Trade Paper Box # 6 – Black Summer
1 août 2010[FRENCH] Et si un super-héros de premier rang décidait d’éliminer son propre gouvernement ? Décidément, Warren Ellis, auteur anglais particulièrement corrosif, aime la provoc’. Il le prouve une fois de plus avec cette mini-série en 8 épisodes récemment éditée en France par Milady, et originellement publiée chez Avatar Press entre 2007 et 2008.
It’s a cruel, cruel summer…
John Horus, héros démobilisé, ancien membre du groupe des « sept armes », décide de se retourner contre l’administration des États-Unis, qu’il juge coupable de trahison envers la Constitution, de corruption, de mensonges, de torture… Alors que les caméras sont braquées sur la Maison Blanche, le personnage fait irruption en salle de presse les mains et le costume maculés de sang. Horus vient d’exécuter froidement le Président, son Vice-président et plusieurs conseillers, et en appelle à présent à la conscience politique de ses concitoyens pour tourner la page. Rapidement, les premiers chasseurs Lockheed décollent de la base d’Edwards. Cet homme surpuissant, vêtu de blanc et à peine mégalo, vient de déclencher sciemment un cataclysme politique et humain sans précédent dans l’histoire des États-Unis.
Pour les anciens de la super-milice, les implications sont nombreuses. Le groupe officiellement démantelé, ils avaient essayé, tant bien que mal, de reprendre pied dans une vie plus ordinaire. Mais peu après l’intervention théâtrale d’Horus, ressurgit leur ancien mentor, Frank Blacksmith. Désormais intégré aux services secrets nationaux, celui-ci a pour mission de mettre ses protégés – ou devrait-on dire ses cobayes d’expérimentations – hors d’état de nuire. Dotés de pouvoirs assez dévastateurs, Tom Noir, Kathryn Artemis, Dominic Atlas Hyde, Zoe Jump, Angel One et Laura Torch vont devoir – bon gré mal gré – se retrouver, surmonter leurs divergences et répondre à la crise engendrée…
Un coup de cœur pour Ryp
On est toujours tenté d’analyser le poids, l’importance que prend le dessin ou le scénario dans le fait d’accrocher à une histoire. Clairement, la dynamite de ce titre vient des illustrations survitaminées que Juan José Ryp nous offre (http://juanjoseryp.blogspot.com/). Vous aurez peut-être reconnu le nom ou la patte de cet auteur déjà brillant lorsqu’il officiait sur « Robocop » (avec Frank Miller à la plume, toujours chez Avatar Press). Ses cases sont pleines, autant que chez Steve Skroce, avec force gravas, pans entiers de murs, pluies de balles et autres explosions qui insufflent une énergie incroyable aux enchainements. Warren Ellis, quant à lui, se retrouve dans un registre qu’il semble apprécier par-dessus tout : celui du coup de pied dans la fourmilière. Ses personnages jurent, s’invectivent, se prennent même allègrement par le col, et n’ont pas vraiment un comportement exemplaire. En somme, à l’image de « The Authority », le scénariste aime les antihéros et goûte le fait de renverser la perspective. Le contexte politique ou le message porté par la série s’inscrivent dans cette logique.
A Watchmen-like ?
« Black Summer » est une excellente mini-série, ça ne fait pas un pli. Extrêmement rythmée, particulièrement bien dessinée, elle pêche cependant par son incapacité à dépasser la proposition initiale. John Horus se débarrasse du gouvernement, mais, comme le dirait le plus célèbre acteur/VRP en café au monde : What else ? La course-poursuite qui s’organise, l’impression d’urgence qui en découle, ces éléments sont certes amenés avec brio par Ellis, mais on aurait aimé en apprendre plus sur les conséquences de ces crimes. D’un point de vue cosmo-philosophique – sinon moral, on appréciera la nuance relative du dénouement, et des enseignements qu’en tirent les personnages. Ellis avait terminé sa démonstration par l’absurde, et ça lui semblait bien l’essentiel.
Vu de l’éditeur, la com’ sur cette BD s’était organisée autour d’une parenté thématique vis-à-vis de « Watchmen ». Ce choix nous semble peu judicieux, car il dessert finalement notre perception de la trame à chaque moment. Oui, le fond se trouve en deçà de ce tout qu’Alan Moore avait su faire passer avec finesse, puisqu’ici, tout est brut de décoffrage. Pour autant, ce TPB possède un charme qui nous engage à outrepasser le côté excessif de certaines postures – volontairement binaires – adoptées par le père de Jenny Sparks. A lire, donc, décontracté et sous un soleil d’été, sans velléité d’y trouver quelque réponse au grand mystère des organisations humaines.
[Nicolas Lambret]« Black Summer », par Warren Ellis (scénario) et Juan José Ryp (dessin), Bragelonne – Milady, Coll. Milady Graphics, novembre 2009, 200 p.
Ellis en forme, Ryp au sommet : que demande le peuple? Bien mieux que No Hero, Black Summer défouraille sévère et laisse un sale goût dans la bouche, un peu comme Red du même Ellis. A lire forcément.