On a tremblé en arrivant à Angoulême. Tremblé sous la pluie mais aussi d’inquiétude (un peu) en constatant une petite fréquentation les premiers jours. Cela faisait étrange de traverser la rue piétonne qui sert de colonne vertébrale au Festival International de la Bande Dessinée et de la trouver presque vide. En fait la météo expliquait ce démarrage lent et, à partir de vendredi, le public se montrait bien plus présent. Du côté des exposants et des éditeurs, on nous confiait que c’étaient sans doute les badauds et les simples curieux qui ne s’étaient pas motivés. Les habituels passionnés étaient là, eux, pour une édition finalement exceptionnelle. Exceptionnelle parce qu’elle les attentats du début du mois de janvier étaient encore omniprésents dans les esprits, que divers hommages étaient organisés en l’honneur de Charlie Hebdo. Et puis il y avait deux grandes expositions elles aussi notables.
D’abord, il y avait celle du président théorique de la manifestation, Bill Watterson. L’an dernier certains tenants de la BD franco-belge s’étaient gaussés de l’élection de Watterson. Ce dernier, en effet, est connu pour défendre farouchement sa vie privée et ne jamais bouger de chez lui. Ils prédisaient un « vide » dans cette édition. Eh bien, les détracteurs devront trouver d’autres motifs… Car si Watterson n’était pas physiquement présent, l’esprit, lui, était là. D’abord à travers l’affiche que l’artiste a lui-même réalisée pour le festival. Ensuite, donc, par une exposition très vivante et pédagogique où les organisateurs avaient la bonne idée de contextualiser. À savoir que les curieux qui ne connaîtraient que Calvin and Hobbes avaient non seulement une bonne dose d’originaux à admirer… mais aussi des pièces qui ont inspiré l’artiste, tirées des strips de presse qui l’ont précédé. On y croisait, ainsi, une planche originale d’Alex Raymond sur Flash Gordon ainsi qu’une véritable explication de texte sur l’historique du strip de presse en Amérique.
Jack Kirby, le « King », était plus présent que jamais, à travers une superbe exposition (dont nous vous parlions déjà dans Comic Box #92) qui a vu défiler des milliers de visiteurs en quelques jours. Ici, le choix était différent. Pas d’originaux au programme (de quoi faire grincer les dents de quelques puristes) mais au contraire des reproductions de haute qualité des planches… qui avaient l’avantage de ne pas nécessiter de vitres pour la protection. Le visiteur pouvait donc profiter de la « patine » des œuvres mieux que si l’on avait exposé des pièces de grande valeur. La scénographie était exemplaire (un Darkseid géant accueillant le public à l’entrée, tandis qu’à l’autre extrémité du mur les Challengers de l’Inconnu repoussaient le robot Ultivac… La sélection des images couvrait vraiment toute la carrière de Kirby, de Blue Bolt à 2001 en passant par les New Gods ou les X-Men. Au niveau des conférences, Kirby recevait également la part du lion…
Et puis Angoulême ne manquait pas de sacrifier à son rituel le plus connu… la file d’attente des dédicaces. De ce côté-là, on aura vu du beau monde. Brian K. Vaughan, Scott Snyder, Mike Deodato, Charlie Adlard, Paul Renaud, Richard Isanove, Fiona Staples, Matteo Scalera, Sean Murphy, Derf Backderf, Ivan Brandon, Wes Craig et d’autres encore assuraient le service sur les stands de Çà et Là, Delcourt, Glénat, Panini Comics ou Urban Comics. Mention spéciale pour Jean-Yves Mitton ou Thomas Frisano qui avaient fait eux aussi le voyage et faisaient le bonheur de la génération Lug. C’était vraiment une édition privilégiant la diversité et il y en avait pour tous les goûts. Après le festival de 2014 qui, déjà, nous semblait aller sur le bon chemin, celui-ci a confirmé l’impression. Vivement 2016 ?
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