Pour sa troisième version de Spider-Man et après avoir douloureusement démontré qu’on ne pouvait décemment pas procéder à un « hard reboot » et reraconter les origines d’un même personnage tous les six ou sept ans, Sony a compris la leçon ou plutôt s’est laissé convaincre par Marvel Studios de ne pas repasser une fois de plus par la génèse. Spider-Man Homecoming n’évoque donc que très occasionnellement le pourquoi du comment Peter est devenu Spider-Man. Il y a une vague phrase où il évoque le fait de s’être fait piquer par une araignée, plusieurs mois plus tôt, et l’Oncle Ben est traité par ellipse. Comprenez qu’on ne fait pas directement allusion à lui. On évoque plutôt la perte qu’a connue May Parker. Le mantra qui veut qu’avec « les grands pouvoirs viennent les grandes responsabilités » brille également par son absence (mais dans le même temps, il faut bien dire que dans le comic-book ce n’est pas comme si la phrase était dans tous les épisodes).
Il n’y a même pas à proprement parler de listing détaillé des aptitudes du héros. Si bien qu’on n’évoque pas la présence d’un « sens d’araignée » (mais que les choses sont tellement ouvertes que s’il était mentionné dans le film suivant ce ne serait même pas une contradiction). Cela donne une idée de la marge que se sont laissés les studios. Peter est plus fasciné par deux choses : les applications qu’il trouve dans le costume offert par Stark et… la figure paternelle que devient, un peu malgré lui, ce même Stark. Si bien d’ailleurs qu’à un moment, à deux doigts de mourir, Spider-Man ne repense pas à l’Oncle Ben mais bien à ce que lui dirait Stark en pareille occasion. Si la chose peut sembler être une emprise de Marvel Studios sur la philosophie du héros, on va voir cependant que la finalité est toute autre.
C’est une évidence : Quoi que l’on pense du scénario, de la réalisation ou de la production (et l’on évoquera ces points un peu plus loin), Tom Holland est le meilleur Peter Parker qu’il nous ait été donné de voir à l’écran. Petit, nerveux, nerd, il transforme l’essai de Civil War, là où Tobey Maguire ou Andrew Garfield n’étaient jamais que des trentenaires tentant de faire croire qu’ils étaient encore en âge de traîner en Seconde. Le Parker d’Homecoming, lui, est « naturel », ce qui tombe d’autant mieux qu’une large partie du film repose sur le fait que le héros s’interroge sur ce qu’il veut être. Le Peter façon Holland, c’est ce loser, ce type à qui 90% de la classe ne veut pas parler, sauf pour se foutre de sa gueule. On est très loin de la version Garfield qui faisait du skate avec du gel plein les cheveux et la veste militaire « pour faire genre ». Non, là on est dans le vrai. Pas dans un vrai qui suivrait les éléments à la lettre (le petit clan des proches en sort quand même assez modifié, réinventé), mais dans une logique qui suit l’esprit, la nature du personnage… Et un Peter Parker naturel, cela veut dire (gasp) un teen-ager nerveux, maladroit, qui cache sa timidité non seulement derrière un masque mais aussi derrière une bonne dose de vannes. Oups. Le mot est lâché. Oui, voilà un film de super-héros au demeurant rempli de « one-liners », de blagues. Mais rassurez-vous, c’est… Normal. C’est Spider-Man. Ce cocktail d’aventures et d’humour, c’est son ADN.
