aussi toujours élégants.
Sur le fond à présent, « 100 % » est une ode à la culture punk. Les personnages principaux n’ont plus d’illusions sur la vie, et pourtant, comme tous les jeunes qui ont un jour, une heure, une minute, été « rebelles » avant de « rentrer dans le rang », ils n’auront de cesse de vouloir recréer l’étincelle, de rechercher l’espoir dans ce monde aussi « rotten » que Johnny. Perdus dans des vies désabusées, ces trois couples parviendront à nous renvoyer un message particulièrement solide et construit.
Ainsi, ce TPB se révèle-t-il aussi efficace et vivifiant qu’un grand coup de pied aux fesses, même s’il est évident que les thèmes qui y sont abordés (que deviennent la singularité et les rêves à l’épreuve du temps, des échecs, des ruptures ?) ont naturellement déjà été abondamment nourris par la littérature.
Toutefois, Paul Pope a le courage d’inviter ses lecteurs à ne pas fuir, à savoir reconnaître un moment décisif, une chance, quelles que soient les incertitudes du lendemain.
L’œuvre de Paul Pope n’est pas raisonnable, elle est aussi forcément naïve, mais elle doit être. Elle est de ces BD, de ces essais, des ces mélodies, qui nous rappellent combien l’absurde peut éclairer notre regard sur le monde. Qu’importe Amsterdam, le juge-pénitent décrit par Camus aurait probablement aimé partager quelques verres avec ce jeune auteur New-Yorkais.
En ce mois d’octobre propice au spleen, « 100 % » ne peut laisser insensible. Mais on prend le pari qu’en été, dans vingt ans, elle nous parlera encore, car les relations – même à peine entamées, la sève de nos courtes vies, ne s’éteignent jamais vraiment.
[Nicolas Lambret]« 100 % », par Paul Pope (scenario et dessin), Dargaud, mars 2008, 256 p.
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