On pouvait croire, à voir teasers et photos de presse, que le second rôle féminin du film serait la dame au sabre, Katana (Karen Fukuhara). Mais non. C’est même régime sec en ce qui la concerne car, en dehors d’une brève phrase de Flagg nous expliquant ce que fait l’épée de sa co-équipière, la jeune femme… ne parle pas anglais. Peu loquace, ses rares répliques se font en japonais, devant des personnages qui ne parlent pas la langue et restent médusés, sans comprendre ce qu’elle raconte. A croire que c’est Groot !
Non, celle dont on avait des raisons non-fondées de sous-estimer l’importance, c’est l’Enchanteresse (Cara Delevingne). Au contraire, même si visuellement le personnage, plus « tribal », est très différent de la manière dont elle est dessinée dans les comics, le scénario prend la peine d’installer et de montrer les origines de June Moon et de sa malédiction (elle est possédée par l’esprit d’une sorcière antique). A bien y regarder, les lecteurs de comics comprendront que les scénaristes du film ont décidé de comprimer trois personnages en un. Cette Enchanteresse-là , elle tient autant de June Moon que de Nightshade (autre membre du Suicide Squad des comics) et de Karin Grace (la petite amie initiale de Flagg dans la BD). Cette compression se justifie assez dans le récit. Par contre, malheureusement, passé un certain stade, l’utilisation de l’Enchantresse devient parfois incompréhensible, pour mieux justifier des clichés. Et là , le personnage devient unidimensionel. Comme par exemple ce moment où, juste après la décision de créer le Suicide Squad, Flagg et l’Enchanteresse partent seuls en mission sans qu’on prenne la peine d’activer les autres, parce que le script a besoin que la sorcière fasse une crise à ce moment-là et qu’une partie de la suite dépend du fait que cela se passe comme ça et puis c’est tout.
De la même manière les motivations et des actes du reste du casting demeurent quand même assez floue. Va pour Killer Croc (Adewale Akinnuoye-Agbaje, l’ex-Kurse de Thor: le Monde des Ténèbres et peu reconnaissable sous les écailles), qui est simplement un homme-crocodile, point, et un personnage monolitique, le muscle du groupe (encore qu’il mette un moment avant de démontrer son utilité). Lui aussi est une forme de « Groot ». Boomerang (Jai Courtney), plus massif que dans la BD, est bien écrit de manière à faire allusion à quelques passages du comic-book, pas de problème. Mais les allusions resteront sans doute un peu invisibles pour ceux qui ne connaissent pas les épisodes en question. On ne sait pas trop les origines de Boomerang ou ce qui le fait avancer, à part l’appât du gain. Ce qui fait que le fait qu’il se rallie parfois au discours de Deadshot reste inexpliqué. Jai Courtney donne de la gouaille au personnage, mais l’écriture du film ne se donne pas assez la peine de le définir. On a envie de rapprocher ce personnage de celui de Jon Bernthal dans Fury, du même réalisateur, mais on ne nous en donne pas assez pour confirmer l’impression.
Pour El Diablo (Jay Hernandez), c’est autre chose. Le fait qu’il reste en retrait et ne découvre que sur le tard joue un rôle dans la dynamique du groupe. Mais le problème, ce sont ses pouvoirs, qui vers la fin évoluent de manière anarchique. « Depuis quand as-tu ce pouvoir ? » lui demande un autre personnage. « Je l’ai toujours eu » réponds Diablo avant de ne plus du tout se servir de cette aptitude, qui n’était nécessaire que pour passer une scène. C’est un peu la même chose pour les créatures qui menacent le monde et qui constituent les « boss de niveau » du film. Dans un premier temps, il paraît clair que les deux démons veulent détruire l’armement des humains afin de régner sur le monde et une horse d’esclaves au cerveau lavé. Et puis, à un moment, les gens du Suicide Squad semblent pris d’une illumination et décident arbitrairement que les deux autres veulent détruire la planète et qu’il faut absolument détruire une sorte de faisceau pour la sauver… plutôt que de se concentrer d’abord sur les démons en question (qui actionnent le faisceau). Du coup la stratégie du Squad devient assez floue et, çà , même la folie d’Harley Quinn ne saurait l’expliquer. Du coup, à un moment, la mission semble se réduire à un mode « Capture the flag » bien connu des gamers mais pas très solide en termes de narration.
Même chose, à nouveau, à peu près dans la même phase du film, quand l’Enchanteresse se met inexplicablement à avoir des convulsions au niveau des jambes. Cara Delevingne prend alors l’allure d’une figurante prise d’une furieuse envie d’aller aux toilettes mais qui n’oserait pas le dire de peur d’interrompre le tournage. C’est plus comique qu’autre chose mais ce qui est dommage c’est qu’Ayer, à travers des films comme Training Day ou Swat nous a habitué à des films où les méchants sont complexes et capables de revirement, le « bon » n’étant pas forcément celui que l’on croit. Là , il y a bien une forme de trahison mais elle arrive assez vite dans le film, trop pour qu’on lui accorde beaucoup de profondeur. Et passé ce cap la menace démoniaque reste assez plate et sans surprise. Le film originel des Ghostbusters faisait mieux sur ce terrain-là .
Très chouette format, et le fond ne s’est pas effacé au profit de la forme. Du coup, un grand merci!
PS: félicitations pour le n°100… même si je me suis senti vieillir avec vous pour le coup…