Trade Paper Box #51: Thor, Au nom d’Asgard
2 octobre 2011[FRENCH] A côté des géants que sont Spider-Man, Iron Man ou Hulk, s’il y a bien un héros Marvel qui est parvenu prendre de l’ampleur depuis 15 ans, c’est bien Thor. Depuis le revamp de John Romita Jr (1998, déjà…) et peut-être plus encore le passage de notre Olivier Coipel national sur la série (2007), le fils d’Odin est clairement replacé au centre de la grande fresque marvellienne. Le film éponyme de Kenneth Branagh ainsi que la présence croissante du personnage dans les plots essentiels pour la maison d’édition (« Siege » en étant une récente illustration) attestent de l’attention et du soin dont il peut bénéficier auprès de Joe Quesada et Axel Alonso. Et il est évident que le potentiel « heroic fantasy » du gaillard peut apporter un immense souffle à un marvelverse parfois trop tourné sur les Etats-Unis. De même qu’il peut aussi – lorsqu’il est abordé avec consistance –, donner lieu à des histoires centrées uniquement sur d’enivrants enjeux asgardiens. Thor est donc un compagnon idéal pour la Maison des Idées et autosuffisant car riche d’un background mythologique solide comme Mjölnir.
L’album de cette semaine fait partie des grandes aventures qui redéfinissent un personnage, qui s’imposent comme un jalon important dans sa longue histoire. « Au nom d’Asgard », c’est son titre, est donc une mini-série en 6 épisodes, scénarisée par Robert Rodi (« Loki », « Rogue », « Codename: Knockout ») et illustrée – mieux, transcendée – par le génial Simone Bianchi. Aussi bon narrateur qu’il n’excelle dans le « cover art », Bianchi a déjà démontré son talent dans « Batman », « Dark Avengers » ou « Astonising X-Men ». Avec ce très récent « For Asgard », il entre encore dans une dimension supérieure : le jeune homme plane à présent mille lieues au dessus de Midgard.
Le Dieu du Tonnerre trouve son Valhalla
Tout commence par une campagne militaire de trop. Les troupes conduites par le jeune régent Thor rentrent d’une bataille en Jotunheim qui aura fait bien des victimes et qui aura tenu le « roi » éloigné de ses sujets durant de trop longues semaines. L’empire des neuf mondes semble sur le point de basculer, d’éclater. Dans l’ombre, quelqu’un est probablement en train de souffler sur les braises. A tel point qu’une rébellion se déclare bientôt officiellement au cœur d’Asgard, et le fabuleux Bifrost de devenir cible des insurgés. C’en est trop pour un souverain en proie au doute, et désormais incapable de soulever le marteau qui a construit sa légende…
Born again
Bien sombre est cette aventure plongée dans un hiver interminable. Asgard tire clairement la langue. Les greniers se vident, la rudesse du climat anéantissant les perspectives de récolte. Depuis le départ d’Odin, la désunion se nourrit d’une cruelle absence d’espoir. Tourmenté par ses nouvelles responsabilités de régent, Thor le brave semble comme déconnecté des intrigues qui se jouent pourtant autour de lui. On prend plaisir à le suivre dans ses introspections, à le voir demander amèrement la grâce de Valhalla, puis à le voir sombrer vers les tréfonds de Niflheim. Régulièrement peu psychologue dans les pages des « Vengeurs », on apprécie de redécouvrir la personnalité profonde du fils prodigue mal à l’aise, incapable d’assumer le poids d’un empire comme pouvait l’espérer son père. Et plus largement, pour sa photo de « famille », Robert Rodi dote ses différents protagonistes de caractères bien affirmés, qu’il s’agisse de la plantureuse Sif, de Tyr ou de l’incertain Undar.
Le scénariste tout comme Simone Bianchi parviennent à faire la synthèse des nombreuses approches possibles pour le personnage de Thor. Le dieu du Tonnerre et son univers sont ici aussi crédibles que s’ils avaient été pensés par Robert E. Howard. Stratosphérisé par un dessin aux influences très européennes, ce Thor possède donc une stature, une gueule et des poings. C’est une première chose. Mais Bianchi parvient également à y intégrer la dimension allégorique et fantaisiste propre à la maison Marvel. Les mots sont pesés et leur portée bien mesurée : en d’autres temps, ce garçon né en Toscane aurait peint de merveilleux tableaux classiques dignes de l’école florentine.
Sincèrement, la finesse et la souplesse de son trait mériteraient que son travail soit reconnu par les tenants de la culture noble. Claudio Castellini, un immense dessinateur notamment connu outre-Atlantique pour son « Silver Surfer : Dangerous artifacts » (1996), a dit de son protégé Bianchi qu’il « réjouit nos yeux avec les visions fantastiques qu’il est capable de créer comme peu d’autres ». 100% d’accord avec le boss. Alors, si vous souhaitez poursuivre la découverte du riche travail de Simone Bianchi, n’hésitez pas à vous rendre sur son portail officiel (http://www.simonebianchi.com/uk/index.php). Enfin, il convient de souligner la beauté du travail de mise en couleurs proposé par Simone Peruzzi, qui contribue également à l’atmosphère délicieusement glaciale de l’album.
Loki peut trembler !
Thor, la « création » de Stan Lee et Jack Kirby, attire de nouveau. Dans la foulée immédiate d’Iron Man, il est indéniablement le grand gagnant des récentes adaptations de comic-books. Et pourrait-on dire, tant que des auteurs de cette trempe auront envie de se pencher sur son sort, le fils d’Odin ne pourra pas retomber dans le folklore kitsch qui a parfois pu plomber son parcours marvellien. Alors qu’un improbable été indien règne sur ce début octobre, cette BD vous fera passer un excellent moment dans les neiges d’Yggdrasil. La recommander est donc une évidence.
[Nicolas Lambret]« Thor. Au nom d’Asgard », par Robert Rodi (scénario) et Simone Bianchi (dessin), Editions Panini, Coll. 100% Marvel, septembre 2011, 144 p.