Trade Paper Box #66: Bienvenue à Hoxford

[FRENCH] Mini-série en 5 épisodes enfantée en 2008 par Ben Templesmith – déjà célèbre pour ses précédentes productions d’horreur –, « Bienvenue à Hoxford » est arrivée en France à l’été 2011 par l’intermédiaire des éditions Delcourt. Et avant d’entrer dans le vif du sujet, façon saignant, il est important de préciser qu’il s’agit bien là d’une création destinée à un public des plus avertis. De par son propos mature comme ses innombrables gerbes de sang, « Hoxford » pourra rebuter certains lecteurs. Vous avez donc choisi de franchir les portes du pénitencier ? Bien, après vous…

Séjour all-inclusive pour fêlés du casque

Quand l’administration pénitentiaire américaine délègue à une société tierce et d’origine russe la gestion et l’incarcération des criminels les plus dangereux du pays, elle donne naissance au mystérieux établissement de Hoxford. Vous connaissiez le ténébreux centre de Shutter Island ? Eh bien, ici, point de faux-semblants : les bêtes sont partout dans et hors les cellules… La nuit venue, il se peut que ces mots soient même à prendre au pied de la lettre !

Le pénitent le passe

L’aventure démarre fort, avec la présentation de Ray Delgado, ce jeune vétéran de l’armée américaine, psychopathe condamné à la perpétuité pour 21 meurtres. Abusé sexuellement durant son enfance par son père et son oncle, témoin de la mort de sa mère, le nouveau résident d’Hoxford va rapidement trouver ses marques dans l’univers extrême que constitue l’établissement. Entre délires christiques et éclairs de lucidité, Ray n’est pas aussi disjoncté que ses codétenus pédophiles ou nécrophiles et sa relation de confiance avec le Docteur Jessica Ainley constitue ainsi l’un des aspects les plus attachants du plot.

Une fois posé le personnage, sa folie et le danger qu’il représente pour l’institution, la seconde partie du scénario donne lieu à une sorte de chasse à l’homme généralisée, qui rentre rapidement dans le rang question tension et angoisse, puisque les protagonistes jouent carte sur table contre les lycanthropes, flingues contre griffes. Pris dans son ensemble, le récit possède certes une force incontestable et, surtout, une ambiance pesante. Pourtant, on ne parvient pas à réellement déceler de souffle saisissant à cette histoire, sinon l’envie de narrer le retour au bercail du monstre parmi les monstres, jusqu’à sa prise de pouvoir. Pour certains lecteurs, cela apparaîtra peut-être suffisant, compte-tenu du format en cinq épisodes. D’autres, pourront aussi y voir une aventure rapidement consommable et divertissante. Certains, enfin, trouvera ça court.

Ben Templesmith adosse sa création à une ambiance graphique des plus lourdes, avec des couleurs oscillant entre le très sombre et le très saturé, pour des planches presque éclairées à la bougie. Et de ce côté, on peut dire que le niveau de la réalisation est excellent. Même le character-design général est assez pertinent. Ray Delgado, la Graille, Morton… cette faune de cramés du citron a vraiment de la tronche, tout comme les loups-garous et leurs silhouettes imposantes ponctuées d’un rouge regard. Mais trop de cases restent posées sommairement pour ne pas donner l’impression d’une série produite rapidement. Car le talent graphique de Ben Templesmith est indéniable (« 30 jours de nuit », « Wormwood », « Silent Hill ») et un sketchbook bienvenu en atteste une nouvelle fois, en fin de volume.

De portée limitée ?

Evidemment, il saute aux yeux que l’auteur avait envie d’ « envoyer sec » le temps d’une mini-série directe et sans circonvolution. Ben Templesmith l’exprime du reste très clairement dans sa préface. Et pour ça, pas de souci, tout lecteur désireux de plonger dans cet univers carcéral ultra-violent y trouvera son compte, avec force giclées de sang, des macchabées, des tueurs en série cannibales et, bien sûr, des loups-garous… On comprend également qu’il y a là un discours sur la bestialité qui entoure et nourrit les microcosmes pénitentiaires. Après, pour véritablement trancher sur ce tome, il sera surtout question d’accrocher ou pas à l’esthétique de l’ouvrage, capable à la fois du meilleur avec de superbes compositions pleines pages, et, malheureusement, de cases mineures trop esquissées pour ne pas perdre en intérêt. La mise en couleur, elle, reste en revanche maîtrisée sur l’ensemble des 5 épisodes et contribue massivement à l’atmosphère bien glauque et poisseuse qui règne sur la prison. Pour l’originalité de son concept, « Welcome to Hoxford » mérite cependant que tout amateur de récit d’horreur se fasse sa propre opinion en se repaissant des meilleurs abats de cet inquiétant anti-héros.

[Nicolas Lambret]

« Bienvenue à Hoxford », par Ben Templesmith (scénario et dessin), Editions Delcourt, Coll. Contrebande, août 2011, 100 p.

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