Oui oui, on sait, « Marvel Studios a provoqué la mort du cinéma, c’est de l’humour facile, c’est pour les adolescents, c’est le Maaaaaaal… » et ainsi de suite. A n’en pas douter Spider-Man: Homecoming s’attirera dans les endroits où l’on parle « cinémaaaaa… » ces critiques toutes faîtes où il suffit de changer les noms propres et les dates, critiques pas moins standardisées que le préformattage qu’elles prétendent dénoncer. Reprenons donc les choses à la base. Oui, au bingo des critiques, Spider-Man déclenche la plupart des signaux requis. Oui c’est un héros Marvel, mais avant de crier à l’uniformisation/invasion des choix de Marvel Studios, il convient d’en revenir à la véritable chronologie des choses. En 2002, l’apparition de Spider-Man sur le grand écran a été a bien des égards la véritable apparition moderne d’un super-héros décomplexé au cinéma (chose qu’on n’avait pas vu depuis les Batman de Burton). Avant cela on avait, certes, Blade ou les X-Men mais ils s’inscrivaient encore dans une lignée post-Matrix. Sam Raimi (et avant lui James Cameron, qui a largement défriché le terrain de la production de Sony) a porté à l’écran des choses présentes dans le comic-book depuis 1962. A savoir que Spider-Man est le Caliméro des super-héros, qu’il porte sur ses épaules tous les malheurs du monde… mais qu’il tourne le dos au misérabilisme avec une sacrée dose d’ironie. Spider-Man est le héros qui place des one-liners par excellence. Il s’en trouvera bien pour nous dire que c’est le énième héros du genre à l’écran, que le méchant Marvel continue d’appliquer sa recette partout. Mais Spider-Man, tel que créé par Stan Lee et Steve Ditko, c’est THE Original. Et s’étonner de trouver de l’humour d’ado là -dedans, ce serait un peu comme râler de la présence d’eau dans… Les Dents de la Mer.
Marvel est pourtant bien présent, voire omniprésent. Les apparitions répétées d’Iron Man/Tony Stark (Robert Downey Jr.) dans les bandes annonces et sur les affiches veillent à ce que la chose n’échappe à personne. Mais pas « présent » comme on pourrait le croire/le craindre (selon votre camp). Iron Man fait son show, Downey cabotine… mais dans des scènes très localisées du film. Peter n’arrête pas de penser à lui comme à un nouvel oncle de substitution. Mais tout le jeu consiste à déterminer comment faire partie de l’univers Marvel sans faire double emploi. A ce niveau-là , les dialogues des deux personnages forment pratiquement un méta-commentaire bien moins anodin qu’on pourrait le croire. D’ailleurs on peut en parler puisque l’extrait figure dans l’une des bandes annonces. Quand Stark, en mode balourd qui se voudrait mentor mais qui ne débite que des banalités, conseille à Peter de « faire tout ce qu’il ferait, lui » mais aussi « de ne surtout pas faire ce qu’il ferait », la contradiction prête à sourire. A un autre degré, c’est l’énoncé de la problématique Sony. Faire comme Marvel mais en même temps ne pas faire du Marvel, en tout cas pas au point de paraître pour un clone.
Là -dessus, les résultats sont inégaux, avec par exemple l’utilisation d’une intelligence artificielle dans le costume made-in-Stark de Spider-Man qui fait qu’il est tentant de voir là -dedans une sorte d’Iron Man Bis (et la chose pourrait s’avérer problématique si l’on utilisait encore la même ficelle dans un autre film). Mais toute l’idée d’Homecoming est de montre comment, après avoir été « absorbé » par les Avengers, Spider-Man peut revenir à New York est trouver une tonalité qui lui est propre, en étant le Friendly Neighbourhood Spider-Man (« L’Araignée sympa du quartier« ). Spider-Man croise Iron Man mais, au bout du compte, c’est pour mesurer tout ce qui les différencie. Ce n’est pas un film Marvel Team-Up : Iron Man & Spider-Man (même si les personnages n’en sont pas conscients). Entre les deux il y a un fossé des cultures. En clair, Spider-Man est ce héros proche des gens qui s’occupe de menaces qui ne feraient pas bouger le petit doigt de Tony Stark. Cela ne le prive pourtant pas d’enjeux. Bien au contraire puisque les choses sont, du coup, beaucoup plus personnelles.
Reviens comic box… Reviens tu nous manque!!!!!!!!!
Vivement mercredi. Merci Xavier. Ton article donne furieusement envie.
Ravi de vous relire!
Et si le moral est là (et notre espoir avec lui), vous pouvez, même en retard, vous permettre de critiquer les Guardiens 2 et Wonder Woman. A très vite Comic Box!
@ Ced : A priori non parce que ça demanderait du temps, autant de temps que l’on n’a guère et que l’on grillerait à ne pas faire des choses plus pertinentes. Ou peut-être si cela nous reprend pour une sortie DVD.
Yes, d’accord avec Kerrien et les autres ! C’est bon de vous relire !