La trêve entre Aesirs et Cimmériens n’est plus. Brecan avait commis l’irréparable en tuant le fils de Wulfere, roi des Aesirs et pour faire oublier sa forfaiture, c’est son épouse Caolan qui s’était courageusement offerte au royaume d’Asgard. Mais à présent que Caolan s’est enfuie, cette paix fragile pourrait bien voler en éclat… Sur le chemin qui le ramène en Cimmérie, 3 ans après avoir quitté son peuple pour découvrir le monde, Conan va croiser le chemin de Caolan, son premier amour, et désormais fugitive en proie à l’armée aesir menée par Horsa… Au terme de son exil volontaire, Conan va alors s’engager par l’épée dans la résolution du conflit. Et trancher dans le vif, parce qu’il le faut…
« Tu es un errant, Conan… comme le fut ton aïeul. » Outre la vigueur de son aventure centrale, la véritable force de cet album réside dans la filiation qui unit les deux personnalités de Connacht et son petit-fils Conan. Constamment reliés, quoique présentés de manière parallèle et stylistiquement distincte, ces deux retours en Cimmérie donnent une portée significative à la vie du barbare : « Pourtant, hors ces billevesées, trésors et cités précieuses, il t’a aussi enseigné que le monde est terrible, rempli de traîtres prêts à dévorer le naïf. Il devait savoir qu’un jour, à travers la fumée, tu discernerais les vérités. »
Conan avait-il le choix ? Oui, mais il a néanmoins choisi d’expérimenter par lui-même que ce que son ancêtre avait constaté. La civilisation, les perfidies, l’illusion des abondances : « Tout ce qui reluit n’est pas or. Pour les citadins, duperies et trahisons sont pain quotidien et sel de la vie. » Timothy Truman n’est pas cependant pas naïf, lorsqu’il permet à Caolan de rétorquer : « J’ai tâté aussi de la félonie, si tu crois les cimmériens plus honnêtes, tu te trompes fort. » Mais Conan, guerrier sans vanité aucune, honore ses engagements et la volonté de Crom. Les serments de jadis, notamment ceux forgés avec les loups, lui seront utiles. Et le fils de Corin leur restera par ailleurs fidèle.
Cette association fonctionne parfaitement et maintient le rythme à un niveau élevé, en soutenant avec force une excellente histoire. La partie assurée par l’Argentin Giorello, se présentant à nous sans encrage, est d’une rare beauté – également mise en valeur, il faut le reconnaître, par la peinture très douce de José Villarubia.
C’est peu dire que le prochain tome est attendu avec impatience. Délicat et intelligent, dépaysant aussi, ce second chapitre des aventures adaptées par Dark Horse nous comble et nous donne envie de replonger rapidement dans cet univers si riche. N’en déplaise aux bons esprits qui n’ont jamais lu R.E. Howard sans pour autant se priver d’en caricaturer le personnage principal, Conan est, qu’on se le dise, tout sauf une affaire de brute en peau de bête. Conan est personnage sain, un homme d’honneur, un mystique sans culte, un curieux et un jouisseur… Conan, c’est Clint Eastwood. Et comme aurait pu le dire en son temps « Harry le charognard », ça fait toujours du bien de lire un album de ce gros calibre.
[Nicolas Lambret]« Conan, Cimmérie », par Timothy Truman (scénario), Tomas Giorello et Richard Corben (dessin), Editions Panini, juillet 2011, 150 p.
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