La fuite continue. Le repos est désormais un concept disparu. Le petit groupe de survivants au mystérieux fléau tente de rejoindre le Nord-Ouest, avec les montagnes pour objectif premier. Derrière eux, la bande de « Grosse pine » (sic) ne lâche rien et semble guetter le moindre faux-pas pour ajouter toute cette chair fraîche au menu de l’orgie cannibale… Mais peut-on vraiment espérer résister quand, dans le même temps, le groupe semble incapable de se souder ?
« Wild chaotic, peak of my erotic. There’s a riot goin’ on. »
Rappelons d’abord que les vicieuses créatures au visage putréfié d’une croix n’ont pour seul objectif que de transformer nos territoires policés en gigantesque Pandemonium. Et là, c’est le drame. Car comme le dirait Doc Emmett Brown : « c’est sidérant, tout simplement sidérant ! » Malgré tout ce qui arrive à ces pauvres malheureux, on ne parvient pas à s’attacher véritablement à leur sort. A l’exception peut-être de Cindy, cette mère-courage capable de mener le groupe, ou de Kitrick, un homme brisé par la mort de sa famille sous ses yeux. Pour ce dernier, on apprécie d’ailleurs d’en apprendre plus sur ses origines, et cela contribue à nourrir, même tardivement, l’intérêt du personnage. Plus largement, seuls les trois derniers épisodes rendent un tantinet justice aux enjeux initiaux. Vous nous direz, c’est toujours ça de pris.
Concernant les explications du phénomène de contamination, le lecteur ne trouvera rien dans ce deuxième tome non plus. Ce qui, du reste, n’est pas un mal en soi, puisque nombreuses sont les œuvres à avoir perdu en force dès lors qu’elles ont tenté de lever le voile sur leurs mystères. Alors, comme le dit le personnage principal : « Gaz nocif ou colère divine, aucune réponse ne serait jamais satisfaisante. » Habile de la part d’Ennis, on signe.
Faute de cohérence ou de message clair dès le départ, « Crossed » s’achève telle une BD qui ne trouve que tardivement son équilibre entre, d’une part, la tension évidente qui devrait broyer les caractères dans pareille situation, et d’autre part une sorte de jouissance narrative symbolisée par les longues scènes consacrées aux zombies sadiques. En somme, Garth Ennis nous livre donc une œuvre qui tient plus de l’ébauche, ou d’un pitch fugace couché sur papier trop rapidement. Car à ne pas choisir fermement son « angle » d’approche, le résultat perd immanquablement en résonance.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, c’est donc bien une impression de platitude qui ressort du projet. Quelles que soient les thématiques abordées, on attend toujours d’une bande dessinée qu’elle nous emporte dans un récit riche en rebondissements, en répliques irrésistibles, en tripes. Et là, force est de constater que les seuls boyaux secoués sont ceux dessinés dans les mains des « zombies » cannibales… En dix épisodes, il y avait matière à sortir d’une certaine indolence déjà ressentie lors de notre précédente chronique. Garth Ennis, qui reste un auteur très apprécié (y compris de votre serviteur), retrouve un peu de souffle sur la fin, mais ce sursaut est trop tardif pour rattraper des lecteurs peut-être découragés par les 7 premiers épisodes. Moralité, il fallait donc pousser « Crossed » jusque
« Crossed T2», par Garth Ennis (scenario) et Jacen Burrows (dessin), Editions Bragelonne-Milady, Coll. Milady Graphics, septembre 2011, 128 p.
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