Depuis 2016 Geoff Johns joue avec le mystère des trois Jokers : les différentes facettes du Clown du Crime seraient en fait imputables à trois individus se partageant la même identité. Quatre ans plus tard l’auteur se décide à aborder frontalement la question. La réponse est, sur ce premier numéro, comment dire… un peu en deçà des attentes ?
Scénario de Geoff Johns
Dessin de Jason Fabok
Parution aux USA le mardi 25 août 2020
Au bout de quelques pages la question qui s’impose est… est-ce que Three Jokers est dans la continuité ? Sans doute que oui mais si c’est le cas la minisérie Black Label que lancent cette semaine Geoff Johns et Jason Fabok s’y prend carrément mal pour trouver sa place dans l’univers partagé de DC. Est-ce que les événements se passent AVANT l’actuelle Joker War dans les titres Batman réguliers ? Vu la présence d’un certain allié du chevalier noir on serait tenté de dire que oui. Ou non. On ne sait pas où et comment placer ce récit tant les signaux semblent contradictoires. Bien entendu les adversaires du concept d’univers partagés pourraient y trouver un motif de satisfaction. Bien sûr qu’il faut juger une oeuvre de façon autonome et s’intéresser ensuite à la texture dans laquelle elle s’insère. Le révéré Batman: The Killing Joke fonctionnait déjà selon cette logique il y a déjà plus d’une trentaine d’années. Mais là, l’idée de Geoff Johns n’est pas cohérente avec… l’idée de Geoff Johns telle qu’elle était énoncée dans les derniers mois des « New 52 ». Batman est (en théorie) au courant de l’existence de trois Jokers différents depuis les derniers épisodes de l’arc de Darkseid War dans Justice League en 2016. Mais là, bizarrement, il ne semble pas vraiment se souvenir de cette découverte et l’accent est mis sur le fait que le héros et la police de Gotham remarquent un jour que le Joker ne peut pas avoir commis trois crimes différents au même moment et qu’il y a donc au moins trois personnes qui utilisent cette identité. Le plus étonnant est que l’histoire semble banaliser cette idée. On rappelle à souhait que le Joker a déjà, par le passé, utilisé quelques complices se faisant passer pour lui. Et deux des trois Jokers semblent obéir aux ordres du boss. Fidèle à son habitude Geoff Johns collectionne les références à des épisodes anciens (par exemple Fatman, la version obèse de Batman), nous présente trois Jokers distincts (essentiellement celui du Golden Age, celui des années soixante/soixante-dix et enfin celui de Killing Joke… ne nous demandez pas où est passé le Joker du reboot de 2011, c’est comme s’il n’avait jamais existé). Mais tout cela manque singulièrement d’âme, et sent le « produit » plus qu’autre chose.
Jason Fabok lui-même semble un peu à la peine sur certaines pages. On reconnait son style mais ses visages, ses expressions, se font plus laborieuses et n’arrivent pas toujours à véhiculer l’état d’esprit de Bruce Wayne ou de ses alliés les plus proches. Le dessinateur semble du coup un peu en pilote automatique et peine à nous « vendre » certains moments potentiellement intéressants. Sans préjuger de ce que vaudra la série dans son ensemble ce premier numéro semble à la peine. Ce n’est très certainement pas (pour l’instant) la réinvention historique du Joker qu’on nous avait promis. Et en un sens cette « découpe » a tendance à décrédibiliser les facettes du personnage. Par exemple il faudrait croire que le clown de Killing Joke n’a pas fait grand-chose depuis qu’il a martyrisé Batgirl et qu’il se contente de se promener avec la même chemise et le même chapeau. Tout celà manque un peu d’envergure. Il existe aussi une possibilité peut-être un peu téléphonée. S’il existe bien trois Jokers qui sont tous le reflet de leur époque, la logique voudrait-elle que l’ère actuelle enfante son propre Joker ? Batman: Three Jokers est-il pensé pour créer un quatrième Joker, nouvel avatar moderne du Clown ? Si cela devait être le cas, le personnage qui pète un cable dans les dernières pages semble être le candidat idéal. Mais il est a espérer que le but de cette saga n’est pas si « évident ». Bref, Batman: Three Jokers peine à convaincre…
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