Avengers : Marvel 1985 #1 [Marvel]
Scénario : Mark Millar
Dessins : Tommy Lee Edwards
Sortie aux USA le 28 mai 2008
Je dois dire que j’attendais « 1985 » avec un à priori concernant le dessin. Avant que les fans de Tommy Lee Edwards me tombent dessus, laissez-moi préciser que ce n’était pas en soi un jugement négatif sur le talent du bonhomme mais plutôt sur l’adéquation entre son style (sombre et personnel) et le côté « gros effets spéciaux » d’un event que la couverture semblait nous promettre. Dans « Bullet Points », par exemple, l’histoire n’était pas forcément mauvaise, le dessinateur non plus mais ça ne collait pas. S’ajoutait à ça le fait que le projet avait un temps faillit être une sorte de roman-photos à gros budget qui promettait alors un effet « widescreen », un peu comme un film dont on aurait pu tourner les pages… Aussi c’est avec un certain soulagement que je me suis aperçu dès les premières pages que la couverture est trompeuse et qu’elle est peu représentative du contenu, beaucoup plus intime que ne le laissait prévoir les vieux pitches…
D’abord, les événements sont vus par les yeux d’un garçon de 13 ans dingue de comics. Après le héros de Kick Ass et, d’une certaine manière, celui de Wanted, Millar continue donc d’explorer le thème de la quète de soi passé dans le moulinex de la fantaisie adolescente. Mais cette fois il utilise un certain sens de l’émerveillement. Pour son jeune héros, tout est étrange. Que ce soit les deux vendeurs de comics se disputant pour s’avoir s’il doit acheter Secret Wars ou Cerebus ou les étranges habitants de la maison abandonnée… Sur la scène dans le comic shop, je dois dire que ca m’a effectivement replongé un peu plus de vingt ans en arrière, quand les arrivages de comics avaient encore un goût d’exceptionnel. Le réseau de ventes s’étendait tout juste et il n’y avait pas l’autre réseau, celui du web pour savoir si, oui ou non, telle ville voisine avait bien reçu tel numéro #1 et s’il s’agissait effectivement d’une rareté ou si le vendeur était en train de saler le prix en toute connaissance de cause. Toute une époque que Millar a bien campé dans sa courte scène. Un vendeur est très théatral, discutant la vente de son Secret War comme s’il était en train de vendre le Graal… Sur l’autre, la parodie est moins évidente mais elle est tout aussi réelle: l’idée qu’un gosse de 13 ans lise un truc de super-héros lui déplait et il tente de l’initier à Cerebus sans trop s’occuper de savoir si c’est de son âge… J’ai bien aimé la mention de Cerebus – série hors-Marvel – là où celle d’autres séries de l’éditeur dans Kick Ass m’avaient paru faire un peu dans le copinage… Mais surtout globalement j’ai bien aimé comment Millar dresse son univers à coups de tranches de vies et non pas à coups de lasers ou d’effets « in your face »…
L’escapade du gamin et de son père est aussi intéressante sur le plan humain. Miracle, le papa s’y connait un peu en super-héros (traditionnellement les parents de jeunes héros lecteurs de comics méprisent les comics, leur reprochant de perdre leur temps). Ici comme dans la scène du comic shop, le comic book est vu comme un lien social. Le gosse et son père s’en servent pour discuter, pour animer leur relation. Bon, la culture du père en terme de BD n’est quand même pas suffisante pour le faire tiquer quand il croise un type à grosses lunettes à l’allure familière… Mais quand même… Le petit, lui, s’interroge… Il s’interroge encore plus quand il voit le visage de quelqu’un l’observant d’une fenêtre… C’est là où l’emploi de Tommy Lee Edwards trouve toute sa justification. Je suis assez content que cette histoire ne nous soit pas parvenue sous la forme d’un roman photo telle qu’elle devait l’être au début. Si cela avait été le cas, nous aurions passé notre temps à regarder le défi technique (contre lequel je n’ai rien au demeurant) plutôt que les réactions des personnages. Edwards dessine tout ça d’une main de maître: même quand les personnages familiers commençent à se manifester, vers la fin, ils gardent un degré de bizarrerie, quelque part entre des personnages dessinés de façon réelle et d’étranges gargouilles. Je ne suis pas sûr que la photographie, sur ce coup, serait arrivé à véhiculer les mêmes émotions… D’ailleurs pour s’en convaincre il suffit de regarder la dernière page qui avait circulé dans sa version photographiée il y a quelques années. Non, décidément, de ce côté-là TLE se révèle excellent. Millar aussi, à l’évidence, mais il conviendra de voir où il emmène tout ça. Si les épisodes restants devaient n’être composés que de gros costauds se tapant dessus (mais rien ne dit que ce sera le cas), il aurait perdu ce petit parfum d’humanité qu’il a réussit à donner à ce premier numéro. S’il arrive à conserver ce sens de l’émerveillement de bout en bout, la série aura tenu son pari. Vivement le mois prochain qu’on en sache plus!
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